Les variations passées et actuelles du niveau de la mer

L’océan stocke la chaleur accumulée dans le système Terre en réponse aux gaz à effet de serre émis par les activités humaines, bien plus que les continents et l’atmosphère (actuellement près de 93%) (MEEHL et al. 2007 ; Bindoff et al. 2007 ; Church et al. 2013). La grande inertie thermique de l’océan est une des raisons principales de sa grande influence sur le climat. Une des conséquences de ce phénomène est la hausse du niveau moyen global des océans, un des indicateurs les plus importants du changement climatique (Solomon et al. 2007; Church et al. 2013). Les variations du niveau de la mer au cours du dernier siècle sont principalement causées par l’expansion thermique de l’océan, la fonte des glaces continentales (glaciers de montagne et calottes polaires) et les échanges d’eau avec les terres émergées et l’atmosphère. Ces phénomènes résultent du réchauffement d’origine humaine, mais aussi de la variabilité naturelle et interne du système climatique (Church et al. 2013).

A la fin de la déglaciation (associée au dernier cycle glaciaire) il y a environ 3000 ans le niveau de la mer s’est stabilisé, avec une hausse ne dépassant pas 0.5 mm/an (Masson-Delmotte et al. 2013). Avec les observations marégraphiques disponibles depuis ~200 ans, on observe que le niveau de la mer a recommencé à monter au cours du 20ème siècle avec une vitesse de 1.7 mm/an, ce qui représente un rythme 3 à 4 fois plus élevé que ce qui a été estimé durant les 2 derniers millénaires (Kemp et al. 2011 ; Church et White 2011). Depuis le début des années 1990, la vitesse d’élévation du niveau de la mer enregistré par les satellites altimétriques Topex/Poseidon et ses successeurs (Jason-1, 2, 3, Envisat, etc) a doublée (en comparaison à ce qui a été observé au cours du 20éme siècle), atteignant aujourd’hui 3.4 mm/an en moyenne globale (Ablain et al.2016; Chambers et al. 2016). Tout suggère que la hausse actuelle du niveau moyen global de la mer est liée au réchauffement climatique anthropique affectant la planète depuis quelques décennies (Church et al. 2013). La hausse du niveau de la mer n’est pas régionalement uniforme (principalement à cause de la répartition non uniforme de la chaleur dans l’océan). Dans certaines zones, cette hausse a été 3 fois plus rapide que la hausse moyenne globale (Meyssignac et al. 2012; Ablain et al. 2015). De plus le niveau moyen global de la mer présente des fluctuations interannuelles qui peuvent atteindre quelques millimètres surtout pendant les épisodes ENSO (El Nino Southern Oscillation) (Boening et al. 2012; Cazenave et al. 2014). On s’attend à une hausse accrue du niveau de la mer au cours du 21ème siècle, à cause de l’expansion thermique des océans qui se poursuivra, et surtout à cause de la fonte des glaces continentales (dernier rapport du GIEC, AR5, Church et al. 2013). En utilisant des modèles de climat, plusieurs articles récents proposent une hausse du niveau moyen global de la mer de l’ordre de 0.5 m à 1 m à l’horizon 2100, avec une forte variabilité régionale (Church et al. 2013). Cependant, cette estimation présente des incertitudes importantes en raison d’une méconnaissance des émissions futures des gaz à effet de serre et de la réponse du climat à ce forçage.

La hausse actuelle du niveau de la mer constitue une menace sérieuse pour de nombreuses régions côtières basses souvent très peuplées de la planète (Parry et al. 2007; Nicholls and Cazenave, 2010 ; Nicholls et al. 2011b ; Mondal and Tatem, 2012). Cette hausse peut se combiner avec d’autres facteurs non climatiques (par exemple, l’enfoncement du sol lié au pompage d’eau et des hydrocarbures, etc.), ce qui rend ces régions encore plus vulnérables (Nicholls and Cazenave, 2010). Les conséquences de la hausse du niveau de la mer pourraient être : (1) la perte d’une grande superficie des littoraux qui déplaceront des centaines de millions de personnes à l’intérieur des terres, (2) une perte économique considérable et (3) une augmentation des zones inondables impliquant une salinisation des terres agricoles ainsi que des aquifères, avec des conséquences néfastes sur les ressources en eau (MEEHL et al. 2007 ; Nicholls and Cazenave, 2010). En effet, plusieurs centaines de millions de personnes (attirées par les activités économiques comme la pêche, le transport maritime, les terres fertiles et l’emploi concentrées sur les grandes métropoles côtières) vivent à moins de 100 km des côtes continentales et sur les îles (MEEHL et al. 2007 ; McGranahan et al. 2007 ; Nicholls et al. 2008, 2011a). D’après McGranahan et al. (2007) 13% de la population mondiale (soit ~780 millions de personnes) vit à moins de 10 m au dessus du niveau de la mer (région couvrant moins de 2% de la superficie terrestre totale). Ce nombre qui ne cesse de croître constitue un risque réel, forçant jusqu’à 187 millions de personnes (soit ~2.4% de la population mondiale) au cours de ce siècle à des migrations (Nicholls et al. 2011b).

