Les textiles de l’Égypte ancienne : artéfacts archéologiques et échantillons archéométriques

Le textile, un témoin des civilisations passées en Égypte

Avant le Néolithique, les traces de l’industrie textile sont rares et souvent indirectes. On peut notamment penser aux impressions de textile sur argile, accidentelles ou intentionnelles, qui sont parfois les seuls témoins restants des textiles de l’époque. En Égypte, les premières attestations de manufacture de textile (filage et tissage) remontent au Néolithique. Une grande maîtrise de ces techniques est déjà notée au Néolithique, de 4500 à 3100 AEC (Vogelsang-Eastwood, 2000). Aux informations portées par les très nombreux artéfacts de textiles mis au jour lors d’études archéologiques, s’ajoutent de multiples sources textuelles documentant la production et la consommation des textiles anciens.

Les fibres naturelles utilisées dans l’Égypte ancienne

Les premières fibres employées pour le tissage des textiles sont des fibres végétales. Le lin est la fibre la plus abondamment retrouvée sur des sites égyptiens, utilisée pour des fonctions variées allant des linceuls funéraires aux voiles (Wild & Wild, 2001), à l’habillement (Vogelsang-Eastwood, 2000). Le coton est également attesté, fortement associé à la culture nubienne (Griffith & Crowfoot, 1934 ; Yvanez, 2015). Certaines fibres animales sont également employées : la laine est probablement en circulation en Égypte à partir du Néolithique (Vogelsang-Eastwood, 2000). Hérodote rapporte qu’elle est notamment utilisée pour la confection de couvertures et serait interdite à l’intérieur des temples ou des sépultures. Notons enfin que la soie ne semble apparaitre qu’aux alentours du 7e siècle EC, et sort donc du cadre de cette étude.

Le lin
Le lin est une fibre cellulosique ; une description plus complète de la composition chimique du lin est proposée en chapitre 3. La grande majorité des textiles retrouvés en Égypte sont en lin et les usages associés vont du vêtement aux bandelettes de momie en passant par les textiles domestiques. La plus ancienne attestation de lin tissé connue à ce jour provient du site de Fayoum, datant du début du Néolithique et l’étude des textiles conservés montrent dès cette époque la maîtrise d’une chaîne opératoire complexe pour le traitement et le filage de la fibre (Caton-Thompson & Gardner, 1934 ; Jones & Oldfield, 2006). Le lin n’est toutefois pas un matériau autochtone et aurait plutôt été importé du Levant (Vogelsang-Eastwood, 2000). Il restera la fibre la plus utilisée pour la confection de textiles en Égypte jusqu’à l’avènement du coton, au 1er siècle EC puis l’introduction de la soie, environ six siècles plus tard (Vogelsang-Eastwood, 2000).

Jusqu’à l’époque prédynastique, deux espèces de lin sont utilisées pour la production textile. La première, linum bienne, est une espèce de lin à floraison bisannuelle donnant des fleurs blanches qui est probablement l’ancêtre sauvage du lin domestiqué et dont il existe des indices d’utilisation sur le site de Badari, occupé durant la période prédynastique. La seconde, linum usitatissimum, est l’espèce connue aujourd’hui, à floraison annuelle donnant des fleurs bleues, qui perdurera durant toute l’époque pharaonique et après (Vogelsang-Eastwood, 2000).

Le coton
La fibre de coton, également cellulosique, est obtenue à partir des cotonniers, du genre Gossypium. Une fois la plante arrivée à maturation, les capsules contenant les touffes de coton sont récoltées. L’obtention d’une fibre prête à filer est moins complexe que pour le lin : il suffit de séparer les touffes de coton des graines pour obtenir une fibre textile prête à l’utilisation. Selon le moment de récolte, les fibres obtenues seront de qualités différentes : un fruit jeune donnera des fibres de coton douces mais fragiles et donc difficiles à travailler, tandis qu’un fruit trop mur donnera des fibres plus rigides (Yvanez, 2015). Le filage du coton est ensuite réalisé au moyen d’un fuseau et d’une fusaïole.

