Les techniques de retournement temporel en acoustique

Les océans et les mers représentent près de trois quarts de la surface de la Terre et pourtant ces milieux restent aujourd’hui encore mal connus. En effet, l’étendue et la complexité du milieu marin nécessite de posséder des outils pour le sonder sur de longues distances et de grandes profondeurs. Si les techniques du RADAR et de l’imagerie optique ont permis d’explorer et de caractériser une grande partie de la surface émergée de notre planète, elles sont peu utiles pour la partie immergée du fait de la grande conductivité de l’eau qui atténue les ondes électromagnétiques sur de petite distance.

Au cours de la première guerre mondiale, Paul Langevin et l’ingénieur Chilowski comblent cette lacune en utilisant les découvertes de Jacques et Pierre Curie sur la piézo-électricité pour concevoir le premier SONAR. Celui-ci est un dispositif monoélément permettant de détecter les sous-marins en utilisant la réflexion des ondes ultrasonore sur ceux-ci. Il montre ainsi que les ondes acoustiques sont un outil adapté à l’exploration du milieu marin. A partir de cette découverte, la simplicité d’utilisation des ondes ultrasonore a fait du SONAR, l’outil privilégié des marins. Celui-ci n’est plus restreint aux applications militaires mais est utilisé pour détecter des bancs de poissons, mesurer la bathymétrie des océans, il a même une application en géoacoustique pour sonder les profondeurs de la terre.

Depuis quelques années, la recherche se tourne de plus en plus vers l’utilisation de réseau constitué d’un grand nombre d’éléments piézo-électriques pour augmenter les performances de cette technique. L’utilisation d’un réseau de capteurs permet de détecter la position d’une cible sans nécessiter un balayage mécanique du faisceau ultrasonore. Ces réseaux multi-éléments ont donné lieu à la naissance de méthodes d’imageries toujours plus complexes comme la formation de voies (beamforming en anglais) ou le traitement de champ adapté (ou Matched Filter Processing).

Le Retournement Temporel est une technique multi-éléments de plus en plus étudiée de nos jours et ce dans de nombreux pays. Cette méthode permet de focaliser une onde dans un milieu inconnu hétérogène en utilisant la propriété d’invariance par retournement temporel de l’équation des ondes. La formulation matricielle du Retournement Temporel a, à son tour, donné lieu à une technique élégante de détection multi-cibles, la méthode DORT (acronyme pour Décomposition de l’Opérateur de Retournement Temporel). Cette méthode a déjà démontré son efficacité dans les applications en acoustique sous-marine comme la détection et la localisation en milieu « petits fonds » et ce même avec un fond rugueux. Cette thèse a donc pour objectif d’étudier les performances de la méthode DORT dans ce domaine.

Les techniques de Retournement Temporel en acoustique

Le Retournement Temporel 

Principe du Retournement Temporel
Les miroirs à conjugaison de phase furent développés dès les années 60 dans le domaine des micro-ondes et les années 70 en optique. Le principe de tels miroirs est de capter un signal monochromatique provenant d’une source et de réémettre son conjugué par un effet non linéaire, ce deuxième signal focalise alors sur la source initiale même si le milieu intermédiaire présente des hétérogénéités. En 1989, Mathias Fink et son équipe ont généralisé ce concept aux signaux large bande en introduisant le principe du Retournement Temporel et de la cavité à Retournement Temporel[1].

Lorsque le milieu étudié contient plusieurs cibles, la repropagation de l’écho enregistré par un MRT produit une onde qui, selon le principe de superposition, focalise sur les deux cibles en même temps. Cependant, on peut continuer à enregistrer la réponse du milieu à cette excitation et à réémettre le retourné temporel et répéter ces deux étapes indéfiniment. Cette succession d’émission-réception est appelée Retournement Temporel Itératif et Prada et al. montrent que le RT Itératif permet au bout d’un certain nombre de répétitions de ne focaliser que sur la cible la plus échogène[7].

L’une des cibles est deux fois moins échogène que l’autre, ainsi, au bout d’une itération, le signal reçu sur le réseau provenant de cette cible est d’un niveau 4 fois plus faible que le signal de la cible principale. Intuitivement, il est facile de comprendre que la limite du processus de RT itératif est l’onde focalisant sur le diffuseur le plus fort.

