Les violences faites aux femmes

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Des conséquences indéniables

Les conséquences sont nombreuses pour les victimes (7), certaines sont évidentes, physiques : plaies, contusions, fractures, brûlures. Elles peuvent aller jusqu’au décès.
On retrouve également des conséquences gynécologiques, les violences étant aussi retrouvées en obstétrique, avec un risque accru de fausse couche (16%) et d’accouchement prématuré (41%) (6).
Mais aussi des conséquences psychologiques : dépression, état de stress post traumatique et autres troubles anxieux, troubles du sommeil, de l’alimentation, jusqu’aux tentatives de suicide. Les effets sur la santé peuvent aussi se caractériser par des céphalées, des douleurs de dos, des douleurs abdominales, des troubles gastro intestinaux, une mobilité réduite et un mauvais état général (6), introduisant un type de conséquence différent : le coût pour notre système de santé.
Ces effets sont plus difficiles à rattacher à des violences si les patientes ne l’évoquent pas.
Les enfants subissent également ces violences, la violence sexuelle, en particulier pendant l’enfance, peut entraîner une augmentation du tabagisme, l’usage abusif de drogues et d’alcool et des comportements sexuels à risque à un stade ultérieur de la vie. On l’associe aussi à une tendance à recourir à la violence (pour les hommes) ou à être victime de violences (pour les femmes). (6)

Protéger une mère protège également ses enfants.

Les chiffres : l’ampleur du phénomène

Le rapport annuel de 2017 de l’ONDRP qui retrouvait sur l’année 2016 plus de 85 400 victimes ayant déposé plainte pour violences physiques de la part de leur conjoint-e ou ex-conjoint-e selon la Gendarmerie et la Police nationales, soit 3 % de plus entre 2015 et 2016. Les femmes sont les plus représentées parmi les victimes, avec près de 9 femmes sur 10 victimes.
C’est cette répartition qui m’a poussé à orienter ma thèse sur les violences faites aux femmes. Plus de 100 homicides au sein du couple ont été enregistrés par la Gendarmerie et la Police nationale ainsi que par la Délégation d’aide aux victimes en 2016, (8) des chiffres que l’on entend régulièrement, c’est lorsque les violences conjugales amènent au décès qu’elles interpellent le plus.
Et les chiffres sous-estiment, près d’une victime de viol sur cinq n’a jamais parlé de son agression (19 %) (9). Cette proportion est d’autant plus importante pour les victimes de viols intra-ménages : environ un tiers des personnes ayant subi un viol par un individu vivant avec elles n’en ont parlé à personne.
Ces chiffres se confirment en 2018, 130 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire « officiel » ou « non officiel », soit une femme tous les 2,8 jours.
219 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint sur une année.
Et enfin, en 2018 paraissait ce paragraphe de conclusion :
Depuis le mois d’octobre 2017 et le début du mouvement #MeToo, le nombre de victimes de violences sexuelles connues des forces de sécurité sur une année a augmenté de 23 % (10)
Les chiffres bougent, mais s’associent-il à une prise de conscience du monde médical ? On estime toujours à 21% seulement des patientes se confiant à leur médecin (9).

Les freins au dépistage

Avec la médiatisation, nous ne pouvons plus arguer une méconnaissance des statistiques : nous savons que nous avons parmi nos patientes des femmes victimes de violences.
La diversité des symptômes allégués par les patientes venant consulter n’aide pas, les types de violences subies étant nombreux, et si la patiente n’aborde pas spontanément cet aspect de la consultation, et que le médecin ne pose pas la question, le véritable motif de consultation n’est pas identifié.
Certains parleront d’un manque de temps, de la multitudes de problèmes médicaux à gérer en même temps, de la gêne ressentie en étant médecin de famille, de la peur des retombées judiciaires, des représailles…(11)
Les freins sont nombreux, l’insuffisance de formation et de sensibilisation des médecins durant nos études et dans nos formations continues arrivant en tête de liste, suivis de près par l’absence de prise en charge à proposer, le manque de recours associatif et juridique, une mise en sécurité étant la première étape pour sortir d’un cycle de violence destiné à se répéter, sur le lieu de travail comme au domicile. (12)

