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Anthropologie
Dans son ouvrage « anthropologie du projet », J.P. Boutinet (1990, 2015, 2017) distingue deux lignes de projets : une ligne de projet linéaire qui est l’organisation du projet et une deuxième ligne du projet qui est le sens donné au projet. Nous empruntons à l’anthropologie la théorie de l’anticipation développée par J. P. Boutinet (1990, 2015, 2017). Cette approche anthropologique vise ainsi à identifier la diversité des situations, à comprendre comment fonctionne le projet dans différents ensembles culturels et dans différents environnements : environnement de coopération internationale (projet standard, projet d’aide internationale au développement) et dans un environnement informel tel dans le cas des projets diasporiques et de l’exo-financement. De même, la migration est un élément de la vie sociale que l’on retrouve à travers le temps et les continents et qui fait aussi appel à la sociologie.
Sociologie
La migration un élément de la vie sociale
Se démarquer d’une vision technique et financière dans les projets, conduit à porter un regard « sociologique » à la notion d’exo-financement et des transferts. A travers leurs transferts matériels, financiers, les acteurs renégocient les relations de confiance, de pouvoirs, au sein desquels d’autres pratiques circulent. Intégrer la mobilité à l’étude des sciences contemporaines et réciproquement, s’appuyer sur les avancées des sciences sociales est aussi au cœur de notre sujet de thèse. Le terrain à travers trois diasporas : diasporas ivoiriennes, sénégalaises et maliennes nous permet d’analyser les facteurs sociologiques qui façonnent les projets réalisés par les diasporas, car ces projets s’inscrivent dans des dynamiques sociales, communautaires et collectives.
La double appartenance des diasporas ivoiriennes, maliennes et sénégalaises
Aussi, en partant de l’hypothèse qu’on ne peut étudier l’immigré sans l’émigré, ce qui fait aujourd’hui consensus, nous conduit à porter un regard sur cette double appartenance des migrants ivoiriens, maliens et sénégalais. En effet, Sayad (1999) construit alors son objet sociologique à partir des témoignages et des récits d’émigrés algériens. Il s’intéresse aux conditions de départ de ces émigrés de leur pays d’origine jusqu’à leur installation définitive dans le pays d’accueil. Pour lui, émigration et immigration sont indissociables et c’est pourquoi, il donne une importance capitale à la prise en compte des trajectoires d’émigrés. Il estime que cela permettra d’établir une différence entre deux variables : « les variables d’origine et les variables d’aboutissement ». Il entend par variables d’origine « Cet ensemble de caractéristiques sociales, de dispositions et d’aptitudes socialement déterminées, dont les émigrés étaient déjà porteurs avant leur entrée en France (caractéristiques permettant d’apprécier la position que l’émigré occupait dans son groupe d’origine, comme l’origine géographique et/ou sociale, caractéristiques économiques et sociales de ce groupe, attitudes du groupe, du sujet lui-même à l’égard du phénomène migratoire), telle qu’elle est établie par la tradition locale d’émigration, etc. ». Et par variables d’aboutissement : « les différences qui séparent les immigrés dans leurs conditions de travail, d’habitat, etc. en France même » (A. Sayad, 1999 : p : 57-58). « Étudier les migrants à partir de leurs seules conditions d’immigré, c’est faire abstraction de certaines réalités qui peuvent être d’ordre politique, économique, social et culturel de leur pays d’origine ». Qu’est ce qui ressort comme symboles forts dans les projets des diasporas ? Qu’est-ce qui relève d’une lecture sociologique dans l’exo-financement et dans ces projets, les TFM ? Nous retenons comme hypothèse que les comportements, les attitudes des diasporas ivoiriennes sont plutôt d’ordre socio-économique et politique. « Alors que, pour les diasporas sénégalaises et maliennes, l’acte du transfert d’argent, par la population qu’il mobilise, des donneurs aux receveurs, par les logiques familiales qui la sous-tendent et tout le spectre qu’il couvre (économique, politique, juridique, religieux.) met le chercheur face à de véritables prestations sociales totales, au sein desquelles l’aspect marchand et uniquement rationnel, se fond dans un ensemble de prédicats de l’ordre de l’architecture culturelle et sociale » El Hadj Gassama (2018).
