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L’avortement à l’international
Il existe une grande difficulté à classer les politiques de chaque pays concernant le droit à l’avortement du fait de la complexité des lois et législations. Survoler les pratiques et lois de chacun, m’a permis de mieux comprendre et de contextualiser le travail de littérature fait par la suite.
Les Nations-Unis répartissent les types d’avortement autorisés selon 5 catégories (14) :
– Sauver la vie de la femme
– Préserver la santé physique, mentale de la femme
– En cas de malformation fœtale
– En cas de viol ou d’inceste
– Pour des raisons économiques, sociales ou sur demande
Le nombre de pays autorisant l’avortement pour ces 5 catégories a augmenté depuis 20 ans. Néanmoins chaque continent et même chaque région dans certains pays, présente des disparités. Globalement l’Océanie, l’Asie Occidentale et l’Afrique présentent une proportion plus faible de pays autorisant l’avortement selon les différentes indications. L’Europe et l’Amérique du Nord sont plus libérales. Il est intéressant de noter que les pays les plus permissifs quant aux indications socio-économiques sont les pays en voie de développement (1).
D’après les Nations-Unies en 2017, 72 % des pays autorisent l’avortement afin de préserver la santé de la femme. Pour autant un tiers ne précise pas dans sa législation si le terme santé prend en compte, et la santé physique et la santé mentale. 69 % des pays identifient la préservation de la santé mentale comme une indication à l’avortement. Il apparait tout de même que les législations sont plus en faveur de la préservation de la santé physique plutôt que mentale (14).
Le motif d’avortement faisant consensus est celui en cas de détresse vitale pour la femme enceinte. Malheureusement cela ne signifie pas que les femmes y aient facilement accès (1). Les pays autorisant l’avortement sur simple demande imposent dans leur législation un terme à partir duquel il n’est plus possible d’avorter sans justification médicale. La date butoir se trouve généralement au cours du premier trimestre. Après quoi l’avortement devient illégal et les personnes ayant pratiqué le geste et la femme ayant avorté s’exposent à des sanctions pénales. Les pays d’Afrique ont hérité du cadre législatif des colonies. Par exemple les pays d’Afrique francophone peuvent encore appliquer la loi du Code Pénal de 1810. Seulement 6 sur 53 pays, autorisent l’avortement à la demande sans indication médicale préalable. La Tunisie est le premier Etat musulman d’Afrique à légaliser l’avortement sur demande en 1973. Dans la même dynamique les lois sont plutôt restrictives dans les pays d’Amérique Latine et dans les Caraïbes. L’Eglise catholique a une influence importante ainsi que la culture patriarcale.
La libéralisation de l’avortement en Asie est plus disparate selon les conditions sociopolitiques et démographiques. Elle peut voir sa législation extrêmement coercitive avec les Philippines qui interdisent totalement sa pratique et la Chine qui autorise l’avortement sans restriction et ce à tout moment de la grossesse (libéralisation qui fut abusivement imposée aux couples dans les années 1970 avec la politique de l’Enfant Unique). L’Océanie présente deux extrêmes également. Seules l’Australie et la Nouvelle-Calédonie autorisent l’avortement sur demande. Les autres pays de ce continent ne l’autorisent qu’en cas de danger pour la vie de la femme et sa santé.
L’avortement est autorisé au Canada et aux Etats-Unis. Mais son accessibilité varie selon la législation fédérale de chaque Etat et peut voir son accès restreint par des tentatives de durcissement de la loi (par exemple : le rétablissement de « la règle du bâillon mondial » par le gouvernement TRUMP).
Le continent européen voit la Russie légaliser l’avortement dès 1920. Les pays de l’Est de l’Europe ont suivi cet exemple mais les lois ont pu varier au cours du temps (exemple de la Pologne) (1,14). Au sein de l’Union Européenne 24 de ses 27 pays ont légalisés sans besoin de justification l’Interruption Volontaire de Grossesse de 10 (Portugal, Croatie) jusqu’à 24 semaines de gestation (les Pays-Bas). Le Vatican l’interdit totalement et en Irlande il est possible de le pratiquer légalement lorsque la vie de la mère est en danger depuis 2013.
