Les technologies haut débit dans l’étude des cellules tumorales

Le cancer 

Le cancer est la cause de 14% des décès dans le monde et de 25% dans les pays industrialisés, principalement à cause de l’augmentation de l’espérance de vie [Boyle and Levin, 2008]. C’est une maladie caractérisée par une prolifération anormale de cellules dans un tissu ou organe donné menaçant son bon fonctionnement et sa survie. Cette capacité à proliférer résulte d’une série de modifications qui permettent aux cellules d’échapper à différents points de contrôles.

Origine 

Les différentes formes de cancer se composent d’une grande hétérogénéité cellulaires ou moléculaires tel que leur morphologie, les marqueurs à leur surface, les lésions génétiques, la cinétique de prolifération ou encore la réponse aux traitements [Dick, 2008]. Il existe pour l’heure deux théories expliquant l’origine de cette hétérogénéité. Bien que les deux théories soient différentes, elles ne sont pas mutuellement exclusives et il semble que certains types de tumeurs suivent préférentiellement l’un ou l’autre modèle [Shackleton et al., 2009].

Origine clonale
L’existence d’une origine monoclonale des cellules tumorales a été proposée par Nowell [Nowell, 1976]. Cette théorie suppose que les cellules tumorales proviennent d’une seule cellule d’origine qui acquiert une série de mutations dans des gènes clés impliqués dans la croissance cellulaire, la migration, etc. En effet, une série de mutations est nécessaire dans le processus de carcinogénèse pour transformer une cellule normale en une cellule maligne [Hanahan and Weinberg, 2000]. Le clone le plus agressif est sélectionné par des mutations progressives car il est le plus apte à survivre dans l’environnement tumoral faisant ainsi référence à un processus dénommé Darwinisme tumoral [Vermeulen et al., 2008]. À chaque étape, une cellule acquiert une nouvelle mutation qui lui donne un avantage sélectif par rapport à ses voisines. Les cellules filles émergeantes vont continuer à se diviser pour former une tumeur et vont donc devenir le clone dominant dans la masse tumorale. Dans ce modèle classique, il n’existe peu ou pas de hiérarchie entre les différents clones et toutes les cellules peuvent contribuer de manière équivalente à la croissance de la tumeur.

Cellules souches cancéreuses

Depuis quelques années, une autre théorie permet d’expliquer l’hétérogénéité observée dans les tumeurs. Le modèle des cellules souches cancéreuses (CSC) propose que la croissance et la progression des cancers est conduite par un sous groupe de cellules cancéreuses [Reya et al., 2001; Dick, 2008] et l’hétérogénéité observée dans les tumeurs est le résultat d’un gradient de différenciation. Certaines cellules tumorales sont différenciées et expriment des marqueurs cellulaires et moléculaires associés à la différenciation, alors que d’autres, les cellules souches cancéreuses, se trouvent à un stade immature. Une cellule tumorale est définie comme CSC lorsqu’elle répond à deux critères fondamentaux par analogie aux cellules souches normales. Ces cellules doivent pouvoir s’auto-renouveler et elles doivent être capable de se différencier vers l’ensemble des cellules présentes dans la tumeur (Fig. 1.1). Dans une tumeur on observe à la fois des cellules différenciées qui ont perdu la capacité de propager la tumeur et des CSC. Cette organisation hiérarchique peut facilement s’intégrer dans la théorie clonale proposée par Nowell. Comme expliqué précédemment, cette théorie se base sur la présence d’un clone qui acquiert par des mutations des propriétés prolifératives. Si les CSC sont inclues dans ce modèle, la sélection par des mutations pourrait se faire au niveau de ces cellules. Ce qui n’exclut pas le fait d’avoir des cellules plus différenciées soumises à sélection. Cette théorie fait encore l’objet de débat notamment sur la cellule d’origine  CSC. Cette cellule peut être une cellule souche normale ou une accumulation de mutations peut transformer une cellule différenciée en CSC. Avec cette théorie, les seules cellules capables d’initier la croissance tumorale sont les CSC.

