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Une protection plurifonctionnelle
La recherche pourrait renvoyer dans une première compréhension à la justice constitutionnelle telle qu’elle est appliquée au Sénégal, c’est-à-dire la mise en œuvre des normes constitutionnelles, l’étude de l’application des règles constitutionnelles par le juge constitutionnel saisi au contentieux. Certes, la dimension contentieuse constitue la partie la plus visible, la plus manifeste de la protection, mais il n’en demeure pas moins que celle-ci peut revêtir une forme non contentieuse. Ainsi, peut-on se demander si l’essentiel de la production jurisprudentielle en la matière ne se situe pas dans la fonction non contentieuse ? Le juge peut être saisi pour avis si les textes qui organisent la procédure d’élaboration de la norme en question rendent obligatoire sa saisine préalable45. En France, l’importance de la fonction consultative est mise en exergue par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. L’article 39 al. 2 de la Constitution de 1958 impose la consultation obligatoire du Conseil d’Etat sur les projets de loi avant qu’ils ne soient délibérés en Conseil des ministres. Cette exigence vaut pour tous les projets de loi sans distinction d’objet, ni de procédure46. En plus, le fait pour une juridiction d’exercer des activités gracieuses par moment ne lui enlève en rien sa qualité de juge47. D’ailleurs, Marcel WALINE a soutenu que le Conseil constitutionnel est une juridiction tantôt contentieuse tantôt non contentieuse »48. Olivier. DUHAMEL et Yves MENY s’inscrivent dans la même perspective. Ils estiment que la décision juridictionnelle peut être gracieuse (recognitive) ou contentieuse (trancher un différend)49. L’étude de la protection non contentieuse permet de dépasser la vision sectorielle axée seulement sur la dimension contentieuse de la justice constitutionnelle. Elle permet de rendre compte de la réalité de celle-ci. En effet, si le juge constitutionnel tranche des conflits de normes et comportements à l’aune de l’ordre constitutionnel, sa mission ne s’arrête pas à cet aspect ; elle le dépasse. Tout comme le juge de l’administration peut s’ériger en conseiller, le Conseil constitutionnel exerce des attribuions consultatives qui méritent d’être étudiées. Ainsi conviendra-t-il du point de vue formel d’explorer les autres techniques procédurales autres que contentieuses utilisées devant le juge pour assurer la protection de l’ordre constitutionnel. Aussi, la saisine du juge peut-elle être guidée par des considérations d’ordre stratégique. Hormis les cas où la saisine du juge est obligatoire, les saisissants détiennent un atout qu’ils exploitent le moment opportun. Le choix du moment de la saisine devient décisif pour l’obtention d’un gain : par exemple, la censure ou la mise à l’écart de la norme présumée inconstitutionnelle du procès en cours.
Aussi, au Sénégal, la protection de l’ordre constitutionnel se singularise-t-elle par la pluralité des juridictions qui y interviennent.
Une pluralité des organes juridictionnels
L’organisation juridictionnelle de la protection de l’ordre constitutionnel peut être un modèle diffus ou centralisé. Au Sénégal, la protection de l’ordre constitutionnelle implique plus d’un organe judiciaire. Le contrôle de constitutionnalité des actes législatifs est confié au Conseil constitutionnel, tandis que celui des actes administratifs est dévolu à la Cour suprême, juge de l’administration. Nous constatons donc que le modèle juridictionnel de contrôle de constitutionnalité n’est ni diffus, ni centralisé. Il est ni diffus, ni centralisé dans la mesure où les cours et tribunaux ne peuvent, à l’instar du modèle américain connaître de la constitutionnalité d’un acte législatif. En outre, le Conseil constitutionnel ne peut connaître de la constitutionnalité d’un acte administratif.