Le cycle de la violence

PHASE 1 : L’ESCALADE
Mise en place du système d’emprise : l’agresseur exerce des pressions psychologiques, contrôle, isole la victime. La victime se sent inquiète, tente d’améliorer le climat, fait attention à ses propres gestes et paroles.
PHASE 2 : L’EXPLOSION
Épisode de violences (quelle que soit la forme) : l’agresseur donne l’impression de perdre le contrôle de lui-même mais prend en fait le contrôle de la situation. La victime ne comprend pas et tente de calmer la situation.
PHASE 3 : LE TRANSFERT
Minimisation de la violence : l’agresseur porte la responsabilité des violences sur sa partenaire.
La victime se sent responsable de la situation.
PHASE 4 : LA « LUNE DE MIEL »
Moyen utilisé par l’auteur pour reconquérir la victime : l’agresseur promet un changement. La victime lui donne une chance, lui apporte son aide, constate ses efforts, change ses propres habitudes.

D’un côté l’État

Avec des campagnes nationales successives :
– En 1989 : les pouvoirs publics affirment leur volonté de lutter contre les violences conjugales avec le lancement de la première campagne nationale d’information et la création des Commissions Départementales d’Action Contre les Violences Faites aux Femmes.
– En 1990 : la chambre criminelle de la cour de cassation reconnaît pour la première fois le crime de viol entre époux durant le mariage et confirme sa jurisprudence en 1992 : « La présomption de consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans l’intimité de la vie conjugale ne vaut que jusqu’à preuve du contraire ».
– En 1992 : la loi du 22 juillet du Code Pénal mentionne que la qualité de conjoint de la victime constitue une circonstance aggravante de l’infraction commise. Toute agression intra conjugale devient un délit quelle que soit l’ITT (Incapacité Totale de Travail).
– En 2001 : Première grande enquête à l’échelle nationale, l’E.N.V.E.F.F, réalisée à l’initiative du Secrétariat d’Etat aux Droits des Femmes, chiffre à 10% le taux de femmes victimes sur les 12 derniers mois et révèle l’isolement de ces femmes, certaines confiant leur « secret » pour la première fois (enquête téléphonique, parmi 6970 femmes interrogées, âgées de 20 à 59 ans, résidant en France métropolitaine).
– En 2001 : le rapport du Pr. Henrion, commandité par le Ministère de la Santé, fait état des conséquences des violences conjugales sur la santé des femmes et du rôle du médecin. Les médecins semblent méconnaître l’ampleur du problème et ont du mal à se positionner face aux patientes violentées. L’étude souligne le manque de sensibilisation, le manque de formation du corps médical, l’absence de travail en réseau.
– En 2004 : la loi du 26 mai autorise le juge aux affaires familiales à statuer en urgence sur l’attribution du domicile conjugal et à décider de l’éloignement du conjoint violent dès les premiers actes de violence, et ce avant le déclenchement de la procédure de divorce.
– Entre 2005 et 2007 : le premier Plan Triennal du Ministère des Solidarités et de la Cohésion Sociale finance de nombreuses campagnes de sensibilisation et lance la plate-forme téléphonique de lutte contre les violences conjugales « 3919 ».
– En 2005 : le Plan Violence et Santé étudie les conséquences de la violence secondaire aux rapports de genre, en élargissant au-delà des violences conjugales. La loi du 12 décembre facilite les mesures d’éloignement à tous les stades de la procédure.
– En 2006 : la loi du 4 avril renforce la prévention et la répression des violences au sein du couple avec un élargissement aux pacsés et ex-partenaires et souligne que la qualité de conjoint ou de concubin « ne saurait être une cause d’atténuation de la responsabilité en cas de viol au sein du couple ». Elle aligne l’âge légal du mariage des femmes sur celui des hommes (18 ans).
– En 2007 : la loi du 5 mars permet l’extension du suivi socio-judiciaire avec injonction de soins aux auteurs de violences conjugales.
– Entre 2008 et 2010 : le deuxième Plan Triennal comporte 12 objectifs pour briser le tabou, prévenir les violences, coordonner les acteurs du réseau, protéger les femmes et leurs enfants.
– En 2010 : les violences faites aux femmes sont promues « Grande Cause Nationale ». De nombreuses actions de sensibilisation sont menées par le collectif créé à cette occasion. La loi du 9 juillet autorise le juge aux affaires familiales à délivrer une ordonnance de protection des victimes en urgence dans les cas de violences au sein du couple. Elle instaure le port du bracelet électronique par le conjoint violent afin d’assurer la réalité de l’éloignement. La violence conjugale psychologique est reconnue : le harcèlement moral sur le conjoint devient un délit. Des mesures d’assistance aux femmes étrangères sont prises comme des mesures luttant contre les mariages forcés. Enfin, ce texte déclare le 25 novembre comme « Journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes ».
– Entre 2011 et 2013 : le troisième Plan Triennal renforce la lutte dans 3 domaines d’action : la protection, la prévention, la solidarité. Il est reconnu que les professionnels de santé sont ceux qui reçoivent le moins de formation spécifique, alors même qu’ils ont un rôle central à jouer en termes de repérage et de prise en charge. Des propositions de formation initiale et continue autour de cette problématique sont mises en avant (formations pluridisciplinaires, échanges de bonnes pratiques).
– Entre 2014 et 2016 : 4ème plan de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. Les violences sont mieux repérées et les victimes mieux prises en charge : le 3919 écoute et oriente toujours plus de femmes (50 000 appels par an en moyenne) ; 327 lieux d’écoute de proximité sont recensés ; 1550 places d’hébergement ont été créées (94% de l’objectif à atteindre en 2017) ; 530 téléphones grave danger (TGD) ont été déployés dans les territoires ; plus de 300000 professionnels ont été formés. Les violences faites aux femmes sont désormais mieux connues et davantage dénoncées. La tolérance sociale diminue.
Entre 2017 et 2019 : 5ème plan de mobilisation et de lutte contre les violences :(14)
1. Assurer l’accès aux droits et sécuriser les dispositifs qui ont fait leurs preuves pour améliorer le parcours des femmes victimes de violences (violences conjugales, sexuelles, psychologiques, etc.)
2. Renforcer l’action publique là où les besoins sont les plus importants
3. Déraciner les violences, lutte contre le sexisme qui banalise la culture des violences et du viol
Lundi 25 novembre 2019 : clôture du Grenelle contre les violences faites aux femmes : 30 nouvelles mesures ont été annoncées, visant à prévenir les violences, mieux protéger les victimes et mettre en place un suivi et une prise en charge des auteurs de violences. (15)
– Enfin la loi du 30 juillet 2020 fait évoluer le secret médical : « au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui porte à la connaissance du procureur de la République une information relative à des violences exercées au sein du couple relevant de l’article 132-80 du présent code, lorsqu’il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences. Le médecin ou le professionnel de santé doit s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime majeure ; en cas d’impossibilité d’obtenir cet accord, il doit l’informer du signalement fait au procureur de la République. » (16)

