Les techniques existantes en vue d’une automatisation vocale

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La voix, un marqueur de genre

L’empreinte vocale individuelle

L’empreinte vocale individuelle constitue notre identité propre. Elle confère des caractéristiques uniques à notre voix et participe à la perception genrée d’un individu (Arnold, 2015). Les différences entre les voix d’hommes et de femmes cisgenres peuvent s’expliquer par des différences anatomiques et physiologiques, perçues à travers certains paramètres acoustiques. Mais la voix genrée résulte également d’une construction sociale et ne peut être expliquée uniquement par ces divergences physionomiques. Elle dépend de facteurs établis et conditionnés par la société dans laquelle l’individu évolue. A l’instar de la notion de genre, l’époque et la culture font évoluer les normes vocales. Par exemple, Girard-Monneron (2019) évoque le fait que les journalistes masculins des années 40 avaient des voix bien plus aiguës que celles entendues de nos jours. Aussi, la fréquence fondamentale peut varier d’une langue maternelle à une autre. Un écart significatif est retrouvé entre les locutrices allemandes (en moyenne 238 Hz), les locutrices anglaises (en moyenne 101 Hz) et les locutrices américaines (en moyenne 186 Hz) (Traunmüller et Eriksson, 1995).

Les besoins vocaux des personnes transgenres

D’après le modèle scientifique de Pavlov et Skinner cité par Augé (2019), la voix répond à des marqueurs. Un schéma cognitif négatif risque de se mettre en place si une personne transgenre subit de mauvaises expériences en utilisant une voix conforme à son identité de genre. Elle pourra imaginer qu’elle devra se conformer à son genre assigné à la naissance pour ne pas subir le rejet de son entourage. Alors, certaines habitudes vocales vont se consolider jusqu’à ce que la lutte interne ne devienne trop importante pour être supportée. Le comportement vocal d’une personne transgenre est chargé de cette histoire physique et psychologique, et ne correspond pas forcément au genre désiré. La voix est plus souvent dysfonctionnelle et l’objectif de la thérapie vocale sera d’automatiser de nouveaux réflexes, différents de ceux inculqués dès le plus jeune âge.
Concernant leurs besoins orthophoniques, les données sont rares. Celles existantes relatives aux femmes transgenres se rapportent au CHRU de Nancy : parmi 32 femmes transgenres non suivies en orthophonie interrogées, 75% d’entre elles déclarent être intéressées par une féminisation vocale auprès d’un.e orthophoniste (Pieters L., 2019). Aussi, dans son mémoire, Arcourt (2018) s’est intéressée aux raisons de leur absence de prise en soin orthophonique. Certaines ne bénéficient pas d’orthophonie par manque de professionnel.le.s disponibles. Sur 24 réponses recueillies, 40% des femmes transgenres ayant envisagé un suivi orthophonique ont eu des difficultés à trouver un.e orthophoniste. Concernant le besoin des hommes transgenres, Malinet (2019) relève dans son étude que 63% des hommes transgenres interrogés (n=154 sujets) pensent qu’il est important de travailler sa voix avec quelqu’un.
La prise en soin orthophonique est donc indiquée pour les personnes transgenres. En effet, leur voix risque de souligner un genre auquel elles ne se sentent pas appartenir et une lutte interne va s’opérer. Ainsi, de nombreuses personnes transgenres souhaitent modifier leur voix afin qu’elle évolue favorablement dans le sens du genre désiré.

Les paramètres vocaux impliqués

De nombreux paramètres vocaux participent à l’identification genrée d’un locuteur (Figure 2). Selon la littérature phonétique, les paramètres acoustiques indexant le genre sont principalement la fréquence fondamentale (F0) et les fréquences de résonance (FR).

