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LES TUMEURS GRAISSEUSES RETROPERITONEALES
Les tissus mous relient, soutiennent et entourent les organes du corps humain. Ils se trouvent entre la peau et les organes internes. Ils comprennent différents tissus tels que : les muscles, les tendons, les tissus adipeux et fibreux, les structures articulaires ainsi que les tissus nerveux. En somme, les parties molles représentent plus de la moitié du poids du corps.
Les tumeurs rétropéritonéales sont classées en fonction de leur origine embryonnaire. On les divise en trois grands groupes : les tumeurs mésenchymateuse, neurogénique et embryonnaire (11).
Dans ce chapitre nous avons choisi de discuter uniquement des tumeurs à composantes graisseuses rétropéritonéales qui sont :
d’abord les masses développées aux dépens d’un organe rétropéritonéal (surrénales, reins)
ensuite les tumeurs primitives rétropéritonéales enfin les pseudotumeurs.
Les tumeurs développées aux dépens d’un organe rétropéritonéal
La surrénale
Myélolipome
Le myélolipome est la seule tumeur surrénalienne contenant du tissu adipeux. Il s’agit d’une tumeur bénigne, rare, non sécrétante, le plusouvent unilatérale. Son incidence est estimée à 0,08 à 0,4% (12). Il survient à tout âge avec une prédominance au cours des 4ème et 5ème décades de la vie (13). Le sex-ratio est de 1.
C’est une tumeur de localisation essentiellement surrénalienne. Rarement, elle est extra-surrénalienne. Entre autres elle peut être localisée au niveau du foie, à la région pré-sacrée ainsi qu’au médiastin (12).
Elle peut être associée à des désordres endocriniens (adénome et hyperplasie congénitale des surrénales, hypercortisolisme, hyperaldostéronisme ou maladie d’Addison) (14). Cliniquement, ce sont des tumeurs le plus souvent asymptomatiques de découverte fortuite. Elles peuvent se compliquerde douleurs (tumeur volumineuse), d’hypertension artérielle, d’hémorragie.
La tumeur est constituée de tissu adipeux mature associé en proportions variables à du tissu hématopoïétique normal (12). Typiquement, il existe une pseudo-capsule. L’examen histologique révèle qu’il s’agit d’un cercle de cortex surrénalien résiduel et de la capsule surrénalienne normale (14).
Sa taille est variable, pouvant être microscopiqueou mesurer jusqu’à huit centimètres (13).
Les aspects radiologiques de ces tumeurs sont fonction des proportions respectives des tissus graisseux et myéloïdes ainsi que de la survenue fréquente d’hémorragies intra-tumorales. Dans la plupart des cas, la composante graisseuse est facilement identifiée. L’échographie évoque le diagnostic montrant une mase solide hyperéchogène homogène (12). Par ailleurs, la tomodensitométrie peut révèler une masse plus ou moins hétérogène associant des plages hypodenses de densité graisseuse inférieure à –20 unités Hounsfield (UH) et des plages de tissu myéloïde de densité plus élevée prenant le contraste. Les remaniements hémorragiques vont modifier cet aspect caractéristique. Ils donnent des limites moins précises à la masse qui va contenir des zones hyperdenses en tomodensitométrie. En outre, ils peuvent évoluer vers la formation de composantes kystiques et de calcifications (15).
La mise en évidence d’un contingent graisseux au sein d’une tumeur surrénalienne est souvent suffisante pour affirmer le diagnostic (16). Dans les formes atypiques, la biopsie seule permet d’affirmer le diagnostic (15). La présence de précurseurs myéloïdes, spécifiquement des mégacaryocytes, permet le diagnostic spécifique de myélolipome tout en excluant les autres diagnostics(17).
Le rein
Angiomyolipome rénal
L’angiomyolipome rénal est une prolifération de tissus hétérotopiques (choristome). C’est une lésion rénale bénigne composée de contingents graisseux, musculaire lisse et vasculaire en proportions variables (18). L’angiomyolipome rénal peut survenir chez des patients porteurs d’une sclérose tubéreuse de Bourneville. Ils sont présents dans 2/3 des cas dans la maladie de Bourneville. Cette pathologie peut atteindre autant l’homme que la femme.