Le paradigme du don
Une autre lecture sociologique avec la grille de Mauss (1925) du don / contre-don parait ici sur certains points restreinte et anachronique, et sur d’autres, opportune. Dans l’Essai, Mauss (1923) décrit le fonctionnement du don, et de la triple obligation, donner, recevoir, rendre chez les peuples amérindiens. « Chez les donateurs des transferts d’argent, la nature de ce qui est reçu est protéiforme, elle change, évolue en fonction du contexte de l’environnement dans lequel vivent les diasporas. Il n’y a donc pas de symétrie entre ce qui est donné (de l’argent), ce qui est financé et de ce qui est reçu » El Hadj Gassama (2018).
Si la grille de Mauss (1925) offre un cadre qui permet d’illustrer l’exo-financement des projets des diasporas, le paradigme du don permet de retenir ce qui fonde l’échange de toutes les communautés et qui malgré les spécificités régionales et culturelles est une clé de lecture pertinente. L’ambition de cette étude est d’explorer ce parcours des diasporas et son organisation, à travers une gouvernance polycentrique, les discours des acteurs, les parties prenantes, autour de la notion d’exo-financement. Le discours des associations de diasporas fait entrer dans un champ politique (de science politique) des pratiques préexistantes spontanées, informelles et apolitiques.
Science politique
Le champ de la coopération internationale
Le contexte institutionnel joue un rôle primordial et en conséquence il ne peut être écarté, de même que l’historique de ces institutions politiques après les indépendances des pays du Sud, autant que leurs avancées et leurs transformations. En ce qui concerne le milieu associatif, l’inscription des associations de diasporas dans le champ de la coopération internationale transforme les relations diasporas/États/ONG. Ainsi, la formalisation d’un partenariat diasporas/ONG/État s’accompagne d’une demande de reconnaissance.
L’immigration et la diplomatie
Selon W. de Wenden (2019), « Les migrations sont utilisées comme force de négociation pour les accords de reconduction à la frontière en échange de politiques de développement et des visas pour les plus qualifiés (cas des pays d’Afrique sub-saharienne). Cette « soft diplomacy » s’étend aussi aux pays d’accueil, notamment par le biais de l’adoption de politiques d’introduction du droit du sol dans les anciens pays de droit du sang. Et le Brésil qui a naturalisé ses émigrés dès les années 1890, pour des raisons démographiques et de cohésion sociale ». Après avoir exploré ces disciplines des sciences économiques et sociales : sociologie, science politique, anthropologie, nous sollicitons l’économie du développement par la thématique sur les projets d’aide internationale au développement.
L’économie du développement
L’approche par les capacités
Notre démarche empirique mobilise l’approche par les capacités d’A. Sen (1980) : l’auteur propose de repenser un nouveau modèle de développement dans lequel la liberté des individus se présente comme une valeur primordiale. En effet, le professeur Amartya Sen (1999) est un spécialiste reconnu de la théorie du choix social. Sur cette base, il a réhabilité la dimension éthique de l’économie en l’orientant, plus particulièrement, vers une nouvelle vision du développement. Cela l’a conduit à réfléchir sur un mode de développement qui privilégie la liberté considérée tout autant comme finalité que comme moyen : son raisonnement est ainsi centré sur le concept de « capabilité ». Ainsi, A. Sen (1980) contribue à la conception du développement humain et à l’élaboration d’indicateurs de suivi, comme l’indicateur du développement humain (IDH).
Si l’on définit le développement comme une amélioration qualitative et quantitative de variables économiques (le revenu), sociales (la santé, le logement, l’éducation) et psychologiques (l’estime de soi), l’approche par les capacités est celle qui est la plus à même de rendre compte des situations socio-économiques des pays et de leurs populations. Toutefois, le passage du microéconomique au macroéconomique pose un certain nombre de problèmes méthodologiques comme la mesure du bien-être individuel ou celle du développement.
Quelle est la conséquence de cette approche par rapport à l’exo-financement ? La conséquence en est que, lorsque les diasporas envoient de l’argent dans leur pays d’origine, elles n’obéissent à aucune contrainte extérieure, ni de l’État de leur pays d’origine, ni de leur pays d’accueil et encore moins par un quelconque dispositif de la coopération internationale.
