Depuis deux siècles, nous observons les effets du changement climatique qui se traduisent par des inondations, par le rechauffement des océans, ou encore par l’apparition de tempêtes dont la gravité est croissante. Selon le cinquième rapport du GIEC (groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat) de 2014 [6], l’Homme est à 95% responsable de ce dérèglement, notamment de par l’augmentation des émissions de CO2. En effet, la concentration de ces composés a augmenté de 40% depuis l’époque pré-industrielle, en grande partie due à l’utilisation de combustibles fossiles [6]. Devant les effets environnementaux et les conséquences sociales et économiques qui en découlent, nous assistons à une prise de conscience collective qui s’est traduite par des politiques de lutte contre les émissions de CO2 de plus en plus exigeantes, à mesure que la demande énergétique croit. Afin de réduire la part de ces combustibles fossiles dans le mix énergétique, depuis trois décennies de nombreuses alternatives sont étudiées. Elles sont cependant à des stades divers de maturité. Elles sont basées sur le développement des énergies renouvelables dans le mixte énergétique mondial. Ainsi, ces énergies propres devraient représenter un tiers de la consommation d’énergie finale en France d’ici 2030 [7].
Parmi ces énergies, l’énergie des courants marins est apparue une alternative intéressante. En effet, son potentiel énergétique représenterait entre 5 et 20% de la consommation électrique mondiale [19] et présente des avantages certains comme un impact visuel et sonore presque inexistant. De plus, de par l’origine de cette énergie, sa prédiction, une fois le lieu géographique identifié, est plus aisé. Le projet PoHyCA (Pompe Hydrodynamique pour la Compression d’Air) est un projet de R&D développé au sein de SEGULA Technologies. Il est basé sur la captation de l’énergie des courants par une aile battante, conduisant au stockage de l’énergie par compression d’air avant de l’utiliser pour la production de l’électricité. Les travaux développés lors de cette thèse s’intègrent dans le cadre de ce projet par l’étude du système de captage de l’énergie, ici une structure portante oscillante. Plus particulièrement ces travaux s’attachent à explorer, à travers un modèle numérique, les avantages que pourraient présenter la déformabilité de la structure sur son rendement énergétique. Ainsi, une approche en interaction fluide structure (IFS) est utilisée afin de prendre en compte les déformations de la structure immergée, en plus de ses déplacements en tangage et pilonnement. Ce manuscrit présente les différentes étapes mises en place pour la réalisation d’un tel modèle, appliqué à la récupération de l’énergie des courants à l’aide d’une structure portante oscillante.
La ressource énergétique
Les océans représentent une gigantesque ressource énergétique. À ce jour, de nombreux systèmes ont été développés pour extraire l’énergie des vagues (houlomotrice), thermique, osmotique ou encore l’énergie marémotrice. Les nombreux verrous scientifiques liés à l’extraction de ces différentes ressources et le faible nombre de sites économiquement viables font que seulement une fraction de cette énergie peut être exploitée. Nous nous concentrerons seulement sur l’énergie cinétique des courants de marée dans ce manuscrit. Ainsi, les courants générés par l’effet du vent, de gradients de températures ou de salinité ne sont pas traités ici. Cependant, ces courants ne sont pas négligeables sur le plan énergétique. C’est par exemple le cas du Gulf Stream [71].
La marée correspond à une variation de hauteur du niveau des océans. C’est un phénomène complexe causé par différents phénomènes. Tout d’abord, c’est une des conséquences directes des forces gravitationnelles dues principalement aux mouvement relatifs par rapport à la Terre de la Lune et du Soleil. Elle est aussi impactée par la révolution de la Terre autour de son propre axe de rotation et du centre de gravité Terre-Lune [42]. Ainsi, une grande masse d’eau est déplacée environ quatre fois par jour, correspondant à deux marées montantes et deux marées descendantes. Ce phénomène présente de nombreux avantages, ce qui explique le développement de nombreux systèmes d’extractions d’énergies durant ces dernières années. Tout d’abord avec une précision de 98% sur des décennies, la prédiction des courants de marées, et donc la vitesse de l’écoulement, est extrêmement prévisible car les efforts gravitationnels sur les masses d’eau terrestres sont maitrisés depuis des années [88].
Les systèmes d’extractions de l’énergie marémotrice
Tous les systèmes développés permettant de transformer l’énergie cinétique des courants de marées en énergie électrique reposent sur un principe général simple : l’énergie hydrodynamique de l’écoulement est transformée en énergie mécanique, qui entraine une génératrice. Cette dernière sert à produire de l’électricité qui est ensuite injectée dans le réseau électrique. Grâce au développement des éoliennes, ce fonctionnement est bien connu et maitrisé depuis plusieurs décennies.
Les turbines à axe horizontal
Toutes les machines à axe horizontal sont des machines tournantes de type rotor/stator dont l’axe de rotation est parallèle au sens de l’écoulement [82]. Les turbines à axe horizontal représentent la technologie hydrolienne la plus avancée à ce jour et présentent certains avantages :
• Base d’informations abondantes : la technologie reposant grandement sur les éolienne et hélices marines, des années de recherches et d’expériences d’ingénieries sont disponibles et ont largement contribué au développement de ces turbines.
