L’ESPACE ADAPTÉ ET ADAPTABLE À L’ACTIVITÉ DE TRAVAIL
L’ergonomie de conception « a posé classiquement comme objectif la conception de systèmes adaptés » (Falzon, 1996, p. 238). La visée première lors de la conception d’espace est de concevoir des locaux et des postes adaptés à l’activité dans l’optique de faciliter le travail. Un espace inadapté à l’activité engendre des contraintes pour la réalisation de l’activité des opérateurs qui doivent, pour répondre à la tâche assignée, composer avec et contourner les inadéquations de l’espace conçu. Les régulations sont alors bien souvent coûteuses tant sur le plan de la santé que sur l’efficacité au travail des opérateurs. En architecture, c’est la notion d’usage qui est utilisée pour signifier la relation entre l’activité et les espaces d’un bâtiment. Pinson avance et défend l’idée d’unearchitecture qui prend en compte « le critère de l’adéquation à l’usage » (Pinson, 1993, p. 7). La notion d’usage peut être un point de convergence entre la pratique architecturale et l’ergonomie. Dans cette approche, l’ergonome vient remonter les éléments relatifs à l’usage à intégrer par le concepteur pour penser des espaces adaptés à l’usage. Le reproche fait à cette démarche est que l’activité est vue dans une « approche “statique” » (Falzon, 1996, p. 238). « La conception d’un système adapté suppose en effet que l’on ait figé la situation » (Ibid.). Or, les situations de travail ne sont pas statiques, mais évoluent avec l’organisation, les variations de la production, les régulations mises en place par les opérateurs, mais aussi leur créativité dans la réalisation du travail. L’idée est de concevoir des « systèmes adaptables » (Falzon, 1996) de façon à permettre aux opérateurs de réaliser leur activité en intégrant les éléments de contingence liés aux évolutions du contexte. Dans cette même perspective est aussi évoquée la notion de « situations adaptables » (Petit, 2005, cité par Petit & Dugué, 2007). C’est ce qui a conduit Daniellou (1992) à évoquer non plus la visée d’une « activité future probable », mais d’ « activité future possible » dans la conduite de projet de façon à permettre d’explorer les « formes possibles d’activité future » (Ibid., 2004, p. 360). Pour Béguin et Cerf (2004), cette posture conduit à rechercher la plasticité des dispositifs et systèmes pour satisfaire, orienter et favoriser l’activité. Ils signalent qu’il « existe différentes manières de penser et de définir le statut et les enjeux de l’analyse de l’activité de travail des opérateurs pour la conception » (Béguin & Cerf,2004, p. 54). Rechercher la plasticité est une posture, mais elle demeure selon eux dans une optique de contrôle. La recherche d’un espace adaptable ou plastique pour l’activité est opérée « du point de vue du travail » pour reprendre l’expression héritée de Duraffourg (Duraffourg & Dupont, 1995). Du point de vue de la conception architecturale, elle soulève un paradoxe. En effet, l’horizon d’un bâtiment ne se superpose pas à celui de l’activité de ses occupants pour un temps. Pour durer dans le temps, le bâti doit s’adapter à des changements d’activité (comme sa réaffectation à des services différents d’une même entreprise) et d’usage (transformation d’un édifice industriel en logements, par exemple). Cette difficulté peut expliquer l’attitude de certains commanditaires de projets architecturaux (maîtres d’ouvrage) ou de concepteurs (maîtres d’œuvre) qui consiste à préférer un modèle abstrait et éloigné du travail pour éviter le risque d’un espace calé et donc figé sur une typologie trop précise d’activités. L’adaptabilité (ou plasticité) recherchée est alors non pas par rapport à l’activité des opérateurs, mais par rapport au bâtiment qui doit continuer à vivre audelà de ses premiers occupants.
