Les systèmes agraires

Evolution des systèmes agraires dans la zone d’étude

Implantation de la CFDT sous colonat français : le coton devient la seule production d’exportation au Nord‐Cameroun.

En 1951 la CFDT, Compagnie Française pour le Développement des Fibres Textiles, s’implante au Nord‐ Cameroun pour y promouvoir la production annuelle de coton. Le coton était, alors, déjà cultivé comme plante pérenne dans les jardins de case de certaines familles camerounaises. Le travail de la CFDT était basé sur un encadrement de la production fortement hiérarchisé et organisé, allant du « boy coton » dans les villages, au chef de région, en passant par les chefs de zones et chefs de secteurs. Cette structure d’encadrement préfigure celle qui existe aujourd’hui. Les agriculteurs des plaines de l’Extrême‐Nord, commencèrent à produire du coton car le prix annoncé du coton était attirant (30 FCFA/kg) alors que le prix de l’arachide baissait. De plus, la CFDT offrait une prime à l’ensemencement. La CFDT fournissait également des crédits pour l’achat de l’équipement attelé ce qui favorise l’adoption de cet outil agricole et permet aux agriculteurs d’augmenter les superficies cultivées.

En 1966, 100 000 hectares sont ensemencés en cotonnier, pour un rendement moyen de 500kg/ha. A cette époque, les plaines de la province du Nord présentent le désavantage d’une parasitologie trop élevée pour la culture du cotonnier. Cependant le système pratiqué dans l’Extrême‐Nord, basé sur l’exploitation des meilleurs sols sans apports organiques ou minéraux va atteindre sa limite de production lors des sécheresses au début des années 1970 et 1980. A partir de 1960 la CDFT promeut la pratique de la fumure organique avec l’utilisation des terres de parcs mais elle ne sera adoptée que sue 6% des surfaces. En revanche, la fumure minérale vulgarisée à partir de 1964 fut largement adoptée (30% des surfaces en 1969). Les plaines du Nord étant moins affectées par les sécheresses du début des années 1980 que celles de l’Extrême‐Nord, les rendements en coton y sont supérieurs. Cela suffit pour que les paysans de l’Extrême‐Nord réduisent les surfaces cultivées en coton et que ceux du Nord les augmentent, d’autant plus que l’Etat subventionne fortement les intrants. Ce phénomène est surtout permis par les migrations massives de population depuis l’Extrême‐Nord vers le Nord, initiées en 1967 par un projet mis en oeuvre par le SEMNORD (cf. §C1).

Les projets de migration encadrée des populations à partir de 1967

En 1967, l’Etat Camerounais lance sa première opération visant à faire migrer les populations de l’Extrême‐ Nord vers les plaines situées un peu plus au sud. Le projet s’appelait Guider‐Bé car les migrants étaient installés dans la région Guider. Il dura jusqu’en 1973. En 1972, la Mission d’Étude pour l’Aménagement de la Vallée Supérieure de la Bénoué, MEAVSB, est créée pour organiser et encadrer les migrations. Elle a alors absorbé le SEMNORD qui était le maître d’oeuvre des précédents projets de migration. Elle fut chargée de la mise en oeuvre des projets de migration encadrée des populations de l’Extrême‐Nord vers les plaines du Nord où la densité de population était très faible, dont le projet NEB, Nord‐Est Bénoué. L’objectif était d’y développer l’agriculture pour « valoriser un espace non utilisé » (cf. carte 2). Jusqu’à cette époque seuls les Peul, transhumants, exploitaient les plaines de la Bénoué notamment pour faire pâturer leurs troupeaux sur les abords du fleuve. Le projet NEB fut étendu vers l’ouest jusqu’à l’axe goudronné Maroua ‐ Ngaoundéré. La région Ouest Bénoué n’a pas bénéficié d’encadrement des migrations mais connait une forte migration spontanée. Sa population double entre 1976 et 1987 (Bonifica, 1992). L’arrivée des migrants était légitimée aux yeux des lamibe dans la mesure où l’entreprise cotonnière a su intéresser ces derniers en leur versant une ristourne de 0,3 francs par kg de coton commercialisé sur leur territoire. Et ce, jusqu’à la campagne 1990/1991.

La recherche agronomique

En 1989, le projet Garoua est créé par la coopération scientifique bilatérale France/Cameroun. Il associe les compétences de l’IRA, l’IRZ et du CIRAD. La première phase consiste en le développement institutionnel du dispositif de recherche formé par la coopération de ces trois organismes. La deuxième phase du projet est initiée en 1993 sous forme d’un projet développement‐recherche. L’objectif principal est d’appréhender la diversité des situations agricoles et les mutations en cours des sociétés rurales. A l’issue du projet Garoua 2, les similitudes de situations qui étaient relevées entre le Tchad, la République Centrafricaine et le Cameroun dans les problématiques de développement agricole, ont justifié la recommandation de créer un cadre de synergie scientifique pour un développement solidaire des zones de savane d’Afrique centrale. Le Pôle régional de recherche appliquée au développement des systèmes agricoles d’Afrique Centrale, le PRASAC, est créé.