Les projets de développement
Autre constat, le projet des diasporas réalisé dans leur pays d’origine et leur exo-financement s’inscrivent tous deux dans les projets de développement. Entre autres, l’intérêt des organisations internationales pour les transferts de fonds et le rapport argent des diasporas-développement s’est accru. Un bref regard historique permet d’observer que le rapport transferts de fonds-développement constitue le nouveau paradigme qui remplace l’ancien, aide publique-développement. L’aide publique au développement ayant quelque peu failli à sa mission, il est impératif qu’on puisse lui substituer aujourd’hui, les envois de fonds. Spèranta Dumitru (2013) a montré que l’idée d’après laquelle l’aide publique au développement permet de sortir de la pauvreté était déjà présente pendant la seconde guerre mondiale. Elle avait été proposée par Paul Rosenstein (1961) pour qui, « une aide extérieure était nécessaire pour financer l’industrialisation des régions internationales défavorisées ». Pourtant, plusieurs décennies plus tard, l’aide publique au développement n’est pas parvenue à résorber la pauvreté dans les pays en développement. Elle semble, au contraire inefficace dans plusieurs cas. Ainsi, l’auteur propose de « substituer à l’aide publique au développement, la migration comme mesure complémentaire, dans les cas où l’aide est inefficace ». Il s’agit ici bien d’une mesure complémentaire dont on ne sait pas à priori si elle parviendrait à diminuer la pauvreté. De même, nous nous appuyons sur les différents débats dans l’économie du développement : Youker (1999) met en avant certains critères d’échec des projets liés à leur mode de gestion et d’implantation dans la communauté, entre autres, une planification mal définie, peu réaliste et non actualisée. De ces ancrages disciplinaires, d’autres interactions ont influencé nos travaux de recherche, notamment, notre positionnement épistémologique.
Positionnement épistémologique de cette thèse
Épistémologie : définition et paradigmes mobilisés
Définition
En sciences de gestion, le terme « épistémologie » vient du grec « épistémê » qui signifie « connaissance » ou « science » ; et de « logos » qui évoque le « discours sur » mais aussi la « logique de » (Le Moigne, 1995, 2012). L’épistémologie est considérée comme la science des sciences ou une philosophie de la pratique scientifique sur les conditions de la validité des savoirs théoriques (Herman, 1988). La définition synthétique que Piaget (1967, p.6)
donne de l’épistémologie est « l’étude de la constitution des connaissances valables ». L’épistémologie se définit aussi d’après Lalande (2002, p.293) comme « l’étude critique des principes, des hypothèses et des résultats des diverses sciences, destinées à déterminer leur origine logique (non psychologique), leur valeur et leur portée objective ». L’épistémologie diffère de la méthodologie, affirme l’auteur car celle-ci est « l’étude des méthodes scientifiques et fait partie de la logique ». Toujours selon Lalande (2002), l’épistémologie étudie la connaissance de manière à postériori. Les deux disciplines sont liées puisqu’elles étudient toutes deux la connaissance. La recherche en sciences de gestion est ainsi gouvernée par plusieurs paradigmes. L’épistémologie s’intéresse principalement aux trois questions fondamentales (Thiétart et al., 2014):
1. Qu’est-ce que la connaissance ?
2. Comment est-elle élaborée ou engendrée ?
3. Comment justifier le caractère valable d’une connaissance, la valeur ou la validité de la connaissance produite ?
La réponse à ces questions importantes oriente le chercheur vers une posture épistémologique. Ainsi, l’épistémologie permet au chercheur de contrôler sa démarche de recherche et d’accroitre la validité de la connaissance produite. Dans la mesure où la finalité d’une recherche est d’élaborer des connaissances, il est crucial pour un chercheur de légitimer sa démarche à travers les trois questions précédentes. Cela suppose pour le chercheur de faire référence à des visions du monde partagées par une communauté scientifique, qualifiées de paradigmes épistémologiques.