L’ESPACE, INSTRUMENT DANS L’ACTIVITÉ DE TRAVAIL
Les travaux de Norman (1993) portent l’attention sur les propriétés et les possibilités que peut offrir un artefact à l’activité humaine. C’est l’outil possible et les occasions renouvelées et inédites que peut proposer un artefact qui ont guidé sa réflexion. La capacité d’un objet à venir en support au « développement de l’activité du sujet » est une préoccupation (Ibid.). Norman s’intéresse à l’artefact dans une relation à double sens, vers l’objet et vers le sujet. « L’artefact doit permettre à la fois d’agir sur l’environnement et d’apprécier l’état de cet environnement, car toute activité humaine de réalisation comprend une phase d’exécution et une phase d’évaluation en cours d’action » (Clot, 1999, p. 107). L’apport de Rabardel (1995) sur la double entité d’un instrument a été majeur. L’instrument est composé d’un côté, de l’artefact, de l’autre, du schème propre au sujet. Le premier est matériel, le second est un « organisateur de l’action du sujet » et comprend les « invariants des actions pour des classes de situations connues » (Rabardel, 1995, p. 12). L’artefact peut être un objet matériel, cognitif, sémiotique ou même organisationnel (Arnoud & Falzon, 2013). S’inspirant de Piaget, Rabardel développe sa réflexion sur l’instrument pris individuellement, mais aussi sur les systèmes d’instruments (Rabardel, 1995 ; Bourmaud, 2006). L’approche instrumentale peut s’appliquer sur l’espace physique. L’artefact est alors l’espace physique conçu. Il est donné par l’organisation et fait partie de la tâche. L’espace physique est à considérer comme un système d’artefacts comportant aussi bien les éléments relatifs au bâtiment (murs, cloisons, portes, fenêtres, poteaux, quais, etc.), au mobilier, aménagements et équipements (matériel, signalétique) que les aspects d’ambiance physique (éclairage naturel ou artificiel, acoustique et thermique). Ce système est donné par l’organisation. Il est ensuite modifié par l’activité qui le modèle et le transforme dans l’action des équipes dans l’activité de travail de façon à en faire un système adapté d’artefacts et support pour l’activité dans une vision instrumentale. Un schème peut alors être associé à un dispositif spatial physique reconnaissable entre pairs. L’espace comme instrument ne peut pas être conçu (a priori). Il est le résultat de la modification apportée par l’action située des équipes en charge d’une tâche dans un espace physique donné comme un système artefactuel. Cette approche ouvre sur celle de la notion de « conception continue » ou de « conception dans l’usage » (Falzon, 1996 ; Rabardel, 1995). Rapportée à l’espace, elle est du ressort de ceux en charge de l’activité. Les concepteurs ne peuvent que l’encourager et non la prescrire. En revanche, ils peuvent orienter la conception de façon à faciliter l’activité dans le sens de Norman. La notion d’affordance peut ici être une focale pour la conception au sens où « les affordances d’un objet font référence à ses fonctions possibles » (Norman, 1993, cité par Leplat 2000, p. 75). Leplat rappelle que l’affordance vient du terme anglais to afford et signifie fournir, offrir ou procurer (Ibid. p. 75). C’est donc la capacité qu’a un dispositif artefactuel d’offrir au travers de ses propriétés (présentes et perçues) des possibilités d’usage. Un espace conçu peut ainsi être « affordant » au travers des qualités de ses propriétés.
LE LANGAGE OPÉRATOIRE
La terminologie utilisée par les agents dans les centres de tri est composée d’expressions conjuguant le temps et l’espace. Elle est commune à tous les centres sur le territoire.
– Le chantier traduit le dispositif construit par les agents afin de réaliser une partie de leur travail au cours de leur vacation. À l’aide de quelques matériels légers et mobiles (bacs et chariots à roulettes) des chantiers sont constitués dans des lieux spécifiques du centre et autour des machines de tri. Les agents « montent un chantier », « le ferment » et parfois « le déplacent ». Le chantier est une réalisation éphémère dont la disparition correspond à l’achèvement d’un type de traitement. Plusieurs chantiers se construisent en parallèle dans le centre.
– La séparation est l’expression qui correspond au tri opéré sur un lot donné de courriers. Les flux sont séparés en lots homogènes selon les règles de priorité et les moyens de traitement dont dispose le centre.
– La coupure matérialise une « butée temporelle ». Les coupures sont dictées par les stratégies d’acheminement sur le territoire national et le contexte géographique local. Les agents se fixent comme objectif de « respecter les coupures » et « d’y faire face ».
