LES SYSTEMES DE CULTURES EN ROTATION AVEC LE COTON BIO
Historique de lโagriculture biologique et dรฉfinitions
Lโagriculture biologique est apparue aux Etats-Unis et en Europe suite a plusieurs mouvements de protestation : le mouvement biodynamique ou anthroposophique de lโautrichien Rudolf Steiner, le mouvement pour lโagriculture organo-biologique du Dr suisse Hans Muller et le mouvement pour une agriculture organique de Sir Albert Howard en Grande-Bretagne. Ces mouvements ont vu le jour vers la fin des annees 1800 en Europe et aux Etats-Unis, du fait des preoccupations liees a la perte de qualite des recoltes suite a une augmentation des maladies et des attaques de ravageurs nuisant au rendement, apres lโintroduction des engrais chimiques.
Apres sโetre developpee en Autriche, en Allemagne ou encore en Suisse et en Angleterre des les annees 20, lโagriculture biologique fait son apparition en France au debut des annees 50. Tres vite elle est batie autour de deux approches liees au refus categorique de lโintensification agricole amorcee dans les annees 50 (et donc a lโutilisation excessive de pesticides et dโengrais chimiques): une approche technique et/ou economique, et une approche plus large liant lโagriculture biologique a un projet de societe plus global. Les deux courants sont etroitement lies lโun a lโautre par leurs objectifs et approches. Le refus de lโagriculture intensive et de synthese est du a deux raisons principales. La premiere raison est due au lien qui existe entre lโagriculture, lโalimentation et la sante.
La deuxieme raison est due aux impacts catastrophiques de lโagriculture intensive et synthetique sur les producteurs qui devenaient alors totalement dependants de lโindustrie par les contrats de credits pour lโachat dโintrant et pour lโecoulement de leur production. Au debut des annees 60, des alertes sont donnees quant aux consequences sur la sante de lโhomme et de lโenvironnement surtout avec lโapparition des maladies considerees โช incurables โซ. Suite a ces constats alarmants des mefaits de lโagriculture chimique sur lโautonomie du paysan, la sante de lโhomme et de lโecosysteme (voir le livre de Rachel Carson Printemps silencieux en 1962), des projets et ONG sโinvestissent dans la recherche (normes et pratiques agro-ecologiques, sensibilisation, dโinformations) et des actions dโaccompagnement dans les annees 70 : soutien du premier projet de cahier de charges a Bordeaux en 1969, presentation du premier cahier des charges bio francais par Nature et Progres impulsant alors la creation de la Federation internationale des mouvements d’agriculture biologique (IFOAM) en 1972.
Dans ces cadres de references, lโIFOAM definit lโagriculture biologique, ses principes et les normes a respecter afin de produire biologiquement et beneficier de la denomination โช biologique โซ. Selon lโIFOAM (2008) : ยซ L’agriculture biologique est un systรจme de production qui maintient et amรฉliore la santรฉ des sols, des รฉcosystรจmes et des personnes. Elle s’appuie sur des processus รฉcologiques, la biodiversitรฉ et des cycles adaptรฉs aux conditions locales, plutรดt que sur l’utilisation dโintrants ayant des effets adverses. Lโagriculture biologique allie tradition, innovation et science au bรฉnรฉfice de lโenvironnement commun et promeut des relations justes et une bonne qualitรฉ de vie pour tous ceux qui y sont impliquรฉs (www.ifoam.org)ยป.
Selon le Codex Alimentarius, lโagriculture biologique vise a augmenter la diversitรฉ biologique dans l’ensemble du systeme ; accroitre l’activite biologique des sols et maintenir la fertilite des sols a long terme. Elle permet de recycler les dechets d’origine vegetale et animale afin de restituer les elements nutritifs a la terre tout en reduisant ainsi le plus possible l’utilisation de ressources non renouvelables. Elle vise egalement a appuyer lโorganisation locale et les ressources renouvelables dans les systemes agricoles. Elle fait la promotion du bon usage des sols, de l’eau et de l’air et la reduction maximale possible de toutes les formes de pollution que les pratiques culturales pourraient provoquer. Dans le processus de transformation des produits agricoles biologiques; les principes de lโAB preconisent une manipulation attentive des produits agricoles afin de maintenir l’integrite biologique et les qualites essentielles du produit a tous les stades.
En somme, lโagriculture biologique est un systeme de gestion holistique de la production qui favorise la sante de l’agroecosysteme (le maintien de la biodiversite), le respect des cycles biologiques et de l’activite biologique des sols. Elle tient compte de lโinterdependance entre la vie du sol, des plantes, des animaux et des humains. Elle repose sur des methodes de culture et dโelevage specifiques et precises. Ces methodes de culture sont fondees principalement sur le bannissement de tous les intrants dโorigine synthetique dans la culture (tels les pesticides, les engrais chimiques, les antibiotiques, les organismes genetiquement modifies, etc.) et le respect de procedes comme le traitement des animaux et de lโespace qui leur est reserve. Elle est regie par des normes reglementaires et principes inscrits dans des cahiers des charges europeens.
