Eaux conventionnelles ; des problรจmes croissants en quantitรฉ et qualitรฉ
ย ย Le monde est confrontรฉ ร des problรจmes croissants de limitations des ressources en eau qui rรฉsultent de l’accroissement des populations (Qadir et al., 2010), de l’urbanisation croissante (Kennedy et al., 2012), du rรฉchauffement global de la planรจte (IPCC, 2013), et de la diversification des usages de l’eau (Asano, 1998). Certains pays prรฉsentent des indices de stress hydriques รฉlevรฉs (Bixio et al., 2006). A ces problรจmes sโajoutent une dรฉgradation de la qualitรฉ des ressources en eaux conventionnelles. On observe une salinisation croissante des aquifรจres littoraux liรฉe ร leur surexploitation (Taylor et al., 2012 ; Giungato et al., 2010), et une contamination des ressources en eaux conventionnelles due au dรฉversement d’eaux usรฉes non ou insuffisamment traitรฉes (Van der Bruggen, 2010). Des tensions et des conflits existent pour l’accรจs aux ressources en eau dans certaines rรฉgions (Brown et Matlock, 2011 ; Paquerot, 2007). Selon Vรถrรถsmarty et al. (2010), 80% de la population mondiale est exposรฉe ร des niveaux รฉlevรฉs de menace par rapport ร la ressource en eau (Figure II.1). On estime que lโactivitรฉ humaine prรฉlรจve chaque annรฉe environ 3800 milliards de m3 dโeau, dont 70 % sont utilisรฉs pour lโirrigation, 22 % pour lโindustrie et 8 % pour les usages domestiques (AFD, 2011). Le recyclage des eaux usรฉes peut permettre de faire face simultanรฉment aux problรจmes d’eau en quantitรฉ et en qualitรฉ (Bixio et al., 2008). Il est dรฉjร pratiquรฉ notamment en irrigation (agricole, de parcs, d’aires de sport, de surfaces boisรฉes) (Angelakis et Durham, 2008), ร des fins industrielles (Van der Bruggen, 2010), voire pour la redistribution en eau potable (Du Pisani, 2006 ; Leverenz et al., 2011). Toutefois ร l’รฉchelle mondiale, la rรฉutilisation des eaux usรฉes concerne moins de 4 % de ces eaux et permet d’entrevoir une intensification de cette pratique (AFD, 2011)Le recyclage des eaux usรฉes ne cesse dโaugmenter dans certains pays comme Israรซl, les Etats-Unis, la Chine et Australie (Van der Bruggen, 2010). Les niveaux de traitements avant recyclage varient en fonction du type de rรฉutilisation et avec les pays. Si certains pays poussent trรจs loin le traitement des eaux usรฉes avant recyclage jusquโร la potabilisation, plusieurs pays en dรฉveloppement rรฉ-utilisent de lโeau usรฉe brute en agriculture (Tunisie (Qadir et al., 2010), Pakistan (Ensink et Van der Hoek, 2006)). Il s’agit parfois d’un choix dรฉlibรฉrรฉ (รฉventuellement en opposition avec la politique rรฉgionale) pour fertiliser les terres, les eaux usรฉes non traitรฉes รฉtant plus riches en duvers fertilisants (notamment N et P) que les eaux usรฉes traitรฉes (Scott et al., 2010 et 2000). L’expรฉrience de Mexico City apparaรฎt comme le plus important projet de rรฉutilisation des eaux usรฉes au niveau mondial (Jimรฉnez-Cisneros et Chรกvez-Mejรญa, 1997) : presque 100 % des eaux usรฉes brutes de la capitale mexicaine sont rรฉutilisรฉes pour l’irrigation de plus de 85 000 ha supportant diverses cultures agricoles. Un exemple de projet fonctionnant en France depuis 1996 est le pรฉrimรจtre agricole de lโASA Limagne noire qui a รฉtรฉ initiรฉ grรขce ร un partenariat efficace entre une association dโune cinquantaine dโagriculteurs (ASA Limagne Noire), la communautรฉ d’agglomรฉration Clermontoise, les gestionnaires de la Station dโรฉpuration des eaux usรฉes (STEU) (Vรฉolia-Environnement), la sucrerie de Bourdon (voisine de la STEU) qui a mis ร disposition ses lagunes pour un traitement tertiaire des EUT et Somival, lโentreprise qui a conรงu et dimensionnรฉ le projet. Aujourd’hui, 1500 ha sont รฉquipรฉs pour รชtre irriguรฉs par des eaux usรฉes traitรฉes, 700 ha l’รฉtant en pratique chaque annรฉe pour assurer un temps de rรฉsidence des eaux usรฉes traitรฉes d’au moins 15 jours dans les lagunes entre avril et septembre. Les cultures sont principalement le maรฏs et la betterave, irriguรฉs ร partir dโasperseurs type canon ou rampe dโirrigation de type pivot (Figure II.3).
