Le thorax est une région anatomique fréquemment atteinte en traumatologie. On estime l’incidence globale des traumatismes thoraciques à 30%, sans tenir compte de la gravité ou des éventuelles lésions associées. Ces traumatismes sont majoritairement secondaires à des accidents de la voie publique. Les chutes, les agressions par arme blanche ou encore les accidents de sport ou de travail sont des circonstances également rencontrées. Les traumatismes du thorax offrent un polymorphisme clinique en raison de la richesse vasculaire et viscérale du thorax. La diversité des circonstances étiologiques et des agents vulnérants explique la grande variété des formes anatomocliniques. Ils constituent une urgence médicochirurgicale, nécessitant une prise en charge précoce. Ces traumatismes peuvent être ouverts ou fermés.
Dans 30% des cas, les lésions thoraciques s’inscrivent dans le cadre d’un polytraumatisme. Ils sont directement responsables de 25 à 50% des décès traumatiques et constituent la première cause de décès traumatique immédiat chez l’enfant et l’adulte jeune. Si 25% des patients victimes de traumatismes thoraciques sont considérés comme sévères d’emblée (pronostic vital menacé), 25% d’entre eux peuvent présenter des complications et une aggravation secondaire après une période de latence [1].
Les TT sont graves quand ils entraînent une défaillance respiratoire et/ou hémodynamique. Cette gravité peut être initiale ou différée, et tous les traumatismes du thorax doivent être considérés comme potentiellement graves même en l’absence de détresse cardio-respiratoire initiale, en raison du pourcentage élevé de lésions occultes. Ils représentent la principale cause de mortalité après les traumatismes crâniens [2]. Dans les pays du nord, ils sont directement responsables de 20 % de décès causés par les accidents de la voie publique. En cas de polytraumatisme, 50% des décès sont en relation plus ou moins directe avec un retentissement thoracique [3,4].
Dans une thèse réalisée en 2004 au Mali, la létalité au cours du traitement était de 17,9% [5]. Le praticien doit toujours garder en mémoire les complications lorsqu’il prend en charge un traumatisé thoracique sachant que le terme de traumatisme thoracique « bénin » apparaît comme un diagnostic d’exclusion. Cependant, éliminer pour chaque patient toutes ces complications potentielles nécessite la mise en œuvre d’examens parfois lourds et coûteux (telle la tomodensitométrie) et un suivi du patient dans le temps. On ne peut donc, compte tenu de la fréquence des consultations et de la variété des formes anatomocliniques pour un traumatisme thoracique, appliquer un schéma de prise en charge unique. Il convient de dégager des critères cliniques et paracliniques permettant une évaluation rapide de la gravité potentielle du patient afin de proposer une prise en charge circonstanciée [6].
GENERALITES
Définition
Le TT est défini par l’ensemble des lésions de la paroi thoracique et/ou de son contenu dues à une agression physique de la partie du corps comprise entre le cou et l’abdomen. Au cours de ce travail nous exclurons les traumatismes du rachis, les traumatismes de la ceinture scapulaire, de la clavicule et de l’omoplate.
Epidémiologie
Les données épidémiologiques les plus couramment utilisées sont les statistiques officielles de décès qui concernent des personnes victimes de lésions que l’on peut croire homogènes en gravité, permettant ainsi des comparaisons, d’un pays à l’autre ou d’une époque à l’autre [10]. Mais les décès ne constituent qu’une minorité parmi les patients victimes d’un traumatisme. De plus, les décès tardifs sont parfois sous-estimés. Enfin les lésions directement responsables des décès ne sont pas toujours identifiées avec précision. Les chiffres annoncés ne doivent donc pas être considérés comme des valeurs absolues parfaitement comparables mais plutôt comme des tendances. La répartition selon le mécanisme du traumatisme dépend beaucoup des conditions socio-économiques et géographiques des différentes études. Des différences sensibles sont ainsi notées sur la part des traumatismes par arme à feu, plus élevée dans certaines séries nord-américaines qu’en Europe (42 % des décès traumatiques à Denver ou 45 % à Los Angeles, 19 % en Aquitaine, dont un quart d’origine accidentelle par accident de chasse) [11-13]. Nous retiendrons néanmoins que globalement les accidents de la circulation restent la première cause d’années de vie perdues entre 1 et 65 ans dans la majorité des pays industrialisés, hormis le Japon, avec un pic entre 15 et 24 ans [10,14,15].
L’on considère habituellement que 25 % des décès traumatiques par traumatisme fermé sont directement causés par un traumatisme thoracique grave, et que dans 50 % des autres cas, un traumatisme thoracique contribue peu ou prou aux défaillances aboutissant au décès [16]. Ainsi la mortalité d’un groupe de patients polytraumatisés passe de 27 à 33 % si l’on ne retient que les polytraumatisés avec lésion thoracique. Chez ces patients décédés, les principales lésions thoraciques constatées sont les volets costaux (68 % des cas), les contusions pulmonaires (56 %), les hémothorax et pneumothorax (respectivement 42 et 38 %) [17]. Ces traumatismes thoraciques sont en premier lieu la conséquence d’un accident de la circulation, mais il faut y ajouter les suicides ou agressions ainsi que les chutes d’un lieu élevé.