Données épidémiologiques
Les données épidémiologiques au niveau mondial ne permettent pas un regard transparent sur la pratique. Globalement les pays plus libéraux sont ceux pour lesquelles les statistiques sont les plus fiables. Certains pays ne comptabilisent pas les avortements illégaux, ne font pas la distinction entre leurs résidentes et les femmes venant de pays étranger afin d’avorter, etc… Souvent ce sont des institutions privées qui enquêtent ponctuellement.
En France en 2018, une femme sur trois a recourt à l’avortement au cours de sa vie. Globalement les françaises sont assez promptes à déclarer avoir avorté auprès des enquêtes de population (66 % de déclaration en 2010). La fréquence des avortements diminue entre 1975 et 1990 avec la libéralisation des méthodes contraceptives. Puis à partir des années 1990 le taux se stabilise (1). En 1994 sont constitués les Centres Pluridisciplinaires de Diagnostic Prénatal (CPDPN). Il faut attendre 1999 pour leur mise en fonction. Ils ont pour rôle d’encadrer les activités de type diagnostic prénatal, diagnostic préimplantatoire et de soutenir les prises en charge de grossesse avec malformation ou anomalie fœtale.
Sur l’année 2016, on compte 772 128 naissances d’après les données de l’Agence de Biomédecine (18). Au total, 46 511 dossiers sont examinés pour cette même année par les Centres Pluridisciplinaires de Diagnostic Prénatal. Il est important de noter que si une femme demande un deuxième avis dans un autre centre, le dossier sera comptabilisé deux fois. Le nombre d’attestations d’Interruption Médicale de Grossesse délivrées par les CPDPN en 2016 est de 7366 dont 7045 sont pour motif fœtal et 321 pour motif maternel. L’Agence de Biomédecine informe que toutes les attestations d’Interruption Médicale de Grossesse pour motif maternel ne sont pas comptabilisées au niveau national, car pas seulement délivrées par les CPDPN. Une équipe hospitalière pluridisciplinaire en dehors d’un CPDPN peut prendre la décision de pratiquer une IMG pour cause maternelle.
Les indications pour motif maternel se divisent en 3 catégories d’après l’Agence de Biomédecine :
– Les pathologies obstétricales (38,9 % des attestations)
– Les pathologies maternelles diagnostiquées avant et pendant la grossesse (33,3 % – incluant les pathologies psychiatriques qui représentent 12,1 % de ces cas)
– Les détresses psychologiques maternelles avec ou sans anomalie fœtale (22,4 %) 4,4 % des attestations délivrées en 2016 pour motifs maternels concernaient des grossesses dont le terme était supérieur à 32 semaines d’aménorrhée.
Une étude Normande (19) classe les indications d’IMG pour cause maternelle en 3 catégories différentes :
– Cause psychologique 23 % (dominée par l’addictologie, les états dépressifs sévères et les grossesses issues de viols)
– Cause obstétricale 29 %
– Cause somatique maternelle non obstétricale 48 %
Elle retrouve dans l’analyse de ses données que les causes psychologiques correspondent à 29 % des Interruptions Médicales de Grossesse d’indication maternelle réalisées au premier trimestre (maladies maternelles préexistantes) ; à 68 % des IMG réalisées au second trimestre (cause obstétricale et psychologique) ; et à 3 % des IMG réalisées au troisième trimestre.
A Nantes la classification des demandes d’Interruption Médicale de Grossesse d’indication maternelle se rapproche de l’étude précédente. B. BRANGER et al (20) comptent que sur 122 demandes faites de 2005 à 2009 dans un établissement privé, que les motifs médicaux représentent 2,4 % des motifs de demande d’IMG ; que 28,6 % des motifs sont psychiatriques et psychologiques en précisant le diagnostic (dépression, trouble bipolaire, tentatives de suicide avant ou pendant la grossesse, vécu difficile de la grossesse dont 1 cas dans un contexte d’antécédent de viol, handicap mental, contexte de suivi psychologique et psychiatrique et d’anorexie mentale) ; et que 5,7 % des motifs sont pour des problématiques addictives.
L’étude rapporte une violence constitutive dans la vie des femmes dans 25,1 % des cas avec très peu de plaintes déposées dans ce type de contexte. La plupart des demandes d’Interruption Médicale de Grossesse émanait de la femme (80,1 %) et 15,1 % des demandes émanaient de la famille. Ils comptent environs 12 Interruptions Médicales de Grossesse pour cause maternelle par an contre 250 pour motif fœtal. Pour 66,1 % des femmes pour lesquelles les délais entre le premier contact et la réalisation de l’IMG ont pu être retrouvés, les délais de réalisation sont de 8,1 jours +/- 6,1.