Le Conseil constitutionnel sénégalais n’a pas le monopole de contrôle de constitutionnalité des normes juridiques. C’est une fonction qu’il partage avec d’autres juridictions. En effet, la transformation de l’ordre juridique sous l’influence des normes constitutionnelles oblige les autres juges à faire application des normes constitutionnelles50.Le contrôle de constitutionnalité des lois n’est donc qu’une des techniques mises à la disposition de la justice constitutionnelle. C’est sans doute la plus importante, mais il ne s’identifie pas à celle-ci51.A titre illustratif, la Chambre administrative de la Cour suprême peut connaître du recours pour excès du pouvoir des actes administratifs unilatéraux qui violeraient l’ordre constitutionnel52.La conception qui réduit la protection de l’ordre constitutionnel au seul rôle que joue la juridiction constitutionnelle est minimaliste. Etudiant la protection constitutionnelle des droits fondamentaux au Sénégal M. M. SY centralise sa réflexion sur le Conseil constitutionnel. En effet, précisant l’office de la juridiction, il écrit : « Dans les systèmes de justice constitutionnelle étudiés dans le cadre de cette recherche, aucune juridiction administrative ou judiciaire ne pouvant remplir un tel office, seule la mission du Conseil constitutionnel en tant juge électoral et la constitutionnalité des lois y parvient. Ainsi chaque fois qu’on est porté à parler de juridiction ou de juge constitutionnel, on fait allusion au Conseil constitutionnel »53. Pourtant, M. SY fait remarquer dans son étude que la notion de « juridiction constitutionnelle » peut désigner une pluralité de juges. Ce n’est pas un hasard lorsque les Professeurs B. MATHIEU et M. VERPEAUX parlent des « juges du contentieux constitutionnel »54.Or, il faut admettre que le juge de l’administration joue un rôle déterminant dans la protection des droits fondamentaux définis par l’ordre constitutionnel. Les autorités administratives ont le pouvoir de prendre des décisions administratives qui s’imposent aux administrés et qui violent l’ordre constitutionnel. A cet égard, le recours pour excès de pouvoir apparaît comme l’arme la plus efficace pour assurer la défense des droits fondamentaux. D’ailleurs dans certains modèles de justice constitutionnelle, le constituant est tellement conscient de cette situation qu’il a pris le soin de confier à la juridiction constitutionnelle le contrôle de constitutionnalité des actes administratifs55. L’apparition du règlement autonome démontre suffisamment que la fonction de l’acte administratif ne se réduit pas à l’application de la loi. La décision administrative devient alors dans les cas déterminés par l’ordre constitutionnel un instrument de mise en œuvre de celui-ci. En pareille hypothèse, il entre dans les attributions du juge de l’administration de veiller à ce que l’ordre constitutionnel ne soit pas altéré par l’autorité administrative. L’épithète « constitutionnelle » sur lequel semble reposer la réduction de la juridiction constitutionnelle au seul Conseil constitutionnel faite par M. SY est minimaliste.
Le pouvoir de clarification et d’authentification
Ces deux types de pouvoir du juge se rencontrent en matière électorale et en matière consultative. Le juge, dans l’un des cas vérifie l’authenticité d’une opération par rapport à un schéma décrit par l’ordre constitutionnel correspondant à l’expression de la souveraineté nationale (A) ; dans l’autre, il répond à la question de savoir si l’acte juridique que l’on se projette d’édicter ne violerait pas les prescriptions de l’ordre constitutionnel (B).
Le pouvoir d’authentification
Jusqu’à une période récente, le contentieux des élections était du ressort des Assemblées parlementaires. C’est le système de la validation où l’élu était en même temps juge de sa propre élection. Avec la rationalisation du régime parlementaire et la volonté de garantir la régularité des élections, le juge sera par la force des choses amené à arbitrer les conflits électoraux en authentifiant en dernier ressort la conformité de la volonté du corps électoral à l’ordre constitutionnel en vigueur. Ce pouvoir juridictionnel d’authentification (I) se manifeste à travers des actes juridictionnels posés (II).