Lโagriculture biologique au Burkina-Faso
Au Burkina-Faso, lโagriculture biologique a toujours ete tournee quasi exclusivement vers lโexportation (mangue, sesame, karite, coton, sojaโฆ). Apparue dans les annees quatre-vingt-dix, elle a un double objectif : repondre a la demande accrue en produits biologiques des consommateurs de l’Union Europeenne et ameliorer les conditions de vie des petits producteurs ruraux burkinabe. Au-dela dโune reponse aux besoins des marches europeens en produits alimentaires biologiques, le developpement de lโagriculture Bio apparait de plus en plus comme un nouveau moteur pour orienter lโagriculture conventionnelle vers des formes plus ecologiques et plus durables (Lotter, 2014). Actuellement, les systemes de cultures biologiques sont essentiellement le coton, le sesame, le soja, lโhibiscus, les fruits (mangue, karite).
Les produits biologiques sont generalement vendus a des prix remunerateurs par rapport aux produits conventionnels. Par exemple, le prix du coton bio (375F/kg) est largement superieur au conventionnel (260F/Kg) pour la campagne 2013-2014. Cette offre de prix remunerateurs entraine lโengouement des producteurs a se convertir a lโAB. De 675 producteurs de coton bio en 2004 lโunion nationale des producteurs du coton biologique au Burkina (UNPCB) enregistre de nos jours pres de 7000 producteurs, dont 28% sont des femmes (cf. www.syprobio.net). Selon la FIBL/IFOAM, les superficies emblavees pour les cultures biologiques au Burkina Faso sont passees a 19684 ha avec 4102 exploitations bio1.
Cette forte adhesion sโexplique par la forte demande de lโexterieur et de lโexistence dโun dispositif dโaccompagnement propose par des ONG, des projets de developpement rural et des structures privees. Malgre ce dispositif dโaccompagnement et la ferme volonte des producteurs a produire bio, lโAB fait face a des contextes agro-ecologiques, socio-economiques et organisationnels contraignants, entrainant souvent des abandons. Le contexte socio-economique est marque par lโabsence des filieres agricoles construites, la faible organisation et structuration des producteurs, lโabsence de soutien de la part des autorites gouvernementales, lโabsence de referentiels adaptes au contexte et lโabsence et/ou lโinsuffisance dโintrants agricoles a savoir les semences certifiees, les biopesticides et la fumure organique. Toutes ces difficultes freinent le developpement et la promotion de lโAB au Burkina-Faso. Les structures dโaccompagnement en collaboration avec les producteurs ont entrepris dโinnover dans tous les domaines (techniques et organisationnels) afin de pallier a cela. Les structures dโaccompagnement operent des changements dans leur processus dโaccompagnement (recherche transdisciplinaire, la demarche inclusive et participative est adoptee) et de communication. Elles proposent egalement de nouveaux services dans la mesure dโaider les producteurs a resoudre leurs problemes.
Il y a entre autre les services socio-economiques avec la mise en place dโentreprises sociales et solidaires (ESOP, ESS) et de circuits courts, des services dโaccompagnement ou de formation (fermes modeles, fonds pour lโexperimentation paysanne, reseaux dโapprentissage, conseil technique specialise). Du cote des producteurs, des changements dโorganisation (lโacces a la culture de coton pour les femmes et lโimplication des femmes dans les OP) de la production sโoperent au sein des menages. Il y a egalement des changements de pratiques culturales qui ont ete constatees dont entre autres lโarret dโutilisation des herbicides, les associations culturales ou le paillis. Ces changements apparaissent comme des innovations qui permettent de transformer les producteurs, leurs projets, leurs pratiques a entreprendre des exploitations productrices de produits biologiques.
Lโinnovation dโaprรจs Schumpeter et Oslo
Lโinnovation se presente comme un renouvellement qui sโinscrit dans un processus de transformation, de changement. Selon Schumpeter pere de lโinnovation, โช le processus dโinnovation resulte de lโintroduction dโune technique nouvelle dans le milieu cible โซ ou โช lโexecution de nouvelles combinaisons productives โซ. Elle revient a โชresoudre des problemes de productionโซ ou โชintroduction de nouvelles fonctions de productions โซ. Lโinnovation est au coeur du changement economique. Pour lui, les innovations โradicalesโ faconnent les grandes mutations du monde alors que les innovations โprogressivesโ alimentent de maniere continue le processus de changement. Il finit par proposer une liste de divers types dโinnovations partagee egalement par Oslo dans son manuel intitule โช Manuel dโOslo โซ. Lโinnovation est definie dans le Manuel dโOslo, comme etant un concept large.
