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Notion de structure de bandes dans les matériaux organiques conducteurs
Les niveaux d’énergie HOMO et LUMO et la délocalisation
Les liaisons π (et σ) peuvent être liantes notées π (σ) ou antiliantes notées π* (σ*). La liaison π est celle nécessitant la plus forte énergie d’extraction et correspond à l’orbitale la plus haute occupée ou niveau HOMO (Highest Occupied Molecular Orbital) alors que la liaison antiliante π* nécessite une plus basse énergie d’extraction et correspond à la plus basse orbitale atomique inoccupée ou niveau LUMO (Lowest Unoccupied Molecular Orbital). Le doublet d’électrons partagé dans la double liaison (électrons π ) est placé dans l’orbitale moléculaire liante car elle est de plus basse énergie. L’écart entre le niveau HOMO et LUMO est appelé niveau d’énergies interdites ou « gap ». Notons que dans le cas des liaisons σ compte tenu du fort recouvrement axial, l’écart énergétique entre les deux niveaux d’énergies des liaisons liantes (σ) et anti-liantes (σ*) est très important et ne correspond pas à des niveaux d’énergie permettant la conduction. Au contraire, du fait du moins bon recouvrement latéral, l’écart énergétique entre les orbitales π et π* est plus faible. Ainsi les composés possédant ce type de liaisons possèdent des gaps plus réduits et entrent dans la classe des semi-conducteurs. A l’état non dopé les polymères conducteurs présentent un gap de l’ordre de 1 à 4 eV et des conductivités variant de 10-10 à 10-16 S.cm-1.
L’association de plusieurs liaisons au sein d’une molécule va former un système d’orbitale π délocalisée qui provient du recouvrement le long de la chaîne des orbitales pz des atomes de carbones.
Nous avons, ainsi, vu comment, les électrons π peuvent occuper dans une molécule différents niveaux d’énergie. Essayons de comprendre, à présent, pourquoi il est possible de mettre en évidence la notion de bandes d’énergie dans des solides organiques.
Structure de bandes
Si une macromolécule est constituée de 2N atomes, on obtient N niveaux liants et N niveaux antiliants. Les 2N électrons (électrons pi dans les orbitales pi) vont se loger dans les N orbitales pi liantes. Ainsi, les différents niveaux d’énergie des liaisons pi liantes et pi antiliantes de chaque molécule constituant la macromolécule vont former des niveaux d’énergie propres à la macromolécule. Par ailleurs, comme cela a été démontré [23] dans le cas de macromolécules où la chaîne est de longueur finie, les niveaux d’énergie au sein de la bande HOMO ou LUMO sont discrets mais d’autant plus proches que le nombre d’atomes constituant la molécule est grand. De plus, l’augmentation du nombre de niveaux d’énergie contribue à la diminution du « gap » entre le niveau LUMO et HOMO de la macromolécule en diminuant l’écart énergétique entre les liaisons π liantes ou π antiliantes de chaque molécule.
On peut ainsi considérer que dans un matériau organique chaque molécule est séparée des suivantes par un niveau d’énergie. Ainsi, le chevauchement des niveaux d’énergie LUMO entre eux d’une part, et les niveaux d’énergie HOMO entre eux d’autre part (figure I-5), sur l’ensemble du squelette de la molécule laisse naître la notion de bande. Tout se passe comme si les porteurs appartenaient à une bande d’énergie et non pas à une seule orbitale moléculaire.
Les charges dans un matériau organique.
Nous avons vu comment nous pouvions utiliser la structure de bandes dans les matériaux organiques et quelles étaient les propriétés structurelles indispensables aux matériaux organiques pour pouvoir les considérer comme semi-conducteurs. Essayons à présent de comprendre comment est générée une charge au sein de ce matériau et comment s’effectue la conduction.
Génération de charges dans le polymère – Dopage
Les charges qui transiteront au sein du matériau organique peuvent avoir plusieurs origines. Le travail présenté traite d’un polymère conducteur intrinsèque et dont la seule source de charges est l’injection à l’interface polymère – métal. Dans ce cas, le transfert n’a lieu que durant l’application de la tension. Cependant, il existe beaucoup d’applications dans lesquelles les polymères semi-conducteurs sont dopés. Afin d’être le plus complet possible, ce paragraphe traitera du dopage des polymères conducteurs.