Cliniquement, les tumeurs mesurent moins de quatre centimètres et sont le plus souvent asymptomatiques (80% des cas). Au-delà de cette tai lle, elles sont symptomatiques et sont révélées par des douleurs, une hématurie, unaignements (18).
En échographie, l’angiomyolipome rénal se présentele plus souvent sous la forme d’une lésion arrondie ou ovalaire. Ils sont volontiers à extension exorénale, hyperéchogène par rapport au cortex du rein. Ils sont iso voire hyperéchogène par rapport au sinus (19). Toutefois, la tomodensitométrie est l’examen de référence dans le diagnostic d’un angiomyolipome rénal. Après injection, les densités obtenues sont inférieures à – 10 UH (19). Lorsque la composante a dipeuse est quantitativement importante, le diagnostic est facile. Mais dans 10% des cas, cette composante graisseuse va être minime. Par conséquent, des coupes fines sans injection sur la masse vont être nécessaires (19). En imagerie par résonance magnétique, la composante graisseuse suit le signal de la graisse rétropéritonéale sur les séquences classiques en spin écho. Il s’annule sur les séquences en suppression de graisse.
Carcinomes rénaux
Plusieurs cas de carcinomes rénaux contenant des densités graisseuses détectées au scanner ont été décrits dans la littérature (20)1)(2. La présence de graisse intra-tumorale peut se voir dans certaines circonstances. En plus, les remaniements hémorragiques et nécrotiques peuvent aboutir à la formation de calcifications cicatricielles. Ces dernières peuvent occasionner une métaplasie osseuse formant des îlots graisseux détectés au scanner (22). Certains adénocarcinomes très nécrosépeuvent contenir des vacuoles lipidiques et des cristaux de cholestérol extra-celulaire (20) (23). Cependant, la graisse peut aussi être d’origine périrénale ou intrasinusale (20). Elle est alors englobée par la tumeur, lorsque celle-ci est très agressive.
La malignité est suspectée à l’imagerie devant :
la présence de calcifications intra-tumorales (exceptionnelles dans l’angiomyolipome rénal),
une tumeur de grande taille infiltrant la graisse périrénale ou le sinus du rein et contenant des îlots graisseux localisés en périphérie,
une tumeur de grande taille massivement nécrosée, un envahissement graisseux (24).
Les tumeurs rétropéritonéales primitives
Les tumeurs mésodermiques bénignes
Lipomes
Ce sont des tumeurs graisseuses bénignes. L’analyse anatomopathologique de ces tumeurs montre qu’elles sont encapsulées, polylobées. La présence de septa fins et réguliers peut être observée au sein de ces tumeurs, ceux-ci délimitent de vastes lobules lipidiques (25).
En tomodensitométrie, les lipomes sont bien limités, avec des densités négatives identiques à la graisse sous-cutanée. Il existe des lobules graisseux limités par de fines cloisons. Ces tumeurs apparaissent homogènes, ne se rehaussant pas après injection de produit de contraste (26).
L’imagerie par résonance magnétique montre un hypersignal intense comme la graisse sous-cutanée normale sur les séquences T1 et T2 spin écho (27).
Le liposarcome fait parfois du diagnostic différentiel. Néanmoins la distinction entre un liposarcome très différencié pseudo-lipomateux et nu lipome n’est possible que par étude anatomopathologique de la pièce opératoire (26).
Les lipomes sont des tumeurs bénignes mais infiltrantes, dont l’exérèse chirurgicale est souvent incomplète, expliquant les récidives fréquentes à long terme (26).
Les tumeurs mésodermiques malignes
Les sarcomes rétropéritonéaux
Nous allons prendre le liposarcome ici comme type de description car c’est la tumeur la plus fréquemment localisée au niveau de cette région rétropéritonéale.
Liposarcome
C’est une tumeur maligne d’origine mésenchymateuse, développée à partir d’éléments constituant le tissu graisseux à différentes étapes de leur différenciation (2). Les liposarcomes représentent 7 à 20% de tous les sarcomes des parties molles (28). C’est la tumeur primitive rétropéritonéale la plus fréquented l’adulte (29).
Le rétropéritoine est une des localisations privilégiées des liposarcomes (30). Le rétropéritoine étant une région « complaisante », cestumeurs sont souvent de gros volume. Il peut y avoir un envahissement péritonéal. Il survient à tout âge avec une prédominance entre 40 et 60 ans. Le sex-ratio est de 1 (31).
