Les tourbières en région nordique

Les tourbières en région nordique

Zones humides et tourbières

Les zones humides sont des zones définies, par la convention de Ramsar de 1971, comme « toutes zones de marais, marécages, tourbières, naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, dont l’eau est statique ou courante, douce, saumâtre ou salée ». Ces zones sont très répandues à toutes les latitudes sur Terre et elles ne dépendent que du maintien de leurs fortes quantités d’eaux. Si les zones humides tropicales existent principalement grâce aux fortes précipitations, les zones humides polaires sont des régions à très faibles précipitations. C’est le faible taux d’évaporation aux pôles qui permet le maintien des fortes quantités d’eaux dans les sols et en surface. Parmi ces régions, un type particulier de zone humide est considéré comme stockant une grande quantité de matière organique, ce sont les tourbières.

Les tourbières sont des zones terrestres où la production primaire nette excède la décomposition de la matière organique, ce qui engendre une accumulation de matière organique partiellement décomposée, i.e. la tourbe. Les tourbières sont réparties à toutes les latitudes, mais 80% des tourbières mondiales se situent en régions boréales et elles représentent 3% de la surface de la Terre (Joosten and Clarke, 2002).

Il faut noter qu’en français le terme « tourbière » englobe à la fois la zone produisant activement de la tourbe (i.e. zone avec couvert végétal) et la zone possédant un horizon de sol, en surface, qui est riche en tourbe, mais qui actuellement ne produit plus de tourbe. En anglais, le terme « peatland » indique uniquement la présence d’horizon tourbeux à la surface des sols (avec ou sans végétation) alors que le terme « mire » implique que la zone produit activement de la tourbe (Joosten and Clarke, 2002). Dans la suite de ce manuscrit et particulièrement dans les sections rédigées en anglais (articles publiés ou soumis) les termes de « peatland » et « mire » sont utilisés comme étant des synonymes, bien que toutes les tourbières étudiées produisent activement de la tourbe.

Tourbières en zone boréale, subarctique et arctique

Les régions « nordiques » peuvent être divisées en 3, des basses aux hautes latitudes : la zone boréale, la zone subarctique et la zone arctique. Les limites de ces zones ont plusieurs origines, elles dépendent à la fois de la géographie (latitude, qui est le critère le plus connu), du type de végétation, de la température moyenne annuelle, du taux de précipitation et d’évapotranspiration annuel des régions. Afin de délimiter la distribution climatique mondiale des écosystèmes de tourbières boréales, Wieder et al. (2006) propose une adaptation du diagramme ternaire de Hartshorn (1988) (Figure 1 – A) de la distribution des tourbières mondiales et de celui de Gignac and Vitt (1994) (Figure 1 – B) concernant les tourbières boréales. Ces diagrammes présentent la distribution des types de végétation en fonction des différentes conditions climatiques (latitude, végétation, précipitations, température, etc.). Dans ce manuscrit, les sites d’étude présentés (chapitre 2, sous-section 2.1.1) sont situés plus au nord de la zone boréale. Nous proposons donc le diagramme suivant (Figure 1 – C) qui indique que les zones de tourbières nordiques actives peuvent se localiser dans des zones ayant une précipitation moyenne annuelle comprise entre 500 et 3000 mm, où le rapport d’évapotranspiration potentiel est entre 0,125 et 0,800 et où la bio-température est comprise entre 1,13 °C et 6 °C (défini par Holdridge (1947) comme étant la température moyenne annuelle calculée en remettant à 0 °C toutes les températures < 0 °C).

Les sols et composition de la tourbe 

Les sols de tourbières possèdent un horizon organique, contenant la tourbe, et un horizon minéral sous-jacent. L’épaisseur de l’horizon organique dans les tourbières actives varie. En Amérique du Nord et en Russie la tourbe est présente sur une profondeur de plus de 40 et 30 cm, respectivement (Tarnocai and Stolbovoy, 2006). Néanmoins, ces valeurs peuvent fortement varier localement. Les sites étudiés pour cette thèse présentent des horizons tourbeux allant de 50 cm en Suède jusqu’à 1 m voir 1,50 m localement en Sibérie occidentale. L’horizon organique des tourbières est très souvent constitué de 2 couches i) une couche supérieure contenant de l’oxygène, à forte conductivité hydraulique et où le taux de décomposition est élevé, c’est l’acrotelme ; et ii) une couche inférieure majoritairement privée d’oxygène, à faible conductivité hydraulique et faible taux de décomposition, c’est le catotelme (Clymo and Fogg, 1984; Ingram, 1978). La frontière entre ces deux couches est située approximativement à la profondeur moyenne du niveau hydrostatique minium d’été, soit à peu près entre 10 et 50 cm de profondeur (Clymo and Fogg, 1984; Ivanov, 1981) mais peut varier en fonction de la tourbière et de la microtopographie du lieu.

