Le sens de l’intégration au Châtelard et son processus
L’intégration est une notion qui recouvre un objectif central au CMP puisque le fondement de l’accueil est l’amélioration de la vie familiale, sociale et scolaire de l’enfant avec l’objectif global et idéal d’un retour à une vie dans la norme attendue par la société. Les critères d’entrée au CMP du Châtelard se trouvent contenus dans un champ et non seulement en des points précis et fermés. Il s’agit d’ouvrir l’accueil aux enfants présentant un retard scolaire, mais laissant entrevoir un retour possible dans le cursus ordinaire à moyen terme, impliquant des difficultés susceptibles d’être amoindries grâce à un suivi global approprié, qu’il soit scolaire, éducatif ou thérapeutique.
Ainsi, un élève est admis au CMP s’il est âgé entre 6 et 13 ans, présente un retard scolaire de deux ans au maximum et une difficulté à entrer dans un comportement scolaire, mais aussi si sa situation familiale est conflictuelle, nécessitant un soutien parental. En classe, l’élève bénéficie d’un programme personnalisé. Le processus d’intégration commence lorsque l’enseignant constate une amélioration suffisante dans les attitudes et le niveau scolaire doublée d’une diminution suffisante des troubles pouvant entraver l’intégration. Une demande de stage d’observation est alors formulée à l’école ordinaire concernée et l’élève effectue un stage. Le but est de le remettre en contact avec ce milieu qu’il n’a jamais connu, dont il a été éloigné plusieurs années ou dont il garde un souvenir pénible. En fonction du déroulement du stage, celui-ci peut se prolonger en stage d’intégration et aboutir à une intégration progressive ou totale dans l’année en cours ou à la rentrée suivante.
L’élève peut aussi revenir au CMP à la fin de son stage et de nouveaux objectifs en être retirés pour venir nourrir le projet en cours. Un prochain stage permettra soit une nouvelle évaluation de la situation soit une intégration. Lorsque des élèves susceptibles d’intégrer un jour atteignent un âge indiquant que l’intégration ne pourra se faire dans le cursus obligatoire, le temps nécessaire estimé dépassant le temps réel à disposition, les démarches se tournent alors vers un apprentissage selon des formalités similaires à celles présentées plus haut.
Les élèves quittent donc le Châtelard pour intégrer le cursus ordinaire, secondaire ou un apprentissage, mais aussi en raison de leur âge, de leur problématique psychique ou de leur niveau scolaire qui les dirigera vers une autre structure susceptible de poursuivre le travail entamé au CMP ou permettant de répondre de manière plus appropriée à leurs besoins.
Influence des croyances et des représentations des professionnels
Nous venons de citer la réflexion de pratique et le travail sur nos représentations. Entrer dans ces processus implique de se pencher sur une question centrale : quelles sont les influences des croyances et des représentations des professionnels sur le parcours des élèves de l’enseignement spécialisé ? Il s’agit de prendre conscience de nos croyances et de nos représentations de manière générale, mais aussi de leur influence sur nos élèves et leur parcours scolaire. L’importance des attitudes dans les interactions sociales est un fait reconnu par les intervenants et par de nombreux chercheurs de la communauté scientifique. Dans le contexte scolaire, les attitudes des enseignants envers les élèves en difficulté se traduisent dans la relation maître-élève. (Potvin & Rousseau, 1993, p.2).Potvin et Rousseau (1993) définissent l’attitude comme une « tendance relativement stable d’une personne » (p.3).
Ce « système permanent d’évaluations positives ou négatives [permet] de prédire la réaction d’une personne dans des conditions connues » (id.). Et « de façon générale, l’attitude étant définie comme un construit, les changements qui permettent de l’inférer se manifestent dans des comportements verbaux et non-verbaux » (id.). Les auteurs précisent que « l’attitude est une tendance qui influence plus ou moins le comportement » (id.). « Sous l’influence [de la fonction directrice des stimuli associée à une attitude], toute une gamme de comportements d’approche ou d’évitement deviennent plus ou moins probables » (id.). Ainsi, lorsque nous sommes en présence d’une personne ou d’une situation, notre comportement se modifie selon les émotions qui en émergent. Nous savons que nos croyances, nos représentations, nos émotions et notre raison sont intimement liées puisque « […] les parties du cerveau impliquées dans la cognition […] jouent un rôle important pour les émotions. [Mais également] pour la rapidité de prise de décision ou encore pour les jugements moraux » (Sander, 2014, p.10). Et donc qu’elles font partie intégrante de notre attitude.
