Les troubles neurocognitifs : définitions et épidémiologie

Les troubles neurocognitifs : définitions et épidémiologie 

Selon la cinquième édition de la classification américaine Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, un trouble neurocognitif est une réduction acquise des capacités dans un ou plusieurs domaines cognitifs, ne pouvant pas être expliquée par un autre trouble mental. Un trouble neurocognitif est considéré comme majeur lorsque la perte de capacité s’accompagne d’une perte d’autonomie dans la réalisation des activités de la vie quotidienne (1). Les causes les plus fréquentes de telles affections sont la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées : les troubles neurocognitifs vasculaires, la maladie à corps de Lewy, les troubles neurocognitifs d’origine parkinsonienne, la dégénérescence lobaire fronto temporale ou les troubles neurocognitifs avec lésions associées .

Le nombre de personnes souffrant d’un trouble neurocognitif en France était estimé à 1,2 million en 2014. La prévalence de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées augmente fortement avec l’âge. Ainsi, en prenant en compte le vieillissement démographique, les projections prévoient une prévalence estimée à 1,75 million de personnes en 2030 (3). À l’échelle régionale, en Pays de La Loire en 2018, le taux moyen de personnes diagnostiquées de maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées vivant en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) s’élevait à 51% de la totalité des résidents (4). Au regard de ces données, la gestion de ces pathologies et de leurs répercussions apparaît être un enjeu majeur de santé publique.

Les symptômes comportementaux et psychologiques en lien avec la démence : définitions et prise en charge

Outre le déclin cognitif, des symptômes comportementaux et psychologiques sont fréquemment observés au cours des pathologies neurodégénératives. En 1996, l’International Psychogeriatric Association définit ces manifestations comme des signes de troubles de la perception, du contenu de la pensée, des émotions ou du comportement et les regroupe sous l’appellation « Symptômes comportementaux et psychologiques de la démence » (SCPD) (5). L’apparition de tels symptômes marque une rupture avec le fonctionnement antérieur de la personne. Ils sont imprévisibles, indépendants les uns des autres et fluctuants. Ils peuvent être inauguraux et apparaître avant que des troubles cognitifs n’aient été diagnostiqués. Leur fréquence augmente avec la sévérité de la maladie (6). La Haute Autorité de Santé regroupe dans le terme « troubles du comportement perturbateurs » tous les comportements, attitudes ou expressions jugés par l’entourage comme dérangeants ou dangereux pour le patient ou pour autrui. Parmi ces conduites, également appelés troubles « productifs », on retrouve notamment l’agitation, l’agressivité, la déambulation, les réactions d’opposition et les hallucinations (7). Par opposition aux troubles « productifs », on peut observer des symptômes «déficitaires » avec des attitudes de retrait, d’indifférence, de l’aboulie. L’apathie est l’un des SCPD les plus fréquemment observés (6,8). L’existence des SCPD, et surtout des troubles du comportement perturbateurs, peut avoir de lourdes conséquences sur la qualité de vie du patient et de son entourage. Ils peuvent être une source de souffrance pour l’aidant et générer un sentiment de fardeau plus important ou une symptomatologie dépressive (6,7). Ils peuvent également favoriser l’épuisement professionnel des soignants (9). Les troubles du comportement sont en général à interpréter comme une réaction à un stimulus de l’environnement. En effet, les capacités d’adaptation de ces patients au monde qui les entoure sont réduites du fait de leur déficit cognitif. Le moindre changement peut être vécu avec une grande anxiété. Par ailleurs, il peut s’agir d’un mode d’expression chez des patients qui, pour certains, ont perdu l’usage de la parole et ne sont plus en capacité d’exprimer leurs besoins les plus élémentaires .

La prise en charge des symptômes psycho-comportementaux consiste donc en premier lieu à les observer et les comprendre, pour mettre en évidence d’éventuels facteurs déclenchants. Cela permet d’élaborer des approches psycho-comportementales personnalisées, centrées sur le patient, en prenant en compte ses préférences, ses habitudes de vie, son lien avec l’environnement et autrui (7). Cet accompagnement par une équipe pluridisciplinaire facilite l’élaboration de modes de communications verbales et non verbales, et de techniques d’apaisement. De plus, elles peuvent permettre l’entretien et le maintien de capacités fonctionnelles (2). De nombreux travaux de recherche ont démontré que cette approche globale permet une diminution significative des SCPD, avec un faible coût, sans causer d’effet indésirable. Deux revues de la littérature rappellent néanmoins que la plupart des études existantes présentent des faiblesses méthodologiques du fait de la diversité des interventions proposées, avec une variabilité des acteurs et des lieux d’application. Les auteurs appellent à des protocoles plus standardisés avec un plus fort niveau de preuve .

