Les teneurs naturelles des CCA dans les sols
La teneur d’un élément chimique dans un sol est définie comme la masse de cet élément rapportée à une masse unitaire de ce sol sec. Nous l’exprimons dans l’unité classiquement utilisée en science du sol qui est le mg d’élément par kg de sol sec (mg/kg).
Les teneurs en Cr, Cu et As d’un sol non pollué dépendent en premier lieu de la roche mère dont dérive ce sol, et en second lieu des processus d’altération et de transport, qui peuvent soit concentrer les éléments soit les exporter dans d’autres compartiments de l’environnement.
Les valeurs-guides dans les sols
Rappelons ici quelques définitions [BRGM, 2001] :
– Il y a « contamination » lorsqu’une substance potentiellement dangereuse est introduite artificiellement (apport par une activité humaine) dans un milieu naturel, quelle que soit sa teneur. On parlera alors de contaminants.
– Il y a « pollution » lorsque la teneur est potentiellement dangereuse (apport constituant un danger), c’est à dire si elle atteint des valeurs limites fixées par les normes (valeurs-seuils). Ces substances seront alors qualifiées de polluants.
Notons que les valeurs seuils ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre (tab. I.5). La diminution du risque et l’augmentation du coût de dépollution sont proportionnelles : plus la diminution du risque est forte et plus les coûts de dépollution sont élevés. Le choix d’une norme concernant la valeur limite de la concentration des polluants à ne pas dépasser dans un sol est donc un choix souvent socio-politique sous-tendu par des pressions économiques.
En France, un système législatif est en train de se mettre en place et rien n’est encore définitif. La stratégie adoptée consiste à établir différents seuils en fonction de l’utilisation prévue du site. Ces seuils sont fondés sur des bases scientifiques en fonction de la toxicité de l’élément considéré. De nombreuses études de toxicité et d’écotoxicité sont en cours. A l’heure actuelle, la concentration totale de l’élément est souvent le seul paramètre pris en considération. Pourtant, les effets des éléments en traces dans les organismes vivants dépendent surtout de la forme et de l’espèce chimique sous laquelle ces éléments sont présents. Par exemple, il a été démontré que l’As(III) et le Cr(VI) sont respectivement nettement plus toxiques que l’As(V) et le Cr(III). Il est donc vraisemblable que la notion de spéciation des contaminants sera intégrée dans les normes au cours des années à venir, d’où l’intérêt d’intégrer cette notion dans ce travail de thèse.
Exemples de répartitions des CCA sur des sites de traitement du bois
Relativement peu de données bibliographiques sont disponibles sur la teneur en CCA des sols de sites de traitement du bois. En raison des conséquences réglementaires et financières induites par la mise en évidence d’une pollution dans une entreprise en activité, seuls les sites orphelins échappent facilement à la confidentialité.
Lors de la synthèse des résultats disponibles, nous avons porté attention aux conditions d’obtention de ces données afin de faire des comparaisons pertinentes. Les conditions importantes retenues sont :
– Le mode d’échantillonnage (surface, profondeur, composite)
– La préparation de l’échantillon (principalement le type de minéralisation)
– La méthode d’analyse (spectrométrie d’absorption atomic, spectrométie d’émission atomique, fluorescence X, etc.)
Définition du sol dans le cadre des études
Le dictionnaire Larousse de 1989 définit le sol comme la « partie superficielle de la croûte terrestre, altérée au contact de l’atmosphère et pénétrée par la vie végétale et animale ». Le sol est le produit d’altération des roches et des sédiments en interaction avec l’hydrosphère, l’atmosphère et la biosphère. C’est une interface d’épaisseur variable allant de la dizaine de centimètres à plusieurs dizaines de mètres. Dans notre étude, le sol sera considéré comme une couche de surface de matériaux meubles formés de minéraux, de matière organique, d’une solution aqueuse et de gaz. Le sol peut être assimilé à un système particulaire dont la principale caractéristique est une forte porosité (environ 50 %) dans laquelle l’eau et l’air sont présents et peuvent circuler. Nous considèrerons qu’en matière de sols pollués, les roches peu indurées et suffisamment poreuses, comme certains sédiments, peuvent être prises en considération.