Fréquence fondamentale

La fréquence fondamentale (F0) correspond à la hauteur (grave/aiguë) de la voix. Elle s’exprime en Hertz (Hz) et dépend de la fréquence du mouvement vibratoire des cordes vocales (Dictionnaire d’Orthophonie 4e Edition, 2018). A ce jour, il n’existe toujours pas de consensus chez les auteurs concernant les hauteurs moyennes des hommes et des femmes. Néanmoins, la fréquence fondamentale est généralement plus haute (plus aiguë) chez les femmes que chez les hommes. Selon Traunmüller et Eriksson (1995), elle serait comprise en moyenne entre 110 et 150 Hz chez les hommes et entre 180 et 230 Hz chez les femmes.
L’objectif des hommes transgenres serait d’obtenir une fréquence fondamentale inférieure à 140Hz. En effet, 140Hz représente un seuil en deça duquel une voix tend à être perçue comme voix d’homme (Arnold, 2015). L’objectif pour les femmes transgenres serait de parvenir à atteindre des zones de fréquences dites « neutres », comprises entre 155 et 165 Hz (Gelfer et Schofield, 2000). Toutefois, la perception genrée d’une voix dont la F0 dépasse le seuil des 140 Hz semble principalement dépendre des fréquences de résonance.

Les fréquences de résonance

Les fréquences de résonance correspondent au timbre. Elles permettent de différencier une voix de toutes les autres et dépendent de la quantité d’harmoniques présentes. Elles sont déterminées par la forme du conduit vocal (constitué des cavités buccale, labiale, nasale, pharyngée et laryngée). La modulation des articulateurs, tels que la langue, la mandibule, les lèvres et le velum, permet au locuteur de modifier la forme de son conduit vocal et ainsi d’abaisser ou d’élever les fréquences de résonances. (Arnold, 2015)
Les hommes et les femmes ne répartissent pas leur énergie acoustique de la même façon. D’un point de vue subjectif, les femmes auraient une résonance de tête, antériorisée au niveau buccal. Les hommes, eux, auraient tendance à répartir leur énergie acoustique de façon plus postérieure, en résonance de poitrine (Bruin et al., 2000). Des mesures objectives portant sur la valeur des formants permettent de différencier les résonances entre voix d’hommes et voix de femmes. Les formants (F) correspondent aux fréquences de résonance des voyelles. F1 est corrélé à l’aperture buccale, F2 est corrélé au lieu d’articulation et F3 est corrélé à l’espace créé par l’arrondissement des lèvres.
Les différences significatives entre les locuteurs masculins cisgenres et les locutrices féminines cisgenres sont observées au niveau des deuxième et troisième formants, et dans une moindre mesure au niveau du premier formant (Jarrafoux et Ladreyt, 1992). En effet, chez les femmes, les fréquences des formants des voyelles sont en moyenne 20% plus élevées que chez les hommes (Coleman, 1983). Elles produisent des voyelles avec une prononciation plus longue, ont des contacts d’articulation plus légers, une articulation plus antérieure, une aperture plus importante et un plus grand degré d’arrondissement des lèvres (Adler et al., 2006). Concernant l’identification de genre, la fréquence fondamentale prime sur les fréquences de résonance pour les voyelles et syllabes isolées (Gelfer et Mikos, 2005). En revanche, pour la parole spontanée, la perception du genre sera plus dépendante des fréquences de résonance, en particulier pour une F0 autour de 145-165Hz. (Gelfer et Bennett, 2013)

L’articulation

Au niveau articulatoire, les hommes et les femmes ne s’expriment pas de la même façon pour des raisons anatomiques. Adler et al. (2006) soulignent que les femmes présenteraient une précision articulatoire plus fine et plus délicate que chez l’homme, donnant une impression de douceur et de féminité. Les femmes feraient également plus de liaisons et auraient tendance à articuler toutes les syllabes des mots. Les hommes, eux, s’exprimeraient de façon moins précise en omettant certaines syllabes.

Impression de douceur

Intensité conversationnelle

L’intensité correspond au niveau de puissance d’une voix et elle est liée à la pression sous-glottique. Du fait des structures anatomiques, notamment d’un larynx et de structures crâniennes plus petites chez la femme, l’intensité vocale naturelle est plus faible chez la femme. En effet, les femmes parlent en général un peu moins fort que les hommes, en moyenne 3 à 5 décibels (Awan, 1993; Pavlovic, 1987; Yanagihara et al., 1966). Les voix féminines étant souvent considérées comme « douces », il est préférable de tendre vers une intensité vocale modérée dans un travail de féminisation de la voix, l’intensité forte étant en faveur d’une voix masculine.