Oncogènes et gènes suppresseurs de tumeurs

Les cellules tumorales diffèrent de leur homologues normales par plusieurs aspects tel que leur morphologie, les interactions cellules-cellules, leur croissance, la structure de leur cytosquelette ou encore le profil d’expression de leurs gènes avec une accumulation de mutations. Il existe deux grandes classes de gènes pour lesquelles des altérations sont causales dans la progression tumorale. Les oncogènes qui présentent une trop grande activité dans les cellules cancéreuses et les gènes suppresseurs de tumeurs qui eux sont plutôt touchés par des mutations visant à diminuer leur activité. Il existe un grand nombre d’acteurs dans les oncogènes alors que le nombre de gènes suppresseurs de tumeurs est bien plus faible.

Les oncogènes 

Les gènes pour lesquels une mutation gain de fonction conduit une cellule normale en cellule cancéreuse sont des proto-oncongènes et leurs formes mutées correspondantes sont les oncogènes. Ces gènes participent a des actions essentielles dans la cellule comme la croissance et la prolifération. Ils sont donc au cœur de voies de signalisation centrales et sont ainsi extrêmement bien conservés au cours de l’évolution. Au moins trois différents mécanismes de mutations peuvent transformer un proto-oncogène en oncogène : une mutation ponctuelle entraînant une activation constitutive du protooncogène ; une amplification du segment d’ADN qui contient le proto-oncogène entraînant ainsi une sur-expression de la protéine ; une translocation qui place le gène sous le contrôle d’un promoteur différent causant ainsi une expression inappropriée du gène. Le premier mécanisme diffère des deux autres dans le sens où l’oncoprotéine produite est légèrement différente de la version normale, alors que dans les deux derniers la protéine produite est identique mais en plus grande quantité que dans une cellule normale. Ces mutations gain de fonction agissent de façon dominante, en effet une mutation dans un seul des deux allèles est suffisante pour l’induction du phénotype cancéreux. Les oncogènes peuvent agir : au niveau de l’ADN, en contrôlant l’expression des gènes par le remodelage de la chromatine (MLL dans les leucémies) ou via des facteurs de transcription (MYCN dans le neuroblastome) ; au niveau des voies de transduction du signal par l’action de facteurs mitogènes ou des récepteurs permettant l’activation de ces voies (FGFR3 dans le cancer de la vessie) ; au niveau de l’apoptose en l’inhibant (MDM2 dans les sarcomes) ; ou encore au niveau du cytosquelette.

Les gènes supresseurs de tumeurs

Inversement, les gènes suppresseurs de tumeurs sont impliqués dans la formation de tumeurs par une perte de leur fonction. Dans une cellule normale, ces gènes codent généralement pour des protéines qui inhibent la prolifération cellulaire et une seule copie de ces gènes peut avoir un rôle préventif contre le développement tumoral (inexact pour p53). Les gènes suppresseurs de tumeurs peuvent agir : au niveau de l’apoptose, avec un rôle pro-apoptotique ; au niveau de la prolifération en la contrôlant ; au niveau de la longévité cellulaire. Parmi les gènes suppresseurs de tumeurs on peut citer : p53, facteur de transcription, qui en réponse à des dommages à l’ADN ou à des anomalies dans le cycle cellulaire va induire l’arrêt du cycle ou activer l’apoptose ; RB, qui joue le rôle de « frein »dans la division cellulaire en bloquant le cycle cellulaire ; p16INK4a, une kinase cycline-dépendant qui contrôle également le cycle cellulaire via RB et l’apoptose en séquestrant MDM2 responsable de la dégradation de p53. Il est à noter l’importance de la machinerie impliquée dans la réparation de l’ADN, car les cellules qui perdent la capacité à réparer les dommages à l’ADN accumulent des mutations dans de nombreux gènes, dont ceux qui contrôlent la prolifération cellulaire et la croissance. Cependant, certaines études ont montré l’importance du bon fonctionnement, voir même de la sur-expression des gènes impliqués dans la réparation de l’ADN dans les tumeurs agressives [Kauffmann et al., 2008] suggérant ainsi que bien qu’étant tumorales, ces cellules  doivent présenter un génotype stable. Étant donné qu’une seule copie d’un gène suppresseur de tumeur est suffisante pour contrôler la prolifération cellulaire, les deux allèles doivent être perdues ou inactivées pour induire un phénotype tumoral. Les mutations perte de fonction conduisant à des phénotypes tumoraux sont donc des mutations récessives. C’est pourquoi des gènes suppresseurs de tumeurs ont été identifiés dans des formes familiales de cancer comme RB dans le rétinoblastome.