La pathogénie des liposarcomes est encore non élucidée actuellement (32) (33). Plusieurs hypothèses sont avancées dont : le rôle du traumatisme, des radiations ionisantes, de certains produits chimiques, la présence d’un virus oncogène et la survenue d’un liposarcome sur un lipome (34) (28).
La composante tumorale est hétérogène, contenant dela graisse et des tissus mous en proportions variables. Macroscopiquement, ce sont des tumeurs plus ou moins bien encapsulées. Sa classification histologique comprend cinq types : bien différencié, myxoïde, à cellules rondes, dédifférencié et pléiomorphe (35).
D’abord les liposarcomes bien différenciés sont subdivisés en trois types : pseudo-lipomateux, inflammatoires et sclérosants (35). Cete variété histologique est de meilleur pronostic et représente 30 à 35% de l’ensemble des liposarcomes. Elle peut récidiver localement après exérèse, mais elle a unpouvoir métastatique faible (35). Ensuite, les caractéristiques histologiques de la forme myxoïde associent une prolifération de lipoblastes à différents stades dedifférenciation et un réseau capillaire plexiforme au sein d’une matrice myxoïde (35). La f orme myxoïde constitue la forme anatomopathologique la plus fréquente (50%) des liposarcomes. Elle est cliniquement plus maligne et récidive rapidement. De plus, elleest de pronostic plus mauvais (35). Enfin, le liposarcome pléiomorphe, le liposarcome à cellules rondes (qui représentent à eux deux, 10 à 15% des liposarcomes rétropéritonéaux) sont de pronostic sombre (2). Outre ces variétés histologiques, le liposarcome dédifférencié est rapporté par d’autres auteurs. Décrit par Evans en 1979, le liposarcome dédifférencié est un sarcome non lipogénique de haut grade. Il apparaît au sein d’un liposarcome bien différencié préexistant (36). La dédifférenciation se voit lelusp souvent dans les tumeurs primitives (90%), mais se voit aussi lors des récurrences (10%). Elle s’associe à un risque de survenue de métastases (37) (38). Cette dédifférenciation est temps-dépendante (36). Elle survient en moyenne après un intervalle de 7,7 ans (39). La dédifférenciation survient le plus souvent dans les localisations profondes de liposarcome. C’est un liposarcome de pronostic sombre (38).
Cliniquement ces tumeurs rétropéritonéales restentlongtemps asymptomatiques, retardant le diagnostic. Les manifestations cliniques les plus fréquentes sont les douleurs abdominales et la perception d’une masse palpable (2). Des métastases sont notées dans 45% des cas et elles sont essentiellement pulmonaires et hépatiques (40).
L’échographie suspecte le diagnostic dans 30 à 35% des cas, devant une masse hétérogène hyperéchogène contenant parfois des zones hypoéchogènes de nécrose. Elle précise les rapports de la masse avec les organes de voisinage surtout le rein, l’aorte, la veine cave inférieure (2).
La tomodensitométrie est l’examen de choix mettant en évidence des densités graisseuses. C’est une tumeur hétérogène formée denodules de densité musculaire irréguliers cernés de zones graisseuses. Elle a unedensité supérieure à la graisse normale (–20 à –50UH). Il existe de multiples septa épais au sein de la tumeur. Les calcifications intra-lésionnelles sont exceptionneles (26) (2). La prédominance de ces différentes zones est corrélée à la différenciationhistologique. Les tumeurs bien différenciées ont une forte composante graisseuse. La tomodensitométrie juge également la possibilité de l’exérèse chirurgicalede la tumeur. De plus, elle apprécie l’extension locorégionale. Un retentissement sur l’appareil urinaire étant retrouvé dans 70% des cas (41). Enfin, elle permet le diagnostic de récidive précoce et la recherche de métastases.
L’imagerie par résonance magnétique montre la composante graisseuse même s’il n’existe pas d’aspect spécifique des liposarcomes. Le type myxoïde se présente sous la forme d’une masse nodulaire polycyclique plus ou moins régulière. Il a un aspect hétérogène en iso ou hypersignal T1 avec des septahyperintenses. L’aspect est identique sur les séquences pondérées T2 mais avecdes septa apparaissant en hyposignal. Les autres types histologiques ont des aspects beaucoup plus hétérogènes (31).
