Les usages multiples du texte dans les pratiques enseignantes d’Histoire – Géographie – EMC

« Monsieur, on ne peut pas travailler sur ce texte car vous avez oublié de nous donner les questions auxquelles nous devons répondre ! ». C’est cette phrase, prononcée par une de mes élèves de Quatrième quelques semaines après la rentrée scolaire de septembre, qui est à l’origine de la présente réflexion sur la place du texte dans les pratiques enseignantes et notamment sur la manière dont ce dernier doit être source de questionnement pour les élèves. Cette élève, et je suis sûr qu’elle n’était pas la seule, partait du postulat qu’étudier un document, et notamment un texte, consistait seulement à répondre aux questions formulées par l’enseignant avant une correction qui permettrait de clore l’activité avant de passer à une suivante. Je ne peux en aucun cas blâmer les élèves pour un tel raisonnement au sens où il s’agit d’une boucle didactique courante dans l’enseignement, et ce quelle que soit la discipline, au sens où elle donne aux enseignants l’impression de gagner du temps afin de pouvoir avancer dans les programmes. Toutefois, et bien que cette préoccupation de terminer les programmes soit d’autant plus omniprésente chez un enseignant-stagiaire, je décidais de rompre en partie avec cette boucle didactique et de réfléchir à une nouvelle approche sur l’étude de texte afin que celle-ci soit une véritable analyse et non pas un simple prélèvement d’information en vue de répondre à des questions préalablement établies par l’enseignant afin d’aborder telle ou telle thématique.

Vers une diversité de natures de texte

Le texte, au même titre qu’une iconographie ou une carte, doit être considéré comme un document au service de la pratique enseignante. Le document, du latin documentum « ce qui sert à instruire » et définit par le Petit Robert comme étant « tout ce qui sert de preuve, de témoignage », est donc entendu comme tout support pédagogique utilisé par l’enseignant afin de transmettre des connaissances à ses élèves tout en leur faisant acquérir des compétences méthodologiques propres à sa discipline comme l’analyse de carte en Géographie, mais qui peuvent aussi être interdisciplinaires telle la compétence « Analyser et comprendre un document ». Le texte, en tant que document, participe donc à cette transmission de connaissances et de compétences méthodologiques. De ce fait, une transposition de la typologie du document de Gérard Granier, inspecteur académique, et de Françoise Picot, inspectrice de l’Education nationale , est applicable au texte afin de distinguer les textes en fonction de la manière dont l’enseignant entend les utiliser avec ses élèves.

Le premier type de texte peut être désigné comme étant le « texte source » considéré comme le document par excellence pour enseigner la discipline au sens où il s’agit de l’outil de travail principal de l’historien. Jusqu’au XIXème siècle, l’Histoire était avant tout considérée comme une simple narration des faits historiques et c’est à partir des textes, et éventuellement des œuvres iconographiques, que les historiens retraçaient cette chronologie. La création en 1929 de l’Ecole des Annales par Marc Bloch et Lucien Febvre représente l’un des premiers tournant de cette approche puisque les historiens portent désormais leur regard non plus sur les faits historiques mais sur les faits de civilisation, et pour cela ils doivent diversifier leurs sources afin de les comparer pour confirmer ou infirmer leurs hypothèses. Ce recul de l’importance du texte dans la recherche historique se poursuit dans la deuxième moitié du XXème siècle avec des historiens, comme Jacques Le Goff ou Georges Duby, qui entendent élargir leurs analyses historiques par l’adjonction d’une approche pluridisciplinaire, en incluant un regard sociologique ou géographique par exemple à leur travail. Cette adjonction de nouvelles sciences dans la démarche historique s’accompagne de fait d’une diversité accrue des sources utilisées, comme le recours aux cartes et aux méthodes quantitatives avec les sondages. Cependant, même si la nature des sources à disposition des historiens s’est élargie, le texte conserve une place prépondérantedans la recherche ainsi que dans les pratiques enseignantes. Toutefois la désignation d’un texte comme étant une source est sujet à débat au sens où c’est le regard du chercheur qui fait d‘un texte une source . Ce statut de source est d’autant plus problématique dans le cadre de la Géographie puisque le géographe conçoit lui-même ses sources et outils, comme les interviews et les enquêtes, et il ne s’appuie donc pas sur des textes déjà existants auxquels il donne la valeur de source. A ces problèmes de désignation, s’adjoint une difficulté plus didactique puisque le texte source est souvent difficile voire inaccessible aux élèves au vu du vocabulaire utilisé et des méthodes d’analyses spécifiques qu’il sous-entend (paléographie, épigraphie…). La mise en place d’outils d’interprétation langagiers et un apprentissage de ces méthodologies permettraient de pallier à ces difficultés afin que les élèves soient en mesure de travailler directement sur les textes sources. Toutefois, de tels objectifs ne sont pas ceux de l’enseignement secondaire aujourd’hui car même si auparavant les instructions officielles entendaient faire acquérir aux élèves un « comportement de l’historien ou du géographe » , cette approche n’est plus d’actualité désormais puisque l’enseignement secondaire n’entend pas former de futurs historiens ou géographes.

Les usages multiples du texte dans les pratiques enseignantes d’Histoire – Géographie – EMC

La question des usages du texte en Histoire – Géographie – EMC renvoie aux objectifs que l’enseignant fixe lorsqu’il fait travailler ses élèves sur un voire plusieurs texte(s). Ces objectifs concernent non seulement les connaissances et savoirs que l’enseignant entend transmettre à ses élèves, mais aussi les compétences et méthodologies qu’il souhaite leur faire acquérir même si son but n’est plus, dans les programmes actuels, de faire de ses élèves des historiens ou géographes «confirmés ». Ceci explique la diversité des fonctions du texte dans les pratiques enseignantes, diversité mentionnée de nouveau dans l’article de Gérard Granier et Françoise Picot .