De l’autre les médias

#MeToo, du phénomène viral au « mouvement social féminin du XXIe siècle » titrait le 14 octobre 2018 le Journal Le Monde : « La somme de témoignages de femmes rassemblés sous ce label a engendré en un an une prise de conscience internationale sur le harcèlement sexuel.
En 2006, Tarana Burke, une travailleuse sociale originaire de Harlem (New York), lance une campagne de soutien aux victimes d’agressions sexuelles dans les quartiers défavorisés. Pour appuyer sur l’empathie et la solidarité, elle choisit un nom très court à cette initiative : « Me too » (« moi aussi »)
Le 5 octobre 2017, l’affaire Weinstein éclabousse Hollywood. Les révélations du New York Times et du New Yorker sur les accusations d’agressions, de viols et de violences commises par ce producteur de cinéma américain font le tour de la planète grâce à Twitter, un réseau social parmi les plus privilégiés des personnalités publiques. C’est sur cette même plate-forme que rejaillit l’étincelle #MeToo.
Plus de soixante mille messages lui feront directement écho dans les cinq jours qui suivirent. Les signataires de ces tweets sont en grande partie des femmes, certaines célèbres, d’autres anonymes, qui livrent de courts témoignages, qui racontent pêle-mêle les brimades, les réflexions, les regards, les agressions, les viols. Des faits survenus au travail, mais qui s’étendent aussi à l’enfance, à la famille, à la fac, à l’espace public. L’amoncellement de ces récits en quelques centaines de caractères montre que le harcèlement sexuel des femmes ne s’arrête pas à Hollywood ; il n’épargne aucune classe sociale, aucun milieu.
La version francophone suit : le #BalanceTonPorc, lancé sur Twitter par la journaliste française Sandra Muller.
Les discussions en ligne s’étendent de l’Amérique du Nord à l’Europe en passant par le Japon, la Corée du Sud, la Chine.
Les chiffres sont vertigineux : en trois mois, ce sont trois millions de tweets #MeToo qui sont recensés par Twitter. Chaque semaine, d’octobre à janvier, plus de 38 000 tweets font référence au harcèlement sexuel. En un an, #BalanceTonPorc comptabilise 930 000 tweets, #MeToo, 17,2 millions.