Débit élocutoire

Le débit se réfère au nombre de syllabes émises par unité de temps, les pauses du discours étant comprises (Adler et al., 2006). Du fait d’une articulation plus précise, les femmes tendent à ralentir le débit de parole (Fitzsimmons et al., 2001 cité par Morsomme, 2017). Les temps de pause sont plus marqués, et la durée des énoncés est augmentée (Pépiot, 2013). En 2006, Adler et al. expliquent que les voyelles et certaines consonnes seraient allongées, ce qui augmenterait aussi légèrement la durée du discours des femmes. Aussi, il semblerait que les femmes fassent davantage de pauses dans leur discours, ces pauses étant « silencieuses » ou non (« Hmm…Euh… ») (Gancet, 2008). Le débit de parole des locuteurs masculins s’avère donc plus rapide (Günzburger, 1995).

Attaques vocales

Les attaques vocales définissent le début d’un acte phonatoire, soit le commencement de l’émission. Scotté (2010) indique que les femmes auraient des attaques vocales « douces » (pression sous-glottique normale), alors que les hommes auraient des attaques vocales plus « dures » (forte pression sous glottique ajoutée à une tension du muscle vocal, donnant une impression « d’explosion » en début d’émission).

Timbre soufflé

Injecter un léger souffle dans la voix semble être un trait distinctif de la perception de genre : l’étude de Van Borsel et al. (2009) conclut qu’un timbre voilé peut contribuer à la perception de la féminité.

Aspects prosodiques

L’intonation

L’intonation correspond aux variations de fréquences dans la parole. La prolongation des voyelles  et l’élévation ou l’abaissement de la hauteur pour accentuer les sons de la parole, les syllabes et les mots affectent l’intonation (King et al., 2012).
Dans son mémoire, Scotté (2010) cite Arnold. A (2008) et Adler et al. (2006) qui expliquent que les hommes auraient un discours général plus monotone que les femmes, et utiliseraient l’intensité pour mettre un mot en relief, plus que les intonations. Enfin, ils utiliseraient généralement des intonations descendantes en fin de phrase. A l’inverse, les femmes modulent plus leur discours, qui contient davantage d’intonations montantes, surtout en fin de phrase. Ces intonations leur permettent d’insister sur certains mots, sans utiliser l’intensité vocale L’étendue vocale plus large des femmes favorise ces modulations. Une étude de Pépiot (2013) menée sur des phrases à valeur émotionnelle neutre prononcées par des locuteurs francophones révèle qu’une plage de variations de hauteur étendue participerait à l’identification des voix de femmes, alors qu’une plage de variations de hauteur étroite participeraient à l’identification de voix d’hommes.

La communication verbale

Dans son mémoire, Scotté (2010) avance que le parler féminin paraît plus doux, plus poli et plus « maternant ». Les femmes utiliseraient plus d’hyperboles, d’adverbes d’intensité, de qualificateurs, de connecteurs que les hommes et exprimeraient davantage leurs émotions. Il faut toutefois veiller à ne pas tomber dans les stéréotypes en s’adaptant à chaque personne.

LA GENERALISATION DE LA TRANSITION VOCALE

 L’utilisation de la voix soumise à l’oreille extérieure

D’après Astudillo Ramírez (2019), appliquer les notions acquises en séances dans la vie quotidienne représente la plus grande part de travail de féminisation vocale. Lorsqu’un travail de transition vocale a débuté, l’utilisation de la voix dans la sphère familiale, sociale ou professionnelle peut provoquer de la gêne, de la honte ou de la peur chez la personne. En effet, les réactions de l’entourage peuvent entraîner une certaine appréhension et de l’inconfort. Le mauvais contrôle des composantes non verbales telles que la toux, le rire, l’éternuement et autres réflexes vocaux peut trahir l’ancienne voix des personnes et participe aussi au caractère anxiogène de l’utilisation de la nouvelle voix (Klein-Dallant, 2019). Il est important que la personne soit préparée au changement vocal et aux répercussions qui en découlent. Il arrive que les personnes réagissent négativement à ces changements, ce qui peut impacter le suivi. Il revient à l’orthophoniste de l’encourager et de soutenir ses acquis (Astudillo Ramírez, 2019).
Pour automatiser ces acquis, il existe différentes techniques de généralisation. L’objectif est d’obtenir un transfert des compétences dans la vie quotidienne, et ne pas se satisfaire des résultats obtenus dans un lieu calme, sans parasite.