S’agissant des plaies pénétrantes thoraciques, elles sont majoritairement liées aux armes à feu et favorisées par un contexte d’insécurité voire de guerre civile (60 % de plaies par arme à feu au Nigéria contre 27 % par accidents de la route, en sus des traumatismes par couteau et empalements) [18]. L’étude des décès après une plaie pénétrante thoracique par arme blanche en Afrique du Sud a montré que l’issue fatale était liée 3 fois sur 4 à une atteinte du cœur ou des gros vaisseaux [19].
Physiopathologie du TT
Circonstances
Les causes des traumatismes fermés du thorax sont essentiellement :
– Les accidents de la voie publique ;
– Les chutes
– Les agressions .
Pour ce qui est des traumatismes ouverts, en pratique civile il peut s’agir de :
– Violence sociale notamment agression, combats de rue ;
– Tentative d’autolyse (le coup est strictement antérieur, souvent unique visant l’aire cardiaque) ;
– Accident domestique (chute sur un objet pointu) et accident de travail ;
– AVP ;
– Eclats et blast ;
– Décharge d’un fusil de chasse, coup de corne de bovidé ;
– Plaies thoraciques de guerre.
Mécanismes lésionnels
Traumatismes fermés
Les mécanismes lésionnels sont doubles :
– Soit un traumatisme direct dont l’énergie peut se disperser dans la paroi, notamment chez le sujet âgé, ou au contraire être transmise intégralement au contenu en raison d’une certaine élasticité, surtout chez l’adulte jeune. Les lésions sont alors dues à une hyperpression ou un écrasement, plus rarement une fracture déplacée du gril costal va pouvoir entraîner des lésions par perforation du contenu thoracique transformant alors un traumatisme fermé en traumatisme pénétrant du thorax.
– Soit un traumatisme indirect par décélération avec des lésions internes de cisaillement possibles pour le cœur, les gros vaisseaux (isthme aortique), l’arbre trachéobronchique, l’œsophage, le parenchyme pulmonaire mais aussi les organes pleins des deux hypochondres (foie et rate).
La compression directe : plus l’accélération à laquelle est soumis le centre d’inertie d’un organisme lors d’un déplacement est grande, plus la force appliquée au corps est grande et plus le risque de lésion est élevé
[Force (N) = masse (kg) x accélération (m.s–2)].
Lorsque le corps en mouvement est brusquement arrêté ou s’il est heurté par un objet contondant, l’énergie cinétique est en partie transférée à l’organisme au niveau de la zone d’impact
[Énergie cinétique (Joule) = 0,5 × masse (kg) × vitesse (m.s–1)].
Les caractéristiques de la force appliquée à la zone d’impact ou de l’énergie cinétique transférée expliquent ainsi la sévérité des lésions de compression. La tolérance à la déformation et à la rupture dépend des caractéristiques physiques des tissus et des organes. Les tissus viscoélastiques sont ainsi capables d’absorber une quantité d’énergie importante sans se rompre. La vitesse à laquelle la contrainte mécanique est appliquée est un facteur essentiel de la tolérance à la compression, et le risque de lésion pour une déformation donnée est d’autant plus important que la vitesse de déformation est importante.
La décélération : le corps arrêté brutalement par un obstacle est soumis à une décélération qui génère une force gravitationnelle négative. Une décélération presque instantanée produit des lésions plus importantes qu’une décélération progressive, et ceci d’autant plus que la vitesse initiale est élevée s’agissant des accidents de véhicules motorisés. La tolérance de l’être humain aux variations de force gravitationnelle est différente selon les axes. Maximale d’avant en arrière, intermédiaire d’arrière en avant, la tolérance est bien plus faible pour une décélération verticale, et minimale pour une décélération latérale [21].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
1. GENERALITES
1.1. Définition
1.2. Epidémiologie
1.3. Physiopathologie du TT
2. LES DIFFERENTES LESIONS RENCONTREES CHEZ LE TT
2.1. Les lésions pariétales
2.2. Les lésions du contenu
3. PRISE EN CHARGE PREHOSPITALIERE
3.1. Recherche et correction des détresses vitales
3.2. Bilan lésionnel
3.3. Mise en condition
3.4. Orientation, régulation et transport
4. PRISE EN CHARGE HOSPITALIERE
4.1. Détresses vitales
4.2. Bilan lésionnel
4.3. Traitement
5. EVOLUTION-PRONOSTIC
5.1. Evolution immédiate
5.2. Evolution secondaire
5.3. Evolution tardive
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. PATIENTS ET METHODE
1.1. Patients
1.2. Méthodes
1.3. L’éthique
2. RESULTATS
2.1. Les données épidémiologiques
2.2. Les données relatives au traumatisme thoracique (TT)
2.3. La prise en charge hospitalière
3. DISCUSSION
3.1. Les limites
3.2. Les données épidémiologiques
3.3. Les circonstances et mécanismes
3.4. La prise en charge préhospitalière
3.5. La prise en charge hospitalière
3.6. Les lésions associées
3.7. Paraclinique
3.8. La prise en charge
3.9. L’évolution et le pronostic
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES