Les thérapeutiques antifongiques
Généralités sur les Infections fongiques
Les champignons représentent les groupes les plus importants d’organismes et jouent un rôle clé dans un grand nombre d’écosystèmes [1]. Ce sont des organismes eucaryotes dont les divisions impliquent des séquences mitotiques régulières. Les champignons sont des cryptogames à thalles (absence de fleurs et de grains), non chlorophyllien qui constitue le 5ème règne fongique, le règne des mycètes [2]. On recense environs 250 000 espèces parmi lesquels 3 700 sont constamment rencontrés et environ 400 sont indexés en mycologie médicale [3]. Malheureusement ce chiffre est en constante augmentation car de plus en plus d’espèces considérées comme saprophytes deviennent capables de provoquer une infection à l’occasion de modifications générales ou locales du terrain de l’hôte [4].
Les infections fongiques sont dues à des micromycètes, levures et champignons filamenteux, capables de se développer à la température du corps humain. Une trentaine d’espèces de micromycètes est fréquemment isolée en pathologie humaine, responsables d’allergies ou d’infections superficielles bénignes, d’infections sévères invasives ou chroniques. Au niveau mondial, les infections fongiques sont responsables de plus de décès que la tuberculose ou le paludisme [5]. On estime actuellement que les infections fongiques représentent 5 à 10 % des pathologies infectieuses dans les pays développés. La fréquence des infections par les champignons s’est considérablement accrue au cours des dernières décennies, en particulier du fait de l’évolution continue des pratiques médico-chirurgicales. Cette évolution des pratiques est paradoxalement associée à une augmentation de facteurs de risque d’infections opportunistes, de par leur caractère invasif : interventions chirurgicales, poses de cathéters ou de prothèses, traitements immunosuppresseurs, chimiothérapies anticancéreuses ou antibiothérapies à large spectre. Des facteurs physiopathologiques et environnementaux contribuent également à la survenue d’infections fongiques : âges extrêmes, pathologies du système immunitaire, infections préexistantes, cancers, pathologies hématologiques, dénutrition ou encore travaux de rénovation des infrastructures hospitalières. Les infections fongiques sont de ce fait majoritairement des infections opportunistes, consécutives à un ou plusieurs de ces facteurs de risque. Elles sont une cause majeure de morbidité et de mortalité. Parmi les agents pathogènes les plus fréquents, on retrouve des levures (Candida, Cryptococcus, etc.) et des champignons filamenteux (Aspergillus, Mucorales, etc.) [6].
Les champignons filamenteux sont ubiquitaires et présents sur les plantes et dans la terre ; ils sont donc fréquemment retrouvés dans les kératomycoses post traumatisme sur cornée saine. Les levures, également très répandues dans l’environnement, sont saprophytes de la peau et des muqueuses ; elles infectent en général des cornées déjà pathologiques[7]. Les mycoses sont des infections opportunistes dont il faut absolument rechercher les facteurs favorisants et les supprimer afin d’éviter au mieux les récidives [8]. Chez les champignons microscopiques, le thalle peut être unicellulaire ou pluricellulaire. Leur cellule est entourée d’une membrane plasmique, riche en ergostérol, protégée par une paroi rigide et épaisse formée de 3 couches :
• La couche interne, constituée de chitine, assure le maintien et la rigidité de la paroi;
• La couche intermédiaire, constituée de beta (1,3)-glucane, qui confère une certaine élasticité à la paroi, est aussi le lieu d’ancrage des mannoprotéines ;
• La couche externe, constituée de mannoprotéines ;
L’ergostérol est un constituant lipidique essentiel de la membrane cellulaire des champignons, son équivalent chez les mammifères étant le cholestérol. Pour cette raison, sa voie de biosynthèse comporte des étapes spécifiques au règne des champignons, qui sont donc des cibles de choix pour la conception de molécules antifongiques [9]. En mycologie médicale, les champignons sont classés en trois grands groupes distincts, selon des critères morphologiques.