Les techniques existantes en vue d’une automatisation vocale

L’accompagnement orthophonique

Davies et al. (2018) conseillent plusieurs stratégies à mettre en place pour pallier les difficultés rencontrées. Par exemple, un travail ciblé sur les mots usuels de la vie quotidienne et sur les situations courantes rencontrées par la personne favorise le transfert des acquis. Aussi, proposer des situations mettant en jeu les émotions de la personne, varier les contextes et l’entraînement extérieur à la pratique clinique aide à la généralisation des compétences. En effet, il apparaît indispensable de travailler en orthophonie sa voix selon les situations, les interlocuteurs, et les perturbateurs pour mettre en place des automatismes (Klein-Dallant, 2019).

Le traitement hormonal d’affirmation de genre et ses effets sur les paramètres vocaux

Chez les femmes transgenres, le traitement hormonal d’affirmation de genre consiste à administrer des hormones féminines (œstrogènes) associées à un traitement anti-androgène. Chez les hommes transgenres, le traitement hormonal consiste en la prise de testostérone.

Effets du traitement hormonal sur la voix des hommes transgenres

L’hormonothérapie androgénisante masculinise la voix en créant un phénomène de mue qui abaisse la hauteur de la voix. Ce phénomène apparait entre 3 et 12 mois après le début de l’administration de la testostérone. Le volume laryngé et la masse des cordes vocales augmentent (Fugain, 2019) et la muqueuse laryngée s’épaissit (Péri-Fontaa, 2019). La masculinisation vocale existe toutefois en orthophonie car certains ne souhaitent pas s’administrer d’hormones ou estiment la prise d’hormones insuffisamment efficace sur le plan vocal. En effet, bien que la plupart des hommes transgenres soient satisfaits de leur voix après un an de prise de testostérone, l’abaissement de la F0 reste insuffisant dans environ 10% des cas (Malinet, 2019). Aussi, une fatigue et instabilité vocale peuvent apparaître malgré l’hormonothérapie (Childs et al., 2017). Le traitement hormonal ne suffit donc pas systématiquement à la masculinisation vocale au quotidien.
Toutefois, les demandes des hommes transgenres en orthophonie sont moins fréquentes que celles des femmes transgenres (Hancock et al., 2014). C’est pourquoi nous nous attarderons davantage sur la féminisation vocale dans ce mémoire car il s’agit d’un processus plus complexe, le geste vocal automatisé étant à modifier.

Effets du traitement hormonal sur la voix des femmes transgenres

Chez les femmes transgenres, la prise d’hormones féminines à l’âge adulte n’a aucun effet sur la voix (World Professional Association for Transgender Health, 2012), la mue étant un phénomène irréversible.

La chirurgie

Dans le cadre de la masculinisation vocale, la chirurgie vocale n’est pas conseillée. La seule existante actuellement permet un raccourcissement artificiel des cordes vocales pour aggraver la voix : la thyroplastie de type III. Selon Jiménez et Barreto (2012), celle-ci « a des indications très spécifiques et ne doit être utilisée qu’en dernier recours pour un patient qui n’a pas senti d’amélioration lors d’un traitement dirigé par un phonothérapeute spécialisé ». A ce jour, cette chirurgie ne garantit pas une masculinisation de la voix car elle modifie seulement la fréquence fondamentale et n’interfère pas dans les autres paramètres influant sur le genre. Aussi, la dysphonie fait souvent partie des effets secondaires liés à l’opération (Osorio, 2021).
Par ailleurs, différentes techniques chirurgicales développées ci-dessous existent pour féminiser la voix des femmes transgenres, l’objectif étant toujours de rendre la voix plus aiguë.

Réduction de la masse vibrante des cordes vocales :

La scarification au laser cherche à ajuster la voix via un traitement au laser CO2 en altérant la consistance cordale sans toucher les bords libres ni la commissure antérieure. La tension des cordes vocales augmente, en même temps que la fréquence fondamentale. Les désavantages de cette méthode sont qu’elle nécessite un repos vocal prolongé, que les résultats n’apparaissent pas avant 6 semaines et que l’augmentation de la fréquence reste très légère (Astudillo Ramírez, 2019).

