Les traces d’une enfance douloureuse

Les traces d’une enfance douloureuse

Louis, ce vieillard aux aguets, nous est peint par François Mauriac, comme un individu renfermé, solitaire et miséreux, bien qu’entouré par sa femme et ses enfants. Passé maître dans l’art de nous servir des personnages tourmentés, Mauriac revient à la charge avec ce père de famille, « ce vieil avocat qui met en ordre ses dossiers », à l’approche probable de sa mort. Comme il est aisé, des fois, de porter un jugement superficiel à l’égard d’autrui, Mauriac se charge de nous donner des pistes détaillées sur Louis, pour nous éviter de tomber dans le piège des illusions, comme la plupart des personnages de cet ouvrage.

« Tous les hommes, de prime abord, font à peu près les mêmes gestes, prononcent les mêmes paroles, s’accordent à aimer et à haïr les mêmes objets ; à mesure qu’on les étudie, chacun en particulier et de plus près, leurs caractères distinctifs se dessinent, leurs oppositions s’accusent jusqu’à devenir irréductibles : à la limite, on peut s’imaginer que le psychologue atteint, dans l’homme apparemment le plus normal, ce par il est un homme différent de tous les autres, « le plus irremplaçable des êtres » : à la lettre un monstre. Mettre en lumière le plus individuel d’un cœur, le plus particulier, le plus distinct, c’est à quoi nous nous appliquons ».

Dans une posture psychologique, Mauriac essaie de faire l’analyse de ses personnages, en mettant en avant leur personnalité, dont celle de Louis, qui appartient à cette race de « monstre » qu’il veut mettre au goût du jour. En faisant de cette créature le point central de son étude, il éclaire les autres, c’est-à-dire les membres de la famille, en fonction de son opinion et de sa perception des faits. Mais pour comprendre ce « démon » paternel, il faudra remonter à travers le temps, faire un bond en arrière dans l’imaginaire enfantin de ce narrateur-personnage. « L’enfance reste tout près, comme une chambre de résonnance qui sous-tend le moment présent, car les expériences enfantines sont toujours prêtes à rejaillir » nous dit Brian T. Eich. En effet, comme l’a si bien dit ce dernier, souvent ce sont nos habitudes accumulées durant notre enfance qui nous suivent toute notre vie. Si notre enfance est heureuse, nous pouvons espérer une existence plus ou moins gaie. Par contre, si la base est malheureuse, notre existence risque d’être compliquée. Sans doute, nous pouvons imaginer que c’est ce qui est arrivé à Louis, le héros de François Mauriac.

Même si le Louis en est conscient, car il sait qu’il a eu une enfance et une jeunesse plutôt difficiles à cause de sa maladie et de ses complexes, il est très affecté par ces étapes pénibles et quasi inexistantes de son histoire. Étant enfant, il n’a pas su profiter des cadeaux qui lui ont été offerts, il ne vît que les côtés négatifs de sa condition. « Je crains pourtant d’être injuste envers ce petit garçon chétif que j’étais, penché sur ses dictionnaires» (NV, p.35), lui-même clame cette injustice envers son propre corps, il n’a pas su se ménager et profiter de son enfance. Contrairement aux autres enfants qui s’amusaient avec leurs parents, qui trouvaient du bon à aller à l’école et à se mélanger aux autres, Louis, lui, était un garçon plutôt studieux mais qui aime la rivalité et est solitaire :

« Je ne ressemblais en rien à ces enfants qui sont toujours premiers en faisant semblant de ne se donner aucun mal. J’étais un « un bucheur » et m’en faisais gloire: un bucheur, rien que cela. Il ne me souvient pas au lycée, d’avoir trouvé le moindre plaisir à étudier Virgile ou Racine. […] Voilà l’idiot que j’étais et que je fusse demeuré… » (NV, p.34-35). 

Il n’a pas su trouver sa voie, ce manque d’amour s’est même reflété dans ses études, il n’avait goût à rien et rien ne l’intéressait réellement. Il n’a pas su facilement trouver sa voie, faisant partie de ces individus indécis, qui ne savent pas réellement ce qu’ils veulent et qui se trouvent en totale inadéquation avec leur temps. Trop longtemps dans le brouillard, Louis n’a pas su prendre la vie à bout de bras, et celle ci s’est imposée à elle, avec ses désagréments et ses aléas. Même s’il a été élevé par une mère très aimante, il n’a pas su en profiter, peut-être qu’il lui a manqué une présence masculine près de lui. Se cachant derrière des prétextes grotesques, il a confondu l’amour de sa mère avec de la pitié. Comment une mère peut-elle avoir pitié de son enfant, surtout son unique fils ? Du fait qu’il était malade, durant presque toute son enfance, il se sentait comme un fardeau pour cette femme dont le mari est mort et qui ne doit compter que sur elle-même pour subvenir à ses besoins. La maladie a rendu Louis amer, malgré tous les efforts de sa mère pour le rendre heureux. Dans ce schéma spécifique, Louis n’a nullement ressenti une affection pour sa mère, ce qui aurait été parfaitement normal, vu qu’elle était en quelque sorte le seul être qui pouvait supporter ses caprices et la seule qu’il voyait. Contrairement à ce que Freud nous a démontré : « l’enfant s’aime tout d’abord ; il n’apprend que plus tard à aimer les autres  », Louis a persisté dans cette tendance égocentrique malgré tous les soins que sa mère lui a concédés, ce maladroit en amour a pris l’habitude de renier les autres. Dans le cas de Louis, c’est seulement quand sa mère n’était plus là, qu’il a su véritablement mesurer l’importance que cette dernière avait dans son existence.