– Les restes zéro traduisent la finalité optimale du travail. Les agents ont pour objectif de répondre aux impératifs des coupures avec un traitement réalisé sur la totalité des flux. Pour eux, faire face aux coupures c’est assurer un reste zéro des stocks de produits à la fermeture des chantiers.
– Les fausses directions signalent les erreurs dans l’acheminement du courrier. Pour les agents, elles indiquent la qualité de travail réalisé. En effet, ils doivent réaliser leur travail dans les contraintes sans « se tromper ». Une fausse direction peut être un pli mis dans un mauvais bac, un bac placé sur un mauvais chariot, ou encore un sac ou chariot chargé dans un mauvais camion. Les confusions d’identification ou des gestes sont à l’origine d’un envoi dans une mauvaise direction. Elles sont renvoyées aux agents au travers d’une sanction touchant le centre. Elles sont un indicateur de la qualité suivi par l’entreprise. Elles engendrent un coût en engageant un retraitement des plis concernés et détériorent l’image de la qualité de service.
– Être au pair. Ce terme signifie que les objectifs sont atteints. Les équipes visent « des restes zéro à la coupure ». C’est le résultat des processus décisionnels réalisés par les agents qui, pour y arriver, réalisent une hiérarchisation en continu des états des lots à traiter : ils « priorisent ». La réponse aux trois objectifs, « être au pair » avec « des restes zéro à la coupure » et sans « fausses directions » contribue à la performance d’un centre de tri.
La configuration spatio-organisationnelle du chantier, une genèse instrumentale en situation de travail
Le travail des agents est réalisé au sein de « chantiers » matérialisant des configurations spatiales évolutives dans le temps. Un chantier est un dispositif spatial et organisationnel comportant une équipe d’agents, les matériels et les produits à traiter dans un temps imparti. Il témoigne d’une réappropriation de la contrainte temporelle par les agents qui la traduisent spatialement dans un dispositif technique qui mobilise le cadre bâti et les différents objets physiques (équipements, matériels et signalétiques). Le chantier se décline en un dispositif artefactuel matériel (agencement spécifique de matériel roulant adossé à des éléments du bâtiment ou aux machines) et organisationnel (ordonnancement spécifique des lots, leurs états et priorités selon un ordre étroitement lié aux coupures à respecter par les agents). Le chantier est un dispositif associé à un schème organisateur de l’activité. Ce schème est un construit local par les équipes en place résultant de la prise en compte de trois invariants organisationnels :
– (i) L’articulation des contraintes du réseau de transport au niveau national (avions, TGV ou camions) aux particularités géographiques du sous-réseau (camions ou petits utilitaires). Les équipes organisent le chantier dans une configuration spatio-temporelle répondant aux modalités d’arrivée et de départ des flux à destination et au départ du centre selon le mode de transport adopté. En fonction, le conditionnement varie et conduit les agents à ajuster des éléments du système artefactuel (conteneur paquets, structure à bacs à lettres ou sacs) à organiser dans l’espace (contre un mur, autour d’un poteau, devant une machine…).
– (ii) La pression temporelle se traduisant pour les agents par une tension entre la nécessité d’éviter les restes (il s’agit pour eux de faire passer au tri un maximum, voire, l’ensemble des lots à trier), et l’obligation de respecter les horaires de coupure (c’est-à-dire décider d’arrêter l’activité de tri pour organiser le départ des lots triés). Le chantier est une configuration organisationnelle particulière. Les lots urgents sont disposés devant les agents avec un accès aisé à la manipulation, les autres sont hiérarchisés par ordre de priorité derrière ou à côté, les lots non urgents sont à ranger en encours (à reprendre ultérieurement) ou en stocks (en vue d’une reprise par une autre équipe le lendemain ou à une autre tranche horaire).
– (iii) Les contraintes techniques liées aux caractéristiques des objets triés et aux particularités des dispositifs de tri. Le chantier est un dispositif organisationnel visant l’homogénéisation des lots selon les critères du système technique propre au centre. Chaque typologie de machine exige une préparation spécifique des lots : mode de présentation des plis, séparation entre le produit mécanisable et le non mécanisable, des conteneurs adaptés.
