Les systèmes d’élevage extensifs en montagne

Les systèmes d’élevage extensifs en montagne

Systèmes d’élevage extensifs et diversité du territoire de l’exploitation agricole

Jusque dans les années 80, les politiques agricoles française et européenne ont, par un soutien aux produits, encouragées l’intensification. L’intensification fait référence au facteur terre, facteur le plus rigide et souvent le plus onéreux (Landais et Balent, 1995) et désigne l’augmentation des quantités de capital et d’intrants utilisées par hectare. La suppression des facteurs limitants s’est traduite par une uniformisation des systèmes de production, ce qui également en facilitait la gestion. Cela s’est traduit en outre dans les zones difficiles par des abandons de parcelles en fonction de critères d’utilisabilité (distance ou accès, mécanisabilité…) (Tasser et Tappeiner, 2002). Depuis les années 90, les politiques agricoles ont évolué de façon à encourager l’extensification par des soutiens à l’hectare (prime à l’herbe pour les exploitations herbagères), en vue de maintenir ou d’accroître la diversité biologique qui est devenue un enjeu (Kirchmann et Thorvaldsson, 2000). Cette évolution s’inscrit dans un contexte de saturation des grands marchés agricoles, de dégradation du rapport entre prix agricoles et prix industriels, d’évolution de la démographie agricole due à un déséquilibre entre les installations et les cessations d’activités. En conséquence, une tendance à l’accroissement de la surface moyenne de l’exploitation est observée depuis deux décades. Dans le cas de l’élevage des herbivores, cette tendance a conduit à l’émergence d’un nouvel objet de recherche : les systèmes d’élevage extensifs, qui au-delà de leur diversité présentent des caractéristiques communes (Landais et Balent, 1995). L’émergence de ces systèmes en tant qu’objet de recherche relève de la nécessité de renouveler les références produites jusque là pour les systèmes intensifs. Les systèmes d’élevage extensifs peuvent être schématisés en deux types : les systèmes herbagers reposant sur la clôture et la culture de l’herbe et les systèmes pastoraux utilisant des parcours (Landais et Balent, 1995). L’une des principales caractéristiques de ces systèmes est la grande diversité spatiotemporelle des végétations utilisées au sein d’une même exploitation agricole (Landais et Balent, 1995 ; Armstrong et al., 1997 ; Bernhard, 2002). Il peut s’agir de prairies permanentes et de parcours herbacés ou ligneux, de cultures fourragères. Au sein du territoire d’exploitation, cette diversité résulte également des différences d’exposition, de sol ou d’altitude. Plusieurs auteurs se sont intéressés aux modes de gestion de la diversité du territoire dans les systèmes d’élevage extensifs. Altieri (1999) montre ainsi l’intérêt de la diversité des espèces et variétés végétales pour le contrôle de la population de ravageurs, la fertilité du sol ou l’état phytosanitaire des plantes cultivées. Quant à White et al. (2004), ils encouragent, compte tenu de la diversité spatio-temporelle des conditions climatiques ou pédologiques, le développement à l’échelle du territoire de l’exploitation des communautés d’espèces fonctionnellement diversifiées : la présence de certaines espèces ou variétés se justifiant par leur potentiel de croissance et leur qualité, d’autres pour leur tolérance aux contraintes climatiques. Pour Landais et Balent (1995), l’hétérogénéité et la variabilité qualitative des végétations sont acceptées voire recherchées dans les systèmes extensifs, compte tenu de leur rôle dans les régulations internes face aux aléas. Duru et Hubert (2003) mentionnent un rôle tampon de la végétation face aux aléas climatiques. Ce rôle tampon résulte des variations de croissance et de phénologie de l’herbe liées à l’intensité et à la fréquence de défoliation (Duru et al., 1998). Même si les systèmes d’élevage extensifs ne se rencontrent pas exclusivement en zones de montagne, ces dernières présentent des caractéristiques structurelles limitant l’intensification. En d’autres termes la plupart des systèmes d’élevage en montagne sont des systèmes extensifs.