Comme nous l’avons dit, le principe du Retournement Temporel a de nombreuses applications dans différents domaines. Nous avons vu que l’utilisation d’un MRT pouvait permettre de focaliser à travers un milieu présentant des hétérogénéités mais cela est aussi possible en milieu réverbérant. Cette propriété rend le Retournement Temporel particulièrement intéressant en contrôle non destructif dans des configurations difficiles ou encore, comme nous allons le voir, en acoustique sousmarine en eau peu profonde où les chemins multiples et la réverbération provenant du fond marin rendent la focalisation d’une onde acoustique difficile par des méthodes conventionnelles comme la formation de voies.

Le Retournement Temporel en guide d’onde sous-marin

Le premier article traitant de retournement temporel en guide d’onde est paru en 1991. Jackson et al. étudient les caractéristiques du RT en acoustique sous-marine dans l’optique de compenser et même de tirer parti des trajets multiples des ondes dans les milieux petits fonds inconnus[8]. Au Laboratoire Ondes et Acoustique, Roux et al. présentent les premières expériences ultrasonores petite échelle pour étudier en laboratoire l’utilisation du RT en milieu petit fond. Comme décrit précédemment, la résolution d’un MRT est limitée par la longueur d’onde, la distance de propagation et la taille du réseau. Cependant les auteurs montrent que, lorsque l’on place un MRT dans un guide d’onde, celui-ci est capable de tirer parti des chemins multiples suivis par l’onde provenant de la source pour augmenter virtuellement sa taille.

En 1998, Kuperman et al. effectuent les premières expériences de Retournement Temporel en mer (réalisée en 1996) et prouvent qu’il est possible grâce au Retournement Temporel de focaliser une onde à une distance de plus de 6 km dans un guide d’onde de 100 m de profondeur[9](cf. figure 1.5). Ils observent comme prédit par Roux et al. l’effet d’amélioration de la résolution grâce aux réflexions. L’expérience menée à 445 Hz montre également la robustesse du processus de focalisation par Retournement Temporel. En effet, ils réussissent à effectuer une refocalisation alors que 2 heures se sont écoulées entre l’acquisition de l’écho de la cible et sa réémission. Ils montrent aussi qu’il est possible de refocaliser en n’utilisant qu’une partie de l’antenne. Une seconde expérience dans la même gamme de fréquence réalisée en 1997 et publiée en 1998 montre une focalisation à plus de 30 km. Les auteurs observent aussi une refocalisation avec des signaux acquis une semaine auparavant.

Continuant sur sa lancée, la même équipe effectue en 1999 des expériences de télécommunication utilisant un MRT constitué des transducteurs à plus haute fréquence (3,5 kHz) sur une distance de plus de 10 km[11]. Cette série d’expériences montre l’efficacité du retournement temporel dans deux environnements présentant soit un fond absorbant soit réflecteur et compare ses performances à une émission monomode (appelée émission broadside par les auteurs).

Le Retournement Temporel en guide non stationnaire 

Dans les années qui suivirent, de plus en plus de travaux théoriques et expérimentaux ont eu trait au retournement temporel, étudiant notamment les cas où le principe fondateur de la méthode, qui est un milieu invariant entre l’acquisition de la réponse de la cible et sa réémission en chronologie inverse, est mis en défaut. En 1998, Hodgkiss et al. montrent qu’il est possible de déplacer la tache de focalisation en RT jusqu’à 10% de la distance totale entre la source et le réseau grâce à un décalage de la fréquence du signal émis. Selon les auteurs, cette propriété pourrait être utilisée pour permettre la focalisation d’un signal acquis en mer puis réémis plusieurs jours plus tard dans un milieu dont les caractéristiques auraient changé[10]. Le caractère non stationnaire du guide est alors dû principalement à la fluctuation du profil de célérité du milieu marin.

Roux et al., quant à eux, étudient expérimentalement l’effet de vagues sur la refocalisation du retourné temporel[12]. Dans ces expériences, la surface est perturbée par la génération de vagues allant de la cible au réseau à une fréquence de 15 Hz. Celle-ci est considérée comme une surface rugueuse statique changeant entre l’acquisition du signal et la réémission du retourné temporel. La symétrie du processus n’étant plus assurée, les auteurs mettent en évidence une dégradation de la focalisation ainsi qu’une diminution de l’amplitude au point focal après réémission du retourné temporel.

En 2004, Sabra et al. présentent deux articles théoriques analysant les performances d’un MRT lorsque le réseau est soumis à des changements dans la position de ses éléments et lorsque la cible est animée d’un mouvement ajoutant un effet doppler aux données[13,14]. Dans chaque cas, une expression analytique du champ acoustique produit est calculée à l’aide de la méthode de décomposition en modes normaux (la méthode sera présentée dans le chapitre II). Pour le cas du réseau subissant une déformation, les résultats simulés prédisent une perte d’amplitude qui est plus importante lorsque les éléments du réseau subissent un déplacement longitudinal par rapport au cas où ceux-ci se déplacent verticalement (figure 1.6). Le deuxième cas montre une perte de cohérence non négligeable lorsque la cible s’éloigne du réseau vertical horizontalement ou oscille verticalement (figure 1.7)(Les distances étant ramenées à la composante horizontale ou verticale du nombre d’onde).

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Table des matières

Introduction
Chapitre I Les techniques de Retournement Temporel en acoustique
I.1. Le Retournement Temporel
I.1.1. Principe du Retournement Temporel
I.1.2. Le Retournement Temporel en guide d’onde sous-marin
I.1.3. Le Retournement Temporel en guide non stationnaire
I.2. La méthode DORT
I.2.1. L’Opérateur Retournement Temporel et ses invariants
I.2.2. La méthode DORT en guide d’onde
Bibliographie
Chapitre II Guide d’onde et Décomposition de l’Opérateur Retournement Temporel
II.1. Fonctions de Green en guide d’onde
II.1.1. Rappel sur la théorie des ondes
II.1.2. Méthode des images
II.1.3. Méthode des modes normaux
II.2. Le principe du Retournement Temporel en mode échographique
II.2.1. La matrice de transfert K
II.2.2. L’opérateur de Retournement Temporel
II.2.3. Repropagation des vecteurs propres monochromatiques
II.3. Reconstruction des vecteurs propres temporels en guide d’onde pour la télécommunication
II.3.1. Position du problème en guide d’onde
II.3.2. Utilisation en mer
II.3.3. Expérience avec réverbération
II.3.4. Robustesse de la méthode SVP
II.4. Emission de codes orthogonaux
II.5. Conclusion
Bibliographie
Chapitre III Caractérisation d’une cible élastique dans un guide d’onde en eau peu profonde par Décomposition de l’Opérateur Retournement Temporel
III.1. Position du problème et de sa géométrie
III.2. Cas d’un diffuseur ponctuel pseudo-isotrope
III.2.1. Théorie
III.3. Cas de 2 diffuseurs ponctuels pseudo-isotropes
III.4. Cas d’un diffuseur axisymétrique étendu (2a>λR/D)
III.4.1. Géométrie du problème
III.4.2. Analyse et théorie
III.4.3. Résultats expérimentaux
III.5. Conclusion
Annexe A : Première valeur singulière pour un diffuseur isotrope dans un guide d’onde
Annexe B : Calcul du terme de couplage entre hs et ∂zhs
Bibliographie
Chapitre IV Décomposition de l’Opérateur Retournement Temporel appliqué à un système non stationnaire
IV.1. Position du problème
IV.2. Cible mobile en eau libre
IV.2.1. Acquisition séquentielle de la matrice de transfert K
IV.2.2. Acquisition « colonne par colonne » de la matrice de transfert K
IV.2.3. Utilisation des vecteurs singuliers pour retrouver le parcours de la cible
IV.3. Cible mobile en guide d’onde
IV.3.1. Géométrie de l’acquisition
IV.3.2. Ecriture de l’Opérateur de Retournement Temporel
IV.3.3. Résultats expérimentaux et simulations
IV.4. Détection en guide d’onde en présence de vagues
IV.4.1. Théorie
IV.4.2. Expériences en cuve
IV.5. Conclusion
Annexe A : Calcul des valeurs propres et vecteurs propres de l’ORT
Annexe B : Formulation de la base des vecteurs propres
Annexe C : Expression des valeurs propres de l’Opérateur de Retournement Temporel
Annexe D : Développement limité de l’Opérateur de Retournement Temporel en guide d’onde
Bibliographie
Conclusion

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