Les paradigmes à l’oeuvre
Le mot « paradigme » a été popularisé par Kuhn (1962). Un paradigme désigne « une constellation de croyances, valeurs, techniques, etc. partagées par une communauté donnée » (Kuhn, 1962, p.175). « Le paradigme n’est pas une théorie ou un outil conceptuel, c’est une manière de voir le monde » (Dumez, 2013, p.56). Ces paradigmes, au sens de Kuhn (1962), constituent autant de modèles, schémas intellectuels ou cadres de référence dans lesquels peuvent s’inscrire les chercheurs en sciences de l’organisation. L’option pour un paradigme au détriment d’un autre nous oblige à poser un certain nombre de questions par rapport à notre projet de recherche. Il s’agit de savoir « quelle est la nature de la connaissance produite ; comment la connaissance scientifique est-elle engendrée ? Et quels sont (les) (la) valeur et le statut de cette connaissance ? » (Perret & Seville, 2007, p. 14). Toutefois, il parait utile de présenter, même de manière synthétique, les positions épistémologiques des trois paradigmes généralement admis en recherche au sein des sciences de gestion. : le positivisme, l’interprétativisme et le constructivisme n’ont pas la même approche du cheminement de la connaissance. Il importe de les connaître afin de trouver celui qui sied à l’objet de la présente recherche. L’on considère souvent que les trois paradigmes épistémologiques, le positivisme d’une part, le constructivisme et l’interprétativisme d’autre part, s’opposent.
Le paradigme constructiviste
Le constructivisme est une approche de la connaissance reposant sur l’idée que notre image de la réalité, ou les notions structurant cette image, sont le produit de l’esprit humain en interaction avec cette réalité, et non le reflet exact de la réalité elle-même. Le constructivisme repose sur une ontologie relativiste. Piaget (1967) est celui qui a avivé les réflexions sur le constructivisme dans sa forme originelle. Dès lors, les courants constructivistes se sont développés pour que l’on puisse les présenter sous une forme enseignable (Le Moigne, 1995 ; 2012). Le paradigme constructiviste repose sur l’hypothèse fondamentale selon laquelle la connaissance est la représentation de l’expérience cognitive. Ainsi, la connaissance des phénomènes résulte d’une construction effectuée par le sujet.
Pour les constructivistes, « le réel est construit par l’acte de connaître plutôt que donné par la perception objective du monde » (Le Moigne 1995, cité par Perret & Séville, 2007, p.24). C’est-à-dire que la compréhension est le résultat d’une construction. Cette construction est processuelle : elle s’élabore au fur et à mesure que la connaissance se découvre. « Le chemin de la connaissance n’existe pas à priori, il se construit en marchant » (Perret & Séville, 2007, p.24). Mais si le chemin se découvre il n’en demeure pas moins que la destination est connue. Dès lors, quel cheminement emprunté pour identifier et comprendre les facteurs clés de succès de l’exo-financement puis du projet réalisé par les diasporas dans leur pays d’origine. Pour cela, il faut donc comprendre le processus d’organisation des diasporas à travers l’exo-financement des projets réalisés dans leur pays d’origine.
Étudier comment ces diasporas se mobilisent-elles pour l’exo-financement d’un projet ? C’est comprendre comment le processus se produit ? Deux possibilités : partir des intentions, des motivations des diasporas et des acteurs et les interpréter par la suite ou alors émettre une hypothèse téléologique disposant qu’il est possible de bâtir un modèle à même de permettre in fine la compréhension du contexte dans lequel des facteurs clés de succès de l’exo-financement et des projets des diasporas peuvent être définis et identifiés.
Cependant, au sein du paradigme constructiviste, il existe deux courants : un courant du « constructiviste radical qui affirme que la réalité n’existe pas en soi mais n’est qu’une réalité construite socialement Glasersfed, (1998). Et un courant dit « constructivisme modéré » qui ne se préoccupe pas d’en savoir la réponse et affirme que la réalité construite aborde néanmoins des éléments objectivables. Nous sommes alors en présence de deux courants : un courant systématique et un courant systémique. Le courant systématique présente par exemple les parties prenantes comme des catégories d’acteurs qui sont impliqués dans le processus d’organisation des diasporas à travers l’exo-financement mais aussi à travers la réalisation des projets dans le pays d’origine. Au contraire, le courant systémique, suppose que ces acteurs sont des parties prenantes susceptibles d’influencer l’exo-financement et sachant que cette influence est un phénomène aléatoire et imprévisible sachant que tous ces acteurs (toutes les parties prenantes de l’exo -financement et de ces projets) participent à une construction sociale et à une transformation sociale sinon à un changement social.