Les variations passées et actuelles du niveau de la mer 

Les variations passées du niveau de la mer 

Les variations passées (avant la période des mesures instrumentales) du niveau de la mer sont estimées de manière indirecte, à partir d’informations issues d’archives sur les fossiles (récifs coralliens, débris de plages émergées), les sédiments (sédiments marins) et les fouilles archéologiques (structures portuaires). La combinaison des trois sources d’informations est utilisée pour reconstruire les variations passées du niveau de la mer sur plusieurs dizaines de millions d’années (Masson-Delmotte et al. 2013) :

(1) la mesure du rapport isotopique de l’oxygène (rapport 18O/16O) contenu dans les sédiments marins. Cela permet d’estimer le volume des glaces continentales, donc les variations de masse de l’océan. Les variations du volume des glaces continentales modifient la composition isotopique de l’eau de mer, donc la composition isotopique de la calcite d’espèces marines contenues dans les carottes de sédiments marins (Siddall et al. 2006 ; Rohling et al. 2007). Cette méthode permet d’estimer les variations du volume d’eau des océans jusqu’à 80 millions d’années dans le passé, après correction des effets des variations de température de l’océan (Cramer et al. 2009; MassonDelmotte et al. 2013).

(2) La stratigraphie séquentielle permet d’estimer les dépôts sédimentaires qui se produisent sur les marges continentales lors des fluctuations successives du niveau de la mer. Ces marges continentales enregistrent ainsi les variations des lignes de rivage, donc du niveau de la mer relatives sur les dernières centaines de millions d’années (Vail et al. 1977; Haq and Al-Qahtani, 2005; Haq and Schutter, 2008).

(3) La datation des récifs coralliens fournit des enregistrements du niveau de la mer sur des échelles de plusieurs centaines de milliers d’années avec une précision de ±5 m (Bard et al. 1991, 2010).

Des temps géologiques au dernier interglaciaire (-125 000 ans) 

La vitesse du niveau de la mer, sur des échelles de temps géologiques (plusieurs dizaines à plusieurs centaines de millions d’années) est particulièrement lente (avec une hausse de 0.01 mm/an). Le niveau de la mer présente de fortes variabilités, par fois supérieures à 100m. Ces variations sont principalement causées par les mouvements de la croûte terrestre (collision des continents, production de plancher océanique au niveau des dorsales océaniques) entraînant des changements de forme des bassins océaniques (Vail et al. 1977 ; Rowley, 2002 ; Cogné and Humler, 2004 ; Miller et al. 2005 ; Müller et al. 2008 ; Kopp et al. 2009, 2013 ; Raymo et al. 2011 ; Dutton and Lambeck, 2012 ; Lambeck et al. 2012 ; Raymo and Mitrovica, 2012).

Durant la période chaude du Pliocène moyen (il ya 3 à 3.3 millions d’années), le niveau de la mer était plus élevé qu’aujourd’hui d’environ 10 à 20m (Masson Delmotte et al. 2013). Cela est principalement causé par une absence quasi totale de glace au Groenland (contribuant à environ 7m à la hausse du niveau de la mer) et en Antarctique de l’Ouest (plus quelques zones côtières de l’Antarctique de l’Est ; contribuant à ~7m à la hausse du niveau de la mer) (Naish et al. 2009 ; Kopp et al. 2009, 2013 ; Passchier, 2011 ; Thompson et al. 2011 ; Masson-Delmotte et al. 2013). Au cours du dernier million d’années, les variations du niveau de la mer ont été dominées par celles du volume d’eau des océans causées par la dynamique (formation et fonte) des calottes de glace continentales. Le niveau de la mer sur cette période, présente des variations rapides (pouvant atteindre jusqu’à 40 mm/an sur quelques siècles) (Bard et al. 2010; Deschamps et al. 2012) et de fortes amplitudes (Rohling et al. 2009 ; Dutton et al. 2009 ; Miller et al. 2011). Cette période est marquée par une succession de glaciations (périodes froides d’une durée d’environ 100 000 ans en lien avec les variations de l’excentricité de la Terre autour du Soleil) et la formation des calottes de glace au nord de l’Europe et de l’Amérique. Cela entraîne une baisse du niveau de la mer de plus de 100 m (Raymo and Mitrovica, 2012 ; Lambeck et al. 2010). Ces glaciations sont interrompues par des périodes interglaciaires (chaudes). Durant ces périodes interglaciaires (la dernière date de -125 000 ans), les calottes de glaces continentales fondent complètement (à l’exception du Groenland et de l’Antarctique) et le niveau de la mer est proche de l’état actuel (Masson-Delmotte et al. 2013).