Enfin une étude rétrospective observationnelle parisienne (21) reprend toutes les indications maternelles de 4 centres universitaires parisiens de 2010 à 2011. La récupération des données de chaque centre n’était pas similaire car non répertoriée de la même manière. 5 classes ont été définies pour classifier les motifs d’Interruption Médicale de Grossesse :
– Psychosociale (détresse psychologique, précarité sociale majeure mettant en danger la santé) 21% O Toxicomanie 41% > précarité ou situation irrégulière + infection au VIH 31% > mineure 23% > précarité + situation irrégulière 5%
– Issue d’un viol (sans et avec plainte déposée) 16%
– Psychiatrique (pathologie documentée après évaluation d’un médecin psychiatre) 21%
– Obstétricale (spécifiquement gravidique) 20%
– Pathologie maternelle somatique (indépendante de la grossesse) 22%
Déroulé d’une Interruption Médicale de Grossesse
Il est difficile de parler de l’Interruption Médicale de Grossesse sans définir au préalable l’Interruption Volontaire de Grossesse.
Interruption Volontaire de Grossesse
L’Interruption Volontaire de Grossesse est autorisée en France jusqu’à 14 semaines d’aménorrhée (SA). Elle peut être pratiquée par une sage-femme ou un médecin en ville jusqu’à 9 SA (si le professionnel de santé a un contrat avec un établissement de santé publique ou privée) et en établissement de santé. Deux méthodes sont indiquées : médicamenteuse et chirurgicale (22–25).
• La méthode médicamenteuse comporte moins de risque pour la patiente, la Haute Autorité de Santé (HAS) tend à développer sa pratique jusqu’à 9 SA via :
Le MIFEGYNE®, association en France de MIFEPRISTONE (stéroïde de synthèse à action anti-progestative qui sert à la maturation cervicale) et de MISOPROSTOL (ou CYTOTEC® analogue synthétique de prostaglandine E1 qui sert à la maturation cervicale et aide à l’expulsion par le déclenchement de contractions du myomètre)
Si la grossesse est inférieure à 7 SA 2 recommandations sont possibles
– 600 mg de MIFEPRISTONE par voie orale puis 24 à 48 heures plus tard, 400 µg de MISOPROSTOL par voie orale
– 200 mg de MIFEPRISTONE par voie orale puis 24 à 48 heures plus tard, 400 µg de MISOPROSTOL par voie transmuqueuse orale ou sublinguale (hors AMM – Autorisation de Mise sur le Marché)
Si le délai de grossesse est compris entre 7 SA et 9 SA
– 200 mg de MIFEPRISTONE par voie orale puis 24 à 48 heures plus tard, 800 μg de MISOPROSTOL en une prise par voie transmuqueuse orale ou sublinguale, (hors AMM)
Complications possibles de la méthode médicamenteuse : hémorragie, rétention d’une partie de l’œuf, grossesse persistante
La voie vaginale n’est plus recommandée pour l’utilisation du MISOPROSTOL du fait de rares cas de chocs septiques fatals à Clostridium Sordellii.
La méthode chirurgicale peut être pratiquée jusqu’à 12 SA. Elle se déroule sous anesthésie locale ou générale. Et est réalisée par aspiration de l’œuf embryonnaire au moyen d’une canule introduite dans l’utérus après dilatation du col (au moyen de dilatateurs mécaniques : dilatateurs osmotiques/sonde de Foley). La pratique est exclusivement réalisée en établissement de santé. Une visite de contrôle à 2 semaines est nécessaire.
Complications possibles de la méthode chirurgicale : perforation utérine, déchirure du col de l’utérus et hémorragie, infection utérine ou rétention ovulaire
La prophylaxie de l’allo-immunisation Rhésus en cas de Rhésus négatif chez la femme est recommandée en France (IV ou IM de 200 µg d’immunoglobulines anti-D) dans les 72 heures qui suivent les saignements que ce soit pour l’IVG ou l’IMG.
