Les universités gèrent-elles leurs personnels BIATSS ?

Une brève histoire de l’autonomie des universités 

Une tendance mondiale 

Depuis plusieurs décennies, les universités ont subi de nombreuses réformes en France et dans le monde. Elles témoignent de la perception par les pouvoirs publics de l’importance de disposer d’universités adaptées aux défis contemporains, en particulier avec la montée en puissance d’un paradigme mondial d’économie de la connaissance (Foray, 2009). Aussi les pouvoirs publics s’efforcent-ils notamment de rapprocher universités et entreprises, dans une dynamique décrite par le modèle de la « triple hélice » qui les associe (Etzkowitz et Leydesdorff, 1996, 2000). De plus, les réformes conduisent au développement d’universités en tant qu’organisations cohérentes (Brunsson et Sahlin-Andersson, 2000 ; Krücken et Meier, 2006), qui se transforment dans la perspective de se doter de moyens rationnels de gouvernance, destinés à formaliser des décisions et à les faire appliquer.

En France, après une histoire complexe notamment marquée par une séparation entre universités, grandes écoles et organismes nationaux de recherche, « le temps des universités » (Musselin, 2001) semble venu : parce que les pouvoirs publics voient en elles le pivot de l’économie de la connaissance, les réformateurs s’attachent à leur donner les moyens d’affronter une concurrence mondiale et de mieux s’intégrer à leur environnement socioéconomique. Une succession rapide de réformes de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) en témoigne, depuis le « pacte pour la recherche »  de 2006 et la création de l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR), l’Agence d’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES) et des Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES). Depuis, la loi de l’été 2013 a remplacé l’AERES par le HCERES (Haut Conseil de l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur). Les PRES ont été remplacés par la possibilité pour les universités de fusionner, de s’associer, ou de se fédérer dans des « Communautés d’Universités et d’Établissements » (ComUE). De plus, ces différentes transformations ont fait l’objet de mécanismes financiers d’incitation (Casela-Colombeau, 2014) dans le cadre d’appels à projets nationaux, dont l’État rédige les cahiers des charges qui orientent les réponses des candidats ainsi que la sélection des lauréats. Ces technologies de « gouvernement à distance » (Epstein, 2005) confortent des politiques publiques fondées sur une démarche commune : inciter à la structuration d’écosystèmes territoriaux, en plaçant les universités au centre, dans le but de mieux s’insérer dans la concurrence mondiale de l’ESR (Musselin, 2017).

Parmi ces réformes, il en est une qui semble constituer une « arlésienne » : l’autonomie des universités.

En France, un enjeu majeur mais ancien 

De telles évolutions comportent un double impératif : il est attendu des universités françaises qu’elles se dotent de stratégies propres compte-tenu de leur environnement, ainsi que des moyens pour les mettre en œuvre (Mailhot et Schaeffer, 2009). Ceci pose la question de l’autonomie dont elles disposent pours’organiser ets’adapter aux transformations des contextes où elles évoluent. Aussi, alors que le renforcement de l’autonomie des universités apparaît comme une démarche connexe des évolutions que nous venons de décrire, il est intéressant de relever l’antériorité du sujet.

En effet, la question de l’autonomie des universités françaises vis-à-vis de l’État n’est pas récente (Musselin, 2001, 2012) : Jules Ferry l’évoquait déjà en 1883 , quelques années avant qu’une loi ne recréé les universités supprimées par la Convention lors de la Révolution française, en 1793. Toutefois, si le consensus politique de l’époque ne permettait pas de doter les universités d’une organisation autonome, tel n’est pas le cas des facultés qui, organisées autour de disciplines, ont alors bénéficié d’évolutions favorables à leur autonomie (Musselin, 2001).

La loi Faure n’a cependant pas permis de rendre complètement autonomes des universités qui restèrent longtemps fortement marquées par la tutelle ministérielle exercée sur leurs composantes facultaires, notamment par le biais de disciplines scientifiques encore gérées de manière nationale et centralisée. Cependant, une nouvelle étape est franchie avec l’introduction du contrat quadriennal liant l’État aux universités, contribuant au renouveau des organisations universitaires dans les années quatre-vingt, en renforçant les exécutifs universitaires et notamment en légitimant les présidents d’université, au détriment des directeurs d’UFR (Unité de Formation et de Recherche) et des composantes (Musselin, 2001).

Toutefois, la portée stratégique réelle des contrats quadriennaux (devenus quinquennaux en 2011) comme instruments de politiques publiques (Lascoumes et Le Galès, 2014) apparaît discutable : si les moyens limités qu’ils accordent aux universités constituent un levier suffisant pour consacrer l’échelon présidentiel (Musselin, 2001), ils ne portent pas sur la globalité de leurs moyens. Ceux-ci peuvent être distingués en trois familles : financiers, humains et immobiliers. Pour revendiquer une démarche stratégique, les universités doivent donc disposer de l’ensemble de ces leviers (Goy, 2008), supports du développement d’une spécialisation et d’une différenciation des sites universitaires dans le cadre de leurs écosystèmes territoriaux (Musselin, 2017).

L’avènement de l’autonomie des universités constitue donc un processus lent et difficile. C’est ce à quoi la loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (LRU)  ambitionnait de remédier.