Après avoir retenu le constructivisme comme paradigme pertinent pour servir de fil conducteur pour la conduite de cette réflexion, il convient d’adjoindre à ce mode d’appréhension de la réalité un autre paradigme, le positivisme.
Le paradigme positiviste
Le positivisme a été initié par Auguste Comte (1830-1845), et développé par un grand nombre d’auteurs tels que : Hempel, (1905), Kuhn (1962), et Popper (1968). L’épistémologique positiviste a longtemps dominé les sciences à partir de la seconde moitié du XIXème siècle. À cette époque, la science est envisagée comme un ensemble de connaissances et d’études « d’une valeur universelle, caractérisées par un objet et une méthode déterminée, fondés sur des relations objectives vérifiables » (Le Moigne, 2012). Pour les positivistes, le cheminement de la recherche tente de montrer les causes qui expliquent la réalité. Lesquelles causes sont toujours extérieures au chercheur et préexistent à sa recherche (Le Moigne, 1995). Le chercheur doit se placer en position d’extériorité par rapport au phénomène étudié. Il le peut puisque l’observateur et l’objet étudié sont supposés être deux entités séparables. Dans ce contexte, le chercheur doit rester détaché et distant de l’objet étudié, faisant ainsi preuve de neutralité et d’objectivité. Dans cette étude peut-on aussi parler d’une posture positiviste ? Ou hybride ? Puisque nous faisons appel à des données chiffrées telles que les flux relatifs aux transferts des migrants, à l’aide publique au développement et aux statistiques sur les migrations.
Interactions entre le chercheur et sa recherche
Intégrer les diasporas antillaises, lors de mon arrivée en métropole m’a évoqué des similitudes avec les diasporas africaines. De même mon séjour en Côte d’ivoire en qualité d’expatriée m’a aussi permis de me sensibiliser aux cultures africaines et de saisir certains aspects. Ces travaux de recherche se situent aussi dans le prolongement de dix années de travail au sein d’un cabinet de conseil et comme intervenante sur des missions d’évaluation de projets de développement. C’est dans ce cadre, qu’une bonne partie des matériaux sur les projets d’aide internationale au développement a été recueillie. Ma légitimité pour étudier les procédures de financement des projets d’aide internationale au développement était clairement liée à mon statut professionnel. Mon parcours de consultante dans des missions de coopération internationale et dans des missions d’évaluation de projets de développement m’a permis d’acquérir des connaissances sur les normes, les référentiels et les pratiques de financement des bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux et sur les projets d’aide internationale au développement.
Lors de ces différentes interventions, nous avons participé à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation de plusieurs projets d’aide internationale au développement notamment le projet PAFPA le (Programme D’appui à la Formation de la Population Active) en Côte d’Ivoire. Le Gouvernement ivoirien a obtenu de l’IDA (Banque Mondiale) un financement afin d’améliorer la compétitivité de son économie à travers le renforcement de la productivité et de la capacité d’emploi de la main-d’œuvre. Une des composantes de cet appui est constituée par le projet d’Appui à la Formation de la Population Active (PAFPA) exécuté par le FDFP (Fonds de développement de la formation professionnelle). Autres interactions, l’environnement doctoral et du laboratoire de Lirsa par ses formations et ses conférences scientifiques.
L’environnement doctoral et l’ancrage académique
Dans cet environnement doctoral, le professeur Yvon Pesqueux a contribué au choix de l’objet de recherche : l’exo-financement des projets des diasporas réalisés dans leur pays d’origine. De même Anne Marchais-Roubelat, lors des séminaires DSY 223, m’a permis de comprendre d’une part l’approche par les capabilités de A. Sen (2008) et d’autre part les situations de « bottom up » et de « top down » dans les projets d’aide internationale au développement.