Interruption Médicale de Grossesse
Au-delà des 14 semaines d’aménorrhée, l’Interruption Volontaire de Grossesse se transforme en IVG d’indication médicale et devient l’Interruption Médicale de Grossesse. La décision de pratiquer une IMG pour motifs maternels n’est pas toujours soumise au Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal contrairement aux motifs fœtaux (21). La concertation pluridisciplinaire qui statue sur sa réalisation réunit au moins 4 membres dont le médecin obstétricien-gynécologue (membre d’un CPDPN), un médecin spécialiste de la pathologie pour laquelle l’indication est demandée (maternelle ou infantile), une assistante sociale ou psychologue et un médecin nommé par la patiente. Aucune interruption de grossesse ne peut se faire sans le consentement de la patiente. A la fin de cette réunion est fournie ou non, une attestation médicale à la patiente permettant la réalisation de l’Interruption Médicale de Grossesse.
Le médecin se doit d’informer la patiente au cours d’entretiens spécialisés sur les méthodes d’intervention, la durée de celle-ci et le temps d’hospitalisation nécessaire. Il doit fournir le nom des produits utilisés ainsi que les effets attendus et effets indésirables possibles. La patiente doit être au fait et comprendre les possibles complications dues à l’intervention.
Complications possibles lors de la réalisation d’une IMG : rupture utérine, hémorragie, infection, rétention placentaire
Une prise en charge avec un psychologue est possible à la demande de la femme ou du couple ainsi que par une assistante sociale. Sera évoqué avec eux la prise en charge également du fœtus (choix de réaliser une autopsie, de voir le corps, de déclarer l’enfant à l’Etat Civil et de l’inhumé s’il a moins de 22 SA ou pèse moins de 500 g ; si la grossesse est supérieure à 22 SA ou si le fœtus pèse plus de 500 g alors les démarches deviennent obligatoires quant à la déclaration à l’Etat Civil ; l’inhumation est obligatoire seulement pour les fœtus ayant plus de 22 SA). Des aides pour accompagner la patiente et le couple sont proposées également en dehors du champ médical via des associations de parents telles que « Petite Emilie », « l’Enfant sans nom – Parents endeuillés ».
• La méthode médicamenteuse est privilégiée particulièrement au-delà de 14 semaines d’aménorrhée. Elle se compose des mêmes traitements médicamenteux que l’Interruption Volontaire de Grossesse. Les traitements et leur posologie sont ajustés en fonction du terme, de la santé de la patiente, de ses antécédents gynéco-obstétricaux et de contre-indications possibles. Le travail est déclenché par l’ingestion des traitements. La patiente accouche alors par voie naturelle. Il lui est proposé une anesthésie le plus souvent par voie péridurale.
• La méthode chirurgicale est réalisée en cas d’échec de la méthode médicamenteuse soit en réalisant un curetage par aspiration soit en évacuant le contenu utérin après dilatation du col de l’utérus. La césarienne n’est réalisée que très rarement du fait d’absence d’indication fœtale.
Une consultation de contrôle est réalisée par la suite dans les 2 semaines.
Lorsque l’IMG est réalisée après 22 SA, le fœtus est médicalement considéré comme viable et alors la pratique d’un fœticide est nécessaire en amont de l’Interruption Médicale de Grossesse afin que l’enfant ne naisse pas vivant. Car nous rappelons que l’euthanasie d’un être humain n’est pas autorisée en France.
• Fœticide
Le fœticide consiste lors d’une première injection à réaliser une anesthésie du fœtus puis lors d’une seconde injection à donner une dose fœticide par Chlorure de Potassium ou par LIDOCAINE. Chaque établissement de santé présente son propre protocole. L’injection qui se fait à l’aide de l’échographie peut être intra-cordonale ou si le cordon ombilicale est difficilement accessible, en intracardiaque.
Dans le cas de l’Interruption Médicale de Grossesse pour cause fœtale, le fœticide est justifiable d’après la loi lorsque l’enfant à naitre présente une pathologie pour laquelle il n’existe pas de traitement curatif au moment de sa pratique. Depuis plusieurs décennies émerge un débat entre les différents spécialistes membres des CPDPN afin d’établir pour quels types de pathologies fœtales l’IMG est une réelle nécessité ou pas. La complexité des débats est liée à plusieurs grandes idéologies : l’éthique, la bioéthique, l’eugénisme… Nous prenons le parti de ne pas les développer dans cet espace.