L’utilisation de certains psychotropes ou encore d’antalgiques peut engendrer également une réduction des troubles (11,12). Cependant les effets indésirables associés à ces traitements et leurs conséquences sont nombreux dans cette population (13). La diminution des troubles est souvent en lien avec un effet sédatif des médicaments, majorant le risque de chutes, fausses routes et autres complications de décubitus (12). Ainsi, les recommandations internationales sur la prise en charge des SCPD préconisent les approches psycho-comportementales en première intention. Un traitement pharmacologique n’est à envisager qu’en complément, après échec des mesures non médicamenteuses, en cas d’inconfort ou de mise en danger du patient ou de son entourage (7,14). La prise en charge des démences et des troubles du comportement fait partie des éléments qui mettent le plus en difficulté les médecins généralistes dans la gestion de leur patientèle âgée. Ils décrivent des conditions d’accès complexes aux structures d’hébergement et aux différents intervenants médicaux et paramédicaux (15). Il peut arriver que, faute d’autre solution, les médecins traitants ou les familles aient recours aux consultations dans les services d’urgences, ou aux hospitalisations dans les services de gériatrie ou de psychiatrie. Ces hospitalisations parfois inappropriées se font souvent de manière précipitée .

La création des unités cognitivo-comportementales

A partir de ces constats, un plan gouvernemental appelé « Plan Alzheimer 2008-2012 » a été élaboré pour mieux répondre aux problématiques rencontrées par les patients et leurs aidants. Parmi les mesures proposées, on trouve la création d’unités cognitivocomportementales (UCC) au sein des services de soins de suite et de réadaptation.

Ces unités répondent à un cahier des charges précis (Annexe I). Elles accueillent les patients présentant des SCPD dont la gestion est devenue trop complexe au sein du lieu de vie habituel. L’hospitalisation est provisoire, et a pour but d’améliorer le comportement du patient avant un retour au domicile ou dans un autre lieu mieux adapté au niveau de dépendance et aux troubles observés. Un soutien psychologique est prévu pour le patient et les aidants. L’équipe pluridisciplinaire doit avoir reçu les formations adéquates pour permettre une réhabilitation cognitivo-comportementale et une rééducation afin de maintenir les capacités fonctionnelles dans les activités de la vie quotidienne. Les locaux sont également adaptés aux personnes présentant des troubles neurocognitifs pour garantir leur sécurité : la déambulation y est possible dans une structure fermée et rassurante.

Les études existantes sur les UCC et le but de cette étude 

Les UCC sont donc des structures existantes depuis une dizaine d’années. On trouve dans la littérature plusieurs études ayant pour but de quantifier l’efficacité des prises en charge en UCC sur les SCPD. Plusieurs d’entre elles utilisent l’évolution du score de l’Inventaire Neuropsychiatrique (NPI) (Annexe II). Il s’agit d’un outil recommandé par les sociétés savantes, fréquemment utilisé en pratique clinique, qui évalue douze troubles du comportement. Un score global est obtenu en multipliant leur fréquence par leur sévérité : on en tire un résultat entre 0 et 144 (16). Dans les études, le score est observé à l’admission, à la sortie de l’UCC, 2 à 3 semaines après la sortie, et jusqu’à 1 an après la sortie (17–21). Les différents auteurs observent tous une baisse significative du NPI, qui se stabilise lors du suivi à long terme. Cette réduction du NPI fait conclure aux auteurs que l’hospitalisation en UCC a eu un effet bénéfique sur la gestion des troubles du comportement (17 21). Cependant le NPI présente quelques limites. Il peut exister un biais inter évaluateur, comme cela a été décrit dans deux autres études : le score NPI attribué par des chercheurs en psychologie ou en recherche clinique était différent de celui attribué par des soignants non formés (16). De plus, le NPI est une échelle comportementale globale qui étudie douze types de symptômes. Afin de savoir si le trouble à l’origine de la demande de prise en charge a été amélioré, il est important d’analyser chaque item du NPI indépendamment des autres, ce qui n’est pas le cas dans la plupart de ces études.

Un des autres indicateurs utilisés pour évaluer l’apport des UCC est la baisse du nombre de médicaments psychotropes dans les traitements au long cours entre l’entrée et la sortie d’hospitalisation. Sur ce point, les études divergent, montrant pour certaines une baisse significative du nombre de psychotropes prescrits (19) alors que l’on constate que ce nombre a stagné ou augmenté dans d’autres (17,21). Pourtant, tous ces articles concluent à un effet bénéfique global de l’UCC sur les troubles psycho-comportementaux. Ces auteurs ne sont donc pas d’accord sur l’association entre l’amélioration des troubles et la diminution du nombre de traitements psychotropes. Par ailleurs ces études se basent uniquement sur le nombre de traitements, sans prendre en compte d’éventuelles modifications de posologie .

Il a été montré que la présence de troubles psycho-comportementaux bruyants est un facteur de risque de réadmission précoce en UCC (22). Dans une autre étude, les auteurs concluent à un effet bénéfique de l’hospitalisation en UCC notamment par le fait que le taux de réadmission est similaire à celui retrouvé en service de gériatrie aiguë (19). Il peut cependant exister un biais notamment en cas de décès, d’hospitalisation dans une autre structure ou de perdus de vue.