Loi LRU et dévolution des moyens aux universités 

Adoptée en 2007, la loi LRU décline par son intitulé le concept d’autonomie tel que conçu par l’exécutif et le législateur . Il s’agit donc, pour l’État, de renforcer l’autonomie de gestion des établissements universitaires, de façon à leur permettre de mettre en œuvre une stratégie qu’il leur revient de déterminer.

« Les universités autonomes disposent de tous les leviers pour organiser leurs formations en fonction des besoins de leurs étudiants et de la situation de l’emploi, faire émerger de nouvelles niches d’excellence scientifique, recruter des chercheurs de haut niveau, valoriser l’engagement des personnels, créer des fondations, développer les coopérations avec les entreprises… Et pour être plus réactives sur la scène internationale. ».

De telles transformations ne sont pas spécifiques au seul secteur universitaire et peuvent être analysées comme une déclinaison (Bonnamy, 2014) de la logique promue par la Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF) de 2001 .

Adoptée en 2001, la LOLF constitue une tentative de réforme de fond des modalités de l’action publique française. La loi entreprend de réformer la globalité du cadre de gestion de l’État français, le précédent remontant à 1959. Ce niveau d’ambition contribue à expliquer sa mise en œuvre par étapes successives jusqu’en 2006. La réforme bénéficie d’un large consensus politique associant le gouvernement et le parlement. Elle rénove les modalités d’élaboration des budgets de l’État français dans deux directions essentielles :
• améliorer la lisibilité et la transparence budgétaire auprès du législateur ;
• développer la notion de performance dans l’action publique.
La LOLF conçoit l’autonomie des opérateurs publics comme un des leviers du développement de leur performance : « S’engager a priori sur des objectifs est la contrepartie naturelle de la plus grande autonomie de gestion. La LOLF repose sur un équilibre entre liberté et responsabilité du gestionnaire. Le gestionnaire doit atteindre ses objectifs dans le cadre de l’enveloppe budgétaire qui lui a été alloué. » .

Outre une réforme de leur gouvernance, la loi LRU prévoit notamment l’adoption progressive par les universités de « Responsabilités et Compétences Élargies » (RCE), qui portent notamment (voir en annexe, p. 427) sur :

• leurs moyens immobiliers : les universités peuvent demander à devenir propriétaires du patrimoine qu’elles occupent afin de le gérer elles-mêmes ;
• leurs moyens humains : outre la responsabilité de recruter et de payer tous leurs personnels, qu’ils soient titulaires de la fonction publique ou contractuels, la loi LRU a également élargi les possibilités de recours à l’emploi contractuel pour les universités. Il est par exemple désormais possible de recruter des enseignants chercheurs en CDI.
• leurs moyens financiers : les évolutions relatives aux ressources humaines conduisent l’État à transférer aux universités la gestion de leur masse salariale, ce qui a considérablement modifié la structure de leurs budgets . Elles peuvent par exemple décider de ne pas recruter pour financer de l’investissement ou du fonctionnement.

La question de la Gestion des Ressources Humaines (GRH) occupe par conséquent une place centrale dans la loi LRU. Plus de dix ans après son adoption, il apparaît à la fois légitime et pertinent d’interroger ses effets réels, ce que nous nous proposons de réaliser plus précisément dans cette recherche.

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Table des matières

Introduction
Partie 1 – Le contexte de la recherche
Chapitre 1 – Les universités face à la gestion de leurs personnels
1 Une transformation profonde des pratiques de GRH dans la fonction publique française
2 La GRH dans les universités françaises
Conclusion du chapitre
Chapitre 2 – L’entretien professionnel, révélateur des pratiques de GRH
1 Étudier la GRH en étudiant ses outils
2 L’entretien professionnel
Conclusion du chapitre
Chapitre 3 – Problématique, design de recherche, présentation des terrains
1 Problématique et questions de recherche
2 Un design de recherche contextualiste et constructiviste : l’analyse d’un instrument de gestion pris dans son environnement
3 Les terrains de recherche sélectionnés
Conclusion du chapitre
Conclusion et synthèse de la première partie
Partie 2 – Les résultats de l’enquête empirique
Chapitre 4 – L’entretien professionnel prévu par les textes : une pince universelle ?
1 Une procédure qui se juxtapose à d’autres
2 L’entretien, un outil à tout faire
Conclusion du chapitre
Chapitre 5 – Les contextes où se déploie l’entretien professionnel
1 Deux universités à l’autonomie relative
2 Quatre services, quatre contextes différents
Conclusion du chapitre
Chapitre 6 – L’entretien professionnel, révélateur des contextes locaux
1 Scol A et Com B : services paisibles, entretiens paisibles
2 Com A et Scol B : l’entretien pris dans les conflits
3 Une préparation inégale de l’entretien qui interroge sur son utilité perçue par les agents
Conclusion du chapitre
Chapitre 7 – Management d’équipe et formation : deux utilisations fragiles
1 Le management du service, seule visée consensuelle
2 Une gestion des compétences limitée à la formation
Conclusion du chapitre
Chapitre 8 – Une gestion des avancements sans l’entretien
1 Une visée non mise en œuvre
2 Des critères qui font débat
3 L’entretien concurrencé par les rapports d’activité et d’aptitude
Conclusion du chapitre
Chapitre 9 – Une analyse contextualiste de la GRH universitaire
1 Une GRH qui reste objectivante
2 Faire de l’entretien un outil cohérent et utile dans un cadre objectivant ?
Conclusion du chapitre
Conclusion et synthèse de la seconde partie
Conclusion générale
Bibliographie
Principales références réglementaires et législatives
Annexes

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