Les violences verbales et psychologiques
La violence psychologique est le type de violence le plus fréquent. Elle est présente pratiquement systématiquement, la plupart du temps elle précède la violence physique (quand cette dernière existe). Elles sont très sous-estimées car peu visibles par les personnes extérieures (le partenaire violent cherche à garder une bonne image publique). Ce sont également les plus destructrices et douloureuses. (21)
« On parle de violences psychologiques lorsqu’une personne adopte une série d’attitudes et de propos qui visent à dénigrer et à nier la façon d’être d’une autre personne. Ces paroles ou ces gestes ont pour but de déstabiliser ou de blesser l’autre ». (22) La relation est construite sur la base de la violence psychologique, il ne s’agit pas d’un dérapage ponctuel mais d’une façon d’être de la relation. La violence psychologique consiste à « nier l’autre et le considérer comme un objet. Ces procédés sont destinés à soumettre l’autre, à le contrôler et à garder le pouvoir ». (22) Le but de ces violences est la réalisation d’une déconstruction mentale, installant une emprise du partenaire sur l’autre. Elle s’articule autour de plusieurs axes de comportements ou d’attitudes qui constituent des microviolences difficiles à repérer (22) :
• Le contrôle : il s’agit de tout contrôler pour imposer la façon dont les choses doivent être faites. Cela peut également être le contrôle des heures de sommeil, des heures de repas, des dépenses, des relations sociales et même des pensées ; ou encore du contrôle professionnel (empêcher de faire des études ou une progression professionnelle) et du cyber-contrôle (voir ci-après).
• L’isolement : il permet aux violences de se perpétuer. Il s’agit d’isoler progressivement la victime de sa famille et de ses amis, l’empêcher de travailler, d’avoir une vie sociale. L’isolement progressif aboutit à un contrôle total de la personne, comme dans les sectes. L’isolement est à la fois une cause et une conséquence de la maltraitance.
• La jalousie pathologique : malgré tout ce que fait l’agresseur (pour la contrôler et faire d’elle sa propriété), la victime reste une personne différente de lui-même ; le plus dérangeant pour le partenaire violent, c’est l’altérité de sa victime. Le basculement dans la jalousie maladive intervient à partir d’un sentiment de dévalorisation. Plutôt que de se remettre en question, le conjoint violent explique sa frustration par la potentielle infidélité de sa partenaire. (23) La jalousie porte sur le passé de la victime, son présent, parfois même son avenir. Aucune explication rationnelle ne vient apaiser une jalousie pathologique car il s’agit ni plus ni moins que d’un refus de la réalité.
• Le harcèlement : il s’agit de discussions sans fin pour extorquer des aveux, jusqu’à ce que la victime, épuisée, finisse par céder. En répétant à satiété un message à quelqu’un, on parvient à saturer ses capacités critiques et son jugement, à lui faire accepter n’importe quoi. L’autre stratégie de harcèlement consiste à surveiller la victime, la suivre dans la rue, la cyber-harceler (voir ci-après), l’attendre à la sortie de son travail, etc. Cette forme de violence se produit le plus souvent après une séparation.
• Le dénigrement : il s’agit d’atteindre l’estime de soi de la victime, lui montrer qu’elle ne vaut rien, qu’elle n’a aucune valeur. La violence s’exprime sous forme d’attitudes dédaigneuses, de paroles blessantes, de propos méprisants, de remarques déplaisantes. Cela peut être de dénigrer ce qu’elle fait, ce qu’elle est, dénigrer ses capacités intellectuelles, ses idées, ses émotions, lui faire des reproches sur la façon dont la maison est tenue, sur la façon d’éduquer les enfants, sur les dépenses, sur les vêtements, etc.
• La critique : il s’agit d’attaques verbales sur le physique de la victime, sa féminité, sa famille, ses enfants (et parfois d’agressions directement sur les enfants qui sont vécues par la femme comme des agressions sur elle-même). La disqualification peut se faire à travers des mots qui paraissent sincères et corrects. Il s’agit de manipulation sur la victime sans qu’elle n’en prenne conscience, d’attaquer son estime de soi, de l’amener à perdre confiance en elle. Exemple : « Cette tenue ne te va pas, tu es trop grosse. Je dis ça pour t’aider, je ne veux que ton bien ». Les deux informations contradictoires entraînent une confusion mentale difficilement interprétable neurologiquement.
• Les humiliations : humilier, rabaisser, ridiculiser est le propre de la violence psychologique. L’autre n’étant qu’un exutoire à la rage que l’on porte en soi, il n’a pas d’existence propre : on ne le respecte pas. Souvent, les humiliations sont à teneur sexuelle. Cela crée un sentiment de honte, ce qui sera un obstacle supplémentaire pour en parler et se faire aider.