Le dopage des polymères conducteurs relève d’un processus différent de celui des semi-conducteurs inorganiques. En effet, les impuretés dopantes, appelées dopants ou contre ions, sont introduites à proximité des chaînes de polymères et non insérées dans le réseau cristallin comme pour les semi-conducteurs classiques. Les valeurs de dopage équivalent des polymères conducteurs peuvent être très élevées et atteindre jusqu’à une impureté dopante pour trois unités monomères. Le dopage peut ainsi permettre d’augmenter considérablement la conductivité pour atteindre des valeurs comparables à celles des métaux (figure I-7). L’augmentation du taux de dopage aboutit à une transition métal isolant. Outre l’augmentation de la conductivité, le dopage peut avoir un rôle important dans la mise en solution du polymère [24] et dans l’organisation structurale de celui-ci [25].
• Figure 7 : Variation de la conductivité des principales familles de polymères conducteurs
Les impuretés dopantes n’étant pas liées directement à la chaîne, le processus de dopage des polymères conducteurs est réversible. Ceci peut conduire à un dédopage du matériau et avoir des effets sur la stabilité dans le temps de la conductivité.
Le dopage peut être de deux types. Soit de type N lorsque les impuretés dopantes sont donneuses d’électrons comme les métaux alcalins, les alcalino-terreux ou les composés organo-alcalins. Il s’agit de contre-ions du type Li+, Na+, K+. Soit de type P, grâce à des halogènes (I2, Br2) ou des sels de métaux de transition (FeCl3). Notons que les polymères dopés P sont généralement plus stables à l’air que ceux dont le dopage est de type N.
Il existe différentes méthodes de dopage : le dopage chimique, le dopage électrochimique ou encore le dopage par implantation ionique.
Le Dopage chimique :
Il peut se faire en phase gazeuse, les agents dopants et le polymère sont alors introduits dans une enceinte sous vide primaire. Ce type de dopage est difficilement contrôlable. Il peut aussi être réalisé en phase liquide, soit en mélangeant en solution le polymère conducteur et les agents dopants. Il peut aussi se faire par trempage d’un dépôt de polymère dans une solution de dopants, comme cela peut se faire pour le poly(3-octyl)thiophène [26].
Le dopage électrochimique :
Ici, le polymère à doper est placé sur une électrode métallique et plongé dans une solution organique. L’application d’une tension entre cette électrode et l’électrode de référence (Li, Pt), entraîne par passage du courant, l’ionisation du polymère et par conséquent, son dopage. Ce type de dopage est plus homogène et plus facilement contrôlable que le dopage chimique. De plus, il peut permettre le dépôt d’un film mince de polymère dopé ou non sur une électrode métallique [27].
Le dopage par implantation ionique :
Il s’agit de bombarder les films de polymères par des ions alcalins (Na+, Cs+…) et de générer ainsi, des défauts par rupture des liaisons chimiques. Cette technique peu utilisée car coûteuse et destructive a permis de doper des films de polyparaphénylène [28, 29].
Le polaron
La différence fondamentale entre les matériaux organiques et les semi-conducteurs classiques (inorganiques) réside dans la grande faculté de déformation des molécules organiques, alors que les réseaux cristallins tridimensionnels sont bien décrits par des modèles de bandes rigides. Ainsi, contrairement aux semi-conducteurs inorganiques, l’introduction d’une charge dans un matériau organique ne se traduit pas nécessairement par l’apparition d’un trou dans la bande de valence ou d’un électron dans la bande de conduction mais entraîne une déformation locale de la molécule. La structure aromatique, très souvent rencontrée dans les matériaux organiques conducteurs permet d’illustrer ce phénomène. Elle possède deux structures de résonance, une forme quinonique instable et une forme aromatique plus stable (voir figure 8). La présence d’une charge dans cette structure déforme localement la chaîne (sur 3 ou 4 unités monomèriques). La déformation la moins coûteuse d’un point de vue énergétique est la permutation de liaisons simples et doubles. C’est le passage de la forme aromatique stable à la forme quinonique qui, bien que plus énergétique, possède un potentiel d’ionisation plus bas et favorise ainsi la polarisation. L’interaction charge/déformation donne naissance à une quasi-particule : le polaron. Il est associé à deux niveaux d’énergie localisés dans la bande interdite (voir figure I-9 b). Si une seconde charge est introduite, soit un deuxième polaron peut naître sur un autre niveau d’énergie, soit la charge se place sur le défaut déjà existant, formant ainsi un bipolaron (I-9c). En réalité, d’un point de vue énergétique, la formation de bipolarons est plus favorable [30] que celle de deux polarons mais les répulsions coulombiennes [31] peuvent favoriser la création de polarons à partir de la dissociation d’un bipolaron. Les deux phénomènes sont en compétition et il est difficile de prédire la configuration la plus stable. La formation de polarons ou de bipolarons a pu être mise en évidence à partir de mesure RPE (Résonance Paramagnétique Eléctrique) [32] et par des mesures optiques [33]. L’augmentation du nombre de bipolarons peut entraîner le recouvrement des niveaux d’énergie et créer des bandes polaroniques.
