Les techniques ancestrales de la construction bois
Lโhistoire entre lโHomme et le bois remonte aux origines mรชmes de lโHomme. Depuis de nombreux millรฉnaires, le bois accompagne lโHomme dans son รฉvolution. LโHomme utilise le bois en premier lieu pour se loger et se chauffer : la maรฎtrise du feu, lui apporte lumiรจre, chaleur et protection. Lโhomme utilise ensuite le bois pour se confectionner armes et outils, puis de nombreux ustensiles du quotidien. Malheureusement, du fait de la conservation du bois ร travers le temps, il ne reste que trรจs peu de traces de cette utilisation avant la pรฉriode nรฉolithique.
Les premiรจres constructions humaines
Bien que les traces les plus anciennes des cabanes primitives datent de – 380 000, cโest au nรฉolithique que se dรฉveloppe, de faรงon systรฉmatique pour les rรฉgions forestiรจres, lโutilisation du bois dans les habitats humains. Cโest ร cette pรฉriode que lโhomme se sรฉdentarise et structure son habitat. En Europe, on peut constater trois types dโhabitats correspondant ร des zones naturelles et des cultures diffรฉrentes : Le Proche-Orient et les Balkans, lโEurope centrale et septentrionale, et lโEurope mรฉditerranรฉenne et occidentale. La rรฉgion du Proche-Orient et des Balkans est une zone faiblement boisรฉe et ร faible pluviomรฉtrie. Les habitations, de plan carrรฉ ou rectangulaire, sont construites trรจs majoritairement en briques de terre (crues ou cuites) et possรจde, le plus souvent, un soubassement de pierre. Ces constructions sont facilement endommagรฉes par les pluies, pour รชtre rebรขties sur le mรชme emplacement. En Europe mรฉditerranรฉenne et occidentale, la pierre est le principal matรฉriau de construction. La terre et le bois (sous forme de branchage) sont utilisรฉs en toiture ou pour enduire les murs. Les habitations sont de faibles dimensions et de formes diverses, bien que le plan circulaire semble รชtre la forme dominante. En Europe centrale et septentrionale, le climat est plus humide et la rรฉgion fortement boisรฉe, ce qui a dรฉveloppรฉ lโutilisation du bois dans les premiรจres constructions. Ces habitations sont de plan rectangulaire, de largeur sensiblement constante (de 6 ร 8 m), et de longueur trรจs variable (de 10 ร 40 m). Ce plan est subdivisรฉ en plusieurs piรจces, permettant dโabriter plusieurs familles. Les murs sont constituรฉs de poteaux enfoncรฉs dans le sol tous les mรจtres, remplis de branchage et dโenduit dโargile. Le plancher de bois est recouvert de terre sรฉchรฉe et la toiture ร deux versants est constituรฉe de bois et de branchage soutenue par des poteaux, sรฉparant les piรจces. La fin de la pรฉriode nรฉolithique tend vers cette diminution du logement vers des foyers ร plan carrรฉ de 4 ร 6 mรจtres de cรดtรฉs, nโabritant alors quโune seule famille.
Cโest ensuite ร la pรฉriode de lโAntiquitรฉ que le travail du bois va connaรฎtre un fort dรฉveloppement. LโAntiquitรฉ commence (En Europe) avec lโinvention de lโรฉcriture (vers – 3 500). Cโest la premiรจre pรฉriode de lโHistoire, qui sโachรจve, en 476, par la chute de lโEmpire Romain dโOccident. En effet, les รgyptiens se servent รฉnormรฉment du bois pour dรฉcorer leurs temples, intรฉrieurs, mobiliers domestiques et funรฉraires, navires,โฆ et cโest ร travers la sculpture que les รgyptiens perfectionnent les techniques du travail du bois. Ils dรฉveloppent les techniques dโassemblage comme le tenon-mortaise, la queue dโaronde, la rainure-languette,โฆ ils dรฉveloppent รฉgalement les techniques de sciage et de perรงage.
