DES HOMMES DE PROPAGANDE AUX ALLURES FLATTEUSES
Le terme propagande relève de toute activité tendant à répandre des idées et des opinions. Il rallie des partisans à une cause. Cette tâche au sortir de la domination coloniale en Afrique, est exercée par des hommes noirs africains en possession d’une certaine connaissance sur les affaires politiques. Ces hommes reflètent dans les discours une réalité vécue stigmatisant les méfaits des colons. Ils laissent se dresser de nouveaux horizons. Ils suscitent l’adhésion des masses et leur inspirent de confiance. Ils passent, à leurs yeux, pour des guides et des sauveurs des individus humiliés et traités en esclaves.
Les voies et moyens pour la montée sur le trône
Monter sur le trône consiste à se déclarer capable de transformer en réalité les rêves et les souhaits du peuple. C’est une condition qui demande aussi un ensemble de formations acquises dans divers domaines. Ces formations doivent cultiver l’acuité de l’esprit sur des connaissances reçues dans des services relatifs aux affaires politiques de l’Etat. Or, la plupart des premiers hommes politiques africains arrivent au pouvoir sans être préparés. Emmanuel Dongala donne des témoignages accablants :
« ces vieux instituteurs, moniteurs, infirmiers, commis de bureau, tirailleurs…(…) : tout simplement, ils n’en savaient pas plus. Beaucoup d’entre eux, sans aucune préparation, s’étaient vus projetés à la tête d’un Etat crée rapidement et de toutes pièces, à la convenance du colonisateur. » .
La raison de cette accession à ces fonctions ne peut être autre chose que leur familiarité avec les anciens maîtres. Ils détiennent encore les décisions sur le plan des affaires des Etats africains. En effet, le personnage d’ EL Hadji Abdou Kader Bèye, un instituteur, illustre le cas:
« Très connu, ayant une « surface », le milieu industriel l’utilisa comme prête-nom moyennant quelques redevances. Il joua le jeu. Il était aussi membre du conseil d’administration de trois ou quatre sociétés de la place. A chaque fin d’exercice, il signait des procès-verbaux. » .
Il accède à la tête de plusieurs postes de responsabilité. Il est amené à y prendre des décisions importantes. Cette poignée d’individus étaient à côté des maîtres. Le narrateur nous livre les souvenirs de Mayéla à propos de l’indépendance de son pays. Celui-ci entendait à la radio le discours du futur président qui concluait en ces mots :
« Maintenant c’est avec l’amitié de la France qui, dans sa générosité et son génie historique, va nous aider à accéder à la scène internationale comme un père qui va aider son enfant à marcher. » .
Il demande, en conséquence, une bénédiction de taille au paternalisme. La catégorie de ces hommes favorise et solidifie les liens avec le colonisateur. Alors, les grands hommes africains lavent l’honneur de l’autre et salissent le leur. La génération suivante, quant à elle, n’a pas eu de formations rassurantes. Affectés d’aversion contre les régimes en place, les jeunes africains quittent trop tôt leurs études. Ils se muent en politiques pour les circonstances. Mayéla nous sert de prototype. Après avoir rompu hâtivement ses études, il s’est rendu aux combats politiques de libération en Afrique : « Chaque jour qui passe me (Mayéla) rend perplexe quant à mes raisons véritables. (…), pour montrer l’exemple aux autres collègues étudiants qui passaient des années en Europe, discutant de congrès en congrès, de manifeste en manifeste et de tracts en tracts, sur les nécessités d’une véritable révolution africaine, j’ai décidé de rejoindre un maquis. (…) ce qui m’intéresse c’est aller chez moi chasser toutes les marionnettes qui sont à vos (les Blancs) ordres et qui gouvernent la plupart de nos pays.» .
Mayéla, comme tous les jeunes africains, se met prématurément au service de la politique. Il oublie la raison pour laquelle les aînés sont pris pour des marionnettes, parce qu’à partir de leur niveau intellectuel ils n’ont pas les mêmes capacités que les Blancs pour comprendre et entreprendre une même réalité en face. Etre à même de se mesurer avec ces derniers est donc une bonne chose.