Nous notons aussi ici la différence faite entre particules et constituants du sol. Les particules sont définies dans ce travail comme étant des petites parties du sol indivisibles lorsqu’elles sont mises en suspension aqueuse. Les constituants sont, quant à eux, regardés comme étant des espèces chimiques, minérales ou organiques. Par exemple la goethite (aFeOOH) ou la calcite (Ca(CO3)2) sont des constituants du sol, ils sont définis par leur composition chimique et leur réseau cristallin. Notons aussi que les sols des sites sont fortement anthropisés. Ils peuvent avoir été aplanis, remblayés, creusés, retournés, tassés, drainés, imperméabilisés ou encore désherbés.
Gammes de concentrations dans les sols de surface
On appelle sol de surface une couche de sol prise à partir de la surface et d’une épaisseur mesurable. Dans notre cas, l’épaisseur est de l’ordre de la dizaine de centimètres. Ces valeurs relevées dans la littérature ont été arrondies pour en faciliter la lecture. Ces teneurs sont variables en fonction des sites et des sources de contamination. Les zones les plus contaminées contiennent jusqu’à plus de 100 000 mg/kg de Cr, 60 000 mg/kg de Cu et 80 000 mg/kg d’As. La plupart des publications ne donnent pas la localisation, ni le volume des prélèvements en fonction des sources de pollution, ce qui ne permet pas de prendre en compte l’hétérogénéité de la contamination des sols. Un de nos objectifs a donc été d’évaluer cette hétérogénéité spatiale des pollutions aux CCA en mesurant et interprétant les gammes de teneurs observées sur des surfaces inférieures au m².
Teneurs dans des profils de sols
Selon Paterson et Freeman [Paterson & Freeman, 1998], la contamination par les CCA est limitée aux 25 premiers cm à partir de la surface. D’après les travaux de Bergholm et Dryler [Bergholm & Dryler, 1989], les teneurs en CCA peuvent décroître de plus d’un facteur 10 sur une quinzaine de centimètres et de plus d’un facteur 100 sur une cinquantaine de centimètres.(fig. I.7).
Dans la grande majorité des cas, les teneurs les plus élevées se trouvent à la proximité de la source d’émission. Sur les zones de stockages, où la source de CCA vient d’en haut, les teneurs décroissent très rapidement avec la profondeur. Il suffit en général de moins de 1 mètre de profondeur pour retrouver le fond géochimique du terrain.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I – SOURCES ET DISTRIBUTIONS DES CCA DANS LES SOLS
I.1 – Données bibliographiques
I.1.1 – Présentation des sites de traitement du bois
I.1.2 – Les sources primaires de pollution aux CCA
I.1.2.1 – Les différentes formulations chimiques destinées à l’imprégnation
I.1.2.2 – Quantités de CCA employées sur les sites de traitement
I.1.2.3 – Les scénarios de pollution
I.1.3 – Teneurs de CCA dans les sols
I.1.3.1 – Les teneurs naturelles des CCA dans les sols
I.1.3.2 – Les valeurs-guides dans les sols
I.1.3.3 – Exemples de répartitions des CCA sur des sites de traitement du bois
I.1.3.4 – Relation entre différentes distributions de CCA
I.2 – Nouveaux cas d’études de sites pollués aux CCA
I.2.1 – Présentations des sites
I.2.1.1 – Méthode de prospection des zones contaminées
I.2.1.2 – Descriptions générales des zones et des sols