Elle disent qui nous sommes et viennent par là même influencer le comment nous agissons, c’est-à-dire notre comportement. Ainsi, explorer nos croyances et nos représentations, nous auto-observer en nous questionnant sur la manière dont elles nous influencent et influencent notre pratique professionnelle paraît une étape indissociable de la réflexion sur l’influence de nos croyances et représentations sur le parcours de nos élèves.
La confidentialité
La notion de confidentialité a une place importante dans toutes les professions de l’humain : le professionnel ne dévoile pas ce qu’il peut apprendre de la personne à laquelle il est lié de par sa fonction. Cette recherche ne fait pas exception et la confidentialité des professionnels comme des anciens élèves y est garantie.La loi sur la protection des données (LprD, art. 6) précise que celles-ci « ne doivent être traitées que dans le but indiqué lors de leur collecte […] » (Annexe 1). Afin de mieux comprendre cette notion et la manière dont elle est mise en œuvre dans les professions du social, je me suis adressée à l’Unité de support méthodologique (USM) du Service de protection de la jeunesse (SPJ).
Je me suis tournée vers ce service d’une part pour son point commun avec toutes les personnes concernées par ce travail, les anciens élèves et les professionnels, d’autre part parce qu’assujetti aux différentes réglementations et lois existantes en Suisse et dans le canton de Vaud, il est connaisseur en la matière et donc apte à répondre aux questions légales liées à la confidentialité dans nos professions sociales et plus spécifiquement dans cette recherche. Entrée en contact avec l’USM, il m’a d’abord été expliqué qu’en terme légal, il serait plus approprié de parler de protection de la personnalité ou de protection de la sphère privée plutôt que de confidentialité et que le travail du SPJ est soumis à plusieurs dispositions légales auxquelles les professionnels doivent se conformer. L’exploration de ces dispositions légales était dès lors nécessaire afin de mieux saisir ces concepts de protection de la personnalité et de la sphère privée.
La loi sur la protection des données personnelles (LPrD), quant à elle, donne des précisions sur les termes utilisés dans les articles de lois. Sont soumises à cette loi les autorités communales et cantonales, vaudoises ainsi que les personnes privées qui exécutent des tâches publiques. En bout de chaîne, les cahiers des charges, procédures et directives internes de chaque institution et service viennent rappeler ces obligations aux professionnels concernés
Interroger les anciens élèves
Cette partie a été bien plus compliquée que la précédente. L’inventaire des anciens élèves n’a pas été une grande tâche, car les archives du Châtelard sont répertoriées et informatisées depuis onze ans. Cependant en leur téléphonant, je me suis aperçue que la large majorité des coordonnées téléphoniques étaient obsolètes. J’ai donc entrepris de rechercher les noms dans le bottin téléphonique, là aussi avec un résultat très maigre. J’ai alors décidé de m’adresser à leur dernière institution d’accueil.
Dans un premier temps, des coordonnées d’anciens élèves m’ont été transmises. Puis, quelques difficultés sont apparues, certaines institutions ne gardant pas trace de leurs anciens résidents ou alors celles-ci étant obsolètes, le but pour eux n’étant pas de les recontacter un jour, mais de mémoriser leur passage dans l’historique de l’institution. Une autre difficulté rencontrée est que les institutions ne sont pas censées transmettre les données des enfants qu’elles accueillent, et la large majorité d’entre elles s’y est tenue fermement.Ainsi, sur le conseil du directeur d’une de ces institutions, j’ai contacté le SPJ qui ne m’a pas fait d’autre réponse : la confidentialité est de rigueur, quels que soient l’âge actuel du jeune et l’objectif, une recherche de mémoire n’étant pas d’un intérêt suffisant (SPJ, communication personnelle, 24 avril 2014).