Des risques trรจs divers
ย ย En fonction de leurs origines, les eaux usรฉes, peuvent รชtre chargรฉes de nombreux produits chimiques organiques ou inorganiques dโorigines domestiques ou industrielles (Leverenz et al., 2011) dont des mรฉtaux lourds (Lente et al., 2012 ; Barakat et Schmidt, 2010) et en pathogรจnes de lโhomme (Pachepsky et al., 2011 , Gerba et Smith, 2005). Dans certains pays, les agriculteurs รฉpandent directement les eaux usรฉes brutes non traitรฉes plus chargรฉes en fertilisants tels que lโN et le P (Drechsel et Evans, 2010 ; Qadir et al., 2010 ; Scott et al., 2010). A cรดtรฉ de leur rรดle bรฉnรฉfique pour les sols et les cultures, ces eaux peuvent aussi contenir des composรฉs toxiques pour lโenvironnement (รฉlรฉments traces mรฉtalliques dont Zn, Cd, As, Pb (Lente et al., 2012), parfois Na+, Cl- et borate ร fortes concentrations (Sou\Dakourรฉ et al., 2013), substances organiques รฉmergentes trรจs variรฉes dont les produits pharmaceutiques (Papaiacovou et Papatheodoulou, 2013). De nombreuses รฉtudes ont dรฉtectรฉ dans les eaux usรฉes des bactรฉries type salmonelles, lรฉgionelles (AFSSA, 2008), des protozoaires (Salgot et al., 2003), des ลufs d’helminthes (Salgot et al., 2003), et des virus entรฉriques (Petrinca et al., 2009 ; Symonds et al., 2009). Les risques sont conditionnรฉs par lโexistence ou non d’un traitement des eaux, par la nature et le niveau du traitement ainsi que par le niveau de santรฉ des populations. Nรฉamoins pour des eaux usรฉes dโorigine domestique, les risques liรฉs aux รฉlรฉments traces mรฉtalliques sont faibles, car ils sont retirรฉs trรจs efficacement au niveau des STEU par les traitements conventionnels. La question se pose davantage en ce qui concerne les substances organiques รฉmergentes. En effet, il existe un grand nombre de substances rejetรฉes dans les eaux usรฉes. Mรชme si l’on reste trรจs gรฉnรฉralement en-deรงร des seuils de toxicitรฉ, on manque encore de connaissances sur leurs effets combinรฉs ainsi que sur l’effet d’une exposition chronique a une ou plusieurs de ces substances. En ce qui concerne les risques microbiologiques, la prรฉsence d’ลufs dโhelminthes correspond ร un risque mineur en France car les traitements en STEU sont efficaces mรชme en lโabsence de traitement tertiaire (Lazarova, 2004). Leur contrรดle a รฉtรฉ รฉliminรฉ de la rรจglementation Franรงaise de 2014 relative ร la rรฉutilisation des eaux en irrigation, pour partie pour cette raison, et pour partie ร cause de la dรฉtection de faux positifs. Les bactรฉries pathogรจnes dans les eaux usรฉes gรฉnรจrent un risque plus รฉlevรฉ du fait de concentrations retrouvรฉes plus fortes (jusquโร 109 bacteries/100 mL pour les salmonelles (Bitton, 2005)), de leur rรฉsistance ร certains traitements (La Rosa et al., (2010) indiquent toutefois un abattement moyen de plus de 98 % et jusquโร 6 log10 avec un traitement secondaire, suivi d’une faible chloration), et de lโapparition de souches rรฉsistantes. De nombreuses รฉtudes traitent de leurs devenirs dans lโenvironnement aussi bien dans lโeau, sur le sol ou dans lโair (Morris et al., 2014). Les virus peuvent รชtre retrouvรฉs en forte concentration dans les eaux usรฉes brutes jusquโร 107 virus.L-1 pour les norovirus et le virus de lโhรฉpatite A (Sidhu et al., 2009). Ils sont รฉgalement moins sensibles au traitement. Ainsi Bofill-Mas et al. (2006) trouvent par exemple une concentration aprรจs traitement secondaire pour les adenovirus de 3 log10 GC.100 ml โ 1 (en Espagne) et Flannery et al. (2012) notent pour les norovirus des concentrations de 2.58 log10 GC.100 ml-1(au Royaume), Prevost et al., (2015) pour les astrovirus retrouvent des concentration de 3 ร 4 log10 GC.100 mL-1 et pour les rotavirus de 2 ร 3 log10 GC.100 mL1 (en France). La mesure de la qualitรฉ microbiologique des eaux se fait le plus souvent par la mesure dโindicateurs microbiens tels quโEscherichia coli et les Entรฉrocoques fรฉcaux mais se montre peu fiable comme indicateurs de ces derniers. Ainsi il parait essentiel dโapprofondir les connaissances sur le devenir des virus aussi bien lors des traitements en STEU que du devenir environnemental et lors de la rรฉutilisation de ces eaux en irrigation.