Caractéristiques des cellules cancéreuses 

Nous venons de voir que les cellules pour devenir cancéreuses subissent une accumulation de mutations au niveau de gènes clés qui contrôlent bon nombre de mécanismes de régulation. Chaque type cellulaire et cancer associé présente une combinaison de mutations différentes. Cependant, Hanahan et Weinberg [Hanahan and Weinberg, 2000] ont montré que malgré ces différences de mutations, la majeure partie des cellules cancéreuses, si ce n’est toutes, présentent six modifications essentielles pour devenir malignes (Fig. 1.2.A). En 2011 [Hanahan and Weinberg, 2011], avec l’ensemble des recherches effectuées sur les différents types de cancers, ils ont enrichi cet ensemble de caractéristiques par deux autres altérations générales que doivent acquérir les cellules tumorales et deux autres particularités nécessaires liées (Fig. 1.2.B).

Perte de contrôle au niveau du cycle cellulaire

Indépendance vis-à-vis des signaux stimulants la prolifération cellulaire

Les cellules normales nécessitent l’activation de récepteurs membranaires par la liaison de leur ligand (facteurs de croissance) pour pouvoir passer d’un état quiescent à un état prolifératif. Les cellules tumorales sont capables d’activer ces voies de manière constitutive. Cette indépendance vis-à-vis des facteurs de croissance a été la première caractéristique clairement identifiée dans les cellules tumorales à cause du grand nombre d’oncogènes décrits dans ce contexte. Trois stratégies peuvent être citées pour rendre les cellules cancéreuses indépendantes aux signaux de croissance : l’altération des signaux de croissance extra-cellulaires ; l’altération des transducteurs de ce signal ; l’altération des circuits qui traduisent ces signaux en action. De nombreuses cellules cancéreuses acquièrent la capacité à synthétiser elles-mêmes des facteurs de croissance créant ainsi une boucle de contrôle positive. La synthèse de PDGF et de TGFβ par les gliobastomes et les sarcomes en sont un exemple. Les récepteurs membranaires envoient ces signaux principalement grâce à une activité tyrosine kinase dans leur domaine cytoplasmique. Ils peuvent être sur exprimés et donc être hypersensibles aux facteurs de croissance environnants. Dans les tumeurs de l’estomac, du seins ou du cerveau, il a été décrit une sur-expression de EGFR [Salmon et al., 1998; Yarden and Ullrich, 1988]. Cette sur-expression de récepteurs membranaires peut également entraîner une transduction du signal indépendamment d’une fixation ligand/récepteur. Cette transduction indépendante peut également être due à une modification structurale du récepteur le rendant ainsi constitutivement actif. Des mutations somatiques sont observées dans de nombreux cancers entraînant une activation constitutive des circuits normalement activés par la fixation de facteurs de croissance sur les récepteurs. Il a par exemple été montré une mutation BRAF dans 40% des mélanomes cutanés activant ainsi la voie de signalisation des protéines MAP-kinases [Davies and Samuels, 2010]. Inversement, l’activation constitutive de certaines voies de signalisation peut être la conséquence d’une boucle de régulation négative. En effet, une mutation perte de fonction dans la protéine PTEN amplifie la voie de signalisation PI3K et induit la tumorigénèse dans plusieurs modèles de cancer [Jiang and Liu, 2009].

Insensibilité aux signaux anti-prolifératifs

Dans un tissu normal, son homéostasie est régulée pour avoir autant de cellules nouvelles que de cellules qui meurent. Les inhibiteurs de croissance permettent de réguler la division cellulaire et ainsi maintenir un nombre constant de cellules dans les tissus. Une grande partie des gènes suppresseurs de tumeurs permettent de réguler la croissance cellulaire et leur prolifération. Parmi ces gènes nous pouvons citer le gène codant pour la protéine RB et celui codant pour la protéine TP53 qui sont des protéines centrales dans la régulation du cycle cellulaire. RB bloque la prolifération par le biais de E2F, facteur de transcription qui contrôle l’expression de nombreux gènes impliqués dans le passage G1 en phase S [Calzone et al., 2008]. Une dérégulation dans la voie de signalisation de RB permet de libérer E2F et permet la prolifération cellulaire en rendant les cellules insensible aux facteurs antiprolifératifs. De nombreux mécanismes peuvent entraîner des dysfonctionnements dans cette voie de signalisation et ainsi aider au développement de néoplasme. L’anti-oncogène p53 participe au maintien de la stabilité du génome en contrôlant également l’expression d’une collection de gènes régulateurs du cycle cellulaire et de la mort cellulaire programmée. Cette protéine est également fréquemment altérée dans les cellules tumorales. Il est à noter que des souris délétées pour RB ou p53 se développent normalement et présentent des néoplasmes que tardivement. Ce qui met en évidence l’action de mécanismes alternatifs qui agissent de manière redondante et qui servent à limiter la réplication inappropriée des cellules dépourvues de ces deux anti-prolifératifs clés.