C’est dans cet esprit que Louis a grandi, qu’il était un poids pour tous et que son existence n’était pas importante pour les gens qui l’entourent. « À tort ou à raison, j’en voulais à ma mère de ce que j’étais. Il me semblait que j’expiais le malheur d’avoir été, depuis l’enfance, exagérément couvé, épié, servi. Je lui reprochais l’excès de son amour» (NV, p.38). À la différence de tout autre enfant normal qui rêve d’être choyé et gâté, Louis avait horreur de ces témoignages d’affection de la part de sa mère, car il croyait que c’est son état de souffrant qui obligeait cette dernière à agir de la sorte. Tout cet amour s’est transformé en haine et en rancœur envers son prochain et cette mère dévouée ne se doutait nullement que son enfant allait se transformer en être froid et calculateur, ce qui vient confirmer les dires de Mauriac :

« Non, l’enfant ne sait pas que tout s’écoule, il ne se sent pas grandir, il ne croit pas avancer .Que la rivière est lente dans ses commencements ! Rien ne nous avertissait alors qu’elle roulerait un jour des flots sombres et pressés dans l’immense que l’océan amer pénètre » .

Désillusion et colère du patriarche

En dépit de tous ses déboires pendant sa jeunesse, une période assez sombre de sa vie où il n’a aucun souvenir qui puisse lui permettre d’éprouver un attachement particulier à ce monde, Louis avait quand même réussi à survivre. Son existence n’avait pas encore eu de réel sens jusqu’au jour où il croit avoir trouvé un but, une raison de vivre, cet être qui peut lui faire retrouver le goût des bonnes choses. Comme c’est souvent le cas pour les hommes amers, seule la créature aimée peut transcender l’âme, le pénétrer jusqu’au fin fond pour y laisser cette graine qui germera et donnera un fruit tant convoité par tout le monde, celle qui transforme des moments ordinaires en souvenirs gravés à jamais dans l’esprit de celui pour qui la vie vient de basculer : « une des dates importantes de ma vie fut ce soir où tu me dis: « c’est extraordinaire, pour un garçon, d’avoir de si grands cils» »(NV, p.47). Cette remarque innocente venant d’une jeune fille signifiait beaucoup pour ce jeune homme qui vivait dans l’attente de trouver son âme-sœur, celle qui pourrait voir la beauté intérieure mais aussi extérieure que personne n’a pu déceler.

Dans le cas de Louis, c’est Isa qui a su faire fondre l’homme amer, arroser ce désert aride qu’a été son cœur depuis son enfance, elle a su toucher cette homme, là où même sa mère a souffert de tant de défaites. Dans la logique de Louis, sa mère ne pouvait pas le comprendre car elle n’avait pas cette possibilité de le côtoyer et de le connaitre réellement, alors qu’Isa, elle, avait troublé son âme et agité des sentiments qu’il croyait impossibles. Il a placé l’amour d’une femme au-dessus de celui maternel, car il ne réalisait pas véritablement la chance qu’il avait d’être pleinement entouré par cette mère aux mille soins. Et c’est là tout le pouvoir d’une femme, elle a cette capacité de faire entrer la lumière dans la vie de celui qu’elle « aime » simplement par sa seule présence, son soutien, mais le contraire est aussi possible. Car notons le aussi, cette même figure féminine constitue une source de danger, comme avec Maria Cross, « la bouche un peu forte(…) fixait toute la sensualité de son corps » ; cette créature du désir avait eu le malheur d’être aimée par le fils et par le père de ce dernier.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: AU CŒUR D’UN PROJET VENGEUR
CHAPITRE I : les motifs de cette vengeance
1.1: Les traces d’une enfance douloureuse
1.2: Désillusion et colère du patriarche
CHAPITRE II : L’animosité dans la famille
2.1 : Une vie conjugale chaotique
2.2 :L’incompréhension au sein du foyer : l’attitude de la femme et des enfants
DEUXIEME PARTIE: DANS UNE PERSPECTIVE DE CONVERSION
CHAPITRE III : A la quête de la rédemption
3.1 : Le contexte de ce changement
3.2 : L’appui de Dieu et la voie du pardon
CHAPITRE IV : La reconquête du temps perdu
4.1 : Les regrets de Louis
4.2 : Un amour tardif de Louis pour sa famille
TROISIEME PARTIE: L’ETUDE DU LANGAGE DE LA VENGEANCE ET DE LA REDEMPTION
CHAPITRE V : Le registre religieux
5.1 : La justice de Louis ou son péché devant Dieu
5.2 : La dernière chance de Louis ou l’intervention divine.
CHAPITRE VI : Le répertoire poétique
6.1 : L’environnement : le paradoxe de cette famille
6.2 : Le style au service du bien et du mal
CONCLUSION

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