L’histoire du coton en Égypte est fortement associée à la Nubie, son usage étant très documenté pour cette région (Griffith & Crowfoot, 1934 ; Yvanez, 2015). Il connaît un essor plus tardif que le lin, des fragments de coton datant du 1er siècle AEC au 4e siècle EC ont par exemple été identifiés sur le site de l’oasis de Kharga dans le désert libyque (Letellier-Willemin, 2020). Le coton ne va toutefois pas remplacer le lin dans les usages auxquels il est associé, notamment en contexte funéraire. En raison du peu de fragments de coton mis au jour et de son utilisation relativement tardive, ce matériau ne sera pas étudié dans le cadre de cette thèse. Notons toutefois que cette fibre de nature cellulosique étant chimiquement peu différente de la fibre de lin, un certain nombre des résultats obtenus lors de l’étude de fragments de lin archéologiques pourrait raisonnablement être extrapolables aux textiles en coton.

La laine
Les premiers sites néolithiques d’Égypte, tels que Fayoum, Mérimdé Beni-Salame puis plus tard el-Omari, présentent dès le Ve millénaire AEC des signes d’agriculture et de pastoralisme (Midant-Reynes, 2005). Le mouton (Ovis orientalis) est domestiqué au Proche Orient depuis 8000 AEC mais son élevage est, à l’origine, dédié à l’alimentation. En effet, le mouton ne possède alors qu’une fine couche de pelage sur le corps (Barber, 1991). Il faudra attendre 4000 ans et l’évolution de l’espèce pour commencer à utiliser le mouton pour sa laine. Bien qu’à partir du IVe millénaire AEC, la laine soit exploitée au Proche Orient et notamment en Égypte, son usage ne remplace pas celui du lin, les deux fibres étant dédiées à des utilisations bien distinctes. La laine pourra être employée pour des textiles de la vie quotidienne, mais restera absente des sites rituels ou funéraires comme évoqué précédemment. Plus tard, à partir de la période romaine ( ~30 AEC – 395 EC), des mélanges faits de lin et de laine commencent à apparaitre, le lin servant à la fabrication du textile et la laine assurant les motifs en tapisserie (Quertinmont & Mérat, 2019). Ces textiles sont souvent regroupés sous la dénomination de « textiles coptes ».

La laine est, à la différence du lin et du coton, une fibre protéique d’origine animale. La préparation de la fibre au filage est réduite à son minimum. Dans un premier temps, les fibres laineuses étaient tout simplement arrachées (Wild, 1988). À partir de l’âge du fer en Europe, des cisailles métalliques commencèrent à être employées dans le but de tondre l’intégralité de la toison (Ryder, 1983 ; Wild, 1988). Cet objet connu un essor particulier sous l’empire romain et de nombreuses attestations ont été identifiées en Égypte (Petrie, 1917). Par cette technique, on ne récupère pas uniquement les fibres laineuses mais un amas compact et gras. Les poils sont enveloppés de matières grasses externes aux fibres, appelé suint, comme présenté en Figure 1-1 (Baron, 2008). Ces matières grasses peuvent représenter jusqu’à 50% de la masse de la toison et sont principalement constituées de glycérides et de lanoline. Un lavage de la toison à l’eau chaude additionnée de détergents permet l’élimination de ces matières grasses et la récupération de fibres laineuses. Une étape de peignage est ensuite fréquemment rapportée afin de préparer les fibres au filage (Yvanez, 2015). La laine présente la particularité d’avoir une fibre bouclée, qui fait d’elle un bon isolant thermique (Barber, 1991).

