L’espace participatif numérique : un dispositif sociotechnique participatif documentaire et conversationnel 

De l’utopie technologique à l’humanisme numérique

Dans ce premier chapitre nous examinons les principaux concepts qui ont contribué à fixer un cadre de compréhension cohérent des technologies de communication et d’information. Notre objectif ne consiste pas à recenser minutieusement et chronologiquement des courants théoriques, mais à appréhender des points de vue significatifs – souvent opposés – d’auteurs de référence afin de mieux comprendre la place, le rôle et l’influence de la technique dans la formation d’usages sociaux. Ici, nos objectifs visent à relativiser le technicisme, à porter un regard critique sur le déterminisme, et finalement à (dé)montrer que les caractéristiques intrinsèques des techniques ne jouent pas un rôle déterminant dans l’éclosion de nouvelles formes d’expression de consommation.

La promesse d’un monde meilleur

Dès les années quarante, avec l’émergence des théories de la communication, les auteurs ne cessent de s’interroger sur le concept de communication. L’étude du fonctionnement du cerveau, l’analyse du rapport entre l’homme et l’outil et la prise en compte de la nécessité pour l’être humain de dialoguer et d’échanger avec l’autre deviennent insuffisantes pour appréhender de façon exhaustive ce phénomène. Pour Philippe Breton (1997) le mot communication est fourre-tout sans définition possible car, s’inscrivant dans de multiples champs disciplinaires il se comprend différemment. Ainsi, la communication prend des formes multiples : interpersonnelle, médiatique, politique, institutionnelle, médiatisée. Dans ce travail de recherche, nous faisons référence à la communication médiatisée. Bernard Miège (2004) définit avec pertinence cette communication comme un « Processus d’élaboration, d’émission, de transmission et de réception d’un message qui englobe d’autres phénomènes sociaux » en précisant « Qu’il s’agit à la fois des outils qui permettent d’échanger des messages écrits (extension des outils déjà existants) et la production de contenus interactifs et multimédias accessibles via des réseaux à haut débits ». Dominique Wolton (1997/2008, 2010) souligne les diverses dimensions de la communication. Nous retiendrons sa proposition et formulons avec lui que les techniques de communication mixent les valeurs normatives de la communication (s’exprimer, échanger, partager, parler, etc.) et la dimension fonctionnelle de la communication (interactivité, mémorisation, etc.).
Depuis la seconde moitié du XXe siècle, les technologies de communication – que nous comprenons aussi comme un discours sur les techniques – suscitent l’enthousiasme d’un large public. Pour le philosophe Bernard Stiegler (1994) un tel engouement pour les techniques est évident car les outils prolongent naturellement le corps humain : L’Homme vient au monde nu en situation de faiblesse (« prématuration »), les outils qu’il fabrique sont une extension de son corps pour compenser cette insuffisance. Bernard Stiegler s’appuie sur la pensée de l’anthropologue André Leroi-Gourhan (1965) pour qui les techniques sont un prolongement de l’être humain, un processus normal dans l’évolution de l’espèce. L’être humain fabriqua des outils pour compléter le squelette (bâtons, marteaux, lames, pointes, aiguilles, etc.), puis il construisit des machines énergétiques pour renforcer la masse musculaire (brouette, poulie, machine à vapeur, etc.). Plus tard, il inventa les appareils qui activent nos sens (photo, cinéma, télévision, etc.) et plus récemment, il créa des techniques informationnelles et communicationnelles pour l’aider dans ses activités intellectuelles (calculatrice, ordinateur, etc.). Une précision s’avère nécessaire, Daniel Bougnoux (2001) attire notre attention sur le peu d’attrait que suscite l’outil. L’Homme s’intéresse aux possibilités offertes par une technique, mais délaisse le fonctionnement de la « boîte noire ». Ainsi, la technique du peintre, les fonctionnalités d’un appareil photo, les spécificités de l’armement sont reléguées aux travaux obscurs des chercheurs. L’idée d’un outil prolongeant le corps servira surtout la cause des utopistes technologiques.