Elle ne se reduit pas seulement aux activites de Recherche-Developpement (R-D). Elle englobe a la fois la creation et lโadoption de lโinnovation qui peut etre aussi une โช nouveaute pour lโentreprise, nouveaute pour le marche et nouveaute pour le monde entier โซ. A cet effet, de nombreuses innovations introduites au niveau des exploitations agricoles sont en fait des โช innovations de procede โซ. Ces innovations portent sur des methodes de production, par exemple lโadoption des intrants naturels tels que les semences certifiees biologiques, les bios pesticides et la fumure organique. Elles peuvent aussi porter sur des techniques/pratiques culturales ecologiques ou de techniques de gestion des dechets plus performantes comme sur l’elaboration par les agriculteurs de pratiques agricoles adaptees a leur situation.
Certaines innovations de procede adoptees par les agriculteurs, par exemple lโamelioration des semences ou des systemes de recuperation des eaux usees des menages, sont considerees en fait comme des โช innovations de produit โซ pour le secteur dโactivite en amont. Le secteur dโactivite en aval genere aussi des innovations de produit, par exemple des denrees alimentaires presentant de nouvelles caracteristiques fonctionnelles (sante) ou des produits non alimentaires derives de lโagriculture biologique (feuilles medicinales) pour lโindustrie pharmaceutique (bio economie). Tout au long de la chaine de lโoffre, en outre, les innovations de commercialisation comme les entreprises de services et dโorganisations de producteurs (ESOP) et economies sociales et solidaires (ESS) et dโorganisation ne cessent de gagner en importance. Devenue presquโun ideal a atteindre dans toute activite surtout dans les programmes de developpement, lโinnovation vise a executer une action nouvelle. A cet effet, quatre types dโinnovations sont retenus qui sont les suivants :
|
Table des matiรจres
REMERCIEMENTS
SIGLES ET ABREVIATIONS
TABLE DES MATIERES
TABLES DES FIGURES & TABLEAUX
RESUME
ABSTRACT
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : CADRE DโETUDE
CONTEXTE ET OBJECTIFS
1.1. HISTORIQUE DE LโAGRICULTURE BIOLOGIQUE ET DEFINITIONS
1.2. LโAGRICULTURE BIOLOGIQUE AU BURKINA-FASO
1.3. QUESTIONS DE RECHERCHE
1.4. LES OBJECTIFS DE LโETUDE
1.4.1. Objectif gรฉnรฉral
1.4.2. Objectifs spรฉcifiques
CONCEPTS MOBILISES ET CADRE DโANALYSE
2.1. LโINNOVATION DโAPRES SCHUMPETER ET OSLO
2.2. LES SYSTEMES DโINNOVATION
2.3. LES SYSTEMES REGIONAUX DโINNOVATION
2.4. LES DISPOSITIFS DE CONSEIL ET DโACCOMPAGNEMENT DE LโINNOVATION
2.4.1. Rรดle du conseil dans les systรจmes dโinnovation agricoles
2.4.2. Lโaccompagnement, nouvelle posture pour faciliter lโinnovation avec les producteurs
METHODOLOGIE
3.1. HYPOTHESES DE TRAVAIL
3.2. COLLECTE DE DONNEES
3.3. TRAITEMENT ET ANALYSE DES DONNEES
CHAPITRE 2 : ETAT DES LIEUX ET CARTOGRAPHIE DES SYSTEMES DE CULTURE BIOLOGIQUES AU BURKINAFASO
LES PRODUITS CERTIFIES BIO OU BIO EQUITABLE.