Les composants réalisés à partir de matériaux organiques
Ce paragraphe est consacré aux composants les plus classiques de la microélectronique organique, les diodes et les transistors. Dans un premier temps nous parlerons de la jonction métal – semi-conducteur, nous traiterons ensuite des diodes électroluminescentes organiques (OLED) avant de terminer par une revue détaillée des transistors organiques. Le travail réalisé au cours de cette thèse se consacre plus à l’étude du contact métal – semi-conducteur organique et à l’étude des transistors qu’à celle des OLED et de leurs propriétés optiques. Cependant il semble important d’aborder le principe de fonctionnement de ces composants et de faire un état de l’art de ces diodes qui sont à l’origine du développement de l’électronique organique.
Les interfaces, les diodes
L’étude des interfaces dans le domaine des semi-conducteurs organiques s’avère plus complexe que dans celui des semi-conducteurs inorganiques. En effet, les matériaux organiques présentent souvent une certaine réactivité chimique et peuvent former de nouveaux complexes notamment à l’interface métal/organique.
Dans le cas particulier des diodes électroluminescentes les matériaux organiques sont en général non dopés. Ils présentent intrinsèquement le caractère accepteur ou donneur d’électrons. Les centres dopants doivent être bannis car ils agissent comme des centres d’extinction de la luminescence [43, 44]. Aussi, les matériaux utilisés pour ce type d’applications sont plutôt du type isolant.
Il convient alors d’étudier deux processus. D’une part, l’injection des porteurs aux électrodes, d’autre part, le transport dans ces couches organiques. Différents mécanismes peuvent être envisagés mais l’étude des phénomènes d’injection et des caractéristiques I-V des composants de ce type sera abordée dans les chapitres suivants. Ce paragraphe constitue plus une approche du principe du contact métal – semi-conducteur et du fonctionnement des diodes.
La jonction métal – semi-conducteur
Aujourd’hui, de nombreuses études ont démontré que l’utilisation du modèle de Mott-Schottky appliqué aux matériaux inorganiques est abusive. En effet, ce modèle est basé sur deux hypothèses, l’alignement du niveau du vide à l’interface des deux matériaux et l’alignement des niveaux de Fermi, rendu possible par la courbure des bandes d’énergie du semi-conducteur au niveau de l’interface (voir figure 10 [45]). Dans le cas des matériaux organiques, des dipôles situés à l’interface métal/semi-conducteur peuvent se créer et perturber le système entraînant un non alignement du niveau du vide [46].