Des craintes pour l’humanité

Dans l’idéologie technologique, les encenseurs promettent des merveilles et les pourfendeurs annoncent des dangers. Victor Scardigli (1992) synthétise le point de vue d’auteurs critiques.
Ces derniers constatent la perte des rapports humains, une société sans la peur de l’engagement du corps, sans identité et sans risque. Bernard Miège (2004) s’intéresse à la vision que les sceptiques portent sur l’information et la culture. Ainsi, les réseaux techniques fonctionneraient sans règles et entraîneraient un accroissement, une centralisation, un croisement des informations stratégiques, privatives et intimes et de surcroît assureraient « La domination des grands groupes industriels de la culture et de la communication… ». Armand Mattelart (2006) prolonge le point de vue de Bernard Miège et s’inquiète de la promotion du principe d’autorégulation par les utilisateurs (désintermédiation et libre choix) défendu par le milieu économique et plus particulièrement les industries du contenu pour préserver leurs intérêts et empêcher les gouvernements d’agir. Manuel Castells (ibid.) alterne entre pessimisme et enthousiasme. Le chercheur constate l’éclosion d’un espace libertaire avec l’émergence de communications spontanées et informelles et par conséquent la constitution d’une société interactive, toutefois, il pense qu’une élite (population urbaine, aisée, chic et branchée) se constitue et définit les usages, tout en excluant une large partie des individus (population pauvre et peu éduquée). Cette opinion partagée par l’historien des religions Milad Doueihi (2008) qui s’appuyant sur la vision d’un être humain absorbé par la technique (Ellul, 1988) imagine une fusion de l’homme et de la machine et annonce l’apparition d’un nouvel être qui ressemblera à l’homme imaginé par les auteurs de science-fiction, doté d’une nouvelle forme d’intelligence (« post-humain »). Il détermine ainsi deux types d’individus, celui qui se limitera à l’accès et à la lecture d’une information pléthorique ( « usager ») et celui qui s’exprimera et affichera ses opinions (« manipulateur »). Il déduit qu’un nouvel élitisme issu du numérique se développera et opposera les connectés aux non connectés puis parmi les connectés les usagers seront isolés face aux manipulateurs autonomes, disposant de compétences numériques et par conséquent de pouvoirs. Les critiques les plus acerbes perçoivent un risque de déshumanisation. L’essayiste et urbaniste Paul Virilio (1996) – et avant lui Norbert Wiener – se montre résolument pessimiste tout en se distinguant. Il nous alerte contre les risques d’accidents liés à la trop grande vitesse ou à la perte d’identi té (« monde-propre »). Il justifie son approche alarmiste en affirmant que « Chaque technologie véhicule sa propre négativité » et que la critique est naturelle. Ainsi, Paul Virilio regrette la « Désintégration de la communauté des présents au profit des absents » la fin de la cité comme lieu de déplacement et de réalisation et s’insurge de l’apparition d’un temps unique et mondial qui s’oppose au temps local qui a permis de construire l’histoire. Enfin, il dénonce l’instantanéité des déplacements qui représente un facteur de déséquilibre mental. Le chercheur considère que nous avons « percuté le mur du temps réel », car nous venons d’atteindre les limites de l’accélération. Le point de vue de ces auteurs s’inscrit parfaitement dans le discours idéologique qui accorde à la technique un rôle prépondérant. En s’appuyant sur la même rhétorique que les encenseurs, des auteurs dénoncent un univers technologique déshumanisant, anarchique, dérégulé et livré aux seuls intérêts d’une élite. De fait, cette approche critique rencontre les travaux – issus de l’Ecole de Francfort (Adorno, Horkheimer, etc.) – dénonçant la mainmise et la puissance du pouvoir économique. Certes, nous ne devons pas négliger les aspects négatifs de l’enveloppe technique, par exemple l’association du marchand et du numérique qui n’autoriserait pas l’expression d’une parole libre ou imposerait des choix aux individus. Un bémol toutefois, ces auteurs ne soulignent pas suffisamment la capacité des individus à détourner voire transgresser les règles et les codes imposés.
Ces deux discours relèvent d’une utopie technicienne qui préexistait jadis dans l’histoire de l’humanité. Nous remarquons un premier tournant à partir de la fin de Seconde Guerre mondiale au moment de l’invention de l’ordinateur et un second à la fin des années soixante suite à l’effondrement des idéaux. À cette époque, une techno-idéologie se construit. Les auteurs prophétisent et leur discours revêt un caractère révolutionnaire. Pour eux, la technique transforme la société et assure soit le progrès et la liberté soit la fin des libertés individuelles et la perte des rapports humains. Pourtant, ces révolutions proclamées n’ont pas changé radicalement la société. Bien sûr, les usages quotidiens ont évolué, mais les fondements de la société restent stables. Nous devons prendre de la distance avec les approches révolutionnaires dithyrambiques ou catastrophiques et reconnaître que l’Homme dispose d’une marge de manœuvre qui prend la forme d’une adoption, d’un détournement ou d’un rejet d’une technique. Dans le cadre de ce travail de recherche, nous formulons que l’espace numérique ne transforme pas radicalement les relations qui s’opèrent entre les consommateurs et la marque. La technique ne justifie pas à elle seule l’apparition de nouvelles formes d’expression de consommation.