La dévolution du pouvoir d’authentification au juge
Jusqu’en 1981 le Sénégal connaissait du système dit de la « vérification des pouvoirs » pour les élections législatives409. En droit constitutionnel et parlementaire ce système signifie, le pouvoir pour l’Assemblée nationale de vérifier la régularité de la désignation de ses membres410. Certes, l’alinéa 1er de l’article 29 de la Constitution de 1963 prévoyait que « la Cour suprême veille à la régularité du scrutin dans les conditions déterminées par une loi organique », mais cette disposition est restée inappliquée parce que la loi organique ainsi prévue qui devait déterminer les modalités d’intervention de la Cour suprême n’est jamais intervenue411. Au demeurant, en 1978, la deuxième section de l’ancienne Cour suprême, statuant en matière d’excès de pouvoir a suggéré au Parti Démocratique Sénégalais de saisir la formation sections réunies de la Cour suprême en vue de prendre des mesures pour garantir le secret du scrutin en vertu des pouvoirs qu’il tient de la de l’alinéa 1er de l’article 29 de la Constitution. Pour une partie de la doctrine, en procédant ainsi, la Cour suprême a outrepassé ses prérogatives, car dans l’état de la législation d’alors, les sections réunies ne disposaient pratiquement d’aucun pouvoir dans ce domaine412. La justification du système de la validation est fournie par le Professeur E. H. MBODJ, qui fait remarquer que « la finalité de l’élection démocratique étant d’octroyer une onction de légitimité démocratique populaire aux représentants, le juge, dépourvu de toute légitimité électorale, ne devrait point par conséquent jouir d’une autorité de contrôler, censurer ou valider l’élection de ceux censés exprimer la volonté générale de la nation »413. Cependant, ce système de la validation nonobstant ses fervents défenseurs parmi les membres de doctrine et son application par certaines démocraties libérales,415 peut être sujet à discussion du point de vue de son efficacité, dans la mesure où l’on peut douter de la volonté réelle d’autocontrôle de la part des élus. C’est pourquoi, en 1981, le constituant va procéder à une juridictionnalisation du contrôle des élections pour mieux garantir la légitimité du processus électoral416. Cette volonté cadre bien avec la réalité sociopolitique de l’époque, car de l’avis de certains observateurs de la vie politique en Afrique en général et au Sénégal en particulier, l’élection correspond souvent à une période agitée faite de troubles, de violences.417 Dès lors, sa gestion ne peut être confiée qu’à un organe impartial. L’intervention du juge était plus que nécessaire d’autant que des cas « détournement de la volonté populaire » ne manquaient se de révéler418. L’appréciation de la régularité des élections présidentielle, législatives, locales et des opérations référendaires est désormais confiée au juge. Toutefois, si le la réforme était appréciée dans son principe, sa mise en œuvre n’était pas suffisamment réfléchie. La présence de la Cour suprême pendant tout le processus électoral entamait avec sérieux l’efficacité de son contrôle, mettant ainsi la réforme en deçà des attentes de ses acteurs. Comment le juge pouvait-il superviser les élections et juger en même temps de leur régularité ? Pouvait-il réellement se déjuger ? Le propos du Professeur Demba SY est suffisamment édifiant. Le Professeur SY écrit à ce titre : « Lorsque la Cour suprême statue sur le contentieux, elle ne procède pas à des annulations ; si elle le faisait elle se déjugerait car elle est censée avoir veillé à la régularité du scrutin »419. De ce fait, les réformes entamées depuis 1992 ne pouvaient être que les bienvenues. En effet, même si dans la pratique, des atermoiements ont été notés, elles procèdent à une décharge du juge de la supervision des élections, confiée à des organes créées à cet effet420, et limite son intervention en amont et en aval du processus électoral. Le juge constitutionnel intervient désormais lors du dépôt des candidatures et au stade final lors de la proclamation définitive des résultats.
