Les vertus médicinales du vin dans l’histoire
L’Antiquité
Le vin fait partie de l’une des boissons les plus anciennes du monde. Sa production remonte à des dizaines de milliers d’années av. J-C à l’ère Mésolithique ou communément appelé « Âge de pierre ». Ce breuvage a su transcender les différentes époques de l’Humanité jusqu’à aujourd’hui. Mais quel mystère se cache derrière cette robe grenat intemporelle dressée sur notre table ? Quel héritage nos ancêtres nous ont-ils légué ? Comment le vin a survécu à travers les civilisations ?
L’Egypte
Remontons 4000 ans avant J-C en Egypte ancienne, où furent découvert les premiers vestiges et codifications ventant les vertus médicinales du vin. L’existence des hiéroglyphes « vigne », « vignoble » ou « vin » prouve à quel point la viticulture égyptienne était sophistiquée. On utilisait de longues jarres (amphores) gravés de ces hiéroglyphes pour conserver le vin à hauteur de 10, 20 ou 30 litres. Des milliers de jarres ont été retrouvés dans les tombes des premiers pharaons d’Égypte à Sakkarah (Memphis) et à Abydos datant des Ière dynasties (3100 ans av. J.-C) .
Dans l’Égypte ancienne le vin avait une connotation très religieuse. Le vin est un don des dieux qui eux-mêmes enseignèrent aux Hommes l’art de cultiver la vigne. Selon Diodore, la vigne serait importée par le Dieu Osiris. Elle servait à orner les temples, jardins et lieux sacrés. Le dieu Osiris « mit en place » un concept médical qui constituera la base des autres croyances religieuses : l’Interchangeabilité du sang et du vin. C’est un principe qui constituera par la suite, la base dans de nombreuses religions. Au même titre que l’organe du cœur ou du foie, le sang reste un organe. Le principe consisterait à greffer un volume de vin pour remplacer un volume de sang déficient. Parmi les trouvailles, il y avait des œuvres représentant des scènes d’ivresse, sans doute pour communier avec l’autre monde, sous la protection d’Hathor, déesse de la joie, de la danse, de la musique et de l’ivresse. Elle réunit symboliquement les concepts de vie et de renaissance. [2, 3] La première inscription découverte dans une tombe égyptienne vantant les vertus médicinales du vin, remonterait à quatre mille ans avant J.-C. On trouve chez les pharaons, les premiers traités sur le vin qui mélangent l’œnologie, le culinaire, l’hygiène et la pharmacopée.
Principales utilisations médicinales du vin en Égypte
Psychologie
Les Égyptiens attribuaient à la coriandre en graines diluée dans du vin des propriétés excitantes, enivrantes et aphrodisiaques.
Analgésie
On applique du vinaigre, produit dérivé du vin, sur la poudre de marbre, ce qui dégage ainsi du gaz carbonique, dont l’effet faiblement anesthésiant est connu. On retrouve sur le mur de certains temples (site de Kom Ombo), des éponges d’opiacés à visée analgésique : Abul Cassis, médecin arabe du XIe siècle, les imbibera de vin, élément volatil et véhicule des principes actifs.
Gynécologie
Le vin, du fait de sa couleur rouge provoque un intérêt tout particulier dans les soins gynécologiques. La dysménorrhée, notamment, se soigne ainsi «par un remède à base de vin pour tirer au dehors le sang d’une femme, la prescription est la suivante : oignons, vin, réduire en une masse et introduire dans le vagin ».
Obstétrique
On trouve du vin ecbolade, qui fait accoucher les femmes avant terme (ecbolique, qui favorise l’expulsion). Les suites de couches peuvent bénéficier d’un traitement avec le vin, comme principe actif auquel on ajoute sel et plantes diverses.
Médecine légale
Dans le processus de momification, on trouve souvent l’usage d’un vin concentré (le shedeh) très alcoolisé, sans doute sirupeux, à haute valeur antiseptique. Cette étape dure environ 70 jours lorsqu’il s’agit d’un personnage important, comme le pharaon. Le ventre ouvert et éviscéré, les embaumeurs le lavent avec du vin : vin de raisin ou vin de palme. On dépose auprès du mort un vin funéraire spécialement vinifié et protégé par des jarres adaptées pour accompagner le défunt dans l’au-delà.