Usage récurent des pratiques enseignantes en Histoire – Géographie – EMC, ainsi que dans d’autres disciplines, le texte illustratif vise à rendre concret des faits exposés sous forme de cours magistral par l’enseignant afin que les élèves puissent en faire une représentation mentale afin d’assimiler plus facilement le cours et les savoirs présentés. Ce texte, qui peut recouvrir l’ensemble des natures présentées précédemment, revêt souvent un caractère anecdotique afin de susciter l’intérêt des élèves. Sur le plan des pratiques enseignantes, le professeur demeure le « maître du jeu » au sens où le texte, qu’il a choisi, valide son discours et les élèves ne sont alors que des acteurs passifs qui constatent la validité de son discours .

Le texte d’accroche cherche lui aussi à susciter l’intérêt des élèves, notamment en début de séance, afin de les sensibiliser à la problématique du cours. Son analyse est le plus souvent succincte puisque ce texte n’a pas pour objectif de mettre en place un questionnement long mais il sert plutôt à introduire un cours ou une séance, avant de passer à une analyse plus poussée d’un ou plusieurs autres textes ou documents.

Contrairement au texte illustratif qui permet à l’enseignant de rendre son cours plus concret, le texte preuve permet à ce dernier d’authentifier et de justifier sa parole. Le recours à ce type de texte témoigne d’une pratique enseignante prégnante puisque nombre d’enseignants ne s’accordent pas le droit de transmettre leurs connaissances sans les justifier par un texte, comme si le texte permettait à l’enseignant de dire à ses élèves que son discours est valide puisque présenté dans un texte. Cet usage fait du texte un vecteur de connaissances qui vient soutenir voire supplanter le discours de l’enseignant selon la manière dont l’enseignant l’utilise.

A l’opposé de ce texte preuve centré sur la transmission des connaissances, le texte outil porte son attention sur l’apprentissage des compétences méthodologiques. Ces compétences peuvent être disciplinaires, comme situer un texte dans son contexte historique de rédaction ou « identifier le document et son point de vue particulier », mais également interdisciplinaires autour du prélèvement d’information ou de la capacité à répondre à des questions liées au texte par exemple. Cette catégorie permet aussi de travailler autour de la mise en relation des données lorsqu’il s’agit d’analyser plusieurs documents, comme lors des examens. Cependant, l’analyse du texte demeure fermée dans la mesure où le questionnement sur le texte est élaboré par l’enseignant en vue de déboucher sur une production finale ou la mise en avant d’un aspect particulier d’un fait historique et géographique. Le professeur garde la main puisque l’autonomie des élèves est réduite et même s’ils sont mis en activité, le texte demeure porteur de savoirs au lieu d’être source de questionnement de la part de ces derniers .

Apparu dans les instructions officielles des programmes de 1995-1998, le texte patrimonial est enseigné pour lui-même en raison de son importance et de son caractère emblématique. Utilisé davantage au collège qu’au lycée, ce type de texte revêt un but civique au sens où il entend donner une culture commune à tous les élèves et ce en faisant abstraction de leurs origines sociales et culturelles. Cette catégorie concerne aussi bien les textes religieux que les textes littéraires, les textes juridiques que les textes philosophiques… Parmi les grands textes patrimoniaux, on peut notamment citer la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 dont l’objectif est de souder la nation autour de valeurs communes (liberté, égalité, fraternité…), le Discours du 18 juin 1940 du général De Gaulle en tant que témoin du passé et de la volonté de créer une culture citoyenne commune. Le texte patrimonial apparaît donc comme indispensable dans la formation des élèves, autour de leur rapport aux autres et au monde.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : QUELLE PLACE FAUT-IL ACCORDER AU TEXTE ET A LA PROBLEMATISATION DANS LES PRATIQUES ENSEIGNANTES EN HISTOIRE – GEOGRAPHIE – EMC ?
A) Vers une diversité de natures de texte
B) Les usages multiples du texte dans les pratiques enseignantes d’Histoire – Géographie – EMC
C) Une place fluctuante du texte dans les pratiques enseignantes
D) La problématique, une question récente dans l’enseignement
PARTIE II : CADRE D’ANALYSE ET OUTILS POUR APPREHENDER L’UTILISATION DU TEXTE DANS LES PRATIQUES ENSEIGNANTES D’HISTOIRE – GEOGRAPHIE – EMC
A) Contexte de l’étude
B) Des questionnaires pour donner la parole aux élèves et aux enseignants
C) Des outils évolutifs pour accompagner la progression des élèves
1) Le tableau comme étape intermédiaire pour construire la réflexion
2) D’une multitude de questions à une seule et unique interrogation : la tâche complexe et l’écrit réflexif
D) Une démarche permettant de travailler diverses compétences
PARTIE III : DE LA MISE EN APPLICATION DES OUTILS A L’ANALYSE DES RESULTATS
A) Des questionnaires mais pour quels constats ?
1) Le texte issu de la recherche, ou le grand absent des pratiques enseignantes
2) Un recours au texte pas si systématique que cela pour enseigner
3) Une diversité des usages du texte qui se confirme
4) Les limites récurrentes de l’analyse de texte
B) Un protocole source de progrès et permettant le développement de l’esprit critique et réflexif des élèves ?
1) Le tableau transitoire pour quels résultats ?
2) Tâche complexe et écrit réflexif : un échec total ?
3) Des progrès sur la compétence « Pratiquer différents langages en Histoire – Géographie » ?
C) Critiques et pistes de remédiation d’une démarche de recherche
1) Un protocole freiné par des obstacles
2) … et qui peut être amélioré
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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