Des travaux de recherche des doctorants inscrits dans la même discipline et qui ont travaillé sur des sujets proches m’ont inspiré dans mes travaux : notamment Ahizi Dorcas, dans sa réflexion et critiques sur l’évaluation des projets d’aide internationale au développement (thèse avril 2019) : « Évaluation de la performance de projets d’aide internationale au développement : exemple de trois projets exécutés en Côte d’Ivoire » ; José Raserijaona, à qui nous avons emprunté le concept de proximité (thèse décembre 2017) « Formation et maintien des petites entreprises par leur intégration collective à des proximités Agies » ; Souchinda Sangkhavongs Pravong dans son approche de la diaspora comme une organisation (thèse décembre 2019) : « Comment une communauté devient-elle une organisation ? Tension entre image, figuration et configuration dans l’organogénèse d’une diaspora. Le cas des experts laotiens et des associations laotiennes en France ». De même, après un échange avec un doctorant et Pascale De Rozario, lors de la 7ème édition du colloque de l’ASSG sur le « Management des ressources naturelles en Afrique, enjeux, pratiques et perspectives », j’ai pu récupérer la thèse de Seydou Sane sur « Exploration des facteurs de succès des projets d’aide publique au développement : le rôle de l’apprentissage organisationnel » ; thèse qui m’avait inspiré sur ma thématique pour mon mémoire de propédeutique en 2015. Pour présenter les principaux jalons de notre travail d’investigation, mené en articulant approche empirique et apport théorique, au préalable nous décrivons notre positionnement épistémologique.
Une posture constructiviste
Notre démarche de recherche s’apparente à une posture constructiviste. Une démarche exploratoire, voire abductive avec des échanges continus entre terrain et théories et avec une certaine sérendipité a en effet été mobilisée : puisque des objets se sont dévoilés progressivement, exemple ma dernière mission n’était pas programmée, elle s’est révélée par rapport aux rencontres faites sur le terrain. À la suite des allers-retours récurrents entre l’investigation théorique et l’investigation empirique, nous avons exposé régulièrement nos travaux d’avancement face à la communauté académique, lors de séminaires doctoraux (DSY223) comme ceux de notre laboratoire « Lirsa » ou lors des colloques scientifiques et internationaux ; ce qui nous a permis d’intégrer les recommandations de la communauté académique tout au long de nos travaux de recherche.
En résumé, notre posture constructiviste propre à cette question de recherche sur l’exo-financement des projets réalisés par les diasporas dans leur pays d’origine nous conduit à adopter une démarche exploratoire initialement abductive, puis inductive. In fine, il s’agit d’adopter une méthode d’analyse à la fois systématique et systémique consistant à identifier les parties prenantes impliquées dans l’exo-financement à partir du pays d’accueil, dans la gouvernance multi-niveau des associations et dans la gestion des projets réalisés dans le pays d’origine des diasporas. Les éléments épistémologiques étant mis à jour, il s’agit à présent d’exposer le dispositif méthodologique de notre recherche.
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Table des matières
Introduction
Constats et problématique, intérêt de la question de recherche
Question de recherche et questionnements sous-jacents
Cadre théorique : Les grands courants en management de projet
Terrain, méthodologie et acteurs de développement investigués
Notion d’organisation à travers l’exo financement et la gestion de projet
Présentation du plan
Première partie : Cadre méthodologique et fondements théoriques de la recherche
Chapitre 1. Posture épistémologique, cadre méthodologique
Sciences de gestion
Anthropologie
Sociologie
Science politique
L’économie du développement
Positionnement épistémologique de cette thèse
Épistémologie : définition et paradigmes mobilisés
Interactions entre le chercheur et sa recherche
Méthodologies utilisées
Participation observante dans une mission terrain du FORIM en Côte d’Ivoire
Entretiens
Questionnaires
Documentation utilisée
Journal de bord
Analyse de contenu
Chapitre 2. Problématique et cadre conceptuel
Les transferts de fonds vus par les organismes de coopération internationale
Quelle est la logique qui soustend ces transferts ?
Justification du terrain ouest-africain
Définition des concepts utilisés
Formel et informel
Approche conceptuelle de la notion de transferts de fonds des migrants (TFM)
Les TFM de nature domestique
Les transferts destinés au financement des investissements de nature économique
Question de recherche
Chapitre 3. Caractérisation de l’exo-financement dans l’univers des projets de développement
Le concept de projet : diversité des approches
La gestion de projet, un courant mécaniste
L’instrumentation spécifique du projet : le management de projet
Qu’en est-il du projet dans les organisations ?
Projet collectif, projet entrepreneurial
Le projet, organisation permano-temporaire
La validation du projet
Méthodes et principes d’évaluation du projet
Les facteurs clés de succès du projet
Chapitre 4. Le projet de développement, une variante du projet standard
L’émergence d’une idéologie
La dimension économique du développement
La dimension socioculturelle du développement
La dimension politique du développement
Les caractéristiques du projet de développement
Qu’entend-on par projet de développement ?