• Les actes d’intimidation : claquer les portes, briser des objets, jouer ostensiblement avec une arme, ou encore conduire dangereusement. Cela sert à faire passer à l’autre un message, à montrer sa force physique, à le mettre dans une atmosphère de danger. Il peut s’agir d’agressions indirectes, par exemple brutaliser un animal de compagnie.
• L’indifférence aux demandes affectives : la violence morale, c’est aussi le refus d’être concerné par l’autre. C’est se montrer insensible et inattentif envers son/sa partenaire ou afficher ostensiblement du rejet ou du mépris. C’est ignorer ses besoins, ses sentiments, ou créer intentionnellement une situation de manque et de frustration pour maintenir l’autre en insécurité. C’est ne pas tenir compte de l’état physique ou psychologique de son partenaire.
• Les menaces : menacer d’enlever les enfants, de priver d’argent, de frapper, de se suicider ; ou encore suggérer qu’il y aura des représailles sur l’entourage.
Concernant les cyberviolences, il s’agit d’une forme de violence d’apparition récente avec l’expansion des outils numériques (24) :
• Cyber-contrôle : la victime doit rester joignable 24h/24, envoyer des photos à la demande pour montrer où et avec qui elle est. Il s’agit également de confisquer parfois les appareils numériques.
• Cyberharcèlement : insultes ou menaces par sms ou via les réseaux sociaux.
• Cybersurveillance : surveillance via logiciel espion ou imposée en obtenant des forces tous les codes numériques de la victime.
• Cyberviolences administratives : changement de mot de passe pour empêcher la victime d’avoir accès à ses différents comptes administratifs numériques (banque, réseaux sociaux, sécurité sociale, etc.), utilisation d’informations privées dans le but de nuire.
• Cyberviolences sexuelles : menace de diffusion sur internet de contenus intimes, rapports sexuels filmés sans consentement avec menace de diffusion.
« Tous ces agissements, séparément, pourraient s’inscrire dans le cadre d’une scène de ménage classique, mais ce sont leur répétition et leur durée dans le temps, ainsi que l’asymétrie dans les échanges qui constituent la violence. […] La violence psychologique constitue un processus visant à établir ou maintenir une domination sur le ou la partenaire. C’est une violence qui suit un certain scénario : elle se répète et se renforce dans le temps. On commence par le contrôle systématique de l’autre, puis arrivent la jalousie et le harcèlement, et enfin les humiliations et le dénigrement. Tout cela pour se rehausser, en rabaissant l’autre. » (22) « Ce n’est pas la remarque blessante qui constitue le harcèlement, c’est la répétition des vexations, des humiliations, sans aucun effort pour les nuancer, qui constitue le phénomène destructeur. L’effet destructeur vient de la répétition d’agressions apparemment anodines mais continuelles, et dont on sait qu’elles ne s’arrêteront jamais. Il s’agit d’une agression à perpétuité. » .
Les violences physiques
Ce sont les violences les plus décelables, mais par forcément les moins bien vécues par la victime. D’ailleurs, quand les agressions physiques sont peu fréquentes, les femmes s’en sentent rarement victimes. Elles y trouvent une explication logique afin de justifier l’excès de violence. (22) Comme nous l’avons vu plus haut, les violences psychologiques sont souvent les premières mises en place. Lorsque la victime y résiste, ou qu’elles ne suffisent plus pour asseoir le pouvoir de l’agresseur sur sa victime, arrive alors la violence physique. Elle commence souvent par des bousculades, des coups de poing, des coups de pieds, puis la violence s’aggrave progressivement avec le temps (escalade en intensité et en fréquence), pouvant aller jusqu’à l’homicide (21). Il existe une large gamme de violences entre la bousculade et l’homicide : pincement, tirage de cheveux, torsion d’un membre, séquestration, strangulation, etc. Lors de la grossesse, beaucoup de coups visent le ventre. Il suffit, par la suite, d’évoquer la première agression par des menaces ou un geste pour que, selon le principe du réflexe conditionné, la mémoire réactive l’incident chez la victime et la conduise à se soumettre de nouveau.
Les violences sexuelles
Il s’agit de la violence la plus taboue. Deux tiers des femmes contraintes à des pratiques sexuelles imposées avaient gardé le silence avant de les révéler lors de l’enquête ENVEFF. (5) Les violences sexuelles regroupent un large panel de pratiques comprenant le harcèlement sexuel, les pratiques sexuelles imposées (non consenties), le viol conjugal, l’exploitation sexuelle, la prostitution, ainsi que des scénarios pornographiques. Dans ce contexte, une victime peut difficilement demander la contraception (préservatif), il y a donc un risque supérieur d’atteintes par des maladies sexuellement transmissibles ou de grossesse. D’ailleurs, la grossesse non désirée entre dans ce cadre, car le conjoint peut décider à la place de sa victime si la grossesse sera gardée, et enclencher un nouveau processus de contrôle via l’enfant à naître. (22) Dans une étude québécoise en 1987, 200 femmes victimes de violences sexuelles ont été interrogées : 75,4% avaient signalé que les rapports sexuels avec le conjoint étaient une façon d’avoir la paix. (26) La présence de violences sexuelles dans le cadre des VC augmente le risque de meurtre de la femme par son partenaire (uxoricide). Leur présence augmente également le risque de troubles psychiatriques graves et de tentatives de suicide.