La marge de manœuvre des individus

Une approche modérée s’est progressivement développée grâce essentiellement aux recherches de chercheurs en sciences sociales. Le spécialiste des médias Dominique Wolton (1997/2008) ne croit pas aux transformations ou substitutions radicales des pratiques ou des comportements de la part des individus. Au contraire, il repère une complémentarité dans les usages. Le chercheur dénonce le « discours de l’évidence » et appuie sa démonstration en soulignant l’absence de cadre théorique, en remarquant que cette idéologie qu’il nomme « culturalo-moderniste » se construit essentiellement avec le public, les médias, le milieu politique et économique désireux de tourner la page de l’ère industrielle et de promouvoir un marché mondial global, libre et autorégulé. Tous ces acteurs attribuent aux technologies un rôle salvateur en fonction de leurs rêves et de leurs valeurs. Pour le chercheur, les technologies corrigent des dysfonctionnements. En revanche, elles apportent d’autres maux.
Pour finir, l’auteur s’insurge contre la dimension prospective de ces discours qui appellent le public à s’inscrire rapidement dans un processus inéluctable de transformation (« datation ») et qui relève essentiellement de la métonymie. Dominique Wolton (1997/2008) refuse le lien de causalité (p. ex. imprimerie = la Réforme) et lui préfère le lien d’accompagnement (la Réforme = usage de l’imprimerie). Daniel Bougnoux (2001) déconstruit l’argument des déterministes : « L’outil autorise mais détermine rarement. La causalité positive (si A alors B) ou négative (si non-B alors non-A) n’est pas suffisante ». Il illustre son propos en citant l’exemple de l’imprimerie. Son invention permis l’essor du livre, néanmoins d’autres facteurs freinèrent son développement : coût du papier, faible lectorat, publications réservées à une élite, censure du roi omniprésente. Dans son raisonnement, l’imprimerie aurait favorisé, facilité ou contribué au développement intellectuel et spirituel. Un autre exemple, le Minitel disparut parce qu’Internet se révéla plus performant tout en précisant que la disparition d’une technique n’est pas systématique : Le cinéma ne meurt pas avec l’apparition de la télévision, la télévision ne se substitue pas à la radio et internet ne sonne pas le glas du cinéma, de la radio, du livre et de la télévision car les pratiques sont différentes et complémentaires. Pour l’Universitaire, les usagers détournent le projet de l’inventeur et le transforment en fonction de leurs croyances. De plus, dès son invention, une technologie n’entraîne pas immédiatement une adoption puisque les habitudes et les idéaux des individus empêchent toute tentative d’appropriation dans un temps rapide. Pierre Musso (2003) livre une vision moins utopique d’une société constituée en réseau. Le réseau se spécifie par la diminution de l’ordre hiérarchique verticale-père au profit de l’horizontalité-frère. Par ailleurs, le réseau étant planétaire, l’auteur remarque l’apparition d’une société de connectés où domine la relation et une évolution dans la perception du temps et de l’espace car la vitesse et la fin du territoire entraînent une réduction du temps. Un autre aspect, le réseau devient source de progrès en créant de nouvelles activités, une nouvelle économie. En outre, le réseau favorise la construction d’une nouvelle organisation politique (décentralisation, autogestion, participation, déréglementation, etc.). L’intérêt du travail de l’Universitaire repose sur la proposition d’une définition fine d’un réseau en introduisant trois composantes de la relation : les éléments, les entités et les lieux : « Une structure d’interconnexion instable, composée d’éléments en interaction et dont la variabilité obéit à quelques règles de fonctionnement » (Musso, ibid.). Cette vision s’oppose aux discours prononcés par les utopistes qui simplifient cette notion en utilisant des symboles, métaphores, images, néologismes ou mythes et s’appuient sur une vision quasi-biologique du réseau. L’ordinateur devenant, de facto, le cerveau humain, ce qui constitue une relation symbiotique entre l’homme et la machine.
Jacques Perriault (1989/2008) confère un rôle majeur aux utilisateurs. Les projets de l’inventeur et des industriels sont confrontés aux logiques des utilisateurs. Ces derniers ne se limitent pas aux choix imposés, ils s’éloignent du projet de l’inventeur et adoptent de nouvelles stratégies d’utilisation. Certes, nous remarquons un respect du mode d’emploi proposé par le milieu économique et appliqué par les communautés de passionnés et de fans (p. ex. APPLE), pourtant, nous constatons un détournement régulier des usages par les créatifs (la télévision assurant un rôle de cohésion sociale, les messageries conviviales sur le Minitel, etc.), l’apparition d’un nouveau langage-néologisme issu de la technique (brancher, câbler, connecter, googeliser, twitter, smileys et autres onomatopées.). Ces expressions deviennent des métaphores du langage courant (train des réformes, changer de logiciel, se déconnecter, etc.). Victor Scardigli (op. cit.) pense que les individus donnent du sens à la technique en détournant ou contournant les notices proposées pour répondre à leurs besoins ou leurs rêves.
L’auteur prend de la distance avec ce qu’il nomme la « techno-logique », il s’oriente vers une critique d’un double déterminisme en se référant aux incantations proclamant la fin des maux de la société et annonçant l’épanouissement d’hommes libres et égaux mais aussi aux discours accordant aux acteurs sociaux un rôle déterminant dans la construction des usages. Nous remarquons ici une remise en cause du principe de causalité qui accorde un primat soit à la technologie, soit à l’être humain. Le chercheur décrit ainsi un processus plus subtil pour expliquer le développement d’une technologie. À partir de cette proposition et de nos réflexions, nous pouvons construire un dispositif type – largement inspiré de Victor Scardigli -pour montrer les phases d’adoption d’une nouvelle invention et son effet dans le fonctionnement de la société.