Toxicologie
Le vin et ses dérivés (comme les lies) entrent généralement dans la préparation de remèdes destinés à guérir les morsures de serpent, une des variantes de la thériaque.
Galénique
Le vin servait de véhicule aux ingrédients prescrits afin d’en améliorer le goût et la consistance. Le vin avec ses vertus antiseptiques reconnues, bravait la concurrence d’autres excipients comme l’eau, le lait, la bière, moins chère et plus répandue.
Ces premières médications évoquent les relations vin-médecine aux aurores de l’Histoire, mais il faut nous éloigner quelques temps des grandes civilisations viticoles pour aborder d’autres médecines anciennes.
La Chine
La référence la plus ancienne que l’on peut trouver sur le vin dans la littérature chinoise est dans le récit du général Zhang Qian qui voyagea jusqu’à l’extrémité nord-ouest du royaume occidental des Hans vers la fin du IIe siècle av. J.-C. Il raconte que dans cette région, le vin était la boisson la plus populaire. Les membres les plus riches de ce royaume stockaient des milliers de litres de vin et les laissaient vieillir une dizaine d’années voire plus. Zhang fut si impressionné par ce breuvage qu’il rapporta des boutures au palais impérial. Elles furent plantées et donnèrent bientôt des raisins dont le jus servait à faire du vin pour l’empereur. La viticulture se serait ensuite propagée dans toute la Chine, elle aurait commencé dès l’année 2140 avant J.-C. Le vin s’appelait li ou chang, son nom actuel est shew (Shou :fermenté). Le vin n’était consommé que dans des occasions exceptionnelles. [3, 4] Bien que certaines espèces de vigne (Vitis vinifera L. subsp. sylvestris) aient poussé dans la région de l’Extrême-Orient, la Chine reste principalement importatrice du vin provenant des pays méditerranéens et de la Perse. En retour, le pays exportait de la soie un précieux tissu dont ils avaient le monopole. Les Chinois, pour qui la gastronomie reste un art, ont utilisé le vin en pharmacopée au même titre que le vin de riz, plus utilisé, ou le thé.
Principales utilisations médicinales du vin en Egypte
Malgré un usage très marginal, le raisin entre dans la pharmacopée, au même titre que ses produits dérivés comme le vin et le vinaigre mentionnés depuis fort longtemps.
Diurétique
Le premier traité chinois de materia medica, un recueil des propriétés thérapeutiques des plantes médicinales, signale les vertus diurétiques du vin. Au Tibet, la pharmacopée recense plusieurs milliers de substances administrées entre autres, sous forme de boissons alcoolisées dont le vin, de poudre et de pilules.
Tonique
Les chinois utilisaient le vin comme tonique médicinal, pur ou macéré avec d’autres boissons fermentées. D’autres préconisations visaient l’automassage pour les zones d’acupuncture ou encore maîtriser la sexualité.
Dans la médecine traditionnelle chinoise, les notions de thérapies sont souvent abstraites voire ésotériques. [3] La Théorie des cinq Éléments subdivise tout ce qui nous entoure et nous compose en cinq grands ensembles interdépendants qui sont appelés Mouvements. Il s’agit d’une façon de représenter le monde. Ces cinq Mouvements sont appelés du nom de cinq éléments : le Bois, le Feu, le Métal, l’Eau et la Terre. On les a nommés ainsi parce que les caractéristiques naturelles de ces éléments peuvent nous aider à nous rappeler ce que symbolise chacun des Mouvements. L’avènement des Cinq Éléments découle de l’interaction des deux grandes puissances de l’univers Yang et Yin : le Ciel et la Terre. Le Ciel, chaud et lumineux émet une Énergie Yang qui, par sa croissance et sa décroissance cyclique, définit quatre dynamismes particuliers que l’on peut associer aux quatre saisons de l’année et aux quatre phases de la journée. La Terre représente le Yin, une force calme et passive, qui répond à cette puissance extérieure comme l’argile sous les doigts du sculpteur.