L’รฉvaluation quantitative des risques pour la santรฉ
ย ย Lโanalyse quantitative des risques microbiens (QMRA en anglais) permet d’รฉvaluer le risque de contracter une maladie ou une infection aprรจs exposition ร des agents pathogรจnes par lโintermรฉdiaire dโaliments, dโeau ou de lโair (Pachepsky et al., 2010). Afin dโaller plus loin et de mesurer lโimpact sanitaire, on utilise parfois le DALY (pour Disability Adjusted Life Years) comme indice mesurant le poids (la charge ou le fardeau) d’une maladie pour une personne. Cet indice exprime la durรฉe de vie ยซย perdueย ยป pour cause d’incapacitรฉ ou de dรฉcรจs liรฉ ร la maladie, au regard de la durรฉe de vie restante sans incapacitรฉ en absence de maladie. Il est trรจs souvent exprimรฉ en annรฉe(s) perdue(s) par cas de maladie (en pcd pour per case of disease) ou par personne et par an (en pppa par personne et par an). Un calcul a รฉtรฉ proposรฉ par WHO (1989) pour le rotavirus : un DALY maximum tolรฉrรฉ de 10-6 pppa, amรจne ร un risque dโinfection maximum tolรฉrรฉ dโenviron 10 -3 pppa en paysย industrialisรฉ (i.e. 1 personne sur mille attrape une gastroentรฉrite chaque annรฉe suite ร la contamination รฉtudiรฉe) en lien avec une consommation donnรฉe. Le DALY par cas de maladie peut varier d’une rรฉgion ร lโautre (selon lโInstitut de mรฉtrologie sanitaire et d’รฉvaluation, Scheierling et al. (2011), WHO. (2006)). L’indice DALY prend en compte les effets aigus (pendant la phase de maladie) mais aussi les effets diffรฉrรฉs et chroniques (dont la morbiditรฉ et la mortalitรฉ). Il permet de comparer les effets de maladies diffรฉrentes, par exemple un cancer et une gastroentรฉrite. Il doit tenir compte du contexte social (effets/consรฉquences plus ou moins marquรฉ(e)s suivant l’รขge, le sexe et le contexte sanitaire des personnes). Il permet une gestion objective des risques sanitaires basรฉe sur des seuils d’acceptabilitรฉ. Cette mรฉthode de quantification des risques prรฉsente deux types dโavantages :
– elle permet de se fixer des objectifs indรฉpendants des pathogรจnes ;
– elle permet d’atteindre ces objectifs soit exclusivement au travers du traitement des eaux usรฉes, soit en tenant compte des facteurs susceptibles d’abattre la teneur en pathogรจnes aprรจs irrigation in situ par des eaux usรฉes (type d’irrigation, dรฉlais entre la derniรจre irrigation contaminante et la rรฉcolte, traitements des produits aprรจs rรฉcolte โฆ) (Mara et al., 2007 ; WHO, 2006). Des applications de lโanalyse des risques microbiens pour la rรฉutilisation des eaux usรฉes pour l’irrigation ont รฉtรฉ publiรฉs et donnent un premier aperรงu des risques rรฉsultant de la consommation de cultures irriguรฉes par les eaux usรฉes en fonction des agents pathogรจnes et de leurs concentrations dans les eaux usรฉes pour les virus entรฉriques (Mara et al, 2007 ; Hamilton et al, 2006 ; Petterson et al., 2001) mais aussi pour lโinhalation (et l’ingestion involontaire) par les agriculteurs ou les habitants voisins de particules de sol (Mara et al., 2007). Les modรจles dรฉveloppรฉs pour les contaminations par voie aรฉrienne combinent gรฉnรฉralement, un modรจle dโexposition (ou de dispersion atmosphรฉrique), un modรจle de doserรฉponse, souvent de type Bรฉta-Poisson et un modรจle dโinfectiositรฉ (Pachepsky et al., 2011). Stellacci et al. (2010) ont dรฉveloppรฉ une approche QMRA en considรฉrant un modรจle de dispersion