Matériel et méthode

Choix de la méthode

Le choix de la méthode a été celui d’une méthode qualitative, avec analyse des données inspirée de la théorisation ancrée et du paradigme interprétativiste.
L’objectif est d’essayer de comprendre comment des médecins généralistes haut-normands appréhendent le sujet suite à la médiatisation et aux effets des réseaux sociaux, s’il y a eu une modification d’approche vis-à-vis des violences faites aux femmes.
Pour le recueil des données nous avons choisi la méthode des focus group. Il s’agit d’une technique d’entretien de groupe, un groupe de discussion semi structuré, modéré par un animateur neutre en présence d’un observateur, qui a pour but de collecter des informations sur un nombre limité de questions définies à l’avance.
Cette technique d’entretien repose donc sur la dynamique de groupe, elle permet d’explorer et de stimuler différents points de vue par la discussion. Les échanges favorisent l’émergence de connaissances, d’opinions et d’expériences comme une réaction en chaîne grâce à la réunion de personnalités diverses favorisant l’expression et la discussion d’opinions controversées. (17)
La prévalence en consultation étant faible, il me semblait nécessaire de réunir plusieurs médecins pour obtenir des verbatims suffisamment informatifs, afin de recouper les expériences en temps réel entre les médecins, hommes ou femmes, installés récemment ou depuis plusieurs années.

Recrutement

L’objectif de cette étude était de réunir des médecins généralistes de Haute Normandie : Eure et Seine Maritime, participant à des groupes de Formation médicale continue, avec idéalement entre 4 et 8 médecins par Focus Group. Nous avons essayé d’obtenir un échantillonnage à variabilité maximale, en essayant de regrouper des médecins installés récemment et d’autres moins récemment, aussi bien femmes que hommes.
Le premier focus group a été réuni par le Dr Hazard, le 2ème et le 3ème par moi-même. Le Dr Hazard a utilisé ses contacts, et moi les miens, parmi les médecins généralistes autour de nous, contactés directement par téléphone, dans un premier temps pour savoir qui serait disponible, puis dans un deuxième temps pour l’organisation logistique des entretiens de groupe.

Déroulement

Le premier focus group a été réalisé dans l’Eure, et a regroupé 4 médecins, en juin 2019.
Le deuxième et le troisième ont été réalisés en Seine Maritime, avec respectivement 8 médecins et 2 internes, et 6 médecins, en novembre 2019 puis en mai 2020.
N’ont été inclus que des médecins généralistes.
Les enregistrements ont été faits par deux appareils, par enregistreur numérique et outils « enregistrement » sur ordinateur portable. Les entretiens ont été réalisés en suivant un guide d’entretien (disponible en annexe). Ce guide d’entretien a pu être amélioré à partir des expériences successives. Il débute par des questions générales sur l’usage des médias par les médecins, puis sur la fréquence des consultations ayant trait aux violences faites aux femmes, en insistant sur le caractère polymorphe de ces violences, enfin la dernière partie s’intéresse au ressenti des médecins et à leur vécu de cette médiatisation des violences.
La retranscription mot à mot et fidèle a été réalisée sur OpenOffice Writter au fur et à mesure de la réalisation des focus group.
L’arrêt des focus group a été réalisé à saturation des données. Dans notre cas, au bout du 3ème nous avons estimé qu’il n’avait plus émergé de nouvelles idées majeures dans les groupes.

Codage

Suite à la retranscription, un codage a été réalisé sur Open Office Calc, appliquant à chaque segment de verbatim un codage standardisé, sur chaque retranscription.
Ainsi le premier codage des trois verbatims a été un codage de décontextualisation aboutissant à 1118 segments, re contextualisés par la suite en 8 grandes catégories.

