Les traumatismes oculaires sont un véritable problème de santé publique avec des répercussions aussi bien au niveau individuel que sociétal. Toutes les structures oculaires peuvent être impliquées lors d’un traumatisme. L’atteinte du segment postérieur revêt plusieurs intérêts :
●épidémiologique : dans la littérature, nous retrouvons des taux d’atteinte du segment postérieur lors de traumatisme du globe oculaire généralement faible : 3,2% en France [116] ou plus proche de nous 1,7% au Mali [64]. Les données épidémiologiques concernant ces lésions manquent dans notre contexte. Ces données sont pourtant d’une grande importance dans la mise en place de politiques de prévention efficaces.
●diagnostique : la visualisation des éléments anatomiques du segment postérieur peut s’avérer délicate à cause de l’opacification fréquente des milieux du globe oculaire suite à un traumatisme. Cela révèle l’intérêt des examens complémentaires (échographie B, tomodensitométrie, OCT) parfois coûteux dans le diagnostic et la surveillance à long terme de ces lésions.
●thérapeutique : les progrès de la chirurgie vitréorétinienne permettent aujourd’hui une prise en charge plus efficace de ces patients.
RAPPEL ANATOMIQUE
L’œil ou globe oculaire est la partie principale de l’appareil de la vision ; entièrement contenu dans l’orbite, il a la forme d’une sphère, ou plutôt d’un ovoïde à grand axe sagittal. Parce qu’il est appendu au nerf optique, on lui donne aussi le nom de bulbe oculaire.
Situation dans l’orbite
Le pôle antérieur de l’œil est tangent à une ligne droite qui unit les rebords orbitaires supérieur et inférieur, mais il déborde, surtout en dehors, la ligne qui unit les rebords orbitaires interne et externe ; de cette façon, il est moins bien protégé sur sa portion externe. Par ailleurs, l’œil n’est pas au contact des parois de l’orbite ; il en est séparé par une distance de 6 mm (en dehors) et de 11 mm (en dedans) ; il est donc beaucoup plus proche de la paroi externe. Enfin, l’axe antéro-postérieur du globe oculaire, sensiblement sagittal, ne coïncide pas avec celui de l’orbite, oblique en avant et en dehors : un angle d’environ 20° est donc formé par la rencontre des axes oculaire et orbitaire.
Dimensions et poids
Un œil emmétrope mesure environ :
– pour son diamètre sagittal, 24 mm;
– pour ses diamètres transversal et vertical, 23 mm.
L’œil pèse environ 7 grammes pour un volume de 6,5 cm3. Sa consistance est ferme, rénitente du fait de la tension des liquides internes, appréciée par la palpation bidigitale et mesurée par la tonométrie.
Topographie
Par analogie avec le globe terrestre, on distingue au globe oculaire :
– deux pôles : antérieur (au centre de la cornée), postérieur (en dehors du nerf optique) ;
– deux hémisphères : antérieur et postérieur, séparés par un équateur ;
– toute une série de méridiens : vertical, horizontal et oblique.
Au point de vue topographique, on individualise deux segments au niveau du globe oculaire :
– l’un postérieur, caché, difficile à aborder, constitué par la sclérotique, la choroïde, la rétine, le corps vitré ;
– l’autre antérieur, superficiel, facile à examiner, formé par la cornée, l’iris, l’humeur aqueuse, le cristallin et le corps ciliaire.
C’est le plan d’étude que nous adopterons ici.
Constitution
Le segment postérieur
La sclérotique
Homologue de la dure-mère, elle représente les cinq sixièmes postérieurs de la tunique fibreuse. C’est une membrane résistante, épaisse, inextensible (sauf chez l’enfant) et opaque. Son épaisseur de 1 mm en avant et en arrière, diminue dans sa partie équatoriale. Constituée de tissu conjonctif, elle est peu innervée, peu vascularisée. Elle présente les insertions des muscles moteurs de l’œil, de nombreux orifices vasculaires et en arrière, la lame criblée, passage du nerf optique. En avant, la sclérotique est largement perforée pour loger la cornée, de même nature fibreuse qu’elle, mais transparente. La sclère peut se rompre dans ses zones de moindre épaisseur : l’insertion des muscles droits et l’équateur.