UNE ENTREPRISE POLITIQUE DESACRALISANTE
Le pouvoir et la nouvelle bourgeoisie
Le pouvoir est un terme qui, en politique, renferme en son sein l’ensemble des institutions d’un Etat. Ce terme est une autorité souveraine, qui a le privilège d’exercer des fonctions en vue de promouvoir la survie et la garantie de la nation. Cependant, les hommes d’Etat africains s’écartent du caractère authentique des leaders politiques. Ils restent autoritaires dans les exécutions, alors qu’ils ne sont pas doués d’autorité. Cela veut bien dire que la notion d’autorité dénote une force morale, un engagement, une volonté et une personnalité fiable. Et pourtant, ils ne témoignent pas en eux tous ces critères requis. Le pouvoir selon ces politiciens, est une force abusive d’autorité. Ils s’intéressent à l’administration des affaires publiques, qui leur donnent des bénéfices personnelles énormes. Ousmane Sembene démonte les opérations douteuses des hommes au pouvoir qui tissent des relations politiquement étroites avec la bourgeoisie naissante d’affaires depuis la nomination d’un des leurs au sommet de la chambre du commerce national :
« Notre gouvernement, en me désignant à ce poste de haute responsabilité, fait un acte de courage, il manifeste en cette période de détérioration des termes d’échanges un désir d’indépendance économique. (…) Nous devons être reconnaissants à notre gouvernement et à l’homme qui est à sa tête… » .
Les dirigeants asseyent leur politique sur l’embourgeoisement. Leur ambition matérialiste est l’une des plaies saignantes de la société noire africaine. Ils se vouent à la cupidité, une puissance qui s’exerce en toute impunité. Les écrivains de la période post-coloniale plus particulièrement Emmanuel Dongala et Ousmane Sembene décrivent cette manie. Avec un réalisme déconcertant ils s’attaquent à ces mauvais caractères. Et suivant les observations que nous avons menées tout au long des textes, les cryptobourgeois y apparaissent comme des méchantes figures. Ils se font couper du peuple, donc du monde auquel ils appartiennent :
«c’est cela l’Afrique, (…), un monde sans juste milieu. Où l’on passe brutalement de la grande métropole qui vous rappelle New-York par son atmosphère, sa superficialité et son égoïsme aux villages perdus dans les immenses savanes ou les profondes forêts. L’Afrique des nouvelles bourgeoisies possédantes avec des pavillons spéciaux dans les hôpitaux, face à la masse paysanne dépourvue de tout; et s’entassant comme du bétail dans les salles que l’on image mal être des salles d’hôpitaux. » .
|
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE LA NOUVELLE EQUIPE DIRIGEANTE ET SON IDEOLOGIE
INTRODUCTION
CHAPITRE I : DES HOMMES DE PROPAGANDE AUX ALLURES FLATTEUSES
I. 1. Les voies et moyens pour la montée sur le trône
I.2 La nouvelle classe dirigeante face aux aspirations des peuples
CHAPITRE II : UNE ENTREPRISE POLITIQUE DESACRALISANTE
II.1. Le pouvoir et la nouvelle bourgeoisie
II-2. Le despotisme en évolution
CHAPITRE III : L’INTOLERANCE POLITIQUE DES NOUVEAUX MAITRES
III- 1. La dureté des régimes en place envers les peuples
III.2 L’incompétence des dirigeants
III.3. La réduction des peuples au mutisme
CONCLUSION
DEUXIEME PARTIE: LES CONSEQUENCES NEGATIVES DESINDEPENDANCES
INTRODUCTION
CHAPITRE I : LES MEFAITS DES INDEPENDANCES
I. 1. Sur le plan politique
I.2. Sur le plan social
I 3. Sur le plan culturel
I.4. Sur le plan économique
CHAPITRE II : LA REVOLTE CONTRE LES NOUVEAUX POUVOIRS
II 1. Le style, une tentative de révolte
II 2. Le peuple et le personnage révolutionnaire
II 3. La meute des pauvres
CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE BASE
OUVRAGES THEORIQUES
REVUES
OUVRAGES GENERAUX
ROMANS