Les systèmes d’élevage extensifs en montagne

Deux critères physiques définissent la zone de montagne : l’altitude et la pente même si ces deux critères ne sont pas forcément associés (Peltier, 1985). L’altitude engendre en particulier deux types de conséquences : – un allongement de l’hiver et une réduction de la période de croissance des végétaux de l’ordre de 8 à 9 jours par 100 mètres d’altitude ; – un accroissement du nombre de jours de gelées en période de végétation (Dixmerias, 1985). Mathieu et al. (1986) montrent une réduction de 23% de la production fourragère potentielle en montagne par rapport à la plaine. Les critères de pente associés à l’isolement et la dispersion des territoires d’exploitation engendrent des problèmes de mécanisation et limitent le débit des chantiers de récolte. Les conditions pour réaliser les stocks fourragers en quantité et qualité suffisantes sont donc plus difficiles en montagne que dans les régions de plaine alors que les besoins sont supérieurs à cause d’une durée plus longue de l’hiver (Gibon et Duru, 1987). Selon ces auteurs, les caractéristiques structurelles accentuent la dépendance des systèmes extensifs de montagne aux aléas climatiques. Ces caractéristiques structurelles majorent les coûts de production qu’il s’agisse des équipements de récolte, des bâtiments ou encore de l’alimentation des troupeaux (achats de concentrés à cause de la réduction des surfaces en céréales). De plus, les limites de l’intensification fourragère et la faible rentabilité en montagne des surfaces non fourragères (essentiellement céréales) réduisent la dimension du troupeau dans les exploitations de montagne. Pour ces exploitations de montagne, la valorisation des produits par l’adoption de cahiers des charges peut alors contribuer à la compensation des handicaps subis (Dixmerias, 1985 ; Liénard et al., 1985). Or certaines mesures de cahiers des charges, pensées dans un objectif de différenciation (signes officiels de qualité mais également signes contractuels liés à un cahier des charges préétabli) ou de gestion du territoire, peuvent accentuer la dépendance des exploitations d’élevage aux aléas climatiques. Ceci est particulièrement vrai lorsque ces mesures portent sur le mode de conservation des fourrages. On peut citer par exemple les mesures visant à limiter les achats de foin afin de renforcer le lien au terroir (les certificats de conformité « groupement d’intérêt économique fleur de limousine » ou « association viandes de qualité du cantal »). D’autres mesures visent à retarder les dates de fauche afin de préserver les espèces naturelles dans les zones d’intérêt faunistique et floristique (la mesure 16.1 des contrats territoriaux d’exploitation (CTE) ou des contrats d’agriculture durable (CAD)). D’autres encore interdisent l’utilisation de fourrages fermentés (syndicats d’appellation d’origine contrôlée (AOC) Abondance, Beaufort, Comte, Mont d’or, Morbier, Picodon, Reblochon, Tome des Bauges,). Les achats de foin peuvent limiter la dépendance aux aléas climatiques en cas de production fourragère insuffisante. Le retard de fauche, lorsqu’il concerne une part non négligeable de la surface de fauche, peut entraîner une baisse de la qualité du foin récolté et retarder la mise à disposition des repousses pour les vaches durant l’été. Il peut en outre limiter la possibilité de récolter du regain et donc la constitution de stocks fourragers. Les risques de ruptures alimentaires sont donc accrus durant les années où la production d’herbe est faible. L’interdiction de fourrages fermentés met en cause des techniques de conservation des fourrages (ensilage et enrubannage) qui se caractérisent pourtant par leur souplesse d’adaptation aux conditions climatiques (Dupic, 1998 ; Veillaux et Lépée, 1998 ), raison qui avait motivé leur adoption. La récolte plus précoce par ces techniques par rapport au foin permet de conserver l’herbe à un stade plus jeune, de meilleure qualité et de produire plus tôt et davantage de regains à faucher ou à pâturer (de Montard et Blanchon, 1985). Ces techniques permettent donc de s’affranchir partiellement de la contrainte climatique. Pour les exploitations de montagne, la recherche d’une valorisation par l’adoption des cahiers des charges nous a semblé mettre en évidence un paradoxe : adopter des cahiers des charges qui augmentent la dépendance aux aléas climatiques d’exploitations déjà très marquées par une contrainte climatique forte. Dans ce contexte et au sein des différentes fonctions de la diversité du territoire citées par Altieri (1999), Landais et Balent (1995), Duru et Hubert (2003), son « rôle tampon » face aux aléas climatiques représente un enjeu important.

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Table des matières

Remerciements
Liste des figures
Liste des tableaux
Introduction générale
1 Systèmes d’élevage extensifs et diversité du territoire de l’exploitation agricole
2 Les systèmes d’élevage extensifs en montagne
3 Objectif de la recherche et zone d’étude
4 Plan de la thèse
Première partie : Présentation de la problématique
Introduction
Chapitre 1 – Définition des principaux concepts mobilisés
Introduction
1 Sensibilité du système fourrager aux aléas climatiques
2 Utilisation du territoire et sensibilité du système fourrager aux aléas climatiques
3 La représentation des décisions de l’éleveur
Conclusion
Chapitre 2 – Problématique
Introduction
1 Objet d’étude et simplifications
2 Question de recherche et hypothèses de travail
3 Démarche générale
Conclusion de la première partie
Deuxième Partie : Identification empirique de différentes stratégies d’utilisation du
territoire
Introduction
Chapitre 3 – Les enquêtes exploratoires
Introduction
1 Méthode
2 Principaux résultats des enquêtes exploratoires
Conclusion
Chapitre 4 – Le suivi
Introduction
1 Méthode
2 Résultats
Conclusion
Conclusion de la deuxième partie
Troisième partie : Etude à l’aide d’un modèle de la sensibilité du système fourrager
aux aléas climatiques
Introduction
Chapitre 5 : Quel modèle construire ?
Introduction
1 Modélisation, définition des concepts de base
2 La validation des modèles
3 Les différents modèles d’exploitations d’élevage
4 L’élaboration du modèle
Conclusion
Chapitre 6 : Présentation du modèle du système fourrager
Introduction
1 Simplifications générales
2 Entrées
3 Structure générale du modèle
4 Le sous-modèle biophysique
5 Le sous-modèle décisionnel
6 Sorties
7 La Validation du modèle
Conclusion
Chapitre 7 : Comparaison par simulation des stratégies de décision pour différents
territoires d’exploitation et séries climatiques
Introduction
1 Matériel et méthode
2 Résultats
Conclusion
Conclusion de la troisième partie
Conclusions générales
1 Originalité du travail
2 L’hypothèse de départ infirmée
3 Les restrictions réalisées
4 Perspectives
Bibliographie
Annexes
Table des matières

 

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