hybride gaussien appliquรฉ ร des pathogรจnes type Campylobacter et Rotavirus pour estimer les risques sur la santรฉ des travailleurs autour dโune station de traitement des eaux usรฉes en Italie. Ils montrent ainsi quโil faut au moins maintenir une distance de 300 m entre la station de traitement des eaux usรฉes et les rรฉsidents pour rรฉduire les risques sur la santรฉ. Cependant, il faut noter que ces rรฉsultats restent des estimations, il nโy a pas eu de mesures associรฉes ni de prise en compte des pratiques liรฉes ร lโirrigation dans cette รฉtude. Les approches de type QMRA restent nรฉanmoins difficile ร mettre en place. Elles nรฉcessitent une mesure correcte des pathogรจnes dans les eaux usรฉes ainsi que la connaissance de leurs devenirs rรฉels au cours des traitements, stockages, irrigations, aรฉrosolisation, survie en aรฉrosol et transfert de pathogรจnes des voies respiratoires aux voies gastroentรฉriques (Renault, 2014). Elles nรฉcessitent aussi dโavoir une bonne connaissance des comportements des populations visรฉes (habitude alimentaire et sanitaire…) (Renault, 2014). Enfin, la dรฉtection des agents pathogรจnes reste difficile et couteuse. Pour un DALY de 10-6 pppa, ces approches aboutissent ร des seuils de concentration en pathogรจnes qui peuvent รชtre trรจs faibles, par exemple de l’ordre de 5 10-3 rotavirus.L-1 (WHO, 2006). De telles concentrations ne sont bien sur pas mesurables sans รฉtape de prรฉconcentration trรจs forte. Lโutilisation de bio-indicateurs plus abondants ร la place de virus pathogรจnes de l’homme pourrait simplifier les contrรดles mais les teneurs en virus entรฉriques de l’homme sont trรจs gรฉnรฉralement non corrรฉlรฉes aux teneurs en bioindicateurs classiquement associรฉes aux normes et rรจglementations.
Caractรจres gรฉnรฉraux des virus
ย ย Les virus sont des parasites obligatoires, ce qui signifie que leur multiplication est impossible hors des cellules. Ainsi, leur prรฉsence dans lโenvironnement ne peut รชtre que la consรฉquence dโun apport. Lwoff et al. (1953, 1959) ont proposรฉ les critรจres qui dรฉfinissent actuellement les virus :
– un virus ne contient quโun seul type dโacide nuclรฉique (ADN ou ARN) ;
– lโacide nuclรฉique est entourรฉ dโune structure protรฉique (la capside) qui le protรจge et porte les rรฉcepteurs spรฉcifiques ร lโhรดte pour les ยซ virus nus ยป. Lโensemble acide nuclรฉique et capside est appelรฉ nuclรฉocapside ;
– un virus peut รชtre constituรฉ uniquement dโune nuclรฉocapside (Figure II.5) dans ce cas il est dit ยซ nu ยป. Sโil est recouvert dโune enveloppe externe, on dit que le virus est enveloppรฉ ;
– un virus ne peut se reproduire quโร partir de son seul gรฉnome par rรฉplication. Le virus nโayant aucun mรฉtabolisme, dรฉpend entiรจrement de la cellule hรดte et est donc un parasite obligatoire.ย Les virus sont de taille trรจs variable allant de la douzaine de nanomรจtres pour le ยซ feather disease virus ยป (BFDV) ร plus de 0,7 ยตm pour les Pandoravirus). Des virus ont รฉtรฉ retrouvรฉs comme parasites de tous les rรจgnes connus (Archea, Bacteria, Protista, Fungi, Plantea, Animalia), et aussi de maniรจre plus surprenante des virus, ร travers des virophages, virus parasitant dโautres virus (Zhang et al., 2012 ; La Scola et al., 2008). Comme dรฉcrit par Lwoff et al. (1953, 1959), il existe une structure commune ร tous les virus, la nuclรฉocapside. Or, mรชme avec