• Contrôle : afin d’éviter le décrochage de l’écoulement sur les pales, les systèmes de régulation de l’angle d’incidence ont été développé.
• Performance : les rotors à axe horizontal sont a priori auto-démarrants.
A ce jour, plusieurs prototypes ont déjà atteint la phase d’essai en mer et sont capables de produire une puissance de l’ordre du mégawatt. Afin de faciliter la maintenance en mer de ces systèmes, presque la moitié des turbines développées utilise des pales à angle d’incidence constant. On peut citer à titre d’exemple : la turbine d’OpenHydro, qui a été posée au large de Paimpol-Bréhat (France) et en Nouvelle-Écosse (Canada) ou encore la turbine Sabella , posée dans le passage du Fromveur (France) [101]. Différentes approches sont étudiées concernant l’emplacement des machines. Ainsi, elles peuvent être montées sur un flotteur , ou posées sur le fond marin .
Les turbines à axe vertical
Toutes les machines à axe vertical sont des machines tournantes de type rotor-stator dont l’axe de rotation est perpendiculaire au sens de l’écoulement [82]. Encore en phase de développement, cette technologie, qui est la deuxième technologie la plus populaire concernant les hydroliennes, présente néanmoins des atouts non négligeables par rapport aux turbines à axe horizontal :
• Sens de l’écoulement : contrairement aux systèmes à axe horizontal, l’hydrolienne à axe vertical génère la même puissance indépendamment du sens de l’écoulement.
• Émission de bruit : la technologie à axe vertical génère moins de nuisance sonore.
A l’image de la turbine développée par Hydroquest , les hydroliennes à axe vertical connaissent un développement en parallèle pour l’environnement fluvial et pour l’environnement marin. Deux technologies sont étudiées depuis plusieurs années pour optimiser le positionnement des machines dans leur environnement. Elles sont soit posées sur le fond , soit reliées à un flotteur au niveau de la surface de l’eau . La deuxième solution à l’avantage de faciliter la maintenance des machines, ce qui constitue encore un défi majeur.
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Table des matières
Introduction
1 De l’énergie des courants à son extraction par un système à pale oscillante
1.1 La ressource énergétique
1.2 Les systèmes d’extractions de l’énergie marémotrice
1.2.1 Les turbines à axe horizontal
1.2.2 Les turbines à axe vertical
1.2.3 Les systèmes à pales oscillantes
1.3 Les structures oscillantes
1.3.1 Paramétrisation de la cinématique et des efforts
1.3.2 Modes de fonctionnement : Production ou propulsion
1.3.3 La propulsion
1.3.4 L’extraction d’énergie
1.3.5 Le rendement énergétique des structures oscillantes
1.4 Les structures déformables en mouvement
1.4.1 L’impact énergétique des déformations de la structure
1.4.2 Les modèles pour prendre en compte les déformations
1.5 PoHyCA : Une pompe Hydrodynamique pour la Compression de l’Air
1.6 Bilan
2 Interaction Fluide-Structure
2.1 Définition et modélisation de l’interaction fluide-structure
2.2 Modélisation numérique de la dynamique du fluide
2.2.1 Équations de Navier-Stokes en formulation Arbitraire Lagrangienne-Eulérienne
2.2.2 Modèles de turbulence
2.2.3 Résolution numérique des équations de Navier-Stokes : l’algorithme PISO
2.3 Modélisation numérique de la dynamique de la structure
2.3.1 L’équation d’équilibre des contraintes
2.3.2 Les équations de déformations d’une structure élastique
2.3.3 Résolution de l’équation de Navier
2.4 Modélisation mathématique de l’interaction fluide-structure
2.5 Les stratégies de couplage en interaction Fluide-Structure
2.5.1 Approche de couplage monolithique
2.5.2 Approche partitionnée
2.5.3 Approche découplée
2.5.4 Transfert des informations au niveau de l’interface fluide-structure
2.6 Bilan
3 Vers l’étude d’une structure déformable en grand déplacement
3.1 Introduction
3.2 Structure indéformable en grands déplacements
3.2.1 Dynamique d’un hydrofoil 2D en pilonnement et tangage
3.2.2 Formulation et résolution du problème de la structure indéformable
3.2.3 Formulation et résolution du problème de l’écoulement
3.2.4 Résultats et discussions
3.2.5 Rendement du système pour les deux solutions
3.3 Structure déformable encastrée
3.3.1 Présentation et objectifs de l’étude
3.3.2 Formulation et résolution du problème de l’écoulement
3.3.3 Formulation et résolution du problème de la structure
3.3.4 Formulation et résolution du problème couplé en IFS
3.3.5 Résultats et discussions
3.4 Bilan
4 Plaque déformable en mouvement de rotation forcé
4.1 Introduction
4.2 Formulation du problème étudié
4.2.1 Formulation du problème de l’écoulement
4.2.2 Formulation du problème de déformation de la structure
4.2.3 Formulation du problème couplé en Interaction Fluide-Structure
4.2.4 Résolution numérique
4.3 Résultats et discussion
4.3.1 Validation expérimentale pour une structure rigide
4.3.2 Analyse fréquentielle pour une structure déformable
4.3.3 Effet de la masse ajoutée dans l’eau
4.3.4 Analyse de la déformation en flexion de la plaque
4.3.5 Comparaison avec une approche modale
4.4 Bilan
Conclusion