La Grèce
C’est entre le XIIIe et le XIe siècle avant J.-C. que la culture de la vigne et du vin prirent de l’ampleur. On pouvait observer des ceps en rangées, taillés selon six formes différentes selon le cépage, le sol, le vent… Ces techniques culturales remarquables tiennent de la forte exportation de vin à travers la Méditerranée en échange des denrées qui faisaient défaut à la Grèce.
Les débuts de la médecine en Grèce était comme ailleurs marqués par la magie et la religion. Les Grecs anciens comptaient une multitude de dieux et demi-dieux. Asclépios, dieu de la médecine et fils d’Apollon, aurait eu une nombreuse descendance dont deux filles : Hygie (la personnification de la santé morale et physique) et Panacée (celle qui guérit tout). Si l’on veut croire la légende, Hippocrate (originaire de l’île de Cos, en Ionie, vers 460-377 avant J.-C.) serait le soixante deuxième descendant d’Asclépios en ligne directe. Il a sans doute pour premier mérite de débarrasser la médecine de ses influences magiques et philosophiques. En diététique, en pathologie interne (médecine), en pathologie externe (chirurgie), en gynécologie, tous les domaines permettaient la prescription du vin avec de multiples variantes : coupé d’eau, associé à des plantes, noir ou blanc, astringent ou doux. Les autorités sanitaires déconseillaient l’eau comme boisson alimentaire. Il faut savoir qu’à l’époque l’eau potable était rare et nombreuses sont les maladies infectieuses transmises par l’eau. Concernant ses propriétés, on lui trouvait plus d’inconvénients que d’avantages. Il faut attendre fin du XIXe siècle pour que se généralise l’eau potable à portée de tous. Au contraire, les autorités préconisaient plutôt le vin, considéré comme boisson du domaine de la thérapeutique grâce aux travaux d’Hippocrate, médecin grec de renommée, mais aussi philosophe, considéré traditionnellement comme le « père de la médecine ».
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Table des matières
1. Introduction
2. Les vertus médicinales du vin dans l’histoire
2.1. L’Antiquité
2.1.1. L’Egypte
2.1.2. La Chine
2.1.3. La Grèce
2.1.4. Rome
2.1.5. La Gaule
2.2. Le Moyen Âge
2.3. L’Époque moderne
2.3.1. Expansion de la culture européenne dans le monde
2.3.2. Le siècle des Lumières
2.4. L’Époque contemporaine
2.4.1. La Révolution Française
2.4.2. 1850 – 1901 : ravages de l’alcoolisme
2.4.3. 1901-1950 : la Prohibition dans le monde
2.4.4. De 1950 à nos jours
3. La vigne
3.1. Origine de la vigne
3.2. Caractéristiques botaniques de la plante
3.2.1. Classification taxonomique
3.2.2. Description botanique de V. vinifera
3.2.3. Les cépages issus de Vitis vinifera
3.3. Cycle annuel de la vigne
3.3.1. Hiver
3.3.2. Printemps
3.3.3. L’été
3.3.4. Automne
3.4. Le sol et la vigne
3.4.1. Le climat et la vigne
3.4.2. Les facteurs géographiques du climat
4. Élaboration du vin
4.1. Vinification en rouge
4.1.1. Tri
4.1.2. Éraflage
4.1.3. Foulage
4.1.4. Levurage
4.1.5. Encuvage
4.1.6. Fermentation alcoolique
4.1.7. Macération
4.1.8. Écoulage/ Pressurage
4.1.9. Entonnage/ Élevage
4.1.10. Fermentation malolactique (FML)
4.1.11. Soutirage
4.1.12. Sulfitage
4.1.13. Collage
4.1.14. Mise en bouteille
4.2. Composition du vin rouge
4.2.1. L’eau
4.2.2. Alcools
4.2.3. Polyphénols
4.2.4. Sucres
4.2.5. Micronutriments
4.2.6. Gaz carbonique
4.2.7. Substances aromatiques
4.2.8. Vitamines
4.2.9. Acides
4.2.10. Protides
4.3. Techniques de vinification pour l’amélioration en rendement en polyphénols
4.3.1. Plan National de Développement Agricole et Rural
4.3.2. Articles scientifiques relatant des nouvelles techniques de vinifications
4.3.3. Le projet Electrowine®
5. Conclusion