LES VERRUES CUTANEES DES BOVINS
ETIOLOGIE DE LA PAPILLOMATOSE BOVINE
Le virus responsable des verrues appartient à la famille des Papillomavirus (PV). Détecté chez les Mammifères et les Oiseaux, il provoque des tumeurs bénignes chez son hôte naturel, dans la peau et les muqueuses, souvent à des sites spécifiques. Certains membres de la famille sont associés à une évolution tumorale maligne des lésions. Les PV sont des virus nus, à capside icosaèdre (20 faces) et à ADN (acide désoxyribonucléique) circulaire double brin de 8 kilobases. Leur génome est constitué des parties E et L : L1 et L2 codent pour des protéines structurales de la capside ; E1 et E2 codent pour des protéines régulatrices de la réplication et de la transcription ; E5, E6 et E7 sont des oncogènes. Les parties E1, E2, L1 et L2 sont bien conservées chez tous les membres de la famille, en particulier L1. A l’origine, la famille des Papovaviridae incluait les genres Papillomavirus et Polyomavirus, car les membres des deux genres étaient des virus nu à ADN circulaire double brin. Aujourd’hui, ils sont reconnus comme deux familles à part entière par l’International Committee of the Taxonomy of Viruses (ICTV), du fait de la différence de taille et d’organisation de leur génome, et de l’absence de similitudes majeures dans leurs séquences de nucléotides et d’acides aminés (De Villiers et al., 2004). Le tableau 1 d’après Samuel Baron (1991) résume les caractéristiques de ces deux familles.
Modifications dues aux Papillomavirus
Dans le cas d’un papillome, on observe une hyperplasie des cellules des couches épineuse de l’épiderme (= acanthose), granuleuse (=hypergranulose) et cornée (= hyperkératose). Dans le cas d’un fibropapillome, on observe en plus une hyperplasie du derme, par la prolifération des fibroblastes et des extensions profondes de l’épiderme dans le derme (Abu- Samra et al., 1982). Lorsqu’une régression tumorale est observée cliniquement, une réaction inflammatoire est observée à l’analyse histologique avec congestion, oedème, infiltration par des lymphocytes et des granulocytes éosinophiliques du derme et exocytose de lymphocytes dans la couche basale de l’épiderme (Jelinek et Tachezy, 2005). Les cellules tumorales des couches épineuses et granuleuses présentent un cytoplasme vacuolisé, un noyau de forme plus ou moins régulière, à chromatine très dense et marginalisée, aux nucléoles apparents : on parle de koïlocytes. Quelques cellules peuvent présenter des vacuoles nucléaires (Thomas Pulley et al., 1973). Quelques kératinocytes présentent également une perte ou un réarrangement des filaments de kératine : le détachement des desmosomes consécutifs entraîne une dilatation des espaces inter-cellulaires (Jelinek et Tachezy, 2005). D’après Lancaster et Olson (1982), ces modifications cellulaires sont plus marquées dans les couches supérieures de l’épiderme (couches granuleuse et cornée). De plus, les fibroblastes des fibropapillomes présentent des formes irrégulières avec souvent de longs prolongements cytoplasmiques (Thomas Pulley et al., 1973). L’ANNEXE 1 présente des photos de coupes histologiques de verrues cutanées de bovins rencontrées en Martinique.
Localisation des virions
Les techniques d’immunohistochimie, d’hybridation in-situ et de microscopie électronique permettent de localiser les antigènes viraux dans le noyau des cellules tumorales des couches granuleuse, épineuse et cornée. Les virions sont soit bien isolés les uns des autres soit regroupés entre eux pour former des images en « mosaïque » (Thomas Pulley et al., 1973). Dans le cas des fibropapillomes, on les retrouve également dans le noyau des fibroblastes de la couche superficielle du derme (Jelinek et Tachezy, 2005). Cependant, lorsque les verrues sont analysées dans des stades avancés de développement, il est possible de ne retrouver aucune particule virale dans les fibroblastes (Thomas Pulley et al., 1973).
Immunité et régression tumorale Une régression spontanée est observée pour les verrues induites par BPV_1 et 2 entre 1 et 12 mois. Des cas de verrues induites par BPV_4 et 6 peuvent régresser aussi spontanément, mais le processus est plus long (en général, plus d’un an). La bibliographie ne précise pas la différence entre la durée de persistance avant le début de la régression, et la durée de la régression proprement dite. La régression tumorale implique que les antigènes BPV aient un pouvoir immunogène et antigénique suffisant. Le pouvoir immunogène est la capacité d’un antigène à provoquer une réponse immunitaire. Le pouvoir antigénique est la capacité qu’a cet antigène à se lier au produit de la réponse immunitaire qu’il a déclenchée (Freyburger et Quintin Colonna, 2004- 2005).