Augmentation de la tension des cordes vocales

L’approximation crico-thyroïdienne ou crico-thyropexie consiste à rapprocher les cartilages cricoïde et thyroïde. Les cordes vocales vont s’étirer, et donc devenir plus minces et plus tendues. On constatera alors une augmentation de la fréquence fondamentale. La préservation des cordes vocales apparaît comme un avantage majeur à cette technique. Aussi, Astudillo Ramírez (2019) précise qu’après cette opération, il peut apparaître une fracture du cartilage suite à une tension excessive.
La transposition de la commissure antérieure, quant à elle, a pour but d’augmenter la tension des cordes vocales en les allongeant grâce au déplacement du point d’attache antérieur des cordes vocales, appelé commissure antérieure. L’augmentation de tension entre les cordes vocales engendre une augmentation de la fréquence fondamentale. L’inconvénient de cette intervention est la protubérance du cartilage thyroïde (Astudillo Ramírez, 2019).
Ces deux techniques préservent l’intégrité des cordes vocales, mais sont irréversibles.

Réduction de la longueur des cordes vocales

La glottoplastie de Wendler (glottoplastie par voie endoscopique) consiste à raccourcir les plis vocaux par laryngoscopie et à réduire leur masse vibratoire afin d’augmenter la fréquence fondamentale. « L’épithélium du pli vocal est coupé et les cordes vocales sont suturées afin de les rapprocher. » (Astudillo Ramírez, 2019, p.85). Selon Astudillo Ramírez (2019), il s’agit de la chirurgie la plus utilisée et la plus recommandée. Il s’agit néanmoins d’une technique très invasive, irréversible, dont les résultats sont aléatoires.
Il est important de souligner que ces techniques chirurgicales sont irréversibles et touchent des structures fragiles et non pathologiques. Il est recommandé de réserver ces chirurgies aux patientes suivies en rééducation (Morrison et al., 2017 ; Schwarz et al., 2017 ; Nolan et al., 2019) ; et de garder à l’esprit que ces interventions, souvent pratiquées sous anesthésie générale, risquent d’altérer le plan glottique de ces patientes. L’ensemble de ces difficultés doivent être prises en compte dans un cadre multidisciplinaire avant toute prescription (Giovanni et al., 2021).
Chaque personne concernée est libre d’inclure ou non un traitement, qu’il soit hormonal et/ou chirurgical, et ces choix sont spécifiques à chacun puisque « ce qui aide une personne à soulager sa dysphorie de genre peut être très différent de ce qui en aidera une autre » (World Professional Association for Transgender Health, 2012). Le traitement hormonal et chirurgical aide à la généralisation des capacités vocales en situation de vie quotidienne et requièrent un rôle plus passif que les techniques développées ci-dessous. Toutefois, les chirurgies ne relèvent que d’une solution partielle car les personnes concernées devront reprendre la rééducation orthophonique pour consolider le mécanisme et éviter les comportements vocaux dysfonctionnels, tel que le forçage vocal par exemple.

La réalité virtuelle

Bien que les exercices proposés par l’orthophoniste en séance s’avèrent efficaces en situation de face à face patient.e-orthophoniste, le transfert et le maintien des acquis en situation de vie quotidienne s’avèrent plus difficiles. C’est pourquoi Remacle et Morsomme (2021) se sont intéressées à la réalité virtuelle, comme support au service de l’acquisition des compétences de communication, sur base de tâches plus écologiques.
La réalité virtuelle renvoie à une technologie informatique qui procure au sujet le sentiment de pénétrer dans des univers synthétiques créés par ordinateur. Sur le plan thérapeutique, « elle permet de vivre des situations proches de la réalité, dans le but de développer, d’entraîner, ou de rééduquer des compétences spécifiques dans un environnement contrôlé, en présence du clinicien. » (Remacle et Morsomme, 2021). L’objectif est donc de proposer de façon répétée, des situations de communication du quotidien pour entraîner spécifiquement certaines compétences, avant de pouvoir les appliquer en situation réelle. L’utilisation de la réalité virtuelle a été étudiée dans différents secteurs comme le jeu vidéo, l’architecture, la pédagogie et la formation, mais peu dans le domaine de la santé. En 2021, le projet de recherche VirtuVox mené à l’université de Liège s’est intéressé à l’apport de la réalité virtuelle sur les compétences de communication en environnement bruyant à destination de futurs enseignants. Morsomme et Remacle (2021) estiment que ce projet consisterait en une passerelle entre les exercices vocaux pratiqués en contexte clinique et l’usage vocal en situation de communication réelle. En effet, le protocole utilise la réalité virtuelle pour entraîner les capacités vocales de l’enseignant en situation écologique : le contexte est recréé de manière réaliste et les contraintes environnementales d’une salle de classe sont présentes.
L’étude se divise en 2 groupes (n=41). Le premier (groupe contrôle n=20) a bénéficié uniquement d’une séance d’hygiène vocale. Le second (groupe expérimental n=21) a assisté à une séance d’hygiène vocale et trois séances individuelles d’entraînement des compétences de communication en environnement bruyant. A la fin de chaque séance d’entraînement, leur était proposée l’utilisation de la réalité virtuelle pour automatiser les compétences travaillées. Le niveau de difficulté augmentait progressivement. Finalement, le groupe expérimental ayant suivi la séance d’hygiène vocale et les trois séances d’entraînement des compétences de communication avec immersion en réalité virtuelle ressentait un sentiment d’efficacité personnel bien plus élevé que le groupe contrôle n’ayant reçu qu’une séance d’hygiène vocale. On peut donc conclure que les simulations en réalité virtuelle augmentent le sentiment d’efficacité des compétences de communication des enseignants grâce à la généralisation des acquis en situation réelle.
On peut imaginer l’utilisation de ce support dans la prise en soin des personnes transgenres. En effet, bien que leur voix puisse être adaptée en séance d’orthophonie, il leur est souvent difficile de transférer leurs acquis dans des situations de vie quotidienne. Des contraintes s’y ajoutent et elles augmentent la difficulté à maintenir leurs compétences vocales en situation réelle. Toutefois, l’utilisation de la réalité virtuelle reste limitée en raison des effets secondaires (cybermalaises) et des frais importants engendrés.