Déclaration à la CNIL

N’ayant pas recueilli de données personnelles concernant les médecins, ou les patients, la juriste de la CNIL contactée a confirmé l’absence de nécessité de déclaration de cette étude à la CNIL.

Les facteurs de risque

Les facteurs de risque rapportés par les médecins interrogés peuvent être divisés en catégories se rapportant à l’agresseur d’un côté, et à la victime de l’autre.
Ils peuvent être synthétisés dans un nuage de mot présentant visuellement ces différents facteurs de risque.
– Du côté de l’agresseur :
La majorité des médecins s’accorde à dire que la consommation d’alcool semble être un facteur de risque : « Il était alcoolisé », « il était bourré », « il faisait venir des copains alcoolisés ».
On retrouve également les antécédents judiciaires : « qui était en sursis », « est-ce qu’on insiste sur le fait qu’avant il y ait eu des signalements, des condamnations », ce qui engendre une peur supplémentaire au moment de la libération du conjoint : « la peur au ventre, parce que son compagnon allait être libéré ».
On retrouve une notion de domination installée entre l’agresseur et la victime : « T’as jamais le côté ou t’as vraiment un dominant », « c’est pas au point d’avoir une domination écrasante, avec un contrôle qui est physique et moral sur l’autre personne ».
Le cycle de la violence évoqué en introduction a été mentionné au cours des entretiens : « ça va mieux, le couple va mieux, les enfants ça va, puis ça recommence ».
Les relations hiérarchiques sont aussi source de conflit : « les supérieurs ont tendance à profiter », « où il y a une relation de pouvoir entre supérieur et subordonné ».
Apparaît alors la notion d’impunité : « l’intérêt c’est que maintenant les gens se disent, qu’il y aura peut-être plus autant qu’impunité qu’on avait avant », « ils se disaient c’est bon, peinard, pas de souci », « politique, show-biz, intouchables quoi ».
On retrouve également la notion de conjugopathie, de conflit dans le couple : « d’agressions conjugales, au sein du couple », « dans un cadre de conjugopathies ».
L’un des facteurs de risques retrouvé confère à l’ancienneté des violences : « pas des gros cas de femmes battues depuis longtemps », « si c’est quelque chose qui dure depuis des années ».
– Du côté de la victime, on retrouve des facteurs de risques :
● psychologiques : « des patientes fragiles psychologiquement ».
● obstétricaux, comme la grossesse : « arrivait pas à tomber enceinte », « j’ai une patiente qui est également enceinte ».
● isolées : les patientes retraitées sont aussi victimes : « une dame, une retraitée ».
● physiques : des facteurs de risques relatifs à l’apparence des patientes : « elles ont eu des soucis parce qu’elles avaient une poitrine, elles étaient belles ».

