LES TROUBLES DU SPECTRE AUTISTIQUE
Historique de l’autisme infantile
Le terme d’autisme infantile est relativement récent. Le pédopsychiatre américain d’origine autrichienne Léo KANNER (1894-1981) a été le premier à évoquer l’autisme infantile précoce dans son article « Autistic disturbance of affective contact » publié en 1943. Il y étudiait le cas de 11 enfants qui présentaient « un trouble fondamental commun » se traduisant par une inaptitude à établir des relations normales avec des personnes et à réagir normalement aux situations depuis le début de la vie. L’autisme, selon lui, est un « trouble inné du contact affectif » à l’origine de troubles du langage, d’un isolement et d’une intolérance au changement. (6) (7) (8) Au même moment, en 1944, le psychiatre autrichien Hanz ASPERGER (1906-1980) a avancé le terme de psychopathies autistiques de l’enfance pour évoquer les troubles dont souffraient quatre enfants. Ils présentaient « un manque d’empathie, une faible capacité à se créer des amis, une conversation unidirectionnelle, une intense préoccupation pour un sujet particulier, et des mouvements maladroits ».
Il décrivait alors l’autisme de haut niveau, connu aujourd’hui comme le syndrome d’Asperger. (9) Ces deux psychiatres ont utilisé quasiment simultanément le mot d’autisme pour décrire deux pathologies très proches, sans rien connaître du travail de l’autre. Le concept d’autisme infantile s’inscrit dans l’histoire de la folie de l’enfant. En 1800, le concept d’idiotisme qui perdurait depuis la Grèce antique se retrouvait au centre d’une polémique. La découverte de Victor, l’enfant sauvage, voyait s’opposer deux écoles de pensées. Pour le médecin J. Itard, qui l’avait recueilli, les troubles de Victor étaient acquis, culturels, réversibles et curables. Alors que pour P. Pinel et J-E Esquirol, fondateurs de la psychiatrie, il s’agissait d’un enfant frappé d’idiotisme (déficience intellectuelle générale et incurable). Au tournant du XXème siècle, on s’intéresse à des enfants qui ne sont pas déficients mentaux de naissance, comme les idiots, mais qui semblent d’abord normaux avant de devenir fous. La démence précoce décrite par E. Kraepelin, psychiatre allemand, (1856- 1926) qui désignait le phénomène chez les adolescents et les adultes, a été reprise en 1906 par Sancte de Santis neuropsychiatre italien (1862-1953) pour désigner la démence précocissime, première pathologie psychiatrique de l’enfance, non assimilable à l’arriération mentale.
En 1911, Eugen BLEULER (1857-1939), psychiatre suisse, proposait de remplacer le terme de démence précoce par celui de schizophrénie. Par analogie, la démence « précocissime » devenait alors la schizophrénie infantile. Il était alors le premier à employer le terme d’« autisme », dérivé d’une racine grecque « autos » signifiant « soimême », pour décrire le repli sur soi du patient schizophrène. (8) M. Mahler, pédiatre psychanalyste d’origine hongroise, a ensuite complété l’oeuvre de Kanner. Elle a rejeté le terme de « schizophrénie infantile » pour le remplacer par le terme de « psychose infantile ». (7) Après la seconde guerre mondiale, B. Bettelheim un éducateur ayant subi l’enfer des camps de concentration s’est intéressé aux facteurs qui, dans l’environnement affectif de l’enfant, favorisaient l’éclosion du trouble autistique. Il a alors fait une analogie entre le comportement autistique et l’enfermement sur soi de certains déportés. B. Bettelheim qui dirigeait, à Chicago, une école expérimentale modèle, a ainsi proposé la séparation des enfants autistes de leurs parents. Les théories de B. Bettelheim ont inauguré une période de 30 ans, entre 1950 et 1980, durant laquelle les approches psychanalytiques ont dominé la réflexion sur l’autisme.
L’importance du repérage précoce des TSA
D’une part, l’autisme remplit les 3 conditions épidémiologiques d’un repérage pertinent selon Simon Baron Cohen (auteur du CHAT) : (12) prévalence élevée, gravité, bénéfice lié à sa prise en charge. D’autre part, le repérage précoce permet un accompagnement thérapeutique à un âge où certains processus de développement peuvent encore être modifiés. En effet, les études de suivi des enfants pris en charge précocement et de manière intensive ont permis de démontrer une accélération significative du rythme de développement, avec des gains substantiels au niveau du QI, des progrès au niveau du langage, des comportements sociaux significativement améliorés et une diminution des signes d’autisme chez les enfants pris en charge. (13) (14) (15) (16) En 2005, la fédération française de psychiatrie en association avec l’HAS reconnaissait au repérage et diagnostic précoces d’autres intérêts : une diminution de l’errance et du stress des familles, un accès à l’information et à des conseils pratiques, une limitation pour l’enfant du risque de sur-handicaps par la prise en charge des troubles associés.
Le rôle du médecin généraliste
En France, les nourrissons bénéficient d’examens de santé systématiques dont 3 sont obligatoires : 8ème jour, 9ème mois et 24ème mois et sont souvent réalisés par des médecins généralistes. Ils ont donc un rôle prépondérant dans le suivi du développement psychomoteur de l’enfant et le repérage de ses troubles. Ils devraient être capable de rechercher et d’identifier les signes d’alerte de TSA pour prendre en charge et orienter ces enfants de façon appropriée. C’est d’ailleurs ce qui est attendu d’eux dans le 3ème plan autisme (2013-2017) qui insiste sur l’importance du repérage des premiers signes en soins primaires et sur la formation des médecins généralistes. Ce réseau de repérage et diagnostic est organisé en 3 niveaux : un réseau d’alerte, un réseau de diagnostic et de suivi simple, et un réseau de diagnostic et suivi des cas complexes. Le médecin généraliste est considéré comme un des acteurs importants du niveau 1 et 2 de ce réseau de repérage et diagnostic. (3) L’objectif de la thèse est donc de comprendre quelle est la démarche du médecin généraliste pour repérer les enfants souffrant de TSA. Ce travail a pour ambition de réunir une dizaine de médecins généralistes confrontés au repérage d’enfants pouvant présenter un TSA pour connaître leur démarche en terme de repérage et de suivi des TSA. Il permet par ailleurs d’appréhender les représentations, les connaissances et les pratiques des médecins généralistes sur les Troubles du Spectre Autistique.
|
Table des matières
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION : LES TROUBLES DU SPECTRE AUTISTIQUE EN 2016
1 HISTORIQUE
2 DÉFINITION ET CLASSIFICATIONS
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
4 LE REPÉRAGE DES TSA
MÉTHODES
1 LA MÉTHODE QUALITATIVE PAR FOCUS GROUP
2 PRÉSENTATION DE NOTRE FOCUS GROUP
3 ANALYSE DES DONNÉES
RÉSULTATS
3.1 Les médecins généralistes et les Troubles du Spectre Autistique
3.2 Que pensent-ils du repérage
3.3 Comment repèrent-ils les enfants souffrant de TSA
3.4 Comment adressent-ils ces enfants
DISCUSSION ET PERSPECTIVES
1 FORCES ET FAIBLESSES DE L’ÉTUDE
2 DISCUSSION DES RÉSULTATS
2.1 Des médecins généralistes qui connaissent les TSA
2.2 L’inquiétude conjointe, le Gut feeling et les outils de repérage
2.3 Des enfants à adresser
2.4 Des réticences, un manque d’intégration au réseau de soin, mais des généralistes volontaires
PERSPECTIVES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIÈRES
ANNEXES
Télécharger le rapport complet