L’espace physique donné, une ressource pour l’action
Le traitement simultané de l’ensemble des flux étant impossible au niveau du système technique global du centre (programme de tri spécifique à chaque tranche horaire), les agents hiérarchisent en permanence les priorités des lots pour ne faire parvenir à l’étage que des lots prioritaires et homogènes. Ils utilisent la ressource artefactuelle offerte par le bâtiment (l’espace physique donné) comme moyen de filtrage permettant de séparer et organiser les lots qu’ils disposent dans un ordre précis. L’espace physique, bien que peu riche en éléments architecturaux, présente quelques spécificités (présence de poteaux, cloisons, ascenseurs ou monte-charge, quais, etc.). Il offre une certaine qualité et des affordances (Norman, 1993) et sert au développement d’usages spécifiques autour de repères spatiaux matériels. Les collectifs s’appuient sur la structure spatiale pour construire leurs chantiers et organiser les priorités. La ressource artefactuelle offerte par l’espace physique donné est exploitée pour filtrer et hiérarchiser les lots selon un ordre précis dont ils ont le contrôle.
– Les portes et la cloison du quai servent de support physique pour structurer l’avancement des flux dans leur prise en charge par les agents. Sur le quai, en début de nuit et dans un souci de contrôle et de hiérarchisation, les agents font passer l’ensemble des flux parvenant au centre par une seule porte. Une fois passée la porte, le flux prioritaire est disposé face à l’entrée. Au cours de la nuit, le chantier d’homogénéisation et de ventilation présente des variations importantes liées aux volumes des flux reçus. Les agents ajustent l’espace physique du chantier en changeant à chaque fois de porte afin d’ajuster le circuit du flux entrant avec la taille et l’emplacement du chantier d’homogénéisation. Le chantier prioritaire est cependant toujours placé dans l’axe de la porte utilisée, un moyen pour eux d’assurer une prise en charge prioritaire du flux le plus urgent à un temps t.
– Les ascenseurs, les zones autour d’un poteau ou le long d’une cloison sont utilisés comme éléments organisateurs ponctuant le parcours des produits dans le centre en amont et en aval du traitement mécanique ou manuel. Les agents adossent ou organisent le long d’une cloison, autour d’un poteau ou face à un ascenseur des lots disposés dans un certain ordre.
– La cloison séparant la zone du quai de l’intérieur du centre est également utilisée comme élément de structuration du travail de manipulation et de hiérarchisation des flux. En première partie de nuit, le quai est utilisé comme une zone de régulation permettant de recevoir et stationner provisoirement tous les produits déchargés par les chauffeurs des camions sans s’inquiéter de leur prise en charge par les équipes qui, de l’autre côté de la cloison, sont concentrées sur la prise en charge unitaire de chaque lot ayant passé la porte. En seconde partie de nuit, le même principe est observé, mais dans le sens opposé. La zone à l’intérieur de la cloison sert de zone de régulation pour le déchargement des ascenseurs des produits sans contraindre la descente des flux de l’étage. Le quai est quant à lui une zone où tous les lots sont sous le contrôle d’un agent de maîtrise qui aiguille les flux selon leur destination par camion après leur passage par une seule porte.