Les conséquences

En utilisant nos verbatims, nous retrouvons une photo instantanée des représentations des médecins généralistes sur les conséquences entraînées par le fait de mettre à jour ces violences, à la fois pour elles, mais aussi pour leur entourage.
a) les conséquences pour la patiente rapportées par les médecins interrogés sont :
• être obligée de quitter son domicile : « qui est partie », « qui a déménagé »
• de quitter son emploi : « changement de travail, quelque chose qui a été lourd aussi humainement parlant », « sinon la carrière au CHU aurait été brisée », « et elles ont pas pu aller travailler »
• d’après les médecins interrogés, cela peut aussi entraîner des conséquences sur la santé :
– psychologiques : « quand elles en dorment plus, ça les suit en permanence, qu’il y a une anxiété, un trouble anxio dépressif secondaire », « avec tout le traumatisme psychologique que ça implique, de perdre. Elle est passée pour une menteuse », « alors que celles avec qui il couche sont complètement déconsidérées, on se moque d’elles, et puis elles sont complètement détruites, ravagées »
– obstétricales : « qu’il y a des jours où elle oublie qu’elle est enceinte, jusqu’à ce qu’elle prenne des coups de pieds en se rappelant qu’elle est enceinte »
– physiques : « les violences sexuelles faites aux femmes créent de telles blessures », « peut-être de les sauver, pour pas qu’un jour il la balance dans l’escalier et qu’elle se fracture sévèrement quoi », « sans avoir eu vraiment des dégâts importants », « hospitalisées sous X pour ça »
– sexuelles : « Au sens large, c’est à dire que sur les répercussions de la vie sexuelle »
• mais aussi un isolement : « avoir rompu le lien social »
• quitter son mari implique, s’ils sont mariés, une procédure juridique : « en instance de divorce », « mais là elle était dans tous les affres de l’instance de divorce, où ça se passe pas bien », « mais il faut pas s’immiscer dans le fait que c’est fini, que le couple est foutu ».
b) pour certains des médecins interrogés, les répercussions de ces violences concernent également les enfants :
« les violences sur les enfants », « enfant qui est décédé »
c) les médecins pensent que l’entourage est également impacté :
Aussi bien parmi leurs amis : « Sa copine qui était avec elle qui l’avait amené », qu’au sein
de la famille : « le lien familial », « pour tout le monde, pour le couple, pour les enfants ».
L’un des médecins rapporte : « mais c’est une solution qui peut bouleverser tout quoi, ça va rompre, bon le couple, mais aussi les enfants, enfin tout quoi ».
d) pour l’agresseur :
Un certain nombre mentionne également des conséquences pour l’agresseur, d’abord judiciaires, puis sur sa santé également, notamment psychologique :
« Qui a fini par le gars en prison pour 2 ans et interdit de revenir sur Fécamp »
« le fait que sa femme ait porté plainte, il a pété un câble, au niveau dépression il a fait une énorme dépression »

