Classification de la pathologie du rejet
Le processus de rejet peut être résumé en 3 étapes générales :
Les alloantigènes sont reconnus sur le tissu étranger par les cellules immunitaires de l’hôte.
Une réponse alloimmunitaire est générée en réponse aux alloantigènes.
Le tissu transplanté est détruit .
Le rejet est d’abord classé selon le mécanisme en cause :
Rejet médié par les lymphocytes T, ou communément appelé rejet « cellulaire » (abrégé TCMR pour T cell-mediated rejection dans la littérature anglophone de transplantation).
Rejet médié par les anticorps ou « humoral » (abrégé ABMR pour antibody-mediated rejection).
Il peut également être classé en rejet aigu ou chronique, plus sur des critères histologiques que temporel, tel que nous le verrons. Le rejet hyperaigu est un concept important pour la compréhension du phénomène et nous l’aborderons brièvement, vu qu’il est rarement rencontré de nos jours.
Le TCMR/ABMR et aigu/chronique est le fruit d’un consensus établi pour la première fois en 1991 à Banff et publiée en détail en 1993. Il porte le nom de Classification de Banff de la pathologie de l’allogreffon rénal depuis cette conférence initiale en 1991 ; cette classification est révisée tous les deux ans lors du congrès dit « de Banff » même s’il se tient dorénavant à différents endroits à travers le monde.
Le rejet chronique
Le rejet chronique survient en général tardivement, mais peut être observé aussi tôt que 2 mois suivant la transplantation . Sa définition est histologique ; il se présente par des lésions tissulaires chroniques telles la duplication des membranes basales endothéliales, qui témoignent d’un dommage répété à l’endothélium. Le rejet de type chronique peut coexister avec le rejet aigu au sein du greffon ; ceci survient lorsqu’on observe simultanément les deux types de lésions. Dans le cas du rejet de type humoral, on parle alors de rejet « ABMR chronique actif ». Bien que la définition soit histologique, on distingue souvent le rejet chronique du rejet aigu par une absence de détérioration rapide de la fonction rénale. Actuellement, les immunosuppresseurs sont assez efficaces pour traiter le rejet aigu, mais le sont peu pour le rejet chronique, particulièrement l’ABMR chronique, qui provoque des dommages tissulaires irréversibles compromettant la survie du greffon à moyen terme . La biopsie rénale est nécessaire afin de distinguer le rejet des autres causes de dysfonction du greffon, comme la néphrotoxicité des immunosuppresseurs ou l’infection .
Le système HLA et les anticorps anti-donneurs circulants (DSA)
Les anticorps DSA sont reconnus comme une barrière majeure au succès de la transplantation, 46 particulièrement les DSA dirigés contre les antigènes HLA-II . Le locus génétique le plus important impliqué dans le rejet d’organe est connu sous le nom de complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). Chez l’humain, le CMH se nomme le système HLA, car les premiers antigènes identifiés et caractérisés ont été découverts en utilisant des alloanticorps contre les leucocytes . Le complexe HLA est situé sur le chromosome 6 humain et contient plus de 200 gènes, dont 40 encodent les antigènes des leucocytes ; plusieurs gènes au sein de ce complexe ne sont pas impliqués dans le système immunitaire. Il est reconnu comme étant le plus polymorphique des complexes dans le système génétique humain, toutefois son polymorphisme est essentiellement restreint à la fente de liaison antigénique pour la liaison des peptides. Les HLA qui sont impliqués dans l’immunité sont répartis en 3 classes : I, II et III, qui sont structurellement et fonctionnellement différentes. Le rôle des molécules produites est de présenter des peptides courts aux lymphocytes T, un processus initiant le système immunitaire adaptatif .
La glomérulopathie du transplant
La lésion chronique provoquée par un dommage endothélial répété aux glomérules dans le greffon est nommée la glomérulopathie du transplant (GT). Morphologiquement, il s’agit d’une lésion irréversible caractérisée en microscopie optique par une duplication de la membrane basale qu’on appelle « double contour » en néphropathologie . La duplication de la membrane basale est l’une des conséquences du dommage et de la réparation de l’endothélium ; ce phénomène se produit à l’intérieur des vaisseaux sanguins du glomérule 69. Elle débute par un changement du gonflement des cellules endothéliales et mésangiales avec une diminution de la perméabilité capillaire. Suite au dommage, l’endothélium se répare en produisant une nouvelle couche cellulaire par-dessus la précédente, ce qui résulte en l’apparition d’une nouvelle couche dans la membrane basale glomérulaire. Ce phénomène peut se produire de multiples fois, ce qui épaissit considérablement l’aspect de la membrane basale au microscope d’où le nom «double contour» . Un dommage histologiquement similaire à la GT peut également se développer dans un greffon à la suite d’une infection à l’hépatite C ou d’une microangiopathie thrombotique préexistante .