Les manifestations du pouvoir juridictionnel d’authentification
Les cours et tribunaux veillent à l’égalité entre les candidats à l’utilisation des moyens de propagande dans les conditions déterminées par la loi organique. Ils sont également chargés de participer à la sauvegarde l’ordre constitutionnel en veillant à la régularité du scrutin dans les conditions fixées par la loi organique425. De ce constat, il résulte que le Conseil constitutionnel n’est pas le seul juge habilité à intervenir dans le processus électoral, afin d’assurer la sincérité du vote426. Cependant, ce pouvoir d’authentification de la volonté nationale est dévolue pour l’essentiel à la Cour suprême, juge de cassation des élections locales et administratives et au Conseil constitutionnel, juge des élections nationales.
L’ordre constitutionnel détermine les conditions d’élection du Président de la République dont le juge doit s’assurer qu’elles sont bien remplies au risque d’altérer l’expression de la volonté populaire. Ainsi, l’ordre constitutionnel fixe-t-il la nature du suffrage, celui-ci est en effet toujours universel, égal et secret427, et s’exerce de façon directe et au scrutin majoritaire à deux tours428. Aussi, l’ordre constitutionnel détermine-t-il la durée du mandat du Président de la République et nombre de fois qu’il est renouvelable429, les conditions afférentes l’état civil des candidats430, la procédure à suivre pour le dépôt des candidatures431 et la majorité des suffrages requise pour être élu432. L’ordre constitutionnel fixent un seuil visant à assurer le choix réel de la majorité des électeurs pour la désignation de l’élu433, et il appartient au juge de s’assurer que ce rapport avec les électeurs est bien établi. Il entre également dans les attributions du Conseil constitutionnel de proclamer les résultats définitifs des élections nationales. La régularité du scrutin est un signe de la manifestation de l’authenticité de la volonté populaire. En effet, le juge constitutionnel veille à la sincérité du scrutin présidentiel434. En matière référendaire, les tribunaux veillent à la régularité des votations et il appartient au Conseil constitutionnel de proclamer les résultats définitifs435. Le pouvoir d’authentification se ressent dans les dispositions du Code électoral qui prévoit la transmission du procès-verbal de la Commission nationale de Recensement des Votes accompagné des pièces annexées au président du Conseil constitutionnel, en cas d’expiration du délai, les procès-verbaux des commissions départementales et les pièces annexées sont transmis immédiatement au Conseil constitutionnel accompagné d’un rapport du président de la Commission nationale de Recensement des Votes436. C’est sur la base de ses éléments que juge proclame les résultats du scrutin tout en s’assurant qu’ils correspondent à la volonté populaire437. Dans ce sens, le Professeur Richard GHEVONTIAN considère la « sincérité du scrutin comme le révélateur de la volonté réelle de l’électeur » et ayant pour implications « que le résultat de l’élection soit l’exact reflet de la volonté exprimée par la majorité du corps électoral », il poursuit en estimant que « cette notion en apparence éclatée trouve son unité autour d’un certain nombre de principes fondamentaux du droit électoral »438. Le Professeur F. M. DJEDJRO439 opine dans le même sens à propos de la Constitution ivoirienne. Il estime que le principe de sincérité du scrutin recouvre l’ensemble des autres principes qu’il expose et qui se trouvent prescrits par la Constitution ivoirienne en son article 33 qui dispose que « le suffrage est universel, libre, égal et secret ». De même, lors de la réception du serment du Président de la République, le juge constitutionnel exerce un pouvoir d’authentification440. Celui qu’il installe dans les fonctions de Président de la
Alinéa 2 de l’Article 33 de la Constitution prévoit « que nul n’est élu au premier tour s’il n’a obtenu la majorité des suffrages exprimés » et « au second tour la majorité relative suffit » prévoit l’alinéa 3 dudit article.
République étant bien celui que les électeurs ont désigné441. Le juge, à cette occasion a d’ailleurs dégagé un principe fondamental en considérant que « la prestation de serment et l’installation du Président de la République marquent juridiquement le début du mandat Président de la République »442. La succession de chefs d’Etat est un temps de manifestation du pouvoir d’authentification du juge de la volonté des électeurs. Le juge veille à ce que l’ordre constitutionnel ne soit pas altéré à cette occasion. La réception du serment du Président-successeur par l’organe juridictionnel est un temps fort permettant d’assurer que l’ordre constitutionnel établi par le constituant n’est pas rompu443.