Les liposarcomes sont d’autant plus agressifs et d’ évolution rapide que leurs cellules ont perdu leur capacité à fabriquer des graisses. A l’Institut Curie, des chercheurs de l’Inserm viennent d’identifier le gène à l’origine de cette défaillance cellulaire : le gène JUN. Lorsqu’il est muté, le pronostic des liposarcomes est défavorable (42).
Le traitement est essentiellement chirurgical. Il repose sur l’exérèse large de la tumeur emportant parfois les organes de voisinage (rein, colon, estomac, intestin grêle, pancréas). Si la masse est inextirpable, on réalisealors une réduction tumorale afin de soulager les symptômes cliniques (2).
Le pronostic des liposarcomes est mauvais du fait de son caractère récidivant. Les récidives sont souvent plus infiltrantes et invasives. Le taux peut aller de 53% pour les types différenciés à 85% pour les types pléiomorphes (26). Par ailleurs, le pronostic peut être conditionné par le geste chirurgical. Ilest aussi fonction de la forme histologique : plus la tumeur contient de graisse, moins elle est agressive (43).
Tératomes rétropéritonéaux
Les tératomes rétropéritonéaux correspondent à laroliférationp de tissu provenant d’au moins deux lignées embryonnaires (endoderme, mésoderme ou ectoderme) (44). Les tératomes bénins sont formés de tissus matures, alors que les tératomes malins sont formés de tissus peu différenciés immatures (44). aL localisation rétropéritonéale représente 10% des tératomes abdomino-pelviens et %5 de l’ensemble des tératomes de l’enfant (44). C’est la 4 ème localisation par fréquence après l’ovaire, le testicule, le médiastin antérieur (45).
Le tératome rétropéritonéal primitif est rare. Habituellement il se développe pendant l’enfance avec deux pics de fréquence à 6 mois et chez l’adulte jeune. Les formes malignes représentent 25,8% des tératomes de l’adulte et 6,8% de l’enfant (45). Ici le sex-ratio est de 1/3,4 (46).
L’aspect macroscopique est celui d’une formation ky stique, ovoïde, cernée d’une paroi régulière de deux millimètres d’épaisseur contenantdu sébum et des cheveux. Il existe une portion solide constante appelée : nodule de Rokitansky. Dans ce dernier, on peut retrouver des éléments calciques, des formations kystiques et du tissu adipeux normal.
À l’examen microscopique, la paroi est constituée d ’un épithélium kératinisé ectodermique contenant des annexes pilo-sébacées. Au sein du nodule, on trouve les éléments matures des autres lignées embryonnaires tissu: adipeux et muscle lisse, épithélium respiratoire, tissu nerveux, cartilage,os, dents, épithélium digestif, éléments thymiques, rénaux. Les tératomes kystiques sont plutôt bénins et les tératomes solides plutôt malins.
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie : RAPPELS
I – Espace rétropéritonéal
II – Les tumeurs graisseuses rétropéritonéales
II-1 Les tumeurs développées aux dépens d’un organe rétropéritonéal
II-1-1 La surrénale
II-1-2 Le rein
II-2 Les tumeurs rétropéritonéales primitives
II-2-1 Les tumeurs mésodermiques bénignes
II-2-2 Les tumeurs mésodermiques malignes
II-3 Les pseudo-tumeurs
II-3-1 Lipomatose rétropéritonéale
II-3-2 Lipomatose de remplacement du rein
II-3-3 Pyélonéphrite xanthogranulomateuse
Deuxième partie : NOTRE OBSERVATION
Troisième partie : COMMENTAIRES ET DISCUSSION
I – Epidémiologie
I-1 Fréquence
I-2 Ethiopathogénie
I-3 Cytogénétique
II – Diagnostic
II-1 Clinique
II-1-1 Symptomatologie
II-1-2 Localisation
II-2 Examens paracliniques
II-2-1 Biologie
II-2-2 Imagerie
II-2-3 Histologie
III – Traitement
III-1 La chirurgie
III-2 La radiothérapie
III-3 La chimiothérapie
IV – Pronostic
V – Surveillance
CONCLUSION
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