– Le détournement de la fonction du quai correspond à une genèse instrumentale modifiant provisoirement l’affectation du quai pour gérer la contrainte temporelle et permettre un dégagement massif, mais contrôlé des flux tout en assurant une marge de manœuvre temporelle pour préparer sur le quai opposé les départs. Il s’agit du premier départ du centre. Il vise à approvisionner le plus tôt possible les bureaux du sous-réseau. C’est la première vague de départ des véhicules chargés de produits triés par le centre. Les lots de produits correspondant à la seconde vague de distribution des bureaux y sont disposés au fur et à mesure jusqu’au matin. La contrainte temporelle étant quelque peu détendue après le départ de première vague, ils organisent à l’intérieur de la cloison séparatrice du quai des départs, les lots dans l’ordre des tournées des camions. Sur le quai des départs, ils se donnent les moyens pour opérer une nouvelle hiérarchisation en fonction de la logique du chauffeur dans un temps moins contraint que pour le départ des lots de la première vague. Au final, les lots de courriers sont continuellement hiérarchisés dans le temps par les agents qui les manipulent et les disposent dans un ordre précis sur le chantier, dans un stock, dans un encours ou les déplacent tout le long d’un parcours dans un ordre de priorité précis. Les collectifs de travail s’organisent en se servant des éléments de l’espace physique et des matériels mobiles pour séparer, trier, homogénéiser, stocker et/ou orienter les différents lots du courrier. Ils s’appuient sur la structure spatiale, en particulier sur les irrégularités des espaces physiques (poteaux, ascenseurs, cloisons, portes, etc.), pour construire leurs chantiers. Les agents profitent de la présence d’éléments structurant l’espace physique pour organiser les priorités. Ils ordonnancent les flux par priorité en amont ou en aval des ascenseurs, de la cloison séparant le quai de l’intérieur du rez-de-chaussée et des différentes portes qui deviennent un repère dans la hiérarchisation des flux. Autrement dit, ils utilisent la ressource artefactuelle que présente le bâtiment (espace physique donné) comme moyen de filtrage et de hiérarchisation des lots selon un ordre précis dont ils ont le contrôle. L’espace physique, bien que peu riche en éléments architecturaux, offre une certaine qualité et des affordances (Norman, 1993) et sert au développement d’usages spécifiques autour de repères spatiaux matériels. Dans les centres récents, l’espace est réduit à une simple enveloppe de type hall industriel. Ne comportant pas de poteaux ni de cloisons intérieures, l’espace donné est un espace lisse, vide et sans aspérité. Il n’offre pas d’affordance pour le développement possible d’usages autour d’éléments du bâti. La recherche de flexibilité extrême des surfaces, associée à une focalisation de l’organisation sur les machines de tri, explique le choix d’un espace physique conçu comme une simple enveloppe pour contenir des machines et les matériels autour. L’espace du quai est supprimé au bénéfice d’un accès direct des produits dans le hall industriel supprimant par là même les moyens de contrôle par les équipes des flux entrants. Les équipes déjà déstabilisées par la modification profonde du contexte et des invariants organisationnels ne parviennent pas à trouver dans l’espace donné la ressource nécessaire pour la construction d’agencements opérants et performants de leurs chantiers. Ils ne retrouvent plus dans le bâti, les supports pour l’activité métafonctionnelle (Falzon, 1994) que constitue la construction d’un chantier sur un modèle performant.
LE CONCEPT D’ESPACE EN ERGONOMIE : UNE NOTION A CLARIFIER
Les questions « d’espace » (Lautier, 1999), celles qui relèvent de la pratique des lieux, de leur usage dans le temps et de leur configuration et leurs relations avec l’activité, et non pas seulement les aspects d’ambiance physique et de postes de travail matériels, ne sont pas toujours considérées par les organisations. En ergonomie, l’espace n’est pas un concept défini. Il est considéré soit, au travers de l’espace physique, soit au travers des échanges et de la coordination dans le travail. Ces deux approches se déclinent en trois manières possibles d’aborder l’espace.
– La première manière s’intéresse aux locaux, aux postes de travail, aux ambiances physiques, etc. L’approche est ici celle des conditions de travail. Ces conditions sont matérielles et l’espace est celui de l’environnement physique. Les études de postes, des locaux, la métrologie sont parmi les déclinaisons de cette façon d’aborder l’espace.
– La deuxième manière s’intéresse à la dimension immatérielle des échanges et des coordinations dans les situations de travail. Le contexte est relationnel, formel ou informel. C’est le cas des études portant sur le travail collectif, les coopérations, la communication, etc. La dimension relationnelle est au centre, mais le lien est rarement fait avec l’espace physique.
– La troisième manière met l’accent sur l’espace mental de la représentation et de la prise de décision. Les études portant sur les risques, les situations de crise ou en milieu dynamique sont parmi les terrains étudiés dans ce champ. L’espace est celui des raisonnements en situation. Il est mental. La relation avec la dimension matérielle de l’espace de l’activité est peu mise en lumière.