I.2.2 – Matériels et méthodes
I.2.2.1 – Echantillonnage des sols
I.2.2.2 – Préparation et stockage des prises d’essai
I.2.2.3 – Détermination des teneurs élémentaires dans les sols
I.2.3 – Résultats et discussions
I.2.3.1 – Distribution spatiale des CCA en surface
I.2.3.2 – Distribution spatiale des CCA dans le profil
I.2.3.3 – Observations de sols en microscopie électronique à balayage (sources
secondaires)
CHAPITRE II – SPECIATION PHYSICO-CHIMIQUE DES CCA 39
II.1 – Propriétés du sol influentes sur la spéciation des CCA
II.1.1 – Les constituants réactifs du sol
II.1.1.1 – Les constituants minéraux
II.1.1.2 – La matière organique
II.1.2 – Les propriétés physico-chimiques du sol
II.1.2.1 – Le pH et le Eh
II.1.2.2 – La texture et la surface spécifique
II.1.2.3 – La structure
II.2 – Spéciation des CCA dans différents milieux
II.2.1 – Description des espèces de CCA
II.2.1.1 – Spéciation des CCA dans la solution aqueuse des sols
II.2.1.2 – Spéciation des CCA dans les phases solides du sol
II.2.1.3 – Spéciation dans les formulations de traitement CCA
II.2.2 – Réactions de transformation des espèces de CCA
II.2.2.1 – Transformation des CCA dans le bois traité
II.2.2.2 – Transformation des CCA dans les sols
II.2.3 – Influence de la spéciation des CCA sur leur mobilité dans les sols
II.2.3.1 – Mobilité du Cr
II.2.3.2 – Mobilité du Cu
II.2.3.3 – Mobilité de l’As
II.3 – Spéciation expérimentale sur la physico-chimie des CCA dans les sols
II.3.1 – Fixation des CCA en batch
II.3.1.1 – Exemple bibliographique
II.3.1.2 – Matériels et méthodes
II.3.1.3 – Résultats et discussion
II.3.2 – Fixation et lixiviation de différentes espèces de CCA
II.3.2.1 – Matériels et méthodes
II.3.2.2 – Résultats et discussion
II.3.3 – Extractions séquentielles des CCA
II.3.3.1 – Matériels et méthodes
II.3.3.2 – Résultats et discussion
CHAPITRE III – EXPERIENCES DE LIXIVIATION
III.1 – Données bibliographiques
III.1.1 – Valeurs-guides dans les eaux souterraines
III.1.2 – Cas de terrain
III.1.3 – Notions sur le mouvement des solutés dans les sols
III.1.3.1 – Définition de la lixiviation
III.1.3.2 – Porosité du sol et teneurs en eaux
III.1.3.3 – Transport des solutés
III.1.4 – Tests de lixiviation
III.1.5 – Influence des protocoles expérimentaux sur la lixiviation des CCA
III.2 – Comparaison entre différents protocoles expérimentaux de lixiviation des CCA
III.2.1 – Modes opératoires
III.2.1.1 – Echantillonnage et préparation des colonnes
III.2.1.2 – Lixiviation en colonnes de sol
III.2.1.3 – Lixiviation en batch
III.2.1.4 – Incertitudes sur les concentrations des CCA en solution aqueuse
III.2.2 – Résultats et discussion de chaque technique
III.2.2.1 – Lixiviation en colonne
III.2.2.2 – Lixiviation en batch
III.2.3 – Comparaison des techniques expérimentales et interprétations des résultats
III.3 – Lixiviation des CCA a partir de sols de types differents
III.3.1 – Matériels et méthodes
III.3.1.1 – Expériences de lixiviation en colonne
III.3.1.2 – Expériences de lixiviation en batch
III.3.2 – Résultats et discussion
III.3.2.1 – Lixiviations en colonnes
III.3.2.2 – Lixiviations en batch
III.3.2.3 – Rapport CCA lixiviés / CCA sol. Vers une atténuation naturelle ?
CONCLUSION
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