cette caractรฉristique commune, il existe une trรจs grandevariรฉtรฉ organisationnelle dont la complexitรฉ est directement liรฉe ร la taille du gรฉnome viral. Lโacide nuclรฉique au centre de la capside peut รชtre constituรฉ dโADN comme pour les Adenoviridae ou dโARN comme pour les Picornaviridae. Il peut รชtre bi- ou monocatรฉnaire avec une taille pouvant aller de 4 ร 2500 gรจnes codant pour une ou plusieurs protรฉines. Contrairement aux bactรฉries dont le gรฉnome est exclusivement circulaire, celui des virus peut รชtre linรฉaire ou circulaire comme pour le virus de lโhรฉpatite B. Il existe mรชme des virus ร gรฉnome segmentรฉ ce qui favorise les recombinaisons gรฉnรฉtiques comme pour les Orthomyxoviridae (virus grippaux) rendant รฉphรฉmรจre lโefficacitรฉ des vaccins. Les virus ร ARN simple brin (auxquels appartiennent la plupart des virus entรฉriques) ont la particularitรฉ de porter soit une molรฉcule dโARN de polaritรฉ positive (ARN+) pouvant รชtre traduite directement en protรฉine virale par la cellule, soit une molรฉcule dโARN de polaritรฉ nรฉgative (ARN-). Dans ce dernier cas, lโARN nโest pas directement infectieux et doit รชtre transcrit par une enzyme virale en ARN+. La capside est constituรฉe dโun autoassemblage par liaison faible de protรฉines (protomรจre) identiques ou non, codรฉes par le gรฉnome viral et rรฉparties en sous-unitรฉs appelรฉes capsomรจres . Il existe deux structures principales de capside naturellement adoptรฉes par les protรฉines pour minimiser lโรฉnergie dโassemblage ; la forme hรฉlicoรฏdale et la forme icosaรฉdrique (ร lโexception de certains bactรฉriophages ร morphologie plus complexe). Certaines expรฉriences (portant sur lโinactivation) ont รฉtรฉ menรฉes avec des bactรฉriophages de manipulation parfois plus faciles, mais il faut รชtre prudent sur les interprรฉtations qui en ressortent car la structure de ces derniers peut รชtre trรจs diffรฉrente de celle des virus entรฉriques ; s’y ajoutent par ailleurs des diffรฉrences au niveau des protรฉines et des groupes fonctionnels ร la surface de la capside.
Aรฉrosolisation ou rรฉ-aรฉrosolisation
ย ย Lโirrigation par des eaux usรฉes au champ peut donc aboutir ร une contamination des sols (Urbanucci et al., 2009), des eaux souterraines (Lodder et al., 2010), des cultures (Cook et D’Agostino, 2013) ainsi quโร une aรฉrosolisation de pathogรจnes (virus et bactรฉries) ร partir dโirrigation par aspersion (Metcalf et al., 1995 ; Shuval et al., 1989). Au voisinage de STEU, on a dรฉjร montrรฉ que les virus peuvent รชtre aรฉrosolisรฉs (Sรกnchez-Monedero et al., 2008 ; Bauer et al., 2002 ; Carducci et al., 2000), parcourir alors des distances plus ou moins importantes, et constituer un danger potentiel pour les travailleurs de STEU et les riverains (Grisoli et al., 2009 ; Heinonen-Tanski et al., 2009 ; Carducci et al., 2000). Des exemples de dispersion aรฉrienne de virus responsables de diverses maladies ont รฉtรฉ rapportรฉs dans la littรฉrature ; ils montrent que les distances de transport peuvent รชtre trรจs importantes et dรฉpasser largement 100 m suivant la taille des particules dans lโair (Casal et al., 1995). La contamination par des pathogรจnes liรฉe aux eaux usรฉes peut se faire suivant diffรฉrentes voies (digestive, respiratoire voire cutanรฉ). Lorsque les virus sont aรฉrosolisรฉs, le risque dโexposition est liรฉ ร lโinhalation. Le transfert des