La réponse en anticorps du système immunitaire suite à une infection à BPV est montrée dans l’étude de Lee et Olson (1969). Des anticorps précipitants 19S sont détectés une semaine après infection ; ils persistent pendant les huit premières semaines et sont indétectables à partir de 16 semaines. Des anticorps précipitants 7S sont détectés à partir de 6 semaines et persistent pendant au mois 26 semaines après l’infection. Mais l’étude montre aussi que la présence des anticorps n’est pas corrélée à la régression tumorale. Cependant, cette réponse est globalement faible. Les scientifiques pensent que comme le cycle viral est limité à l’épithélium, le contact avec le système immunitaire est restreint. De plus, les bovins qui ont des tumeurs ulcérées présentent au contraire de hauts titres en anticorps anti-BPV, tout comme les bovins infectés après injection intramusculaire de BPV (d’après Campo, 1988 cité par Nasir et Campo, 2008). De plus, l’analyse histologique des verrues en régression montre une réaction inflammatoire du derme avec congestion, oedème, infiltration par des lymphocytes et des granulocytes éosinophiliques et exocytose de lymphocytes dans la couche basale de l’épiderme.
L’article de Knowles et al. (1996) caractérise les lymphocytes de l’infiltrat dans le cas d’une infection à BPV_4. Trois types de lymphocytes sont identifiés : les CD4+, les CD8+ (impliqués dans la cytolyse des cellules infectées) et les
. Ces derniers jouent des rôles multiples : ils reconnaissent un antigène indépendamment du complexe majeur d’histocomptabilité, ils sont impliqués dans les réactions d’hypersensibilité, dans les réactions de défense contre les microbes et dans le maintien de l’intégrité épithéliale. La régression tumorale pour BPV_4 est le résultat d’une réponse immunitaire à médiation cellulaire (RIMC), impliquant CD4+ dans la couche superficielle du derme et CD8+ et dans l’épiderme. La différence de répartition des lymphocytes n’est pas encore expliquée. Pour les autres types viraux, il n’y pas encore eu d’études similaires.
Epidémiologie descriptive
La papillomatose cutanée bovine est une maladie cosmopolite et fait partie des maladies de peau à expression tumorale les plus fréquentes chez les bovins. Selon une enquête réalisée à l’abattoir citée par l’Institut de l’Elevage (2008), ces tumeurs représentent 11 à 100 tumeurs par millions d’animaux (au même rang que les carcinomes et adénocarcinomes cutanés). On la rencontre préférentiellement chez les bovins de moins de 2 ans, bien qu’elle puisse toucher aussi les adultes. De plus, un cas de papillomatose congénital a été décrit (Desrochers et al., 1994). Aucune prédisposition de sexe ni de race n’a été pour l’instant décrite par la littérature. Au sein d’un troupeau, la maladie peut avoir une allure enzootique (Institut de l’Elevage, 2008), c’est-à-dire que l’incidence intra-troupeau subit des variations faibles au cours du temps. Cependant, la bibliographie fournit peu de données sur la fréquence habituelle de la maladie (maladie plutôt rare ou plutôt fréquente). Dans quelques articles (Studdert et al., 1988 ; Abu Elzein et al., 1988 ; Bagdonas et Olson, 1953), elle présente une allure épizootique, c’est-à-dire que l’incidence intra-troupeau subit de fortes variations pendant une période donnée (à différencier d’une épizootie au sens stricte où plusieurs foyers -troupeaux- sont touchés).
Dans l’article de Bagdonas et Olson (1953), 57 animaux sur 160 indemnes de papillomatose cutanée au départ (51,8%) sont touchés en 6 mois. Dans l’article de Studdert et al. (1988), 33 veaux sur 35 (94,3%) sont touchés. Dans l’article de Abu Elzein et al. (1988), plus de 50% des veaux de deux fermes voisines sont touchés. Peu d’informations sur les taux de mortalité (=nombre de bovins morts/ nombre de bovins exposés au risque), ou de létalité (= nombre de bovins morts/nombre de bovins malades) rencontrés le plus souvent sont fournies par la bibliographie.