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Table des matières
I. Introduction
II. Généralités
A. Définitions
B. Epidémiologie
1. A l’international
2. En France
3. Dans la Manche
C. Les différents types de violences
1. Les violences verbales et psychologiques
2. Les violences physiques
3. Les violences sexuelles
4. Les violences économiques et administratives
5. Les violences sociales
D. Mécanisme de l’emprise et cycle des VC
1. L’emprise
2. Le cycle des VC
E. Les conséquences des VC sur la santé de la victime
1. Sur le plan traumatique
2. Sur le plan gynécologique
3. Sur le plan obstétrical
4. Sur le plan psychologique et psychiatrique
F. Facteurs de risque des VC
1. Facteurs de risque individuels
2. Facteurs de risque intrinsèques au couple
3. Facteurs de risque socio-économiques
G. Un enjeu de santé publique
H. Procédures judiciaires et législation
1. Plans de lutte gouvernementaux
2. Parcours de la victime (procédures civile et judiciaire)
a) Démarches médicales
b) Les démarches judiciaires
(1) Signalement des faits
(2) Constatation des faits
(3) Procédure civile
(4) Procédure pénale
3. Législation
a) Mesures alternatives aux poursuites
b) Sanction pénale pour violences psychologiques
c) Sanction pénale pour violences physiques
d) Sanction pénale pour violences sexuelles
e) Pension de réversion
I. Dépistage et orientation des victimes
1. Outils de dépistage
2. Limites du dépistage
a) Attentes des femmes
b) Rôle des professionnels de santé / du médecin généraliste
c) Freins au dépistage
3. Dispositifs nationaux d’alerte et de lutte
4. Dans la Manche
a) La mobilisation générale
b) Les associations locales
III. Matériel et Méthode
A. Hypothèses et objectifs de l’étude
B. Type d’étude
C. Population étudiée
D. Zone géographique
E. Questionnaire
1. Structures et personnes interrogées pour créer le questionnaire
2. Création du questionnaire
F. Envoi du questionnaire
G. Analyses statistiques
IV. Résultats
A. Diagramme de flux
B. Caractéristiques de la population étudiée
1. Représentativité de l’échantillon
2. Sexe des PS
3. Age
4. Professions
5. Temps d’installation
6. Structures d’exercice
7. Dépistage et suivi de FVVC
C. Résultats de l’objectif principal
1. Connaissance et orientation des structures : chiffres généraux
a) Connaissance des structures
b) Orientation dans les structures
2. Connaissance et orientation vers les structures, individuellement
a) Connaissance des structures
b) Orientation vers les structures
D. Résultats de l’objectif secondaire
1. Suivi et dépistage des VC par les PS
2. Analyses statistiques
a) Généralités
b) Connaissance des structures en fonction de l’âge des PS
(1) Analyse sur les moyennes (annexe 5)
(2) Analyses individuelles : test de Khi2 (annexe 6)
c) Connaissance des structures en fonction du sexe des PS
(1) Analyse sur les moyennes (annexe 7)
(2) Analyses individuelles : test de Khi2 (annexe 8)
d) Connaissance des structures en fonction de la profession des PS
(1) Analyse sur les moyennes (annexe 9)
(2) Analyses individuelles : test de Khi2 (annexe 10)
e) Connaissance des structures en fonction du temps d’installation des PS dans le
Nord Cotentin
(1) Analyse sur les moyennes (annexe 11)
(2) Analyses individuelles : test de Khi2 (annexe 12)
f) Connaissance des structures en fonction du type d’exercice du PS
(Libéral/Hospitalier)
(1) Travail en libéral
(a) Analyse sur les moyennes (annexe 13)
(b) Analyses individuelles : test du khi2 (annexe 14)
(2) Travail en milieu hospitalier
(a) Analyse sur les moyennes (annexe 15)
(b) Analyses individuelles : test du khi2 (annexe 16)
g) Connaissance des structures en fonction du fait de dépister ou non les VC
(1) Analyse sur les moyennes (annexe 17)
(2) Analyses individuelles : test de Khi2 (annexe 18)
h) Connaissance des structures en fonction du fait de suivre des FVVC dans la
patientèle des PS
(1) Analyse sur les moyennes (annexe 19)
(2) Analyses individuelles : test de Khi2 (annexe 20)
E. Une statistique inattendue
V. Discussion
VI. Conclusion