Ces techniques de mise en oeuvre du bois ont รฉtรฉ reprises par les Grecs, notamment en charpente, puis par les Romains qui vont fortement dรฉvelopper les machines รฉlรฉvatrices en bois, pour la construction en pierre. Le bassin mรฉditerranรฉen รฉtant pauvre en forรชt et riche en carriรจre, la plupart des รฉdifices grecs et romains sont construits en pierre ; le bois est alors utilisรฉ essentiellement en poutre et en charpente. Cโest au IIรจme siรจcle que les Romains inventent la ferme triangulรฉe*, dites ferme latine (ou ferme romaine). Cette invention va beaucoup รฉvoluer pour rรฉpondre ร des problรฉmatiques de grandes portรฉes, de fortes pentes ou encore de partition dโespace (ferme sans entrait). La ferme triangulรฉe a permis de couvrir de grands รฉdifices comme la basilique st-Paul-hors les-murs ร Rome (achevรฉe vers 440). Le bois est รฉgalement utilisรฉ dans le domaine de la construction civile comme les ponts (plus facile ร mettre en ลuvre que le pont en pierre), puis dans le domaine militaire : construction de machines de guerre, de navires, de machines de siรจges, et de camps provisoires.
Le caractรจre sacrรฉ du bois
Dans certaines civilisations, le bois possรจde une forte connotation religieuse. Que ce soit le bois ou une essence particuliรจre, le cรดtรฉ vivant et chaleureux de ce matรฉriau en a fait un matรฉriau sacrรฉ chez certaines civilisations. Le culte du bois peut alors prendre diffรฉrentes formes, que ce soit par son utilisation dans la construction dโรฉdifice religieux, sa mise en valeur par des sculptures ou des piรจces de structure remarquables, ou plus simplement par la mise en scรจne de la forรชt sous forme de rituel. Dans la civilisation Hรฉbraรฏque, cโest une essence particuliรจre, le cรจdre, alors considรฉrรฉ comme le bois des dieux, qui est mis en valeur dans la construction des temples, comme celui de Jรฉrusalem par exemple. Pour les Hรฉbreux, on souhaite se recueillir dans un lieu construit dans un matรฉriau divin. Dans les civilisations scandinaves, cโest รฉgalement par la construction en bois que se traduit un vรฉritable culte dโun matรฉriau local et abondant. Sa forte utilisation dans les constructions nordiques ont amenรฉ ces civilisations ร une croyance forte en ce matรฉriau qui devient le matรฉriau le plus utilisรฉ dans la construction, et notamment pour les lieux de cultes. Ces civilisations รฉtant trรจs croyantes, la construction de milliers dโรฉglises en bois atteste de la confiance et de la volontรฉ dโutiliser ce matรฉriau depuis des siรจcles. Aujourdโhui encore, les pays scandinaves possรจdent un vรฉritable patrimoine de constructions en bois, gรฉnรฉrant des quartiers voir des villes entiรจres en bois. Dans les civilisations dโAsie du Sud-Est, la relation au matรฉriau bois est sensiblement diffรฉrente. En plus de lโutilisation et la valorisation du bois dans la construction, lโensemble du rite religieux est un parcours en pleine nature, permettant de cheminer en forรชt, dans la forme initiale du matรฉriau bois : lโarbre. Ce culte est certainement accentuรฉ par la richesse et la diversitรฉ des essences que possรจde lโAsie du Sud-Est, richesse dโessence due principalement au climat particulier de cette rรฉgion du monde : entre chaleur et mousson. Au Japon, on dรฉnombre 168 essences dโarbre diffรฉrentes (contre 85 en Europe).
Ce rapport ร lโarbre et ร la nature est une philosophie ร part entiรจre et est propre aux constructions asiatiques. Ces constructions sont fortement dictรฉes par la religion bouddhiste. La pierre est utilisรฉe uniquement en fondation et lโensemble de la construction est en bois brut, en harmonie avec la nature environnante. Ces constructions rรฉvรจlent au bois un caractรจre sacrรฉ, obligeant prรฉcision et respect. De ce fait, le lien entre la religion et le bois a permis dโobtenir des dรฉtails dโornementations trรจs perfectionnรฉs puisque lโornementation revรชt des significations religieuses particuliรจres. Les larges dรฉbords de toiture ont รฉgalement une portรฉe religieuse, par exemple, la ligne de faรฎtage relevรฉe aux extrรฉmitรฉs reprรฉsente le Garuda, un rapace de la mythologie indienne, signe de protection contre les reptiles. Ce culte du bois se retrouve dans les pratiques religieuses : Le temple nโest pas un simple รฉdifice fermรฉ comme en Europe, cโest un espace ouvert oรน nature et bรขtiments reprรฉsentent chacun une รฉtape dans le cheminement spirituel, la dรฉcouverte du bois sous sa forme naturelle et constructive relรจve dโune communion entre architecture, environnement et spiritualitรฉ. Ce que la religion ne souligne pas, la coutume le prรฉcise ; en fonction des diffรฉrentes ethnies. Par exemple, dans certains villages du Japon, la charpente doit sโรฉlever dans un ordre prรฉcis, dictรฉ par la coutume. Les constructions dโAsie du sud-est, bien que trรจs diverses, sont trรจs ressemblantes sur le plan constructif. Les appuis sont en pierre, lโarmature est formรฉe de poteaux en bois brut, tout comme le plancher surรฉlevรฉ ; les murs sont constituรฉs de panneaux en remplissage, diffรฉrents suivant les rรฉgions.