Il ressort toutefois que le fœticide est donc légal. Dans le cas d’une indication maternelle, la controverse a à nouveau lieu, puisque s’affrontent toujours alors droits du Fœtus et droits de la Femme. L’ambiguïté du débat expose les soignants à des questions d’ordre idéologique qui se révèlent sans réponse, insolubles. Certains ont cherché à connaitre la perception des soignants face à ce geste concret de « faire mourir » (4). Pour le rendre supportable, les étapes de l’Interruption Médicale de Grossesse et du fœticide sont diluées dans l’espace-temps. Il n’existe pas un seul acteur responsable puisque plusieurs soignants (médecins, sages-femmes, infirmières) sont sollicités tout le long de la procédure. D’après WEBER et al (4), certains médecins préféreraient à la manœuvre du fœticide, la mise en place de soins palliatifs pour accompagner l’enfant qui naitrait alors vivant. Parallèlement une étude montre que les sages-femmes en salle de naissance se sentent, d’une certaine manière, soulagés par cette pratique qui leur évite d’accompagner le nouveau-né dans la mort (26). Le ressenti des soignants quant au fœticide, bien qu’en accord majoritairement avec la pratique de l’Interruption Médicale de Grossesse, est donc globalement celui de la transgression. Les soignants restent des hommes emprunts de convictions sociales, morales et religieuses. Si peu que l’indication de l’IMG soit controversée au sein de l’équipe, alors le travail devient encore plus difficile.
Les Troubles Psychiatriques Puerpéraux
La grossesse est un état physiologique à risque de décompensation de pathologie psychiatrique. Elle comprend les pathologies déjà existantes et celles inaugurales en péri-partum. Le DSM-5 (27) crée le critère « avec début périnatal » pour toute pathologie psychiatrique débutant pendant la grossesse ou bien dans les quatre semaines suivant l’accouchement. En parallèle la CIM-10 (28) réintroduit la notion des troubles psychiatriques du post-partum (après que la CIM-9 l’ait retirée) avec le critère « troubles mentaux et troubles du comportement associés à la puerpéralité ». L’Institut National de Santé Publique du Québec (29) distingue deux catégories de problématique au cours de la grossesse :
– Les problèmes de santé mentale qui comprennent le baby blues et le deuil périnatal
– Les troubles psychiatriques
Troubles de la santé mentale
La définition de la santé mentale se fonde sur la définition de la Santé donnée par l’Organisme Mondial de la Santé. Elle comprend les notions de « bien-être émotionnel, psychologique et social » de la personne. Ces notions au cours de la vie peuvent être mises à mal. Lorsque c’est le cas, le risque de développer une pathologie psychiatrique est plus important.
Le baby blues
Le baby blues est un état physiologique qui touche une grande majorité des femmes après la naissance. Cet état apparait dans les premiers jours qui suivent la naissance (environs 3 jours plus tard) et cède rapidement, spontanément, avant la fin de la deuxième semaine de vie du nouveau-né. Il ne dure que quelques jours. Il comprend une variation importante de l’émotivité (sautes d’humeurs, pleurs, irritabilité, tristesse…), une fatigue importante, de l’anxiété, le sentiment de se sentir dépassée…
Si le baby blues perdure au-delà de la deuxième semaine qui suit la naissance, il représente un facteur de risque de dépression du post-partum et une évaluation médicale est nécessaire.
Le deuil périnatal
Le deuil périnatal s’apparente aux autres deuils. Il fait suite à la perte d’un fœtus (Interruption Volontaire et Médicale de Grossesse, Fausse Couche Spontanée, mort in utero) ou d’un nouveau-né. Il représente également un facteur de risque de développer un trouble psychiatrique. Les parents doivent pouvoir recevoir un accompagnement adapté.