Si l’horizon organique des tourbières contient une grande quantité de matière organique peu décomposée, l’horizon minéral peut représenter jusque 5% non comptabilisé du bilan de carbone mondial (Turunen et al., 1999). De nos jours, 302 pétagramme (Pg) de carbone sont stockés dans les horizons organiques des tourbières boréales et sub-boréales (Hugelius et al., 2014). Ce qui veux dire que ces tourbes représentent globalement un tiers du carbone des sols mondiaux (Turunen et al., 1999). C’est aussi 2 fois la quantité du carbone contenu dans l’atmosphère (Huissteden, 2020).

La tourbe est par définition un sol constitué de matière organique (MO) végétale peu décomposée, et particulièrement de carbone qui constitue 45 à 50% de la tourbe (Clymo et al., 1998; Clymo and Fogg, 1984). Le carbone organique dans les sols provient de i) la biomasse qui constitue la MO vivante du sol ; ii) des résidus organiques, tissus végétaux et animaux non ou partiellement dégradés et iii) de l’humus, aussi appelé matière organique du sol (MOS) (Figure 1 – 2). L’humus est constitué de substances non humiques et de substances humiques. Les substances non humiques contiennent souvent des composés à faible poids moléculaire (LMW, Low Molecular Weight) qui sont des biomolécules nécessaires à la fonction, la structure et la reproduction des organismes vivants. On peut classer en 4 grands groupes les substances non humiques : les glucides, les composés azotés, les lipides et les lignines (et autres substances réfractaires). Les substances non humiques sont la principale source d’énergie métabolique des microbes du sol et le matériel « parent » des substances humiques. En effet, elles constituent les briques de construction des substances humiques sous l’action des microorganismes. Les substances humiques sont définies par MacCarthy (2001) comme étant des composés extraordinairement complexes, des mélanges amorphes et très hétérogènes de molécules à la fois chimiquement réactives et réfractaires ayant un rôle clé dans le système écologique de la Terre. Ces substances sont produites durant la diagénèse précoce de la décomposition de la MO. Elles sont formées de manière ubiquiste dans l’environnement i) via des processus impliquant des réactions chimiques d’espèces aléatoirement « choisies » dans un réservoir de molécules diverses et ii) à travers l’altération chimique aléatoire de molécules précurseurs. Trois fractions composent les substances humiques : les acides humiques, les acides fulviques et l’humine, toutes trois définies par leur solubilités dans des solutions acides et alcalines (cf. Essington (2015) pour plus d’information sur les techniques d’extraction de ces fractions). L’utilisation par des microorganismes des substances humiques et non humiques permet la formation de nouveaux composés inorganiques .

Végétation des tourbières Arctiques

Si la végétation des régions nordiques peut être le lieu de la croissance d’arbres dans les zones dites de « taïga », les sites étudiés dans cette thèse sont des zones de toundra et/ou de palses et se situent donc au Nord de la limite des arbres. Nous nous attarderons ainsi à décrire la végétation de ces zones qui sont dominées par un climat à influence marine, où les températures d’été sont basses et résultent des arrivées d’air froid venant de l’Océan Arctique. La végétation est dominée par des lichens, des mousses, des herbes et des arbustes (Huissteden, 2020).