Biofeedback

Nous avons vu que la fréquence fondamentale de la voix est l’un des principaux paramètres participant à l’identification genrée d’un locuteur. L’objectif des thérapies vocales est d’augmenter la fréquence fondamentale des femmes transgenres, et de réduire celle des hommes transgenres. Morsomme et Remacle, en 2021, ont émis l’hypothèse que le biofeedback ambulatoire pourrait intervenir dans la généralisation d’un nouveau comportement vocal au quotidien. Le biofeedback correspond à un processus qui permet de faciliter l’acquisition d’un nouveau comportement moteur vocal en le généralisant à la vie quotidienne du.de la patient.e. Leur étude de cas prospective évalue l’impact de deux semaines de biofeedback vibrotactile ambulatoire (VTBF) chez une femme transgenre, après deux semaines de thérapie vocale sur la base de trois séances d’une heure. Le VTBF s’activait lorsque la voix de la participante était inférieure à 150Hz pendant plus de 500 millisecondes. Dans cette étude, le biofeedback utilisé (VoxLog) fournit aux utilisateurs des informations concernant le niveau de pression acoustique de leur voix ou de leur fréquence fondamentale.
Concernant l’effet de la thérapie vocale, les valeurs des fréquences sont plus élevées après le suivi thérapeutique mais aucun effet significatif n’est relevé. Concernant l’effet du VTBF, les résultats suggèrent une augmentation significative de la fréquence fondamentale et une diminution concomitante du pourcentage d’activation du biofeedback. Le VTBF a permis à la participante de transférer les techniques vocales vues en séances dans sa vie quotidienne. Toutefois, l’article de Morsomme et Remacle (2021) rapporte l’étude d’un cas unique ce qui ne permet pas de tirer des conclusions plus générales quant à l’efficacité du VTBF ambulatoire en vue d’une féminisation de la voix. En effet, la capacité d’intégration de nouveaux comportements diffère d’un individu à l’autre. Aussi, l’absence d’un post-test ne permet de pas de conclure quant au maintien des acquisitions à long terme. Néanmoins, ces premiers résultats quant à l’évaluation de l’efficacité du VRBF dans l’acquisition d’un nouveau comportement vocal sont encourageants dans la prise en charge vocale des personnes transgenres. Aussi, comme le mentionne Bogdanski (2021) dans son article sur La rééducation vocale en biofeedback, les résultats obtenus en biofeedback « suivent la volonté actuelle des autorités de santé et des institutions quant à l’autonomisation du patient, notamment par le biais de programmes d’éducation thérapeutique, et de recherche de rentabilité des soins. » Les recherches en biofeedback s’avèrent donc prometteuses…

La Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC)