Ainsi, on peut voir que depuis 2012, quelques études épidémiologiques s’intéressent à estimer les apports de l’hospitalisation en UCC. Leurs résultats sont globalement concordants avec une réduction estimée des SCPD après le séjour du patient dans la structure. Cependant, les indicateurs quantitatifs utilisés sont des marqueurs indirects d’efficacité et peuvent présenter des biais. Ces publications ne permettent pas de connaître le ressenti et le vécu des personnes ayant initialement demandé l’hospitalisation. Pour cela, une approche qualitative paraît intéressante . La demande d’hospitalisation en UCC se fait dans un contexte précis par les personnes qui encadrent le patient au quotidien. La place du médecin traitant dans la gestion de ces troubles est essentielle mais les visites sont ponctuelles. Il paraît donc pertinent de questionner les personnels paramédicaux, confrontés quotidiennement aux situations jugées difficiles. Lors de l’hospitalisation en UCC, l’équipe évalue si le lieu de vie du patient est adapté à ses troubles et à son niveau de dépendance. Il arrive fréquemment qu’une entrée en institution soit nécessaire au terme du séjour, les retours au domicile sont plus rares. Ainsi cette étude s’intéresse à l’avis des soignants d’EHPAD.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. Les troubles neurocognitifs : définitions et épidémiologie
2. Les symptômes comportementaux et psychologiques en lien avec la démence : définitions et prise en charge
3. La création des unités cognitivo-comportementales
4. Les études existantes sur les UCC et le but de cette étude
METHODOLOGIE
1. La détermination de la population cible et de l’échantillon
2. Le déroulement des entretiens
3. L’analyse qualitative
4. La rédaction
RESULTATS
1. La description de l’échantillon
2. Avant l’hospitalisation en UCC : les raisons qui ont motivé la demande de prise en charge
2.1.La description des troubles observés
2.1.1. Des comportements gênants pour les soignants
2.1.2. Des comportements dangereux pour le patient
2.1.3. Des comportements gênants pour les autres résidents de l’EHPAD
2.2.Les actions de l’équipe face à ces troubles
2.2.1. Les réactions et attitudes des soignants
2.2.2. Les essais de moyens et approches de l’équipe soignante
2.2.3. Le recours à d’autres professionnels
2.3.Le ressenti des soignants face à ces situations
2.4.Les attentes des soignants concernant l’hospitalisation en UCC
2.4.1. Diminuer les troubles psycho-comportementaux
2.4.2. Donner du soutien et du répit aux soignants et aux autres résidents
2.4.3. Réaliser une nouvelle évaluation du patient par une équipe spécialement formée
2.4.4. Réaliser une adaptation des traitements pharmacologiques
2.4.5. Délivrer des recommandations pour mieux gérer les troubles du comportement au quotidien
3. Pendant l’hospitalisation en UCC : les expériences des soignants
3.1.Les types d’échanges avec le service
3.2.Les avis des soignants sur ces échanges
4. Après l’hospitalisation en UCC : les constats et ressentis des soignants
4.1.Les modifications sur le plan du comportement du résident
4.1.1. Globalement, constat d’une amélioration comportementale
4.1.2. Une amélioration pas toujours durable
4.1.3. Les raisons possibles de ce manque de durabilité
4.2.Les soignants ont trouvé un soutien à leur demande
4.2.1. Une demande d’hospitalisation qui a abouti
4.2.2. Une prise en charge pas assez précoce
4.2.3. Un manque de suivi
4.2.4. L’équipe soignante et les autres résidents ont eu une période de répit
4.3.Une évaluation globale par une équipe pluridisciplinaire
4.3.1. Une appréciation par une nouvelle équipe
4.3.2. Une meilleure compréhension des besoins du patient
4.3.3. Des prises en charges validées et des soignants mis en confiance
4.4.Les constats sur le plan thérapeutique
4.5.Les recommandations formulées par l’équipe de l’UCC sur les activités de la vie quotidienne
4.5.1. Des recommandations inégalement diffusées
4.5.2. Des recommandations jugées claires et souvent applicables à la structure
4.5.3. Les freins à leur mise en application
4.5.4. Des recommandations sans répercussion sur les attitudes des soignants
5. Les attentes des soignants concernant l’équipe mobile cognitivo-comportementale
5.1.Créer un moment dédié de discussion en équipe
5.2.Observer directement le comportement du résident et la réaction du soignant
5.3.Eviter de déplacer le patient
5.4.Suivre les situations plus précocement
5.5.Permettre un meilleur suivi
DISCUSSION
1. La discussion des résultats et la confrontation avec la littérature
1.1.Les ressentis des soignants concernant les modifications comportementales des résidents
1.2.Les ressentis des soignants concernant le soutien fourni pour la gestion des SCPD
1.3.Les ressentis des soignants concernant l’évaluation par l’équipe de l’UCC
1.4.Les ressentis des soignants concernant les adaptations thérapeutiques
1.5.Les ressentis des soignants concernant le projet de soins personnalisé et les conseils en matière d’approche cognitivo-comportementale
2. Les forces de ce travail
3. Les faiblesses de ce travail
4. Les perspectives
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

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