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 CONTEXTE, TERMINOLOGIE, MATERIELS ET METHODES
Introduction
Section 1.1
Contexte et terminologie
1.1.1 Les tourbières en région nordique
1.1.1.1 Zones humides et tourbières
1.1.1.2 Tourbières en zone boréale, subarctique et arctique
1.1.1.3 Les sols et composition de la tourbe
1.1.1.4 Végétation des tourbières Arctiques
1.1.1.5 Pergélisol
a. Pergélisol et matière organique stockée
b. Formation des lacs thermokarstiques
1.1.2 Cycle du carbone des tourbières nordiques
1.1.2.1 Le carbone dans les sols
1.1.2.2 Transport du carbone des sols et de la végétation vers les points d’eaux
1.1.2.3 Le carbone dans les eaux
1.1.3 Le réchauffement climatique et ses conséquences en régions nordiques
1.1.3.1 Prédictions climatiques et températures
1.1.3.2 Conséquences
Section 1.2
Matériels et Méthodes
1.2.1 Méthode d’échantillonnage
1.2.1.1 Prélèvements de tourbe et de la végétation sur le terrain
1.2.1.2 Prélèvements gazeux sur le terrain
1.2.1.3 Prélèvements d’eaux sur le terrain
a. Prélèvements
b. Filtration et ultrafiltration des eaux prélevées
c. Fixation et conservation
1.2.2 Mesures in situ
1.2.2.1 Paramètres physico-chimiques
1.2.2.2 Flux de CO2, utilisation d’un système de chambre flottante
1.2.3 Expériences en laboratoire
1.2.3.1 Culture et concentration de la biomasse microbienne : Iodobacter sp
1.2.3.2 Lixiviation/lessivage des substrats
1.2.3.3 Microcosmes en conditions aérobies
a. Expérience de l’effet de la température et de l’ajout de bactéries hétérotrophes sur la biodégradation et le relargage de MO provenant de la tourbe gelée (cf. chapitre 5 section 5.1.)
b. Expérience de biodégradation de la matière organique dissoute provenant d’un transect hydrologique (cf. chapitre 3)
c. Expérience de l’effet du gel-dégel sur le comportement de la MOD et des éléments traces (ET) (cf. chapitre 4)
1.2.3.4 Microcosmes en conditions anaérobies (cf. chapitre 5 section 5.2)
1.2.4 Analyses en laboratoire
1.2.4.1 Analyses des phases solides – Microscopie électronique à transmission (MET)
1.2.4.2 Analyses des phases liquides
a. Paramètres physico-chimiques (pH et conductivité)
b. Carbone organique et inorganique dissous (COD et CID)
c. Acides organiques et anions
d. Spectrophotométrie et indices calculés
e. Eléments traces (ET)
1.2.4.3 Analyses des phases gazeuses
a. Mesure des concentrations de gaz à effet de serre
b. Calcul des taux de productions
1.2.4.4 Analyse microbiologique
a. Dénombrement total des bactéries par coloration DAPI
b. Dénombrement total des bactéries par cytométrie en flux
c. Dénombrement des colonies formatrices d’unités (CFU)
d. Diversité fonctionnelle
1.2.5 Statistiques
1.2.5.1 Hypothèse nulle, p-value et seuil de confiance
1.2.5.2 Tester la distribution des données
1.2.5.3 Test de student (ou test t)
1.2.5.4 Test ANOVA à un facteur
1.2.5.5 Analyse en composantes principales (ACP)
1.2.5.6 Régression linéaire simple
1.2.5.7 Représentation graphique des données : Boxplot (la boîte à moustaches)
CHAPITRE 2 LE TERRAIN – OBSERVATION DU SYSTEME NATUREL COMPLEXE
Introduction
Section 2.1
Sites d’étude et analyses des eaux prélevées en Sibérie et Suède
2.1.1. Présentation des sites d’étude
2.1.1.1. Sibérie Occidentale – Khanymey
2.1.1.2. Russie Européenne – Bolshezemelskaya Tundra (BZT)
2.1.1.3. Suède – Abisko
2.1.2. Missions de terrain – les données récoltées
2.1.2.1. Paramètres physico-chimiques et biologiques généraux des eaux prélevées sur le terrain
2.1.2.2. Matière organique dissoute
a. Répartition des concentrations en carbone organique dissous des eaux étudiées
b. Composition et origine de la matière organique dissoute
2.1.2.3. Répartition des éléments traces métalliques dissous dans les eaux étudiées
2.1.2.4. Dégradation de la MOD colloïdale et implications environnementales
Section 2.2 Diel cycle of carbon, nutrient and metal in humic lakes of permafrost peatlands
2.2.1 Aperçu en français de l’article
2.2.1.1 Résumé
2.2.1.2 Conclusion
2.2.2 Abstract
2.2.3 Introduction
2.2.4 Material and Methods
2.2.5 Results
2.2.5.1 Lack of diel variations in major lake water parameters, nutrients, trace elements and bacteria
2.2.5.2 Dissolved CO2 and CH4 and emission flux of CO2
2.2.6 Discussion
2.2.6.1 High stability of pH, nutrients, organic acids and dissolved (< 0.45 µm) components of thermokarst lakes
2.2.6.2 Diurnal pattern of CO2 concentration and flux
2.2.6.3 Consequences for global CO2 emission, and C and metal pools assessment in thermokarst lakes of Western Siberia Lowland
2.2.7 Conclusion
2.2.8 Informations supplémentaires en réponse aux rapporteurs de la thèse
CHAPITRE 3 DISSOLVED ORGANIC MATTER BIODEGRADATION ALONG A HYDROLOGICAL CONTINUUM IN PERMAFROST PEATLANDS
3.1 Résumé graphique / Graphical abstract
3.2 Aperçu en français de l’article
3.2.1 Résumé
3.2.2 Conclusion
3.3 Abstract
3.4 Introduction
3.5 Materials and methods
3.5.1 Geographical, climatic and hydrological setting of sampling sites
3.5.2 Experimental setup
3.5.3 Analyses
3.5.4 Data treatment
3.6 Results
3.6.1 Inorganic water chemistry at the beginning of incubation
3.6.2 Biodegradation of DOC
3.6.3 DOM optical properties
3.6.4 PCA results
3.7 Discussion
3.7.1 Evolution of the DOC removal rate and biodegradability along the hydrological continuum
3.7.2 Evolution of the DOC quality along the hydrological continuum
3.7.3 Comparison between the hydrological continuum of Khanymey and Stordalen
3.7.4 How does CO2 production from experimental DOC biodegradation relate to fieldbased fluxes estimates
3.8 Conclusions
3.9 Informations supplémentaires en réponse aux rapporteurs de la thèse
CONCLUSION GENERALE

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