L’interactionnisme social d’Erving Goffman

Erving Goffman est un sociologue américain atypique qui délaisse les grands thèmes de recherche de son époque comme la lutte des classes ou le développement économique et ses conséquences, et qui s’éloigne de méthodes traditionnelles telles que l’enquête et le questionnaire au profit de l’observation participante, de l’immersion et de la présence terrain.
Nous faisons référence à la fameuse étude dans une communauté et non pas sur une communauté (Communication conduct in an island community, 1953). Son œuvre, riche et foisonnante, se focalise sur les relations entre les personnes quand elles sont physiquement en présence dans des activités de la vie quotidienne. Erving Goffman est influencé par la pensée de Georg Simmel qui perçoit la société comme un lieu d’échanges et d’influences mutuelles et celle de George Herbert Mead qui, débarrassé de la dimension psychologique, comprend le développement de la personnalité de l’individu comme un processus relationnel continu entre lui et son environnement social. De plus, Erving Goffman ne néglige pas les travaux d’EmileDurkheim sur la religion en récupérant et en développant sa proposition de « rituels positifs » et de « rituels négatifs ». Le chercheur suggère que les individus en présence évitent les conflits ouverts et recherchent des relations harmonieuses tout en contrôlant leur image et en scrutant celle des autres. Pour arriver à produire de tels comportements, ils s’appliquent des règles simples, des routines de fonctionnement destinées à montrer leurs intentions pacifiques et leur courtoisie. Il estime que ces rituels sont variables en fonction de la situation dans laquelle ils se réalisent. Par ailleurs, l’individu se déplace dans un certain nombre de cadres qui sont les lieux de la représentation tels que le trottoir, le magasin, la salle de spectacle ou de sport, le bureau, la pièce d’une habitation et dans lesquels se fixeront les conditions et les règles de fonctionnement de l’échange. Il prolonge et approfondit la pensée de Robert Park enintroduisant l’idée d’un rôle joué au moment d’une représentation. Erving Goffman se sert habilement de la métaphore du théâtre en considérant que les individus sont des acteurs en représentation qui portent un masque et jouent des personnages sur une scène de théâtre (vie quotidienne). Ainsi, l’individu est engagé dans une interaction, il se met en scène en donnant une image valorisante de lui, en essayant d’influencer, de séduire, voire de duper ou en tentant de dissimuler des aspects de sa personnalité tout en scrutant son public pour déceler des aspects cachés grâce aux indicateurs mimo-gestuels (faces). Cette représentation s’effectue dans une ambiance cordiale et chacun tente de préserver ses intérêts et ceux de leurs partenaires. Comme dans toute représentation, l’acteur prend le risque d’échouer dans son entreprise auprès du public, il encourt ainsi le risque de rejet, de critique voire de rupture de la part de ce dernier, ce qui entraîne des répercussions négatives pour atteindre ses objectifs, pour la construction de son soi et de son image. Pour éviter ces débordements et la perte de face, l’acteur et son public mettent en place un dispositif d’apparence et de normalisation de l’échange (façade) afin que la représentation (interaction) reste crédible, se déroule dans des conditions acceptables, coopératives et harmonieuses (félicité). Il nomme ce dispositif figuration et indique que l’objectif des partenaires est de se ménager mutuellement, de faire « bonne figure » et « ne pas faire perdre la face » à l’autre. Dans la figuration, Il distingue les échanges confirmateurs des échanges réparateurs. Les premiers sont des formules stéréotypées, utilisées par les participants dans le but d’éviter toute tension et rendre possible l’échange cordial, principalement au moment des séquences d’ouverture et de clôture grâce aux salutations, marques de politesse, remerciements ou invitations. Les échanges réparateurs concernent les risques sur les territoires du moi (place réservée, tour de parole, biens personnels, contacts corporels, etc.) et la face (égo et image idéale) des individus. Ainsi, toute incursion de territoires nécessite de la part des interactants des échanges réparateurs. C’est l’auteur de la faute qui doit réparer l’offense. Il bénéficie de l’indulgence et de la bienveillance de l’offensé qui s’efforce d’éviter de déstabiliser l’offenseur. C’est ici que les interactants développent une stratégie subtile qui consiste pour l’offenseur à préserver son ego, tout en reconnaissant sa faute, et à l’offensé de valoriser son ego tout en préservant celui de l’offenseur. À ce titre, Erving Goffman propose un nombre de comportements réparateurs en fonction de la gravité de l’acte.
L’œuvre d’Erving Goffman, essentiellement construite dans les années cinquante, reste aujourd’hui marquée par les mœurs et les valeurs aux États-Unis pendant cette période (culture occidentale). L’intérêt essentiel qu’il porte aux seules classes moyennes – dont en filigrane il semble moquer l’appellation – n’est pas exempt de considérations morales (esprit « petit-bourgeois »). Nous pouvons aussi lui reprocher de trop insister sur la recherche permanente d’équilibre et de consensus chez les individus et ainsi d’occulter les passions, volte-face et violences qui animent aussi des acteurs sur une scène. Cependant, en se débarrassant de certaines affirmations catégoriques et illustrations moralisatrices, nous constatons qu’Erving Goffman place l’individu au cœur de la société, comme un être agissant.
Cette proposition est en affinité avec les comportements observés sur le territoire numérique (réseaux sociaux). De plus, le sociologue a le mérite de proposer une grille de lecture des interactions dans la vie quotidienne, par l’utilisation de différents concepts malléables et transposables dans plusieurs disciplines et que nous étudierons ici, source d’inspiration et fil directeur de notre analyse.
Finalement, Erving Goffman réussit la jonction entre l’interactionnisme symbolique (dont il refusera toujours l’affiliation) et la pragmatique linguistique en portant son attention sur les conversations, orales essentiellement, entre des individus en interaction. Plus récemment la pragma-linguiste Catherine Kerbrat-Orecchioni intégrera ces concepts dans sa proposition d’analyse des conversations et des interactions verbales. Ses observations, ses réflexions et sa proposition d’une méthode d’analyse des interactions verbales dans une complémentarité avec la pensée Goffmanienne, nous servirons de base pour analyser notre corpus.