Cette recherche s’effectuant sur un temps limité, il m’a finalement fallu accepter de travailler avec la matière récoltée quand bien même j’eus souhaité un recueil plus important concernant les anciens élèves. Au travers des questionnaires aux anciens élèves,j’ai souhaité m’informer sur leur parcours au CMP, leurs représentations sur l’efficacité des mises en place du Châtelard et du CMP pour leur intégration scolaire ou professionnelle. Ainsi en fin de récolte de données, six anciens élèves avaient rempli et renvoyé le questionnaire, trois l’auraient envoyé sans qu’il ne me parvienne, trois autres m’ont retourné leur recueil de consentement sans que je ne reçoive jamais leur questionnaire et cinq avaient refusé d’y répondre, car toujours en situation d’échec depuis leur séjour au Châtelard qui s’était lui-même déroulé de manière difficile, ils ne souhaitaient ni revenir sur ce passé douloureux ni parler de leur situation actuelle.
Les variables dépendantes et indépendantes
En statistique, une variable peut être indépendante ou dépendante et est la caractéristique mesurée ou observée dans une population étudiée. Elle peut également être qualitative ou quantitative, car si le genre des personnes interrogées n’est pas comptable, leur nombre l’est. « Une variable statistique est qualitative si ses valeurs […] s’expriment de façon littérale ou par un codage sur lequel les opérations arithmétiques telles que moyenne, somme, …, n’ont pas de sens » (s. d., agro-montpellier, sans page). A l’inverse, si ces opérations arithmétiques ont un sens, elle est quantitative (id.). La variable indépendante est « une caractéristique pouvant prendre au moins deux valeurs différentes dont la variation influence la valeur d’une ou de plusieurs autres variables, les variables dépendantes.
On l’appelle variable indépendante, car elle ne dépend pas du sujet observé. Il en existe deux types : les variables indépendantes invoquées et les variables indépendantes contrôlées (ou provoquées) » (Wikipédia, 2014). Dans cette recherche, « les variables indépendantes invoquées, […] existantes dans la nature [et que j’ai] simplement recueillies » sont le genre des professionnels et des anciens élèves, leur âge, leur origine, leur histoire, leur expérience, leur état psychologique, leurs difficultés scolaires, leur volonté à intégrer, par exemple.
Quant aux variables indépendantes contrôlées, elles « sont créées par l’expérimentateur » comme les sujets interrogés, l’échéancier ou la méthodologie (id.). Quant à la variable dépendante, elle « est […] une caractéristique pouvant prendre au moins deux valeurs différentes dont la variation est causée par la variation d’une ou de plusieurs autres variables à savoir, les variables indépendantes » (id.). Dans cette recherche, les variables dépendantes sont le niveau scolaire des élèves, les troubles psychotiques ou psychologiques des élèves (ceux liés au contexte de vie), les représentations des élèves de leurs compétences, les représentations de l’enseignant sur l’élève, la pédagogie employée par l’enseignant, l’ancienneté des élèves et des professionnels.