L’usage de laine étant réduit durant la période dynastique sur laquelle se focalise cette recherche, elle ne sera donc pas davantage étudiée dans la suite de ce manuscrit. De plus, à la différence du coton, sa nature protéique, très différente de celle du lin cellulosique, ne permet pas de supposer a priori que des interactions similaires aient lieu entre la fibre et les matières organiques imprégnées. L’étude archéométrique de fragments de laine, tels que les tuniques de l’époque romaine parfois remployées en linceul, nécessiterait un nouveau développement méthodologique complet, en documentant l’état de préservation des échantillons archéologiques de laine ainsi qu’en ajustant les protocoles d’extraction au cas d’un textile en laine. Cette étude constitue un projet à part entière.

Les fibres utilisées pour la vannerie

La vannerie et les cordages sont des objets textiles qui connaissent un artisanat très important depuis le début de l’industrie textile en Égypte. Si les cordages désignent l’ensemble des fibres végétales travaillées en un brin cylindrique, la vannerie rassemble l’ensemble des objets textiles ne correspondant ni à des cordages, ni à des textiles tissés. Ce terme désigne par exemple les paniers, les sandales, les brosses, les nattes ou les tapis (Wendrich, 1989). Les principales fibres végétales utilisées pour la confection de vannerie pendant la période pharaonique sont l’alfa, le papyrus ou encore la feuille de palmier dattier ou de palmier doum (Veldmeijer, 2009 ; El Hadidi & Hamdy, 2011). Les graminées telles que l’alfa sont d’ailleurs largement employées pendant les époques prédynastique et pharaonique pour la réalisation de cordes mais aussi de nattes et de vannerie torsadée (Wendrich, 2000). En ce qui concerne la manufacture de tapis et de filets, des fils de lin (Linum usitatissimum) ont pu être attestés, puis à partir de l’époque gréco-romaine, des fils de coton (genre Gossypium). Selon l’origine végétale de ces fibres, la préparation sera minimale (pour la feuille de palmier par exemple, simplement coupée, trempée et parfois bouillie) ou complexe (pour les vanneries faites de lin ou de coton).

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Table des matières

Introduction générale
1. Les textiles de l’Égypte ancienne : artéfacts archéologiques et échantillons archéométriques
1.1. Le textile, un témoin des civilisations passées en Égypte
1.2. Le textile, un « objet archéométrique » riche d’informations
1.3. Problématique
1.4. Conclusion
2. Techniques Analytiques et Stratégies Archéométriques
2.1. Observation des textiles tissés : microscopies optiques de laboratoire et portable
2.2. La spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FT-IR) pour l’analyse des fibres textiles
2.3. Les techniques séparatives pour la caractérisation des matériaux organiques imprégnés
2.4. La datation par le radiocarbone
2.5. Les échantillons étudiés
2.6. Conclusions et approche analytique envisagée
3. Descripteurs spectroscopiques des états de dégradation du lin
3.1. Composition chimique et cristallinité du lin
3.2. Les mécanismes de dégradation des constituants du lin
3.3. Voies de dégradation des échantillons de lin moderne altérés au laboratoire
3.4. États de dégradation des échantillons de lin archéologiques
3.5. Conclusion
4. Caractérisation physico-chimique de matériaux organiques employés dans l’Égypte ancienne
4.1. Les matériaux organiques imprégnant les textiles dans l’Égypte ancienne
4.2. Chimie des matériaux organiques d’intérêt et état de l’art archéométrique
4.3. Caractérisation par stratégie analytique intégrée de baumes organiques expérimentaux
4.4. Caractérisation par stratégie analytique intégrée de baumes organiques archéologiques
4.5. Conclusion
5. Nettoyer et dater un textile « contaminé » : diagnostic et extraction
5.1. Diagnostic d’imprégnation du lin par spectroscopie infrarouge
5.2. Élaboration d’un protocole d’extraction : caractérisation et datation d’échantillons modèles
5.3. Étude archéométrique d’un corpus de textiles funéraires provenant du musée du Louvre
5.4. Approche combinée de caractérisation et de datation pour déterminer l’âge d’une momie
5.5. Conclusion
Conclusion générale
Annexes

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