La choroïde
La choroïde est la tunique intermédiaire, située entre la sclérotique et la rétine ; essentiellement vasculaire, elle occupe les 2/3 postérieurs de l’œil. C’est un segment de sphère de 0, 3 à 0,5 mm d’épaisseur, de consistance fragile. La choroïde adhère à la face profonde de la sclère dont elle est séparée par une couche conjonctive lâche, la lamina fusca. Son rapport en dedans se fait par l’intermédiaire de la lame de Bruch (lame fine, élastique) avec l’épithélium pigmentaire de la rétine. En arrière, la choroïde s’interrompt au niveau de la papille (ou disque du nerf optique II). En avant, elle se continue par le grand cercle de l’iris : leur frontière, située en avant de l’équateur, à 6-7 mm en arrière de la cornée est fortement festonnée : c’est l’ora serrata. Au point de vue structural, la choroïde est essentiellement une membrane vasculaire. Elle comprend, de la sclère à la rétine, quatre lames :
– la lame suprachoroïdienne
– la lame vasculaire
– la lame choroïdo-capillaire
– la lame basale, mince, riche en fibres élastiques qui adhère par des fibres collagènes à la couche pigmentaire de la rétine.
La rupture de ces fibres adhérentielles entraîne la rétraction de la lame basale et le décollement rétinien. Parcourue par les artères ciliaires postérieures et les veines vortiqueuses, la choroïde est de couleur rouge ; comme elle est recouverte par la rétine transparente, elle constitue la teinte rouge du « fond d’œil », visible chez le vivant lors de l’examen ophtalmoscopique.
La Rétine
Macroscopie
La rétine est la tunique la plus interne du globe oculaire, composante essentielle de l’œil car elle reçoit les impressions lumineuses et les transmet au cerveau par le nerf optique. Elle s’étend du nerf optique à la pupille, partie centrale de l’iris, et peut être ainsi divisée en deux portions d’inégale importance que sépare l’ora serrata :
– l’une postérieure, ou rétine optique, la seule importante, puisque la seule utilisée dans la vision
– l’autre antérieure, ou rétine cilio-irienne, beaucoup plus mince, réduite à deux couches épithéliales superposées, dépourvue de cellules visuelles, tapissant la face profonde du corps ciliaire et la face postérieure de l’iris .
Nous ne nous occuperons que de la rétine optique, ou voyante. C’est une fine membrane (0,1-0,3 mm), sensorielle, de coloration rosée, transparente, bien vascularisée. Etendue de la papille à l’ora serrata, elle adhère fortement à ces deux zones, entre lesquelles elle tapisse de façon harmonieuse la choroïde. Elle est solidaire de la choroïde par l’intermédiaire de son feuillet externe, l’épithélium pigmentaire. La survenue d’un processus pathologique, tel un décollement de rétine, va séparer non pas la rétine de la choroïde, mais l’épithélium pigmentaire du reste de la rétine. Sur son versant interne, elle est en contact avec le vitré par l’intermédiaire de la membrane hyaloïde. Au niveau de la base du vitré, près de l’ora serrata, rétine et vitré contractent des adhérences importantes. On distingue la rétine centrale et la rétine périphérique [38].
La rétine centrale, de 5 à 6 mm de diamètre est située au pôle postérieur de l’œil, dans l’écartement des artères temporales supérieure et inférieure, elle comprend :
– la fovéola : dépression centrale de la fovea, située à deux diamètres papillaires en dehors du bord temporal de la papille, a un diamètre de 200 à 300µ [38].
– la fovéa, ou macula : zone elliptique de 2 mm de large pour 1 mm de hauteur, comprend la foveola au centre et le clivus qui borde latéralement la dépression fovéolaire. Elle est située au pôle postérieur du globe oculaire, c’est-à-dire 3 mm en dehors et 1 mm au-dessus de la papille. Son aspect légèrement jaunâtre, est dû à la présence d’un pigment xanthophylle. Les capillaires rétiniens s’arrêtent à 300µ du centre de la fovéola, limitant ainsi une aire avasculaire centrale de 500 à 600µ de diamètre.
C’est au niveau de la macula que la vision est la plus précise : elle ne contient que des cônes. On peut donc remarquer que si l’on « voit » avec la rétine, on « regarde » avec la macula.