Utilité des soutiens du CMP pour l’intégration scolaire et professionnelle
A ce stade, il paraît pertinent de donner quelques éclairages concernant les soutiens cités, ceci pour une meilleure compréhension du travail effectué au Châtelard et ainsi, bénéficier d’un regard avisé sur l’analyse des réponses données. L’éducateur orange, outil-ressource disponible sur le temps scolaire, intervient dans les classes sur appel de l’enseignant. Celui-ci vient alors chercher l’enfant et l’encadre jusqu’à ce qu’il soit à nouveau apte à être en classe ou jusqu’au moment annoncé par l’enseignant, ce qui peut alors faire partie d’un contrat entre l’enseignant et l’élève. L’éducateur orange joue ainsi un rôle d’intervenant d’urgence ou de partenaire ponctuel d’un contrat éducatif. Les suivis thérapeutiques, logopédie, arthérapie, psychomotricité et psychologie, sont prodigués par des thérapeutes travaillant sur le site du CMP ou y venant selon un horaire fixe.Les ateliers bois et photo sont assurés par des éducateurs ayant des compétences dans ces domaines et le désir de les mettre à disposition des élèves dans un but éducatif, permettant un lien privilégié avec l’enfant et un travail sur le relationnel. Les appuis individualisés sont offerts par des enseignants d’appui durant ou hors du temps scolaire. Ces suivis s’adressent tant aux élèves présentant des lacunes qu’à ceux proches de l’intégration et permettent de travailler sur des objectifs scolaires spécifiques. 64% des professionnels estiment que les outils proposés ont une forte utilité, en particulier les appuis scolaires individualisés (96%). Perçus également comme ayant une forte utilité, l’éducateur orange (61%), les suivis thérapeutiques (61%) et les ateliers bois/photo (39%) sont néanmoins aussi vus comme d’une utilité moyenne (37%). Quant aux anciens élèves, 46% d’entre eux expriment que les appuis n’ont eu en moyenne aucune utilité pour leur intégration scolaire et professionnelle. Pourtant, untiers pense que l’éducateur orange ainsi que les ateliers bois/photo, les suivis thérapeutiques et les suivis scolaires ont une forte utilité pour l’intégration. On constate ainsi des avis opposés entre les professionnels et les anciens élèves.
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Table des matières
CHAPITRE 1 – INTRODUCTION
1.1- Description du terrain de réalisation
1.2 - Terminologie
CHAPITRE 2 – ÉLÉMENTS THÉORIQUES
2.1 - Le sens de l’intégration au Châtelard et son processus
2.2 - L’éthique professionnelle
2.3 - Influence des croyances et des représentations des professionnels
2.4 - La confidentialité
CHAPITRE 3 - QUESTION DE RECHERCHE
CHAPITRE 4 - POSTULAT ET HYPOTHÈSES DE DÉPART
CHAPITRE 5 - DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
5.1 ‐ Méthode de collecte de données
5.2 ‐ Collecte des données statistiques
5.2.1 - Interroger les professionnels
5.2.2 ‐ Interroger les anciens élèves
CHAPITRE 6 – FACTEURS D’ANALYSE
6.1 ‐ Les variables dépendantes et indépendantes
CHAPITRE 7 – ANALYSE DES QUESTIONNAIRES
7.1.1 – Utilité donnée aux activités du Châtelard pour l’intégration scolaire et professionnelle
7.1.2 – Importance donnée aux matières et activités du CMP pour l’intégration scolaire et professionnelle
7.1.3 – Niveau de compétence atteint par les élèves
7.1.4 – Utilité des soutiens du CMP pour l’intégration scolaire et professionnelle
7.1.5 - Avis des professionnels et des anciens élèves
7.1.6 - Proportion annuelle moyenne d’élèves quittant le CMP pour le cursus scolaire ordinaire
7.1.7 - Avis des professionnels sur l’orientation des élèves quittant le CMP
7.1.8 - Orientation réelle des anciens élèves interrogés
7.1.9 - Facteurs essentiels d’intégration au cursus ordinaire
7.1.10 - Modification de parcours et d’orientation des anciens élèves après leur départ du CMP
7.1.11 - Situation actuelle des anciens élèves interrogés
CHAPITRE 8 – POURSUITE DU CADRE THÉORIQUE
CHAPITRE 9 – VÉRIFICATION DU POSTULAT ET DES HYPOTHÈSES DE DÉPART
9.1 - Lien avec les archives du Châtelard
9.2 - Vérification du postulat de départ
9.3 - Vérification des hypothèses de départ
CHAPITRE 10 – ANALYSE
10.1 – Analyse de la méthode de récolte de données
10.2 - Analyse des données
CHAPITRE 11 – DISCUSSION
CHAPITRE 12 – CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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