1.1. LES SYSTEMES DE CULTURES EN ROTATION AVEC LE COTON BIO
1.2. LES SYSTEMES DE CULTURES PRATIQUES SEULS OU EN ASSOCIATION AVEC DโAUTRES CULTURES AUTRES QUE LE COTON… 24
1.2.1. Le soja biologique
1.2.3. Le sรฉsame biologique
1.3 LES FRUITS BIOLOGIQUES
LES PRODUITS NON CERTIFIES ISSUS DE PRATIQUES AGRO-ECOLOGIQUES
CONTRAINTES ET FACTEURS CLรS POUR LE DรVELOPPEMENT DE LโAGRICULTURE BIOLOGIQUE AU BURKINA-FASO
CHAPITRE 3: LES DISPOSITIFS DโACCOMPAGNEMENT DES PRODUCTEURS
LE CADRE POLITIQUE ET REGLEMENTAIRE
1.1. LE CADRE POLITIQUE
1.2. LE CADRE REGLEMENTAIRE
LES ACTEURS DE LโAPPUI-CONSEIL
LES DIFFERENTS TYPES DโACCOMPAGNEMENT
3.1. LโACCOMPAGNEMENT PAR LA RECHERCHE-DEVELOPPEMENT
3.2. LโACCOMPAGNEMENT PAR LE RENFORCEMENT DES CAPACITES
3.3. LโACCOMPAGNEMENT TECHNICO-ECONOMIQUE
3.4. LโAPPUI A LA CONVERSION
3.5. SUIVI ET CONTROLE INTERNE DES ACTIVITES DE PRODUCTION
3.6. APPUIS EN EQUIPEMENTS ET CREDITS
3.7. APPUI DU SECTEUR PRIVE POUR LA CONCEPTION DE BIO-PESTICIDES ET DE FUMURE ORGANIQUE
3.8. ACCOMPAGNEMENT A LA TRANSFORMATION.
3.9. APPUI A LA COMMERCIALISATION
DEMARCHES ET OUTILS DโACCOMPAGNEMENT
4.1. PRINCIPALES DEMARCHES UTILISEES
4.2. PRINCIPAUX OUTILS DโACCOMPAGNEMENT
CHAPITRE 4: CONTRIBUTION DES DISPOSITIFS DโACCOMPAGNEMENT AUX SYSTEMES REGIONAUX DโINNOVATION
CAS DES SYSTEMES REGIONAUX DโINNOVATION LIES AU COTON BIOLOGIQUE
1.1. LES PROBLEMES RENCONTRES
1.2. LES ACTEURS MOBILISES AUTOUR DU COTON BIOLOGIQUE ET CULTURES ASSOCIEES
1.3. LES DEMARCHES ET OUTILS DโAPPUI-CONSEIL
1.4. LES INNOVATIONS INTRODUITES
CAS DES SYSTEMES REGIONAUX DโINNOVATION LIES AU SESAME BIOLOGIQUE
2.1. PROBLEMES RENCONTRES
2.2. LES ACTEURS MOBILISES AUTOUR DU SESAME BIOLOGIQUE
2.3. LES DEMARCHES ET OUTILS DโAPPUI-CONSEIL
2.4. LES INNOVATIONS INTRODUITES
CAS DES SYSTรMES RรGIONAUX DโINNOVATION LIรS AU SOJA BIOLOGIQUE
3.1. PROBLEMES RENCONTRES ET DYNAMIQUES DโINNOVATION
3.2. LES ACTEURS MOBILISES AUTOUR DU SOJA BIOLOGIQUE
3.3. LES DEMARCHES ET OUTILS DโACCOMPAGNEMENT
3.4. LES INNOVATIONS INTRODUITES
SYNTHรSE DES INNOVATIONS INTRODUITES
4.1. LES INNOVATIONS SOCIALES
4.2. LES INNOVATIONS METHODOLOGIQUES POUR RENFORCER LES CAPACITES DES PRODUCTEURS
4.3. LES INNOVATIONS ORGANISATIONNELLES
4.4. LES INNOVATIONS ECO-TECHNOLOGIQUES
CHAPITRE 5: DISCUSSION
RETOUR CRITIQUE SUR LA MรTHODE
VรRIFICATION DES HYPOTHรSES
2.1. H1: LES DYNAMIQUES DE RESEAUTAGE FACILITENT LE PARTAGE DES CONNAISSANCES ET STIMULENT LโINNOVATION
2.2. H2 : LES SYSTEMES DโINNOVATIONS SONT REGIONAUX.
2.2.1. Principales caractรฉristiques des SIR identifiรฉs
2.2.2. Importance des SIR
PERSPECTIVES DโรTUDES ET RECHERCHE
RECOMMANDATIONS AUX ACTEURS DE LโACCOMPAGNEMENT
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
ANNEXE 1 : DEFINITION DE LโINNOVATION
ANNEXE 2 : FICHE SYNTHETIQUE DE STAGE
ANNEXE 3 : GUIDE DโENTRETIEN
ANNEXE 4 : CARTE DE REFERENCE
ANNEXE 5 : PANORAMA DES DISPOSITIFS DโAPPUI-CONSEIL LIES AU DEVELOPPEMENT DE LโAGRICULTURE BIO
ANNEXE 6 : TABLEAU DES ACTEURS IMPLIQUES DANS LE DEVELOPPEMENT DE LโAB, LโACCOMPAGNEMENT DES
PRODUCTEURS ET LA FACILITATION DES INNOVATIONS.
ANNEXE 7 : TABLEAU DE SYNTHESE DES INNOVATIONS
Tรฉlรฉcharger le rapport complet