Bois et fortification
Au dรฉbut du Moyen-Age*, le bois est une ressource accessible et abondante. Le mรฉtal, bien que plus solide, demande des moyens trรจs importants pour le travailler; la pierre, du fait de son poids, est รฉgalement plus difficile ร mettre en ลuvre que le bois, ce qui en limite lโemploi. Le bois est donc le matรฉriau le plus utilisรฉ dans les premiรจres constructions du Moyen-Age. Les premiers chรขteaux forts sont construits en bois jusquโau dรฉbut du XIรจme siรจcle (les plus anciens donjons en pierre datent de 994). Cโest ร partir du IXรจme siรจcle quโapparaissent les premiรจres enceintes, fabriquรฉes ร partir des ressources locales abondantes comme la terre et le bois. Le chรขteau ร motte de la Haie Joulain, ร Saint-Sylvain dโAnjou (49) est lโun des premiers chรขteaux de ce type. Ce chรขteau, comme la plupart des ouvrages en bois de cette รฉpoque, nโa pas rรฉsistรฉ aux dommages du temps (intempรฉries, guerres, siรจges, incendies,โฆ). Certains de ces chรขteaux ont รฉtรฉ reconstruits en pierre, le chรขteau ร motte de la Haie Joulain a รฉtรฉ reconstituรฉ ร lโidentique en 1986. De part sa soliditรฉ, la pierre reprend peu ร peu une place importante dans la construction des chรขteaux forts et remplace le bois, trop fragile face ร lโartillerie. La rarรฉfaction du bois contribue รฉgalement au dรฉveloppement de la pierre. Cโest au dรฉbut du IXรจme siรจcle que Charlemagne fait part de son inquiรฉtude sur la rarรฉfaction du bois : ยซ Que nos bois et nos forรชts soient bien surveillรฉs ; que nos intendants fassent dรฉfricher les endroits qui doivent lโรชtre, mais quโils ne permettent pas aux champs de sโaccroรฎtre aux dรฉpens du bois. ยป. Et ce nโest quโau XIIรจme siรจcle que la rarรฉfaction du bois va rรฉellement inquiรฉter les autoritรฉs. Lโรฉlรฉment dรฉclencheur fut la construction de lโabbatiale de Saint-Denis. Lorsquโen 1130, lโabbรฉ Suger ne peut trouver douze grosses poutres pour sa construction dans la forรชt voisine. Sโen suit alors une vague dโordonnances pour rรฉglementer la vente du bois forestier.
En 1165 tout dโabord, le comte de Champagne dรฉclare : ยซ Je fais savoir que dans la forรชt de Jouy je tiens dans ma propre dรฉfense et mon propre droit le chรชne, le hรชtre, le pommier, le rouvre, lโalizier et le cormier, de telle sorte que personne ne porte la main sur lesdits arbres, ร moins que leur bois soit au sol. Il importe quโon ne les emploie quโร la construction. Si quelquโun ose les jeter autrement, non seulement il sera condamnรฉ ร lโamende, mais ร la mutilation ยป. De nombreux textes se succรจdent dรฉfinissant le rรดle des ยซ maรฎtres des eaux et forรชts ยป, fixant le volume de bois a couper et permettant une meilleure gestion de la forรชt. Ces textes aboutissent, en 1376, par la dรฉfinition dโun vรฉritable code forestier ยซ prรฉvoyant les conditions de coupe et de replantation des arbres ยป retranscrit dans lโรฉdit de Charles V. Depuis le comte de Champagne jusquโร lโรฉdit de Charles V, cโest une douzaine de textes rรฉglementaires qui ont รฉtรฉ รฉtablies en 200 ans dโhistoire, consรฉquence de la surexploitation de la forรชt dans les siรจcles prรฉcรฉdents.
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