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – NOTION SUR LES PHENOMENES DE CONDUCTION DANS LES MATERIAUX ORGANIQUES ET SUR LES COMPOSANTS A BASE DE CES MATERIAUX
1.1 Historique
1.2 Mécanismes de conduction
1.2.1 Les matériaux organiques conjugués
1.2.1.1 L’atome de carbone et la liaison π
1.2.2 Notion de structure de bandes dans matériau organique
1.2.2.1 Les niveaux d’énergie et la délocalisation
1.2.2.2 Structure de bandes
1.2.3 Les charges dans un matériau organique
1.2.3.1 Génération de charges dans le polymère
a) Le dopage chimique
b) Le dopage électrochimique
c) Le dopage par implantation ionique
1.2.3.2 Le polaron
1.2.3.3 Le déplacement des charges
1.2.3.4 Les phénomènes de transport dans les polymères conducteurs
a) La conductivité
1.3 Les composants réalisés à partir de matériaux organiques
1.3.1 Les interfaces, les diodes
1.3.1.1 La jonction métal – semi-conducteur
a) Le contact ohmique
b) Le contact redresseur
1.3.1.2 Principe de fonctionnement d’une OLED
a) Injection des porteurs
b) Recombinaison des porteurs
c) Extraction des photons
1.3.1.3 Les matériaux utilisés
a) Les transporteurs de trous HTL
b) Les transporteurs d’électrons ETL
c) Les matériaux émissifs et les dopants
d) Les couches d’injections
e) Les polymères
1.3.1.4 Les techniques de réalisation
1.3.2 Le transistor organique
1.3.2.1 Principe de fonctionnement d’un transistor organique
a) Du transistor à effet de champ inorganique au transistor à effet de champ organique
b) Le transistor Schottky
1.3.2.2 Les performances
a) Les oligothiophènes
b) Le pentacène
c) Les polythiophènes
d) Les matériaux de type n
e) Les autres matériaux
1.3.2.3 Les techniques de réalisation
a) L’électropolymérisation
b) La tournette
c) Le dépôt sous vide
d) Langmuir-Blodgett Technique (LB)
1.3.2.4 Vers un transistor tout organique
1.4 Conclusion du 1er chapitre
Références du Chapitre 1
CHAPITRE 2 – LES DIODES ORGANIQUES ET LE P3OT
2.1 Introduction
2.2 Les modèles théoriques
2.2.1 Le courant limité aux interfaces
2.2.1.1 Effet Tunnel
2.2.1.2 Emission Thermoionique
2.2.2 Courant limité par la charge d’espace
2.2.2.1 A faible tension de polarisation
2.2.2.2 Pour des tensions moyennes
a) Cas d’un matériau sans pièges
b) Cas d’un matériaux avec pièges
2.2.2.3 Effet Poole-Frenkel
2.3 Choix du matériau
2.3.1 Le choix technologique
2.3.2 Le choix du matériau : Le Poly(3-octylthiophène)
2.4 Les composants réalisés
2.4.1 Les diodes organiques classiques : Mise au point du procédé technologique
2.4.1.1 Préparation de l’anode
2.4.1.2 Elaboration de la couche de polymère
2.4.1.3 Dépôt de la cathode
2.4.2 Les structures dites ohmiques
2.5 Caractérisation électriques des composants
2.5.1 Caractérisation des diodes
2.5.1.1 Caractérisation I(V)
2.5.1.2 Modification du métal de cathode
2.5.1.3 Le mode d’injection
2.5.1.4 Caractérisation thermique
2.5.1.5 Estimation de la permittivité relative du P3OT
2.5.1.6 Caractérisation C(V)
2.5.1.7 Les structures ohmiques
2.6 Conclusion du Chapitre 2
Références du chapitre 2
CHAPITRE 3 – LES TRANSISTORS ORGANIQUES A BASE DE P3OT
3.1 Réalisation technologique
3.1.1 Transistor
3.1.2 Le substrat et le contact de grille
3.1.3 L’isolant de grille
3.1.4 Elaboration des électrodes de drain et source
3.1.5 Le canal de conduction, couche active en P3OT
3.2 La modélisation
3.2.1 Equation de Shockley
3.2.2 Extraction de la mobilité
3.2.3 Dépendance de la mobilité en fonction de la tension de grille .. 108Table des matières
3.2.4 Dépendance de la mobilité en fonction de la température
3.2.5 Les différents modèles
3.2.5.1 Les polarons
3.2.5.2 Le piégeage et dépiégeage multiple
3.2.5.3 Les joints de grains
3.2.5.4 Modèle de saut et de saut à distance variable
3.3 La caractérisation électrique
3.3.1 Caractéristique Id(Vd)
3.3.2 Extraction de la mobilité
3.3.3 Dépendance de la mobilité en fonction de la tension de grille
3.3.4 Etude du vieillissement des structures
3.4 Conclusion du chapitre 3
Références du chapitre 3
CONCLUSION GENERALE
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