particules virales dans lโorganisme peut combiner lโinhalation de virus seul ou attachรฉ ร dโautres particules, leur dรฉpรดt dans les voies respiratoires supรฉrieures, et in fine leur dรฉglutition avec le mucus des voies respiratoires (Nazaroff, 2011). Plus les particules pathogรจnes sont petites, plus elles pรฉnรจtreront loin dans lโorganisme, les virus essentiellement de taille nanomรฉtrique sont susceptibles de descendre au niveau des alvรฉoles pulmonaires. Nรฉamoins, cela nโa dโintรฉrรชt que pour les virus respiratoires (ex virus grippaux), les virus entรฉriques quant ร eux demandent obligatoirement de passer par la voie digestive pour infecter lโorganisme. Les divers pathogรจnes trouvรฉs dans les eaux usรฉes et รฉmis dans lโatmosphรจre peuvent รชtre transportรฉs sur des distances variables et atteindre les personnes manipulant des eaux usรฉes comme les populations ร proximitรฉ des lieux d’รฉpandage. In situ, la prรฉsence de virus entรฉriques de lโhomme dans l’air a รฉtรฉ notรฉe au voisinage des stations de traitement des eaux usรฉes, en particulier pendant les รฉpisodes venteux (Masclaux et al., 2014 ; Ziros et al., 2011 ; Fracchia et al., 2006 ; Carducci et al., 1995), et lors d’รฉpandages de biosolides (Brooks et al., 2005). Des contaminations via lโair par des virus entรฉriques de lโhomme avec symptรดmes ร la clรฉ ont รฉtรฉ clairement dรฉmontrรฉes et diffรฉrentes รฉtudes ont soulignรฉ le lien entre infections gastro-intestinales et exposition aux bioaรฉrosols au restaurant (Marks et al., 2000), ร รฉcole (Marks et al., 2003) et en hรดpital (Nenonen et al., 2014) en STEU ou aux abords de zone dโaspersion dโeaux usรฉes (Khuder et al., 1998 ; Katzenelson et Teltch, 1976). De plus les bioaerosols peuvent รชtre dรฉtectรฉs sur de grandes distances ainsi Bausum et al (1982) ont observรฉ aprรจs aรฉrosolisation par source ร 2.5.105 PFU.mL-1, une dรฉtection de 4.6.102 PFU.mL-1 ร une distance de prรจs de 563 m aprรจs forte diminution dans les 100 premiers mรจtres ร partir de la source dโรฉmission. Il est important de rappeler que trรจs peu de virus suffisent pour induire une maladie de lโordre de 1 ร 10 virus infectieux pour le VHA (Bitton et al., 2005). Une fois dans lโatmosphรจre, les microorganismes peuvent รชtre transportรฉs plus ou moins loin selon les types de circulations atmosphรฉriques. Suivant les conditions microclimatiques, certains pathogรจnes peuvent rester dans l’atmosphรจre pendant plusieurs jours avant d’รชtre redรฉposรฉs par les prรฉcipitations ou en dรฉpรดts secs (Matthias-Maser et al., 2000). Le taux dโaรฉrosolisation et de survie des microorganismes en gรฉnรฉral dans lโatmosphรจre est sous lโinfluence de paramรจtres mรฉtรฉorologiques comme la vitesse du vent, le taux dโhumiditรฉ et la tempรฉrature (Coakley et Scherm, 1996 ; Walter et al., 1990). Coakley et al., 1996 ont montrรฉ par exemple que lโeffet des changements climatiques pouvait avoir un impact significatif sur le dรฉveloppement de pathogรจne et induire des distributions gรฉographiques dโรฉpidรฉmies trรจs diffรฉrentes sur certaines rรฉgions du globe. Des travaux de recherche sont menรฉs actuellement par exemple sur lโimpact des aรฉrosols en zone dรฉsertique et du climat sur les รฉpidรฉmies de mรฉningites au Sahel (voir gisclimat et Sultan et al., (2005)). De nombreuses รฉtudes ont portรฉ sur lโaรฉrosolisation des pollens, leur รฉmission, leur