La dimension multiple du projet de développement
Le projet de développement face à de nouveaux défis
Le projet d’aide internationale au développement
La spécificité des projets d’aide internationale au développement
Les différents débats dans l’économie du développement
Le projet diasporique et son exo-financement : un projet « atypique »
Qu’est ce qui fait la spécificité de ce projet ?
Le projet diasporique avec son exo-financement, un projet mobilisateur ?
Un espace projet « informel »
Le projet diasporique, une gestion sociale communautaire et solidaire
L’exo-financement et les ressources non financières
Un projet dans un espace transnational facilité par les nouvelles technologies
Conclusion de la première partie
Deuxième partie : Les éléments de contexte institutionnels, politiques et socio-économiques
Introduction
Chapitre 5. Les mutations institutionnelles africaines après les indépendances
Une gestion concertée entre le pays d’accueil et le pays d’origine
Un début de formalisation de l’exo-financement
Le codéveloppement
Les ONG acteurs de la société civile
L’épargne solidaire
Chapitre 6. Les diasporas, 6ème région du continent africain
Evolution de la notion de « diaspora »
Diasporas et solidarité internationale
Diasporas et mouvement d’origine économique
Chapitre 7. L’exo-financement, une nouvelle source de financement dans la coopération internationale 169 Les transferts de fonds des migrants (TFM)
Des mouvements de fonds valorisés par les organisations internationales
Une manne financière pour le développement
Migration, envois de fonds et développement
Impacts macroéconomiques des TFM sur le pays d’origine
Impact des TFM sur la croissance et l’investissement
Impact respectif sur la réduction de la pauvreté
Les Transferts de fonds informels
Pour la littérature « optimiste » et « pessimiste »
Impact des TFM (transferts de fonds des migrants) sur l’investissement : un effet limité
Limites de la définition officielle des TFM
Conclusion de la deuxième partie
Troisième partie : Approche empirique. Résultats, Discussion
Introduction
Chapitre 8. L’approche empirique
Le cadre empirique : Des associations de diasporas à l’exo-financement des projets
L’importance des transferts de fonds par les diasporas
Les Diasporas et le développement
Quelles sont les opportunités de financement ?
Mécanismes incitatifs au développement du marché des transferts
La théorie des parties prenantes (PP)
Les typologies unidimensionnelles
Les typologies multidimensionnelles
Le récapitulatif des systèmes de classification des parties prenantes
Un ensemble de critiques portées à l’encontre de la théorie des PP
L’approche par les capacités, une théorie pertinente pour saisir les parties prenantes
L’« offre de justice sociale » de Sen
La mobilisation des acteurs dans le financement du projet
Une conception macro du développement à une conception micro
La gestion des associations : une problématique au coeur des réflexions sur la gouvernance
La gestion de l’APD et des projets d’aide internationale : une conception large de la gouvernance
Le cadre spécifique de l’aide publique au développement
Le contexte
Les parties prenantes
Le cadre d’analyse : facteurs de performance et critères d’évaluation
Le dispositif d’évaluation du projet d’aide au développement
Une rencontre avec les diasporas porteuses de projets
Chapitre 9. Résultats et discussion
Le questionnaire et la méthode d’analyse
La structure du questionnaire pour les entretiens individuels (annexe 4)
Regard croisé sur l’histoire et l’organisation des trois diasporas
L’analyse des caractéristiques des membres de la diaspora
Le codage des verbatims
L’analyse typologique des caractéristiques de la diaspora
L’analyse des variables de caractéristiques de la population ciblée
Une analyse multi-niveaux : association/exo-financement/projet
Un des projets visités sur le terrain en Côte d’Ivoire qui a connu un certain succès : Le projet Association METISHIMA
Economie du projet
Les résultats et la discussion
Les résultats dans l’approche théorique et dans l’approche empirique
Les facteurs clés de succès des projets diasporiques
La discussion : points de convergence et de divergence entre les deux projets, projet diasporique et projet d’aide internationale au développement
Conclusion de la troisième partie
Conclusion générale
Annexes
Bibliographie
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