Troubles mentaux
Troubles de l’humeur a. Dépression
Episode Dépressif Caractérisé d’après le DSM-5
Critère A : Présence d’au moins 5 des symptômes suivants, pendant une période d’une durée de 2 semaines et représentant un changement par rapport au fonctionnement antérieur ; 1. Humeur dépressive ; 2. Perte d’intérêt ou de plaisir ; 3. Perte ou gain de poids significatif en l’absence de régime ; 4. Insomnie ou hypersomnie ; 5. Agitation ou ralentissement psychomoteur ;
NB : les symptômes 1 et 2 sont obligatoirement présents
Critère B : Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel, ou dans d’autres domaines importants
Critère C : Les symptômes ne sont pas attribuables à l’effet physiologique d’une substance ou d’une autre affection médicale
Critère D : L’occurrence de l’EDC n’est pas mieux expliquée par un trouble schizo-affectif, une schizophrénie, un trouble schizophréniforme, un trouble délirant, ou un autre trouble psychotique
Critère E : aucun antécédent d’épisode maniaque ou hypomaniaque
Dépression anténatale
La dépression anténatale touche environs 20 % des femmes (30). Elle représente un risque accru de dépression du post-partum et est rarement diagnostiqué au cours de la grossesse. La symptomatologie ne diffère pas de celle d’un épisode dépressif caractérisé mais ses symptômes sont plus facilement rattachés aux difficultés de la grossesse plutôt qu’à la dépression en elle-même. Ils peuvent se confondre avec les symptômes végétatifs du premier trimestre. Pour aider à son dépistage il existe un auto-questionnaire adapté : l’Edinburg Post-natal Scale EPDS dont le cut-off est à 11/30). Comme pour l’épisode dépressif caractérisé il existe des facteurs de risque communs mais également des facteurs de risque plus spécifiques à la grossesse (absence de désir de grossesse, antécédents d’accidents obstétricaux, d’IVG, d’IMG, de procréation médicale assistée…) (31).
Dépression du post-partum
La symptomatologie de la dépression du post-partum doit se développer dans les 6 semaines qui suivent l’accouchement. Certains auteurs définissent la dépression du post-partum lorsqu’elle se déclare dans la première année qui suit l’accouchement. Elle peut être continue à une dépression anténatale ou être inaugurale. Le début des troubles est souvent insidieux. C’est 13 à 20 % des accouchées qui feront une dépression du post-partum (29,31). Environs une femme sur deux est diagnostiquée. La symptomatologie peut présenter comme particularité une indifférence affective, un sentiment d’incompétence à s’occuper du nouveau-né, des angoisses majoritairement tournés vers celui-ci, des phobies d’impulsions, une irritabilité avec aggravation vespérale, une forte asthénie et des troubles de l’endormissement. Lorsque la dépression est sévère ou qu’il existe un état de mélancolie (délirante ou pas), le risque suicidaire n’est pas à négliger. A celui-ci s’ajoute également le risque d’infanticide. La disparition du sentiment d’utilité de la femme doit être un signe d’alerte pour les professionnels de santé. La dépression du post-partum peut signer l’entrée dans une pathologie psychiatrique chronique telle que le trouble bipolaire ou bien le trouble dépressif récurrent. Une femme ayant fait une dépression du post-partum est plus à risque de développer une dépression lors d’une grossesse suivante.
Anxiété et les troubles anxieux
L’anxiété est inhérente à la grossesse. Son intensité peut varier de légère jusqu’à devenir pathologique. C’est 15 % des femmes qui développeraient un trouble anxieux au cours de la grossesse (29).
Lorsqu’elle est physiologique nous parlons d’Anxiété spécifique, c’est-à-dire relative à la grossesse. Elle prend plusieurs formes selon le terme de la grossesse. Il en va de peurs touchant le fœtus, sa santé, de la capacité à être parent, la peur de l’accouchement en lui-même, etc… Elle s’apaise après la naissance au fur et à mesure du développement satisfaisant de l’enfant et permettrait à la mère d’être vigilante à la sécurité et aux besoins de l’enfant (Anxiété de séparation maternelle) (30).
Lorsque l’anxiété devient handicapante, pathologique, il peut être nécessaire d’introduire un traitement médicamenteux par Antidépresseurs (Inhibiteur Sélectif de la Recapture de Sérotonine – ISRS) ou bien par Anxiolytiques (Benzodiazépines, Antihistaminiques). L’instauration d’un traitement médicamenteux (comme pour toutes autres pathologies) doit être évaluée avec sérieux puisqu’il existe une possible imprégnation du fœtus avec le passage des métabolites actifs à travers le placenta (par exemple : imprégnation aux Benzodiazépines, Syndrome Atropinique aux Antihistaminiques). Selon les différentes molécules une transmission à travers le lait maternel au cours de l’allaitement est également possible.
Les femmes qui développeraient une anxiété pathologique pendant la grossesse sont plus susceptibles de souffrir d’un Trouble Anxieux Généralisé (TAG) ou par la suite d’une Dépression du Post-Partum sans une prise en charge adaptée.