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Table des matières
ANNEXES
LISTE DES ABREVATIONS
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE SUR LES VERRUES CUTANEES DES BOVINS
INTRODUCTION DE LA PARTIE BIBLIOGRAPHIQUE
1.ETIOLOGIE DE LA PAPILLOMATOSE BOVINE
1) GÉNÉRALITÉS
2) CLASSIFICATION
2.DESCRIPTION DE LA MALADIE
1) DESCRIPTION MACROSCOPIQUE
2) DESCRIPTION HISTOLOGIQUE
Rappel de la structure histologique de la peau
Modifications dues aux Papillomavirus
3) LOCALISATION DES VIRIONS
4) DESCRIPTION CLINIQUE DE LA MALADIE
3.PATHOGENIE DU PAPILLOMAVIRUS BOVIN
1) TROPISME TISSULAIRE
2) LATENCE
3) IMMUNITÉ ET RÉGRESSION TUMORALE
4) IMMUNITÉ ET RÉINFECTION
5) PERSISTANCE TUMORALE ET IMMUNOSUPPRESSION
6) EVOLUTION MALIGNE DES LÉSIONS TUMORALES
4.EPIDEMIOLOGIE DE LA PAPILLOMATOSE CUTANÉE BOVINE
1) EPIDÉMIOLOGIE DESCRIPTIVE
2) EPIDÉMIOLOGIE ANALYTIQUE
Habitat et transmission du virus
Réceptivité et sensibilité de l’hôte à l’agent pathogène
5.DIAGNOSTIC ET PRONOSTIC
1) DIAGNOSTIC ÉPIDÉMIOCLINIQUE
2) DIAGNOSTIC EXPÉRIMENTAL
Histologie
Nature lésionnelle de la tumeur
Tumeur bénigne/maligne
Microscopie électronique
Immunohistochimie
Techniques moléculaires
3) DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
Dermatoses tumorales à différencier de la papillomatose cutanée
Dermatoses non tumorales à différencier de la papillomatose cutanée
4) PRONOSTIC DE LA MALADIE
TRAITEMENT DE LA PAPILLOMATOSE CUTANÉE BOVINE
1) TRAITEMENT CHIRURGICAL
2) TRAITEMENT MÉDICAL
Traitements par voie locale
Traitements par voie générale
Traitement homéopathique à base de Thuya occidentalis
Traitement à base de lévamisole
Traitement à base d’Ivermectine
Traitement par des dérivés magnésiens
Autres traitements
3) IMMUNOTHÉRAPIE
Vaccins sub-unitaires
Autovaccination
PREVENTION DE LA PAPILLOMATOSE CUTANEE BOVINE
1) MESURES SANITAIRES
2) VACCINATION
BILAN DE LA PARTIE BIBLIOGRAPHIQUE
DEUXIEME PARTIE : ENQUETE EPIDEMIOLOGIQUE SUR LES VERRUES CUTANEES DES BOVINS EN MARTINIQUE
1.CONTEXTE GEOPOLITIQUE ET ECONOMIQUE DE LA MARTINIQUE
1) CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE
2) CONTEXTE ÉCONOMIQUE
3) PRÉSENTATION DE L’ÉLEVAGE BOVIN MARTINIQUAIS
Présentation générale
Eleveurs bovins : nombre et répartition
Aides au développement de l’élevage bovin
4) PRÉSENTATION DES VÉTÉRINAIRES RURAUX DE L’ÎLE
5) VISITES SANITAIRES OBLIGATOIRES DES ÉLEVAGES BOVINS
2.PREPARATION DES ENQUETES DESCRIPTIVES
1) DÉFINITION DES OBJECTIFS DE L’ENQUÊTE
Questionnaire vétérinaire
! Connaissance de la population
! Importance de la maladie
! Evaluation des conséquences de la maladie
! Etiologie de la maladie
Questionnaire éleveur
! Connaissance de la population
! Importance de la maladie
! Evaluation des conséquences de la maladie
! Etiologie de la maladie
Fiches individuelles bovins
Prélèvements
2) TESTAGE DU QUESTIONNAIRE ET COLLECTE DES DONNÉES
3) RÉCOLTE DES DONNÉE
3.PRESENTATION DES RESULTATS DE L’ENQUETE VETERINAIRE
1) RÉSULTATS
Connaissance de la population
Importance de la maladie
Conséquences de la maladie
Etiologie
2) DISCUSSION DE L’ENQUÊTE VÉTÉRINAIRE
Analyse des biais
Discussion
4.PRESENTATION DES RESULTATS DU QUESTIONNAIRE ELEVEUR
1) RÉSULTATS
Connaissance de la population
! Répartition géographique des enquêtés
! Taille des élevages
! Répartition géographique des élevages interrogés en fonction de leur taille
! Type et conduite d’élevage
! Autres animaux de l’élevage
! Autres caractéristiques des élevages
Importance de la maladie
! Importance au sein de la population
! Importance au sein du troupeau
Conséquences de la maladie
! Conséquences sanitaires de la maladie
! Conséquences économiques de la maladie
Etiologie de la maladie
! Caractéristiques épidémiologiques de la maladie
! Caractéristiques cliniques de la maladie
Bilan
Y a-t-il un arrondissement plus touché qu’un autre ?
2) DISCUSSION DE L’ENQUÊTE ÉLEVEUR
Analyse des biais
Discussion
! Importance de la maladie au sein de la population
! Importance de la maladie au sein du troupeau
! Conséquences sanitaires et économiques de la maladie
! Les verrues cutanées signalées correspondent-elles bien à de la papillomatose bovine ?
ENQUETE ANALYTIQUE
1) DONNÉES BIBLIOGRAPHIQUES SUR LES OLIGO-ÉLÉMENTS DOSÉS
Signes cliniques de carence
Diagnostic d’une carence en oligo-élément
! Relations entre la concentration plasmatique d’un oligo-élément et l’apparition de troubles fonctionnels
! Dosage du zinc
! Dosage en cuivre
! Dosage en iode inorganique
2) PROTOCOLE DE L’ENQUÊTE
3) PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
4) DISCUSSION DE L’ENQUÊTE ANALYTIQUE
Analyse des biais
Discussion
BILAN DE L’ANALYSE DES ENQUETES
BIBLIOGRAPHIE
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