Le concept d’espace n’est pas clarifié en analyse du travail même si l’ergonomie reconnaît l’importance de la composante spatiale dans la situation de travail. Ce constat soulève un paradoxe. L’ergonomie orientée sur la conception développe des méthodes pour l’intervention, notamment dans le cadre de projet d’espace sans pour autant clarifier sur le plan de l’analyse ce qui est entendu par la dimension spatiale dans une situation de travail. Le modèle de l’intervention ergonomique en conception est issu de la conduite de projet en milieu industriel (Daniellou, 1988) et la démarche est reconnue comme spécifique en conception d’espaces (Martin, 2000 ; Dejean, Pretto & Renouard, 1988). Une méthodologie précise visant la transformation est proposée, mais le concept d’espace n’est pas spécifié sur le plan de l’analyse. Quel type d’espace est visé ? Quelles sont les dimensions considérées de l’espace dans la conduite de projet ? Et finalement quel espace est recherché pour quelle activité ?
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Table des matières
PREMIERE PARTIE : Argumentaire et description de la construction du parcours professionnel
Motivations et parcours
Récit de la construction de mon expérience : Axes explorés
DEUXIEME PARTIE : Mémoire synthèse des travaux
Résumé
Abstract
Liste des figures
Liste des tableaux
Introduction générale
Chapitre 1. L’espace de l’activité : une construction conjointe de l’activité et de l’espace
I Cadre conceptuel pour aborder l’espace en situation
I.1 L’espace, une notion récente, abstraite et multiple
I.2 L’espace adapté et adaptable à l’activité de travail
I.3 L’espace, instrument dans l’activité de travail
I.4 L’espace ressource dans l’activité de travail
I.5 L’espace émergent de la situation de travail
II L’étude empirique : l’espace de l’activité du tri postam
II.1 Une recherche orientée sur l’espace
II.2 Le terrain d’étude : le centre de tri postal
II.3 Méthodes
III Déscription de l’activité et de sa configuration spatiale
III.1 Le langage opératoire
III.2 Les configurations spatiales de l’activité de tri
III.2.1 En début de nuit : recevoir et préparer les flux pour les traiter
III.2.2 En deuxième partie de nuit : préparer l’évacuation des produits triés
IV Deux cadres théoriques pour analyser l’espace de l’activité de tri courrier
IV.1 L’espace de l’activité, un instrument pour l’activité
IV.1.1 La configuration spatio-organisationnelle du chantier, une genèse instrumentale en situation de travail
IV.1.2 L’espace physique donné, une ressource pour l’action
IV.2 L’espace de l’activite, une construction coémergente de l’espace et de l’activité
V Discussion chapitre 1
V.1 Le concept d’espace en ergonomie : une notion à clarifier
V.2 Enrichir l’analyse par une approche spatiale des situations de travail : approche par l’espace de l’activité
V.3 Une double Inscription theorique du concept d’espace de l’activité
V.4 Les perspectives pour l’intervention ergonomique
Chapitre 2. Intervenir pour la conception de l’espace de l’activité : vers un cadre méthodologique
I L’espace de l’activité
I.1 Définition
I.2 Analyse spatiale et espace de l’activité
II Cadre méthodologique pour Intervenir en conception sur l’espace de l’activité
II.1 Repères pour concevoir un espace materiel adapté à l’activité
II.1.1 Définir les invariants organisationnels de l’activité
II.1.2 Repérer les objectifs de travail et les invariants opératoires reliés aux schèmes d’utilisation de l’espace physique et organisationnel
II.1.3 Traduire les buts et les invariants opératoires en objectifs à satisfaire par la conception
II.2 Viser le developpement conjoint de l’activité et de l’espace de l’activité dans le travail de conception
II.2.1 Exploiter et mettre les éléments d’analyse au service de la projection de l’espace de l’activité
II.2.2 Construire un dispositif d’intermédiation par la simulation pour l’exploration des formes d’émergence de l’espace de l’activité
III Discussion chapitre 2
III.1 L’espace, un système d’instruments ?
III.2 Apports et limites de l’approche par l’espace de l’activité en conception
Apports
Limites
IV Perspective
Bibliographie
Retour d’expérience
Annexes
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