Trouble Anxieux Généralisé
Le trouble anxieux généralisé est une anxiété quasi quotidienne présente depuis au moins 6 mois qui engendre des dysfonctionnements importants. Il touche plusieurs aspects de la vie et associe à des soucis ou préoccupations excessifs, des symptômes physiques (asthénie, agitation, tension musculaire…). C’est 4 à 5 % des femmes en période périnatale qui seraient touchées par un TAG (29). Au niveau clinique nous retrouvons une tendance à s’inquiéter de manière excessive pour le bébé ou ses besoins ou par rapport à l’organisation au quotidien.
Trouble Panique
Lorsque l’anxiété s’associe à des attaques de panique régulières et inattendues, sans facteur déclenchant identifiable ainsi qu’à des symptômes physiques (tremblements, palpitations, sensation de souffle coupé, nausée, troubles digestifs…), nous parlons alors de trouble panique. Il touche entre 1 et 9 % des femmes pendant la grossesse. Les femmes ayant des antécédents de maltraitance, d’abus sexuels, de deuils répétés en amont ou bien au cours de la grossesse, sont plus à risque (facteurs de risque retrouvés également dans les autres étiologies sus et sous cités). Pour parler de trouble panique ou de toute autre pathologie psychiatrique, il est nécessaire que les diagnostics différentiels somatiques aient été éliminés.
Autres troubles
Troubles obsessionnels-compulsifs
Les troubles obsessionnels-compulsifs (TOC) se définissent par la présence d’obsessions (pensées, images, pulsions répétitives et récurrentes) et/ou de compulsions (comportements répétitifs, de lavage, de vérification). La réalisation des compulsions permet une diminution temporaire de la tension interne et de l’anxiété. Au cours de la grossesse et après l’accouchement ils portent principalement sur le bien-être de l’enfant. Il existe des phobies d’impulsion ciblant l’enfant avec la peur de lui faire du mal, de le blesser accidentellement ou bien intentionnellement. Elles peuvent aller jusqu’à la phobie d’impulsion infanticide et sont source de stress et d’altération du lien mère-enfant.
Phobies spécifiques
Elles touchent toutes la population. Celles pouvant avoir un impact sur la grossesse et le vécu de celle-ci sont :
– L’émétophobie (peur de vomir)
– La tocophobie (peur d’accoucher)
Etat de stress aigu
Une autre expression des pathologies anxieuses est l’état de stress aigu. Il peut avoir lieu pendant la grossesse mais également après l’accouchement lorsque celui-ci a été traumatique. La symptomatologie de l’état de stress aigu associe habituellement « un état de déréalisation, une amnésie dissociative, des flash-back, une sidération, des sursauts ou une angoisse diffuse ». L’état de stress aigu est un facteur de risque de développer par la suite un syndrome de stress post-traumatique (si celui-ci n’est pas déjà préexistant). Les autres facteurs favorisants sont les évènements antérieurs traumatiques (évènements de vie, antécédents obstétricaux, d’abus…).
Syndrome de stress post-traumatique
Cette pathologie émerge après avoir été exposé à un ou plusieurs évènements traumatiques qu’ils soient en lien ou pas avec la grossesse ou l’accouchement. Au cours de la grossesse, des facteurs favorisants ont pu être identifiés comme le diagnostic d’une anomalie fœtale ou une complication obstétrique. 3% des femmes enceintes souffrent d’un syndrome de stress post traumatique.A
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Table des matières
. Introduction
II. L’Interruption Médicale de Grossesse
1. Lois françaises et historique
A. Généralités
B. Droits des femmes
C. Droits du fœtus
2. L’avortement à l’international
3. Données épidémiologiques
4. Déroulé d’une Interruption Médicale de Grossesse
A. Interruption Volontaire de Grossesse
B. Interruption Médicale de Grossesse
III. Les Troubles Psychiatriques Puerpéraux
1. Troubles de la santé mentale
A. Le baby blues
B. Le deuil périnatal
2. Troubles mentaux
A. Troubles de l’humeur
B. Anxiété et les troubles anxieux
C. Psychoses puerpérales
D. Troubles des conduites alimentaires
IV. Revue de Littérature
1. Méthode
2. Résultats
A. Présentation des résultats
B. Analyse thématique des résultats
3. Pour aller plus loin
A. Méthode
B. Résultats complémentaires
V. Etude de Cas
1. Cas clinique
2. Analyse du Cas
VI. Discussion
VII. Conclusion
VIII. Bibliographie
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