Comme évoqué précédemment, la voix de la personne transgenre est influencée par des mécanismes automatisés depuis le plus jeune âge dont il est difficile de se défaire. Les composantes psychologique, génétique et hormonale de chaque individu participent au conditionnement de sa voix. Augé (2019), orthophoniste et psychothérapeute comportementaliste, aborde la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) adaptée à la voix. Elle propose de l’associer à la pratique orthophonique pour une prise en soin globale. La TCC étudie les comportements dysfonctionnels dans le but d’obtenir des comportements appropriés en harmonie avec le genre désiré, en modifiant les schémas cognitifs qui y sont liés. Le détachement de ces schémas antérieurs s’avère difficile. La thérapie vocale aura pour objectif de réduire l’anxiété engendrée par le regard des autres pour soutenir le changement. Les pensées négatives sont un frein à ce changement, c’est pourquoi en prendre conscience peut aider à modérer leur impact. Le travail de restructuration cognitive et comportementale consiste à revaloriser, encourager la personne transgenre dans le sens de sa transition, qui a pu longtemps être vécue comme une souffrance psychologique, mêlée à une forme d’impuissance et de peur du rejet. En se pensant autrement, elle avancera plus sereinement. Différentes techniques sont utilisées pour modifier les mauvaises habitudes : l’exposition à des voix conformes au genre désiré, la prise en soin orthophonique ou l’expression variée de la parole. L’entrainement répétitif, accompagné de l’acceptation identitaire, accroissent les chances de réussite. La personne doit apprendre à anticiper en permanence son comportement et à penser avec la voix correspondant à son genre : l’automatisation du comportement vocal requiert un effort important, global et coûteux sur le plan cognitif. Néanmoins, les difficultés d’automatisations restent fréquentes. Les personnes les plus satisfaites de leur transition vocale sont celles qui s’acceptent davantage telles qu’elles sont et qui tiennent compte de leurs ressources, quitte à revoir leurs exigences initiales. Aucune étude n’existe
à ce jour concernant l’apport des thérapies cognitivo-comportementales.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE THEORIQUE
1. VOIX ET TRANSIDENTITE
1.1 Les notions liées à la transidentité
1.1.1 Le sexe et le genre
1.1.2 L’identité de genre
1.1.3 L’incongruence de genre
1.2 La voix, un marqueur de genre
1.2.1 L’empreinte vocale individuelle
1.2.2 Les besoins vocaux des personnes transgenres
1.3 Les paramètres vocaux impliqués
1.3.1 Fréquence fondamentale
1.3.2 Les fréquences de résonance
1.3.3 L’articulation
1.3.4 Impression de douceur
1.3.5 Aspects prosodiques
1.3.6 La communication verbale
2. LA GENERALISATION DE LA TRANSITION VOCALE
2.1 L’utilisation de la voix soumise à l’oreille extérieure
2.2 Les techniques existantes en vue d’une automatisation vocale
2.2.1 L’accompagnement orthophonique
2.2.2 Le traitement hormonal d’affirmation de genre et ses effets sur les paramètres vocaux
2.2.3 La chirurgie
2.2.4 La réalité virtuelle
2.2.5 Biofeedback
2.2.6 La Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC)
PROBLEMATIQUE, OBJECTIFS ET HYPOTHESES
METHODOLOGIE
1. POPULATION
2. MATERIEL
2.1 Développement de l’outil
2.1.1 La conception de l’outil
2.1.2 La phase de création
2.2 Les questionnaires d’acceptabilité
2.2.1 L’élaboration des questionnaires
2.2.2 Contenu du questionnaire d’acceptabilité
2.2.3 Analyse des données
3. PROCEDURE EXPERIMENTALE
3.1 Mode de recrutement et déroulement de l’étude
3.2 La présentation de l’outil
RESULTATS
1. CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION
2. RESULTATS DU QUESTIONNAIRE D’ACCEPTABILITE
3. ANALYSE DES COMMENTAIRES LIBRES LIES AU CONTENU DE L’OUTIL
3.1 Commentaires d’approbation et de désapprobation
3.2 Les pistes d’amélioration suggérées
3.2.1 Les scénarios
3.2.2 Les feedbacks
3.2.3 Les échelles d’autoévaluation
DISCUSSION
1. CADRE THEORIQUE ET OBJECTIFS DE L’ETUDE
2. ANALYSE DES RESULTATS
3. LIMITES DE L’ETUDE
4. INTERETS DE L’ETUDE
5. PERSPECTIVES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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