transport dans lโair et sur lโimpact sur la santรฉ (voir la revue de lโaction COST). Diffรฉrentes approches de modรฉlisation du transport du pollen comprenant des modรจles de survie ont รฉtรฉ proposรฉes (Vogelet al., 2008 ; Dupont et al., 2006). Une รฉquipe allemande (Burrows et al., 2009) a รฉtabli des cartes de dispersion des bactรฉries dans lโatmosphรจre ร lโรฉchelle globale ร lโaide de modรจles de circulation atmosphรฉrique. Mรชme si certains modรจles climatiques comprennent des modules permettant de simuler le transport des aรฉrosols tels que le modรจle MesoNH avec le module aรฉrosol ORILAM (Tulet., 2005), ou encore CHIMERE dรฉveloppรฉ au LMD couplรฉ avec divers modรจles atmosphรฉriques (MM5, WRF, ces derniers modรจles sont utilisรฉs ร AIRPACA4 pour prรฉdire la qualitรฉ de lโair en polluants dans la rรฉgion Sud-Est), les bioaรฉrosols restent encore difficile ร prendre en compte dans ces modรจles complexes, ร la fois par manque de donnรฉes pour paramรฉtrer correctement les principaux processus dโรฉmission, transport et inactivation, et dโautre part, en raison du comportement unique de chaque famille de microorganisme vis-ร -vis de lโenvironnement. Des modรฉlisations plus ยซ simples ยป basรฉes sur une reprรฉsentation de la dispersion suivant par exemple un panache gaussien ont รฉtรฉ plutรดt employรฉes pour estimer les distances que peuvent atteindre les microorganismes pour diffรฉrentes applications (Dungan, 2010 ; Holmes et Morawska, 2006 ;Bausum et al., 1982).
Le virus
ย ย Nous avons utilisรฉ la souche MC0 cytopathogรจne du mengovirus murin (MVM), initialement obtenue par Martin et al. (1996), qui nous a รฉtรฉ aimablement fournie par le Pr. A. Bosch (Universitรฉ de Barcelone, Espagne) avec les cellules BGM (Buffalo Green Monkey Kidney) obtenues par Barron et al. (1970) et utilisรฉes pour la production du virus. Les mengovirus ont รฉtรฉ produits en milieu Dulbecco’s modified Eagle (Gibco ยฎ, rรฉf. : 31966047, USA) complรฉtรฉ avec 10 % (v/v) de sรฉrum de veau foetal, (Gibco ยฎ, rรฉf. : 10270098, USA), 5 % (v/v) dโacide aminรฉ non essentiel (Fisher, rรฉf. : 11350912), 1 % d’Antibiotique-Antifongique (Gibco ยฎ, Pรฉnicilline Streptomycine (rรฉf. : 15290-018) et Fungizone (rรฉf. : 15290-018) sous une atmosphรจre ร 9 % de CO2 ร 37ยฐC. Un inoculum viral d’environ 105 gc est mis en contact pendant 60 min avec des cellules BGM ร 90% de confluence en flacons de 175 cm2 (Greiner bio-one, rรฉf. : 660175) ; le milieu de culture est renouvelรฉ ensuite. Aprรจs 3 jours dโincubation, le milieu de culture est rรฉcupรฉrรฉ avec les cellules (sans action physique ou chimique pour dรฉcoller les cellules) et passรฉ aux ultrasons pendant 10 cycles de 15 secondes chacun. La suspension ainsi obtenue est ensuite centrifugรฉe pendant 5 min ร 2700 g afin de faire sedimenter les dรฉbris cellulaires. Le surnageant est rรฉcupรฉrรฉ et aliquotรฉ en doses d’environ 35- 40 mL stockรฉ en tubes stรฉriles de 50 mL (Falconยฎ) et conservรฉ ร -21ยฐC. Pour chacune des expรฉriences sous tunnel ventilรฉ, 3 doses de 35-40 mL ร environ 108 gc.mL-1 ont รฉtรฉ mises ร la tempรฉrature ambiante environ 1 h avant le lancement de l’expรฉrimentation ; 100 mL sont ensuite diluรฉs avec de l’eau pure (type MilliQ) ou de l’eau usรฉe autoclavรฉe pour aboutir ร 1 L de suspension virale (1010 gc.L-1). Cette suspension a รฉtรฉ apportรฉe de maniรจre aussi homogรจne que possible