La dynamique du modèle de protection de l’ordre constitutionnel
Au Sénégal, comme au demeurant dans pratiquement tous les systèmes juridiques de l’Afrique francophone, la régularisation d’une norme juridique ou d’un comportement peut prendre diverses formes. Ainsi, la protection peut emprunter une nature variée (Section I) et s’exercer suivant différentes modalités, ce qui sans doute particularise la protection juridictionnelle de l’ordre constitutionnel sénégalais (Section II).
La nature de la protection
La nature de la protection juridictionnelle de l’ordre constitutionnel varie en fonction des règles de procédure de saisine du juge et de l’objet de la contestation. Dans sa mission, le juge s’introduit dans un système et se met en relation avec d’autres acteurs avec lesquels il peut entretenir des relations de coopération ou des rapports de force. Dans cette perspective, la protection juridictionnelle de l’ordre constitutionnelle peut être envisagée sous l’angle des pouvoirs conférés au juge (Paragraphe I), tout comme elle peut s’analyser en une stratégie de défense ou de prévention d’une atteinte à l’ordre constitutionnel (Paragraphe II).
La nature des pouvoirs du juge
La mission du juge n’est pas exclusivement de trancher les litiges portés devant lui. Il peut être sollicité par les gouvernants pour aider à mieux comprendre le sens et la portée des textes avant ou après leur adoption formelle. Ainsi, à l’intérieur du système, la protection de l’ordre constitutionnel peut être de nature contentieuse ou non contentieuse suivant que la sollicitation faite par les saisissants au juge porte sur un litige ou non. Il convient cependant de considérer que la dichotomie protection contentieuse et protection non contentieuse atteste un dépassement de la controverse doctrinale481 sur la nature du contrôle de constitutionnalité. La démarche se Les partisans du caractère contentieux, on peut citer M. WALINE « Elément d’une théorie de la juridiction constitutionnelle en droit positif français », RDP, 1928, pp. 441-462.
La protection contentieuse
Le contentieux, étymologiquement est un ensemble de procès se rapportant à un même objet483.Le terme contentieux rapporté au droit constitutionnel désigne l’ensemble des litiges portant sur une contestation de la constitutionnalité d’actes ou comportements subordonnés à la Constitution ainsi que les procédés et techniques ayant pour objet de résoudre les contestations.484 Le terme contentieux constitutionnel, est employé lorsque la norme de référence est la Constitution et les normes considérées comme appendices de celle-ci, et chaque fois qu’une autorité de type juridictionnelle est amenée à répondre à une question de droit en se fondant sur ces dites normes. Au premier rang des autorités juridictionnelles on peut citer le Conseil constitutionnel mais on ne peut exclure du contentieux constitutionnel les juridictions judiciaires et les juridictions de l’ordre l’administratif car elles intègrent parfois l’ordre constitutionnel dans leur mission de contrôle. Seulement, la logique qui sous-tend notre recherche nous amène à circonscrire la réflexion autour du contentieux constitutionnel des lois et du contentieux constitutionnel des actes administratifs (II).