L’interactionnisme symbolique

Revenons sur l’apport théorique de l’interactionnisme symbolique. Les sociologues qui s’inscrivent dans ce mouvement s’intéressent à l’homme au contact de la société. Pour eux, l’individu occupe une place centrale dans tout processus de socialisation. : « Par interactionnisme on entend à peu près l’influence réciproque que les partenaires exercent sur leurs actions respectives lorsqu’ils sont en présence physique, immédiate, les uns des autres » (Goffman 1973, p. 23). En d’autres termes, les interactionnistes étudient plus particulièrement la manière dont les humains donnent du sens à leurs actions et à celles des autres au moment de l’interaction ainsi que le jeu d’influence mutuelle. La question centrale qu’ils se posent peut s’écrire de la manière suivante : comment les individus arrivent à se comprendre, à s’accorder pour effectuer avec efficacité une tache ? Ces postures les amènent à porter un regard sur la prise de rôles, la construction de l’identité ou les modes d’interaction et la place du groupe social.

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Table des matières
Remerciements 
Résumé 
Abstract 
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures 
Liste des annexes 
Introduction générale
Des explications sur notre sujet de recherche 
Le forum de consommateurs : un espace encore méconnu et sous-exploité 
Problématique et stratégie de recherche 
Plan de recherche 
1. De l’utopie technologique à l’humanisme numérique
1.1 La promesse d’un monde meilleur
1.2 Des craintes pour l’humanité
1.3 La marge de manœuvre des individus
1.4 Le territoire numérique
1.5 La nébuleuse Internet
2. Cadre théorique : L’interactionnisme, un courant multidisciplinaire
2.1 Choix théoriques
2.2 L’interactionnisme
2.3 A l’origine, le pragmatisme
2.4 L’interactionnisme social d’Erving Goffman
2.5 L’interactionnisme symbolique
2.6 Les limites de l’approche interactionniste
2.7 Emprunts théoriques et modèles
2.7.1 Intérêt des approches d’Erving Goffman, de Catherine Kerbrat-Orecchioni et de Michel Marcoccia
2.7.2 La présentation de soi
2.7.2.1 La scène et les coulisses
2.7.2.2 La façade
2.7.2.3 Le groupe
2.7.2.4 Les équipes
2.7.3 L’interaction verbale
2.7.3.1 Une communication multicanale : le verbal, le non verbal et le para verbal
2.7.3.2 Description d’une conversation
2.7.3.3 Organisation structurale d’une conversation
2.7.3.4 L’alternance du tour de parole
2.7.4 La relation interpersonnelle
2.7.4.1 Proximité-éloignement et égalité-hiérarchie
2.7.4.2 Les territoires du moi
2.7.4.3 Les formules de politesse
2.7.5 Les rituels et les règles de politesse
2.7.5.1 Les échanges complimenteurs
2.7.5.2 Les rituels de politesse
2.7.5.3 Les échanges confirmatifs
2.7.5.4 Les offenses
2.7.5.5 Les échanges réparateurs
2.7.6 La situation
2.7.6.1 Le cadre spatio-temporel et les participants
2.7.6.2 Les indices de contextualisation
2.7.6.3 Le cadre de participation (participants)
2.7.7 Les cadres de l’expérience
2.7.7.1 Les cadres primaires : cadres naturels et cadres sociaux
2.7.7.2 Les cadres secondaires : modalisation et fabrications
2.7.7.3 L’activité hors cadre
2.7.7.4 L’ancrage de l’activité
2.7.7.5 Les défaillances de cadrage
2.7.8 Les transactions communicationnelles
2.7.8.1 Les transactions coopératives dans une approche socio-économique
2.7.8.2 Les transactions coopératives dans l’innovation produit-marché
2.7.8.3 Le Document pour l’Action (DopA) et la documentarisation
3. L’espace participatif numérique : un dispositif sociotechnique participatif documentaire et conversationnel 
3.1 Le web participatif : explications et définitions
3.2 Un dispositif sociotechnique d’initiative humaine
3.2.1 L’individu relié
3.2.2 Une vie sociale 2.0
3.2.2.1 Un acteur sur une scène
3.2.2.2 Un participant désengagé
3.3 La conversation comme une offre d’échange
3.3.1 Toutes les conversations sont organisées
3.3.2 Les spécificités des conversations numériques