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Table des matières

Introduction
1 Le cancer
1.1 Origine
1.1.1 Origine clonale
1.1.2 Cellules souches cancéreuses
1.2 Oncogènes et gènes suppresseurs de tumeurs
1.2.1 Les oncogènes
1.2.2 Les gènes supresseurs de tumeurs
1.3 Caractéristiques des cellules cancéreuses
1.3.1 Perte de contrôle au niveau du cycle cellulaire
1.3.1.1 Indépendance vis-à-vis des signaux stimulants la prolifération cellulaire
1.3.1.2 Insensibilité aux signaux anti-prolifératifs
1.3.2 Fabrication de la masse tumorale
1.3.2.1 Prolifération illimitée
1.3.2.2 Résistance à la mort cellulaire
1.3.3 Maintien de la masse tumorale
1.3.4 Activation du potentiel invasif et migratoire
1.3.5 Reprogrammation du métabolisme
1.3.6 Microenvironnement et système immunitaire
2 Les technologies haut débit dans l’étude des cellules tumorales
2.1 Introduction
2.2 Principe général
2.2.1 Les puces à ADN par dépôt
2.2.2 Les puces à ADN à oligonucléotides synthétisés in situ
2.2.3 Les puces à ADN à microbilles (Bead Chip)
2.3 Haut-débit et étude des cancers
2.3.1 Étude au niveau de l’ADN
2.3.1.1 Analyse du nombre de copie
2.3.1.2 Polymorphismes
2.3.1.3 Méthylation
2.3.1.4 Fixation de régulateurs
2.3.2 Étude au niveau de l’ARN
2.3.2.1 Quantification
2.3.2.2 Epissage
2.3.2.3 micro ARN
2.3.3 Étude au niveau protéique
2.3.4 Étude phénotypique
2.4 Analyse du génome
2.4.1 Les puces CGH
2.4.2 Les puces Affymetrix SNP6.0
2.4.3 Extraction du signal
2.4.3.1 Traitement des puces CGH
2.4.3.2 Traitement des puces SNP6.0
2.4.4 Segmentation des données
2.4.5 Attribution du génotype pour les puces SNP6.0
2.5 Analyse du transcriptome
2.5.1 Les puces 3’IVT d’Affymetrix
2.5.2 Les puces Exon Array d’Affymetrix
2.5.3 Algorithmes pour l’extraction du signal des puces d’expression Affymetrix
2.5.3.1 MAS 5.0
2.5.3.2 RMA et GCRMA
2.5.3.3 Autres algorithmes
3 Analyse de données haut débit
3.1 Analyses exploratoires non supervisées
3.1.1 Clustering Hiérarchique
3.1.1.1 Métriques
3.1.1.2 Les critères de liens
3.1.2 Analyse en Composantes Principales
3.2 Analyses Supervisées
3.2.1 Le test de Student
3.2.2 L’analyse de la variance
3.2.3 Le test de Wilcoxon
3.2.4 Contrôle du taux d’erreur
3.2.4.1 Le taux d’erreur globale
3.2.4.2 Le taux de faux positifs
3.2.5 Exemple de la méthode SAM
3.2.6 Statistique bayésienne empirique
3.3 Analyse d’enrichissement
3.3.1 La « Gene Ontology »
3.3.2 La base de données KEGG
3.3.3 Les Tests Hypergéométriques
3.3.4 L’outil GSEA
3.4 Analyse de survie
3.4.1 Définitions
3.4.2 Les courbes de survie et la méthode de Kaplan-Meier
3.4.3 Comparaison de courbes de survie
3.4.3.1 Test du logRank
3.4.3.2 Modèle de Cox
Conclusion

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