Le contentieux constitutionnel des lois
D. MAUSS définit le contentieux constitutionnel comme « l’ensemble des litiges qui peuvent naître de l’activité des institutions ainsi que les procédés qui permettent de les résoudre »485. Cette définition est trop large car elle couvre l’ensemble des institutions dont les rapports sont organisés par la Constitution et bien que tranchant des litiges ne sont pas dotées de statut de juridiction. Dans une acception plus étroite il s’agit de « l’ensemble des décisions de la juridiction constitutionnelle »486. M.J. PINI définit la notion comme « l’ensemble des questions portant sur des questions de constitutionnalité et aux modes de règlement spécifique des litiges, ce dernier élément incluant par extension l’ensemble des voies de recours contentieux ».487Le 482F. LUCHAIRE estime que le juge constitutionnel dans l’accomplissement de ses missions assume parfois une fonction déclaratoire (procédure de délégalisation des textes de forme législative) ou proclamatoire (proclamation des résultats des élections). Mais au final, F. LUCHAIRE considère que ces fonctions aboutissent toutes chacune caractère contentieux tient au fait que ce qui est soumis au contrôle heurte la volonté des acteurs de la saisine du juge. La saisine devient en quelque sorte pour les saisissants le meilleur coup qui puisse jouer suivant la situation qui est la leur, et à cette occasion ils se présentent comme des défenseurs du droit constitutionnel488. La protection contentieuse est la forme la plus achevée permettant de déplacer le débat du champ politique pour l’amener au terrain juridique du temple de Thémis. Dans le domaine du contentieux des normes juridiques, il suffit de se référer aux moyens invoqués par les requérants pour se convaincre de la nature contentieuse de la protection. En effet, dans leurs mémoires, les requérants invoquent des moyens tels détournements de procédure », « détournement de pouvoir », « incompétence », « violation du principe constitutionnel d’égalité » etc. Le plus souvent, pour le cas des actes législatifs la saisine du juge n’est qu’une révélation de l’échec du règlement politique au sein de l’hémicycle. Le propos du Professeur Alain BOCKEL rapporté par le Professeur M. ZAKI est édifiant. En effet, pour Alain BOCKEL, dans le contentieux constitutionnel des lois, « la motivation des requêtes est d’abord d’ordre politique on saisit le juge constitutionnel à la suite d’un désaccord de fond sur un texte, le recours au juge est utilisé non pas tant pour imposer le respect de la Constitution que pour éliminer un texte sur le vote duquel on a été battu »489. En réalité, le recours au juge s’analyse comme une arme entre les mains des parlementaires pour faire obstruction à un texte qu’on estime en déphasage avec les exigences de l’ordre constitutionnel. L’identification des requérants dans l’échiquier politique sénégalais dans le domaine du contrôle de constitutionnalité augure d’une nature contentieuse. La majeure partie des saisines émane de l’opposition. Le constituant a aménagé à côté de la saisine parlementaire la possibilité pour les citoyens de contester indirectement la constitutionnalité d’une loi entrée en vigueur devant le Conseil constitutionnel à l’occasion d’un procès ordinaire490. Cependant, il n’en demeure pas moins que les cas qui se sont produits s’inscrivent dans une perspective conflictuelle. Le caractère contentieux s’acquiert par emprunt. C’est à l’occasion d’une instance contentieuse devant le juge ordinaire que la constitutionnalité de la norme est soulevée.
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Table des matières
NTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : APPROCHE THEORIQUE ET PRATIQUE DU SYSTEME SENEGALAIS DE PROTECTION JURIDICTIONELLE DE L’ORDRE CONSTITUTIONNEL
Titre I : Le modèle sénégalais de protection de l’ordre constitutionnel
Chapitre I : L’articulation institutionnelle du modèle
Chapitre II : La dynamique du modèle de protection de l’ordre constitutionnel
Titre II : Les techniques juridictionnelles de protection de l’ordre constitutionnel
Chapitre I : Les cas d’ouverture du contrôle de constitutionnalité
Chapitre II : La mise en œuvre de la protection
SECONDE PARTIE : L’EVALUATION DU SYSYTEME SENEGALAIS DE PROTECTION JURIDICTIONNELLE DE L’ORDRE CONSTUTITUTIONNEL : LIMITES ET PERSPECTIVES
Titre I : Les imperfections du système de protection juridictionnelle de l’ordre constitutionnel
Chapitre I : L’environnement de la justice constitutionnelle
Chapitre II : Les limites résultant du déroulement de la protection
Titre II : Les perspectives du système
Chapitre I : Le renforcement des capacités de la juridiction constitutionnelle
Chapitre II : La création d’une Cour constitutionnelle
CONCLUSION GENERALE
Annexes
Bibliographie
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