Définition d’un antifongique
Les antifongiques sont des substances chimiques produites par des micro-organismes naturels ou par synthèse chimique des molécules dérivantes des composés naturels. Ces médicaments sont utilisés pour lutter contre des mycoses qui sont des infections microscopiques. En effet, leur mécanisme est basé sur la connaissance de la composition de la paroi cellulaire et de la membrane cytoplasmique des gènes fongiques. Ces deux éléments cellulaires jouent un rôle important dans la perméabilité aux antifongiques. Ainsi dans la constitution des médicaments antifongiques, il faut tenir compte de l’hydrosolubilité et de la liposolubilité. Par ailleurs, en fonction de la localisation et de la gravité de la mycose, on utilise des antifongiques à usage systémique (sous forme de comprimés, d’ovule) ou de perfusions intraveineuses (en milieu hospitalier). Toutefois, il ne faut pas aussi sous-estimer les difficultés qui précédent le développement d’une molécule antifongique. Ces difficultés sont liées aux champignons eux-mêmes, au terrain qu’ils envahissent et aux agents antifongiques.
Alors la conception de la triade classique de l’infection (parasite-hôte-antifongique) est d’une importance particulière en chimiothérapie des mycoses. Par ailleurs, les antifongiques sont pour la plupart toxiques. En effet, la structure déjà évoluée de la cellule fongique, la rapprochant de la cellule des mammifères explique la toxicité de nombreux antifongiques pour l’organisme de l’hôte. La plupart des antifongiques actuels ont une action aux doses thérapeutiques usuelles et fongistiques.
Les différentes familles d’antifongiques
Il existe pratiquement quatre grandes classes antifongiques, que sont :
– Les polyènes : troublent la perméabilité membranaire (Amphotéricine B et Nystatine)
– Azolés : Inhibition des synthèses protéiques (Fluconazole , itriconazole, voriconazole, posaconazole, isavuconazole)
– Echinocandines : altération de la structure de la paroi fongique (Caspofungine, mycafungine, anudilafungine)
– Les pyrimidiques : Inhibiteurs de la biosynthèse des acides nucléiques (ADN, ARN) (5 fluorocytosine .
Antifongiques polyéniques
Les polyènes sont issus des sécrétions de Streptomyces ; l’amphotéricine B et la nystatine sont les polyènes les plus couramment utilisés. Les polyènes présentent un large spectre d’action. L’amphotéricine B est active sur certaines moisissures (Aspergillus) et quelques protozoaires (cryptococcose, leishmaniose) .
Antifongiques azolés
Les azolés sont les médicaments de première intention pour traiter une infection fongique. Ce sont des substances entièrement synthétiques. La présence d’un noyau triazolé permet d’augmenter la spécificité d’action de l’antifongique. Les imidazolés sont bien absorbés par voie orale mais ils sont hépatotoxiques. De plus, ils interagissent avec de nombreux autres médicaments ce qui rend leur utilisation limitée. Les triazolés présentent une meilleure tolérance. Les azolés sont des antifongiques à large spectre d’action .
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Table des matières
Introduction générale
I) Les thérapeutiques antifongiques
I-1) Généralités sur les Infections fongiques
I-2) Définition d’un antifongique
I-2-1) Les différentes familles d’antifongiques
I-2-2) Antifongiques polyéniques
I-2-3) Antifongiques azolés
I-3) Structure des antifongiques
I-3-1) Structure des polyènes
I-3-2) Structure des azolés
I-4) Modes d’action des antifongiques
I-4-1) Les polyènes
I-4-2) Les azolés
I-5) Résistance aux Antifongiques
I-5-1) Définition
I-5-2) Les facteurs de risque de résistance
I-5-3) Résistance aux polyènes
I-5-3-1) Spectre d’action et indications
I-5-4) Résistance aux azolés
II) Etude théorique et propriétés des ligands
II-1) Les polyènes
II-1-1) Propriétés physico-chimie
II-1-2) Propriétés pharmacocinétique
II-1-3) Complexation aux lipoprotéines du sérum sanguin
II-2) Les azolés
II-2-1) Propriétés physico-chimiques
II-2-2) Propriétés pharmacocinétique
II-2-3) Interaction
II-3) Associations antifongiques
II-3-1) Objectifs des associations et méthodes d’études
II-3-2) Association polyènes/azolés
III) Etude théorique et propriétés des complexes de cuivre
III-1) La chimie du cuivre
III-2) Utilisation du cuivre dans le système immunitaire
III-3) Les complexes de cuivre avec des acides aminés
III-4) Généralités sur les complexes à cuivre
III-5) Les complexes de cuivre thérapeutiquement actifs en tant qu’agents anticancéreux, anti-inflammatoires et antimicrobiens
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIES