L’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) correspond à l’ensemble des techniques permettant de procréer en dehors du processus naturel, c’est-à-dire sans relation sexuelle. En 2019 en France, les enfants nés d’une AMP représentaient 3,6 % des enfants de la population générale. Cette proportion augmente depuis 2009 où elle était estimée à 2,6%. Aujourd’hui, près d’un enfant sur 28 est conçu par AMP (1). Depuis 1994, l’AMP est encadrée en France par les lois de bioéthique qui ont été révisées à plusieurs reprises. La dernière révision de ces lois, votée le 2 août 2021, a permis l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées, la levée de l’anonymat du don de gamètes et l’autoconservation des gamètes en dehors de tout motif médical .
Les techniques d’AMP en 2022
On distingue différentes méthodes d’AMP à l’heure actuelle.
L’Insémination Intra-Utérine (IIU)
Tout d’abord, une stimulation ovarienne mono ou pauci-folliculaire de la patiente est effectuée par l’administration quotidienne d’Hormone Folliculo Stimulante (FSH) par voie sous cutanée (3,4). Juste avant l’IIU, les spermatozoïdes du conjoint sont traités in vitro. Cela consiste à effectuer un lavage du sperme par centrifugation pour ôter le liquide séminal, puis capaciter les spermatozoïdes et les sélectionner selon leur qualité.
Ces derniers sont ensuite déposés dans la cavité utérine lors de l’ovulation, qui aura été déclenchée artificiellement 36 heures auparavant par une injection d’hormone chorionique gonadotrope (hCG) .
La Fécondation In Vitro (FIV)
Cette pratique nécessite en amont une stimulation ovarienne par FSH et l’utilisation, le plus souvent, de Gonadotropin Releasing Hormone (GnRH) soit l’hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires, afin d’inhiber l’ovulation au cours du traitement (3,4). Les complexes cumulo-ovocytaires (l’ovocyte et cellules folliculaires qui l’entourent) sont ponctionnés par voie transvaginale, 36 heures après le déclenchement de l’ovulation puis sont placés dans un milieu de culture à 37°C.
Concernant la fécondation :
– En FIV classique, les spermatozoïdes préparés sont déposés dans les milieux de culture avec les complexes cumulo-ovocytaires,
– Lors d’une Injection Intra Cytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI), les ovocytes sont premièrement décoronisés (retrait des cellules du cumulus les entourant) puis, un spermatozoïde est injecté dans chaque ovocyte mature.
La fécondation est objectivée le lendemain par le stade zygote. Deux à trois jours après la fécondation, les embryons sont sélectionnés sur des critères morphologiques et cinétiques en fonction de leur chance d’évolution. Les embryons sont implantés entre le cinquième et le septième jour dans l’utérus maternel, en général lors du stade blastocyste. Le plus souvent, un ou deux embryons sont implantés (3,4). Ces techniques furent encadrées pour la première fois le 29 juillet 1994 par la loi n° 94- 654, première la loi de bioéthique (5) etsont régit par l’Agence de la Biomédecine depuis 2004 .
Historique de l’AMP du XVIIIème siècle à aujourd’hui
Développement des techniques médicales d’AMP
L’insémination artificielle et les techniques de conservation de gamètes
Parmi les techniques d’AMP, l’insémination artificielle est la première à être apparue au cours de l’Histoire. Elle consistait, lors des premiers essais, à introduire des spermatozoïdes au fond du vagin ou directement dans la cavité utérine .
En 1780, Lazzaro Spallanzani, un prêtre scientifique italien effectue la première insémination artificielle réussie sur un mammifère, un chien, aboutissant à la naissance de trois chiots. Ce scientifique a donc découvert la nécessité de spermatozoïdes masculins et d’un « œuf » pour aboutir à une grossesse .
En 1791, John Hunter, chirurgien écossais, a pratiqué la première insémination artificielle sur un être humain .
En 1884, le docteur William Pancoast réalise la première insémination artificielle avec spermatozoïdes de donneur (l’un de ses étudiants en médecine) à Philadelphie aux Etats-Unis .
Les techniques biologiques de conservation de spermatozoïdes et de stimulation ovarienne sont développées progressivement de 1949 à 1969 par des scientifiques japonais, américains et israéliens (8,9). En France, la première banque de spermatozoïdes est créée par Georges David en 1973 et sera nommée la même année Centre d’Etude et de Conservation des Œufs et du Sperme humains (CECOS). L’établissement est inauguré le 9 février 1973 à l’hôpital Bicêtre et un premier enfant naitra en novembre de la même année .
L’essor des procréations artificielles : la Fécondation In Vitro
En 1944, est réalisée la première fécondation d’un ovocyte humain dans une éprouvette. Le couple n’a pas souhaité réaliser le transfert d’embryon dans l’utérus de la femme. Les premiers essais de FIV chez l’Homme sont réalisés à Cambridge en 1970 par Robert Edwards. En 1978, naissance de Louise Brown, ce premier « bébé éprouvette » est conçu par FIV par Robert Edwards et Patrick Steptoe en Angleterre (8,9). Le 24 février 1982, naissance d’Amandine, le premier bébé français conçu par FIV par René Frydman, Emile Papiernik et Jacques Testart (10). En 1992, l’ICSI est mise au point à Bruxelles pour traiter les cas de stérilité masculine. En 1994 est née Audrey, premier bébé français conçu par l’intermédiaire de cette méthode (1). En 2004 est réalisé le premier accueil d’embryons en France, pratique autorisée pour des couples ayant une double infertilité sévère ou des risques de transmission d’une maladie génétique connue à l’enfant .
Emergence d’une prise en charge sociale de l’AMP
La question de la stérilité est soulevée en France à partir des année 1870. Considérée comme un « mal secret » venu s’attaquer à la « race française » (Louis Bouis, 1932), la stérilité doit être explorée. Pour cela, l’Académie nationale de médecine est chargée de rechercher une raison à la diminution de la capacité de reproduction en France, mais aucune cause physiologique n’est retrouvée. La proportion de couples infertiles en France est alors identique à celle des pays voisins (10, 11). La stérilité conjugale, longtemps assimilée à une fatalité perd son caractère irrémédiable à la fin du XIXème siècle, l’insémination artificielle est désormais pratiquée, tant par des médecins reconnus que des médecins empiriques. C’est une pratique clandestine à cette période. Durant l’entre-deux guerres, les médecins souhaitent convaincre la population que la science est capable de satisfaire l’« espoir de postérité » (Flavien Henry, 1951) des couples inféconds (10). Dans les années 1930, Jean Dalsace, médecin gynécologue, est à l’origine d’un projet visant à proposer aux femmes et aux couples « un mieux-être corporel et psychologique » dans le but de « l’amélioration » de la population. Dalsace s’appuie alors sur les dispensaires, dispositifs clés de la médecine sociale. C’est donc hors des hôpitaux parisiens qu’il expérimente ses conceptions novatrices notamment à Suresnes. Il réussit à convaincre l’équipe municipale de s’appuyer sur ces établissements pour repérer les couples « en mal d’enfant » et les convaincre de se rendre en consultation. Puis, l’arrivée des protocoles médicaux va permettre d’imposer une certaine légitimité aux pratiques médicales car le problème de stérilité est souvent réglé au sein du couple en improvisant des remèdes, par les services de leurs proches ou bien des prestataires aux qualifications suspectes .
|
Table des matières
INTRODUCTION
1. Les techniques d’Assistance Médicale à la Procréation en 2022
1.1 L’Insémination Intra-Utérine
1.2 La Fécondation In Vitro
2. Historique de l’Assistance Médicale à la Procréation du XVIIIème siècle à aujourd’hui
2.1 Développement des techniques médicales d’Assistance Médicale à la Procréation
2.1.1 L’insémination artificielle et les techniques biologiques de conservation de gamètes
2.1.2 L’essor des procréations artificielles : la Fécondation In Vitro
2.2 Emergence d’une prise en charge sociale de l’Assistance Médicale à la Procréation
3. Positionnement des différentes religions sur les techniques d’Assistance Médicale à la Procréation
3.1 Le Catholicisme
3.2 Le Protestantisme
3.3 L’Islam
3.4 Le Judaïsme
4. Encadrement législatif des pratiques d’Assistance Médicale à la Procréation en France de 1994 à 2011
4.1 Première législation des activités d’Assistance Médicale à la Procréation en France
4.2 Révisions de la loi de bioéthique
5. Revue des législations étrangères en matière d’Assistance Médicale à la Procréation et tourisme procréatif induit par le caractère restrictif de la loi française
6. Positionnement de différentes instances publiques sur le projet de révision des lois de bioéthique en amont de la dernière révision
6.1 Le Comité Consultatif National d’Ethique
6.2 L’Agence de la Biomédecine
6.3 Le Rapport Touraine
6.4 Le Conseil National de l’Ordre des médecins
6.5 La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme
7. Nouvelle ère dans l’encadrement législatif de l’Assistance Médicale à la Procréation
8. Problématique
MATERIEL ET METHODE
RESULTATS
DISCUSSION
CONCLUSION