ร l’aide d’un pulvรฉrisateur. Pour les expรฉriences de qualification des Impingers, lโun des deux types de biocollecteurs utilisรฉs, la suspension virale initiale รฉtait diluรฉe au 20รจme dans du PBS au 10รจme. La quantification du gรฉnome du mengovirus murin a รฉtรฉ rรฉalisรฉe par RT-qPCR sans รฉtape de prรฉconcentration. En pratique, pour chaque solution de piรฉgeage des Impingers, nous avons extrait entre 55 et 60 ยตL dโARN viral ร partir des 140 ยตL dโรฉchantillon au moyen dโun kit dโextraction (kit QIAampยฎ Viral RNA (Qiagenยฎ,ref : 52906)). Pour les filtres, une extraction directe par tampon de lyse a รฉtรฉ rรฉalisรฉe au moyen du kit dโextraction. La RT-qPCR a รฉtรฉ rรฉalisรฉe au moyen du kit RNA UltraSenseยฎ One-step Quantitative RT-PCR System (Life Technologies ยฎ ref 11732-927) avec les amorces : antisens 5โ – GAAGTAACATATAGACAGACGCACAC – 3โ, sens GCGGGTCCTGCCGAAAGT et sonde TaqMan ATCACATTACTGGCCGAAGC dรฉcrite par Pinto et al. (2009) selon les recommandations du fabricant. La concentration finale de lโamorce ยซ reverse ยป est de 1124 nM, 625 nM pour les amorces ยซ Forvard ยป et 312 nM pour les sondes. Toutes les amplifications ont รฉtรฉ rรฉalisรฉes avec lโappareil Mx3005P PCR quantitative (qPCR) (Agilent Technologies, France).
|
Table des matiรจres
CHAPITRE I) INTRODUCTION : QUELQUES ELEMENTS DE CONTEXTE
CHAPITRE II) SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
II.1. INTRODUCTIONย
II.2. RESSOURCES EN EAU ; REUTILISATION DES EAUX USEES ET RISQUES ASSOCIESย
II.2.a. Eaux conventionnelles ; des problรจmes croissants en quantitรฉ et qualitรฉ
II.2.b. Des risques trรจs divers
II.2.c. Traitements des eaux usรฉes et effets sur les pathogรจnes
II.2.d. L’รฉvaluation quantitative des risques pour la santรฉ
II.2.e. Lignes directrices proposรฉes, rรจglementations et normes
II.3. LES VIRUS ENTERIQUES DE L’HOMME PRESENTS DANS LES EAUX USEES
II.3.a. Caractรจres gรฉnรฉraux des virus
II.3.b. Prรฉsence des virus entรฉriques de l’homme dans les eaux et l’air
II.4. DEVENIR ยซ ATMOSPHERIQUE ยป DES VIRUS : AEROSOLISATION ET INACTIVATION
II.4.a. Aรฉrosolisation ou rรฉ-aรฉrosolisation
II.4.b. Inactivation dans lโair
II.5. CONCLUSION
CHAPITRE III) AEROSOLISATION DES VIRUS A PARTIR DU SOL
III.1. INTRODUCTIONย
III.2. MATERIELS ET METHODES
III.2.a. Matรฉriels
III.2.b. Protocoles expรฉrimentaux et plan d’expรฉrience
III.2.c. Modรฉlisation des processus, analyse dโincertitude et traitement des donnรฉes
III.3. RESULTATS ET DISCUSSIONS
III.3.a. Incertitudes et biais liรฉs aux mรฉtrologies et protocoles expรฉrimentaux
III.3.b. Rรฉsultats des expรฉrimentations sous tunnels
III.4. CONCLUSIONย
CHAPITRE IV) INACTIVATION DANS L’ATMOSPHERE DES VIRUS
IV.1. INTRODUCTION
IV.2. MATERIELS ET METHODES
IV.2.a. Le Virus
IV.2.b. Protocoles expรฉrimentaux et plan d’expรฉrience
IV.2.c. Modรฉlisation des processus ; traitement des donnรฉs expรฉrimentales
IV.2.d. Analyse de jeu de donnรฉes expรฉrimentales de la littรฉrature :
IV.3. RESULTATS ET DISCUSSIONS
IV.3.a. Niveau initial d’inoculation des tubes ; tests d’homogรฉnรฉitรฉ entre expรฉriences
IV.3.b. Evaluation du maintien des nombres de copies gรฉnomiques dโARN viral
IV.3.c. Inactivation des virus
IV.3.d. Analyse des nombres de copies gรฉnomiques d’ARN viral
IV.4. CONCLUSION
CHAPITRE V) CONCLUSION ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE GLOBALE
Tรฉlรฉcharger le rapport complet