De la dernière glaciation (-20 000 ans) au dernier millénaire 

Le dernier maximum glaciaire il y a 20 000 ans, a été suivi par une période de fonte des grandes calottes de glace qui recouvraient le nord de l’Amérique et de l’Europe, causant une remontée du niveau de la mer de ~130 m en moyenne pendant environ 13 000 ans (jusqu’en environ -7000 ans), soit une hausse de 10 mm/an (Lambeck et al. 2002; Masson-Delmotte et al. 2013). Sur la période allant de -7000 à -3000 ans, le niveau de la mer a augmenté moins vite (de 2 à 3m) (Masson-Delmotte et al. 2013), avec des fluctuations de moins de 25 cm sur quelques siècles (Woodroffe et al. 2012), puis s’est stabilisé il y a environ 2000 à 3000 ans (Milne et al. 2008 ; Lambeck et al. 2010 ; Masson-Delmotte et al. 2013). Au cours des 2000 dernières années avant le début de l’ère industrielle (au milieu du 18éme siècle), l’analyse des sites archéologiques (Lambeck et al. 2004) et la datation des microfossiles de marais maritimes (Miller et al. 2009 ; Kemp et al. 2011) montrent que le niveau de la mer global n’a pas connu de fortes variations (la tendance ne dépasse pas les 0.5 à 0.7 mm/an) (Masson-Delmotte et al. 2013).

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Table des matières

Introduction
1. Les variations passées et actuelles du niveau de la mer
1.1 Les variations passées du niveau de la mer
1.1.1 Des temps géologiques au dernier interglaciaire (-125 000 ans)
1.1.2 De la dernière glaciation (-20 000 ans) au dernier millénaire
1.2 Les variations du niveau de la mer : postindustrielle à nos jours
1.2.1 Les marégraphes (~1750 – présent)
1.2.2 L’altimétrie spatiale (~1990 – présent)
1.3. Les causes des variations actuelles du niveau de la mer (20ème siècle et période altimétrique)
1.3.1 La hauteur stérique du niveau de la mer
a. Expansion thermique des océans
b. Le niveau de la mer halostérique
1.3.2 Les variations de masse de l’océan
a. La fonte des glaces continentales : glaciers et calottes polaires
b. Échanges d’eau avec les terres émergées et l’atmosphère
1.3.3 Les causes influant la variabilité régionale et locale du niveau de la mer
2. Bilan du niveau de la mer et estimation des contributions manquantes ou mal connues
2.1 Niveau de la mer altimétrique : inter-comparaison des produits CCI, AVISO, CU, NOAA, GSFC et CSIRO
2.2 Les contributions climatiques à la hausse du niveau de la mer
2.2.1 Contribution stérique à la hausse du niveau de la mer : données Argo
2.2.2 Contribution de masse de l’océan à la hausse du niveau de la mer : en utilisant les satellites de gravimétrie spatiale GRACE
2.3 Bilan du niveau moyen global de la mer (GMSL) : sur la période Argo/GRACE
2.3.1 Estimation des contributions manquantes à la hausse du niveau de la mer : contenu thermique de l’océan profond sur la période 2003-2012
Article inséré à la fin de la section 2.3.1 : Dieng et al. 2015a
2.3.2 Analyse des incertitudes des termes de l’équation bilan du niveau de la mer
Article inséré à la fin de la section 2.3.2 : Dieng et al. 2015b
2.3.3 Cycle global de d’eau : estimation de la contribution totale des eaux continentales à la hausse du niveau moyen global de la mer
Article inséré à la fin de la section 2.3.3 : Dieng et al. 2015c
2.4 Bilan du GMSL sur la période altimétrique (1993-2014)
Article inséré à la fin de la section 2.4 : Chambers D.P., Dieng H.B. et al.
2.5 Amélioration des données niveau de la mer altimétriques du CCI
Article inséré à la fin de la section 2.5 : Ablain M., Dieng H.B. et al. 2016
3. Influence d’ENSO (El Niño et La Niña) sur la variabilité interannuelle du niveau moyen global de la mer
3.1 Le phénomène ENSO : El Niño & La Niña
3.2 L’influence d’El Niño et de La Niña sur le niveau de la mer et la variation de masse du Pacifique tropical Est
Articles insérés à la fin de la section 3.2 : Cazenave A., Dieng H.B. et al. 2012 Dieng H.B. et al. 2014
4. Evolutions récentes de la température moyenne de la Terre et du niveau de la mer
4.1 Le système climatique au cours des années 2000
4.2 Evolution de la température moyenne globale de surface de la Terre et du contenu thermique des océans; déséquilibre énergétique du système climatique au cours des années 2000
Article inséré à la fin de la section 4.2 : Dieng et al. 2017
4.3 La hausse du niveau moyen global de la mer (GMSL) durant les années 2000
Article inséré à la fin de la section 4.3 : Cazenave A., Dieng H.B. et al. 2014
Conclusion et Perspectives
Bibliographie

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