– la papille optique : disque de 1,5 mm de diamètre répondant à la sortie du nerf optique, située à 1 mm au-dessous et 3 mm en-dedans du pôle postérieur de l’œil. La papille est centrée par une excavation représentant environ 3/10e de son diamètre horizontal qui laisse émerger les vaisseaux centraux de la rétine.
Dépourvue de cellules photoréceptrices, la zone papillaire réalise le « point aveugle» de la rétine. Elle est facilement repérable à l’ophtalmoscope : sa couleur jaune clair tranchant sur la couleur rose-orangé de la rétine ; ses limites sont le plus souvent nettes .
La rétine périphérique est classiquement divisée en quatre zones.
– La périphérie proche, au contact du pôle postérieur, s’étend sur 1,5 mm.
– La périphérie moyenne mesure 3 mm.
– La périphérie éloignée s’étend sur 9 à 10 mm du côté temporal et 16 mm du côté nasal.
– L’ora serrata ou extrême périphérie mesure 2,1 mm en temporal et 0,8 mm en nasal.
Ces dimensions sont variables notamment chez le myope fort et l’enfant.
Elle peut être subdivisée virtuellement en trois zones, de l’antérieur ver le postérieur :
– La moyenne périphérie : située entre les vaisseaux temporaux et l’équateur.
– La périphérie équatoriale : située entre la limite postérieure de l’orifice de pénétration des veines vortiqueuses et une ligne moyenne entre l’équateur et l’ora serrata.
– L’extrême périphérie : située entre la ligne moyenne entre l’équateur et l’ora serrata et le milieu de la pars plana ciliaire.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. RAPPEL ANATOMIQUE
1. Situation dans l’orbite
2. Dimensions et poids
3. Topographie
4. Constitution
4.1. Le segment postérieur
4.1.1 La sclérotique
4.1.2. La choroïde
4.1.3. La Rétine
4.1.3.1. Macroscopie
4.1.3.2. Microscopie
4.1.3.3. Vascularisation de la rétine
4.1.4. Le vitré
4.1.4.1. Corps vitré
4.1.4.2. Interface vitréorétinienne
4.2. Le segment antérieur
4.3. Les annexes
II. Physiopathologie
1. Contusion
2. Pénétration de corps étranger et lacération des tissus
2.1. Plaies
2.2. Corps étrangers intraoculaires (CEIO)
III. Classification des traumatismes oculaires
1. Bases
2. Glossaire du BETTS
2.1. Traumatisme à globe fermé
2.1.1. La contusion
2.1.2. La lacération lamellaire
2.1.3. Les corps étrangers superficiels
2.2. Traumatisme à globe ouvert
2.2.1. La rupture du globe oculaire
2.2.2. La lacération
3. Diagramme des traumatismes du globe oculaire
4. Classification OTCG
4.1. Classification des traumatismes à globe ouvert
4.2. Classification des traumatismes à globe fermé
IV. EXAMEN CLINIQUE
1. Interrogatoire
2. Examen physique
2.1. Examen général
2.2. Examen ophtalmologique
2.2.1. Acuité visuelle
2.2.2. Examen des annexes
2.2.3. Examen à la lampe à fente (LAF)
V. EXAMENS COMPLEMENTAIRES
1. Radiographie standard
2. Echographie oculaire en mode B
3. Scanner
4. IRM
5. La tomographie en cohérence optique (OCT- Optical Coherence Tomography)
6. L’angiographie rétinienne
7. Le test des couleurs
VI. LESIONS DU SEGMENT POSTERIEUR
1. Traumatisme contusif à globe fermé
1.1. Maculopathies traumatiques
1.1.1. Œdème de Berlin
1.1.2. Rupture de la choroïde
1.1.3. Trous maculaires
1.2. Lésions vitréorétiniennes
1.2.1. Avulsion de la base du vitré et DPV
1.2.2. Hémorragie du vitré
1.2.3. Dialyse rétinienne à l’ora serrata
1.2.4. Déchirure géante
1.2.5. Déchirures en fer à cheval
1.2.6. Décollement de rétine
1.2.7. Hémorragie du vitré
2. Traumatismes à globe ouvert
2.1. Plaies
2.1.1. Hémorragie vitréenne
2.1.2. Décollement de la rétine
2.2. Rupture du globe oculaire
2.3. CE du segment postérieur de l’œil
CONCLUSION