Obstacles au dépistage

La majorité des médecins rapporte des obstacles au dépistage de ces violences :
On retrouve ainsi des obstacles à la prise en charge impliquant la patiente, qui peut être dans le déni : « mais qui était dans le déni », « soit si elles sont dans le déni et qu’elles ne veulent pas porter plainte ».
Les médecins ont même l’impression qu’elles défendent leur agresseur :« il est gentil comme tout ».
Les médecins retrouvent une certaine dualité : « parce qu’il y a un moment donné elles se disent « ben ouais, je l’ai peut-être aguiché, il y a un moment où il y a une dualité, c’est vrai ».
On retrouve même une honte : « Il y a ce sentiment de honte qui persiste dans la tête », « il y a une honte quelque part. Oui il y a une honte. »
Voire même une culpabilité : « parce que souvent les femmes elles se sentent coupables, il y a un sentiment de culpabilité, elles osent pas en parler »
Ce contexte semblant selon les médecins entraîner une incapacité des patientes à se rendre compte de leur situation : « je pense que passer un certain degré de maltraitance elles peuvent plus savoir »
« Mais du coup c’est encore plus délicat, parce qu’elles se rendent pas compte que c’est ça qui les rend mal, donc c’est encore plus compliqué. »
Les justifications des lésions que les médecins constatent en consultation sont parfois douteuses : « ah je suis tombée dans l’escalier »
Si bien que lorsqu’ils posent la question, une majorité d’entre eux pense que la réponse n’incriminera pas le conjoint :
« la réponse sera obligatoirement « non, moi je vais bien il ne m’est jamais rien arrivé »
« on aura pas de réponse honnête en fait », « souvent c’est « je me suis cognée »
« au départ elle dit je suis tombée dans les escaliers ou je sais pas quoi »
« même si elles ont été agressées elles ne nous le diront pas »
Et quand ils les envoient vers la gendarmerie, ils craignent qu’elles n’y aillent pas :
« le problème c’est qu’elles y vont pas, elle va pas porter plainte »
Les médecins se demandent aussi ce qu’il en est de leur autonomie financière :
« mais comment elle se débrouille financièrement ? »
Une représentation commune à la plupart des médecins est celle de l’inaction, prépondérante dans cette problématique de violences qui commence par le silence des patientes :
« Ou alors parce que les femmes ne parlent pas encore », « Et les femmes n’en parlent pas. » « il y a des femmes qui ont du mal à sauter le pas »
« Et puis même j’ai encore des patientes quand il y a du harcèlement moral, c’est compliqué pour porter plainte »
« enfin même s’il y a une assistante sociale qui passe chez elle, si elle ne voulait pas la contacter, elle ne va rien lui dire, enfin, ça ne va pas marcher. »
De l’autre côté on retrouve des facteurs de risque relatifs aux médecins :
Les patientes n’abordent pas forcément spontanément le sujet :
« la difficulté c’est 1) de leur faire avouer qu’elles ont été battues, 2) de les amener à prendre une décision »
« Je pense qu’il y a beaucoup de femmes qui n’ont pas envie de s’exposer »
« je pense qu’il y a la pudeur aussi pour ces femmes-là »
Le sujet semble difficile à aborder par la plupart des médecins :
« c’est pas facile d’aborder les choses »
« quand elles viennent pas pour ça c’est difficile d’aborder le sujet »
L’un des médecins, maître de stage universitaire, s’est interrogé sur le fait qu’un interne présent en consultation pourrait être un frein possible, aucun autre médecin présent au cours de cette réunion ne l’a contredit, aucune réponse n’a donc été apportée à cette question.
Les médecins rapportent un autre obstacle, principalement en milieu rural : le fait de connaître la famille, le conjoint, et de les suivre :
« puisque vous connaissez les familles, sur plusieurs générations », « c’est parfois plus dur de s’annoncer à quelqu’un que tu connais bien, dans ce genre de choses »
« des fois est ce qu’il n’y a pas une barrière quand on s’occupe des deux ? »
« ils doivent se dire « ben oui mais ce médecin il suit l’autre personne du couple ? »
On retrouve également dans les obstacles au dépistage les installations récentes :
« je les connais pas encore »
« qu’à des jeunes femmes qui n’ont pas trop d’expérience »
C’est une situation qui est jugée difficile à gérer pour les certains médecins interrogés : « c’est compliqué pour moi », « donc c’est compliqué quand même, c’est très compliqué », « oui, c’est pas simple du tout »
Il s’agit selon les médecins d’une situation chronophage : « mais ça demande du temps, faut que tu sois disponible, faut… »
Les médecins généralistes qui reçoivent les patientes doutent parfois des informations qu’on leur apporte :
« d’ailleurs est-ce qu’on a la vraie vérité la dessus ? moi je crois pas »
« on a parfois aussi des femmes qui pourraient faire valoir certaines choses qui ne sont pas forcément vérifiables non plus »
« ça existe, moi on m’a demandé des certificats parfois, ou manifestement, j’avais des doutes »
« et nous en tant que médecin, pour faire la part des choses, il faudrait être dans l’intimité, des couples, ou d’un travail »
Certains d’entre eux semble douter aussi des informations dont ils entendent parler dans les médias : « alors moi ce qui m’étonne c’est la valeur de l’information »,
« L’histoire de Polanski est-ce qu’il n’y a pas eu une manipulation médiatique aussi ? »
D’autant que dans les médias beaucoup de femmes parlent sur la même plate-forme, mais les patientes sont souvent seules face à leur agresseur :
« Quand c’est minoritaire, il y a une personne qui en parle »
« t’en as peut-être une qui se fera bouler »
Certains médecins sont réfractaires à l’idée de poser la question si le sujet n’est pas abordé par la patiente : « enfin moi ces choses là je me sens pas en mesure de le dire »
« on peut pas l’aborder aussi légèrement »
« je me vois pas le faire »
« si elle a pas envie de le dire »

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Table des matières

I – Introduction :
A Les violences faites aux femmes
1) Pourquoi ce sujet ?
2) Quelques définitions
3) Des conséquences indéniables
4) Les chiffres, l’ampleur du phénomène
5) Les freins au dépistage
6) Le cycle de la violence
B Un séisme médiatique
1) D’un côté l’état
2) De l’autre les médias
II – Matériel et méthode
1) Choix de la méthode
2) Recrutement
3) Déroulement
4) Codage
5) Déclaration à la CNIL
III – Résultats
1) Description de la population
2) Généralités
3) Les facteurs de risque
4) Les conséquences
5) Obstacles au dépistage
6) Rôle du médecin
7) Influence des médias
8) Hypothèses et évolution envisagées
9) Changement de société
10) Du côté des hommes
IV – Discussion
1) L’intérêt de cette étude
2) Synthèse des résultats et explication du sens général
3) Comparaison avec la littérature
4) Limites
5) Perspectives d’avenir
V – Conclusion

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