Les lésions sont souvent absentes à la microscopie optique dans les phases précoces de GT, qui sont par ailleurs silencieuses cliniquement, ce qui contribue à retarder le diagnostic. Par contre, la multilamellation de la membrane basale glomérulaire peut être détectée par microscopie électronique plusieurs mois avant que les lésions soient apparentes en microscopie optique. Ce critère (détection par microscopie électronique) a été incorporé dans la plus récente édition de la 25 classification de Banff et il supporte la réalisation de biopsie précoce pour sonder l’allogreffe et observer s’il y a des changements morphologiques .
La thrombomoduline
La thrombomoduline (TBM), aussi appelée CD141, BDCA3 ou fetomoduline est une glycoprotéine transmembranaire de type 1 aux propriétés variées au sein de l’organisme. Son mécanisme multimoléculaire régule et intègre différents aspects critiques de plusieurs processus physiologiques importants comme la thrombose-coagulation, l’immunité innée, l’inflammation et la prolifération cellulaire, ce qui lui permet de protéger l’organisme contre les différentes agressions potentielles . Son rôle principal est de servir de récepteur pour la thrombine. La TBM a été découverte dans les années 80, selon des observations datant des années 60, par Charles T. Esmon et Whyte G. Owen., à partir de la protéine C activée (PCA) par la thrombine. Les chercheurs avaient isolé le précurseur de la PCA, la protéine C (PC) ce qui leur a permis de découvrir le cofacteur endothélial essentiel à son activation, la thrombomoduline .
La TBM est exprimée principalement par les cellules endothéliales et on la retrouve à la surface de tous les vaisseaux sanguins et lymphatiques du corps humain à une densité de 50 000 à 100 000 molécules par cellules. Elle peut également être exprimée par les astrocytes, les cellules mésothéliales, les kératinocytes, les ostéoblastes, les plaquettes, les neutrophiles, les monocytes, les macrophages et les cellules dendritiques d’où le nom BDCA3 . Elle est aussi exprimée dans les syncytiotrophoblastes et les trophoblastes du placenta humain 80. Bien qu’elle soit exprimée par toutes les cellules endothéliales, la concentration de TBM est plus élevée dans les capillaires que les gros vaisseaux sanguins .
Au niveau des cellules endothéliales, l’expression de surface de la TBM augmente en réponse à plusieurs molécules stimulantes : son ligand, la thrombine, l’acide rétinoïque, le VEGF, l’histamine, la HSP et via les agents qui augmentent l’AMPc intracellulaire. Elle diminue en présence d’endotoxines, d’IL-1, de TNF-α, d’homocystéine, de TGF-β et en situation d’hypoxie .
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Table des matières
1. INTRODUCTION
1.1 HISTORIQUE DE LA TRANSPLANTATION
1.2 L’ÉTENDUE DE LA MALADIE RÉNALE CHRONIQUE DANS LA SOCIÉTÉ
1.3 SITUATION ACTUELLE POUR LE DON ET LA PÉNURIE D’ORGANES AU CANADA ET AU QUÉBEC
1.4 SITUATION ACTUELLE DE LA SURVIE DU GREFFON
1.5 LE REJET DEMEURE LA PRINCIPALE CAUSE DE PERTE PRÉMATURÉE DE GREFFON
1.5.1 Classification de la pathologie du rejet
1.5.2 Le rejet hyperaigu
1.5.3 Le rejet aigu
1.5.4 Le rejet chronique
1.5.5 Le rejet cellulaire
1.6 LE REJET HUMORAL
1.6.1 Physiopathologie de l’ABMR
1.6.2 Le système HLA et les anticorps anti-donneurs circulants (DSA)
1.6.3 L’endothélium
1.6.4 La glomérulopathie du transplant
1.6.5 Les traitements potentiels de l’ABMR
1.7 LA THROMBOMODULINE
1.7.1 Régulation de l’expression génique de la thrombomoduline
1.7.2 Organisation structurale
1.7.3 Rôles
1.7.3.1 Cascade de coagulation
1.7.3.2 Inflammation
1.7.3.3 Système du complément
1.7.3.4 Grossesse
1.7.4 La forme soluble de la thrombomoduline
1.7.5 Potentiel thérapeutique
2. OBJECTIF ET HYPOTHÈSE
3. RÉSULTATS
3.1 ARTICLE
4. DISCUSSION
4.1 LES VOIES DE SIGNALISATION DES ANTICORPS ANTI-HLA
4.1.1 Les voies de signalisation des anticorps anti-HLA-I
4.1.2 Les voies de signalisation des anticorps anti-HLA-II
4.2 EXPRESSION GÉNIQUE DE LA THROMBOMODULINE
4.3 LA GLYCOSYLATION ET LA THROMBOMODULINE
5. CONCLUSION
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