3.4 Un dispositif sociotechnique documentaire participatif et conversationnel
3.4.1 Les espaces documentaires numériques participatifs
3.4.2 Typologie de l’espace numérique documentaire participatif et conversationnel
3.5 Le forum de discussion
3.5.1 Communauté ou rassemblement ?
3.5.2 Caractéristiques d’un forum de discussion : définitions et des finitions
3.5.3 Fonctionnement d’un forum de discussion
3.5.4 Observation et analyse des forums publics de discussion entre consommateurs
3.5.5 Synthèse et interprétation des résultats
3.5.6 Cartographie d’un forum de consommateurs
3.6 Le forum est une conversation écrite
3.6.1 Une co-présence
3.6.2 Un espace public fermé
3.6.3 Les interactants
3.6.4 L’écrit est une parole
4. Démarche méthodologique et modèles d’analyse
4.1 Champ d’observation : les conversations de consommation
4.1.1 Le livre numérique comme objet d’analyse : quelques généralités
4.2 Méthodes de l’observation
4.2.1 Observation non participante et éthique
4.2.2 L’observation-balayage de Marjorie et Charles Goodwin
4.2.3 Un modèle d’analyse en pragma-linguistique
4.3 Modèles d’analyse des conversations numériques
4.3.1 Spécificités de l’analyse conversationnelle
4.3.2 Modèle d’analyse des interactions verbales
4.3.3 Le modèle hiérarchique d’analyse des conversations (simplifié)
4.3.4 Séquences d’échanges et paire adjacente
5. Le forum BOOKNODE.COM : analyse des conversations et interprétations
5.1 Constitution du corpus
5.1.1 Choix du forum : BOOKNODE.COM
5.1.2 Description générale du site : BOOKNODE.COM
5.1.3 Description du forum : BOOKNODE.COM/FORUM
5.2 Repères théoriques et méthodologiques
5.2.1 Etapes de la démarche
5.2.2 Sélection, collecte et enregistrement des conversations
5.2.3 Convention de transcription
5.3 Le cadre de participation
5.3.1 Un espace public fermé et vitré : l’atrium moderne
5.3.2 Des conversations prolongées et intermittentes : des pauses et des reprises
5.3.3 Des participants autonomes
5.3.3.1 Une participation sans modération
5.3.3.2 L’activité éditoriale assurée par les participants
5.4 L’exposition de soi
5.4.1 Une identité restreinte
5.4.2 L’effacement de soi
5.5 Les relations interpersonnelles
5.5.1 La prudence du premier locuteur
5.5.2 Des échanges égalitaires et continus
5.5.3 L’aparté est possible
5.6 Organisation de l’échange
5.6.1 Droit au but
5.6.2 L’unité thématique conservée
5.6.3 Des questions sans réponses franches
5.6.4 Un tour de parole sans ratés
5.7 Type d’activité
5.7.1 L’expression d’une opinion individuelle
5.7.2 Un empilement d’opinions
5.7.3 Une confrontation sereine d’opinions
5.7.4 Un langage familier sans relâchement
5.8 Interprétations et conclusions
6. Le forum de consommateurs dans le champ de l’innovation produit-marché : un vivier d’usages
6.1 Une expression collective d’usages sur des produits
6.1.1 Des usages difficilement accessibles
6.1.2 Des usages transgressifs
6.2 Appréhender les usages : les limites de l’enquête
6.2.1 Les enquêtes qualitatives : la difficulté de sortir du conformisme
6.2.2 La netnographie : l’ouverture au numérique
6.3 Une forme de co-innovation : l’écoute client intensive
6.3.1 Les dispositifs d’innovation : le client oublié
6.3.2 Les processus de co-innovation : le client impliqué
6.3.3 Le forum de consommateurs : un réservoir d’usages
6.3.4 Le forum BOOKNODE.COM : le livre numérique entre incertitudes et inquiétudes
6.4 Le forum de consommateurs : proposition d’un dispositif d’analyse manuelle des publications
6.4.1 Une grille de lecture : les retours d’expérimentation
6.4.2 Une démarche interprétative : usages conjoints et postures d’usage
6.4.3 Perspectives d’usages et dernières pistes de co-innovation
Conclusion générale 
Rappel de notre démarche de recherche et premières observations 
Nos principaux apports 
Perspectives et dernières pistes
Bibliographie 
Annexes 
Résumé 
Abstract 

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