Le PRASAC a été transformé en Institution spécialisée de l’Union économique de l’Afrique Centrale (UEAC) par la Conférence des Chefs d’Etat de la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique Centrale (CEMAC) tenue en décembre 2000 à Ndjamena (Tchad). Le PRASAC est à la fois une Institution de la CEMAC et un outil de coopération scientifique du CORAF/WECARD. Les trois principaux objectifs du PRASAC sont de trouver des réponses aux besoins des producteurs et des économies nationales et régionales, développer une coopération régionale en matière de recherche agricole et renforcer les capacités d’intervention nationales. La coopération franco‐camerounaise est renforcée par un partenariat tripartite entre la Sodécoton, le CIRAD et l’IRAD, renouvelé une fois de plus en 2009.

Bilan sur le foncier L’histoire de la zone est complexe et montre que l’autorité étatique s’est affirmée tout en s’appuyant sur l’autorité traditionnelle Peule. A l’origine, le lamido est le souverain, chef politico‐religieux de la communauté vivant dans le lamidat, considéré comme un Etat en soi15. Actuellement, les lamidats, où chaque lamido exerce son pouvoir, existent encore, en parallèle des arrondissements administratifs où les sous‐préfets jouent un rôle quasi équivalent. Traditionnellement, le lamido est propriétaire éminent des terres de son territoire ce qui implique qu’il garde un droit de décision sur ces terres et y arbitre les conflits. Les exploitants des terres d’un lamidat doivent lui payer une contribution, la zakat, qui s’élève à 10% de la récolte en céréales. En ce qui concerne l’élevage, les plus grands éleveurs doivent égorger une tête de boeuf par an afin de servir à manger aux plus pauvres. Le pouvoir du lamido est décentralisé au travers de djaoros, chefs de villages. Certains exploitants non musulmans se sont affranchis de l’autorité Peule prétextant qu’ils ne pratiquaient pas la même religion et ne s’en remettent désormais qu’à l’autorité étatique qui les autorise à ne pas payer la zakat.

Le Lamido ne peut exercer de répression sur ceux qui ne veulent pas payer. En général, les anciens continuent à payer. Le pouvoir du lamido est surtout respecté par la crainte d’un malheur. Le lamido fournit aux exploitants qui lui payent la zakat, protection (physique contre les bandits et morale contre les mauvais sorts et mauvaises récoltes). Aujourd’hui, l’Etat est donc le propriétaire éminent des terres et il conserve le droit de retirer l’usage de la terre à n’importe qui. C’est ce qu’il s’est passé lorsque des projets de développement ou de recherche ont voulu s’implanter dans la région (IRZ, SEMNORD…) ou qu’un haut fonctionnaire s’est vu gratifier d’une ou quelques centaines d’ha. Le lamido exerce un pouvoir de gestion du foncier et surtout des conflits sur le foncier. Le sous‐préfet est un interlocuteur pour les personnes refusant l’autorité Peule. Il est normalement hiérarchiquement au dessus du lamido mais dans cette région du Nord‐Cameroun, les lamibe (pluriel de lamido) ont su conserver une forte légitimité et autorité leur conférant une certaine autonomie. Le djaoro est le chef de 3e degré assurant la gestion des terres dans un finage villageois, au nom du lamido. Le djaoro est désigné par le lamido. Pour être djaoro, un habitant du village doit aller se présenter devant le lamido afin de le convaincre de le désigner chef de village. En général, les villageois qui se présentent au lamido ont une grande notoriété dans le village et peuvent être choisis par les habitants pour les représenter devant le lamido.

Les exploitants agricoles ont donc un droit d’usage des terres agricoles, qu’ils ont le plus souvent gagné par défrichement. Il est en général permanent et héritable. Le droit d’usage permanent est également cessible, temporairement par location ou indéfiniment par vente. De plus en plus, les transactions de ce genre sont effectuées sans passer par l’intermédiaire du djaoro ou du lamido. Cela montre un affranchissement progressif des paysans par rapport à l’autorité traditionnelle Peule. Les paysans se considèrent « propriétaires » des terres, ce qui semble être reconnu par le reste des villageois. Cependant, la propriété paysanne n’est pas encore reconnue par les autorités supérieures (lamido et sous‐préfet) et les villageois continuent à respecter la propriété éminente du lamido et de l’Etat. En ce qui concerne les arbres, il existe un droit d’extraction libre, commun à tous, habitants alentours comme étrangers. Cela concerne les arbres ayant poussé naturellement sur les inselbergs, dans les zones de pâturage exclusives et dans les champs. Cependant la propriété privée est reconnue pour les arbres plantés, notamment les fruitiers ou plantations d’eucalyptus. Les femmes ont accès à la terre en leur nom propre en de rares occasions. Les plus grands détenteurs de terres déclarent que leurs femmes demandent aujourd’hui qu’ils leurs octroient des parcelles où elles sont les chefs d’exploitation.

La pratique augmente dans le village de Mafakilda et même chez certains Peul. La production qu’elles en tirent sert pour leurs besoins personnels et pour les besoins de la famille. La répartition des revenus dépend de l’entente des ménages mais il est vrai que le mari détient le plus souvent l’argent et décide tout seul de ce qu’il en fait. La femme cherche donc à gagner de l’argent par elle‐même pour couvrir ses besoins ou combler ses envies. Les femmes seules sont des chefs d’exploitations en tant que telles et ont accès à la terre par héritage de leur défunt mari, par prêt (famille) ou par location. Les femmes sont des actifs très importants au sein l’exploitation agricole de leur mari. Notons que la polygamie est autorisée au Cameroun et pratiquée même dans les familles chrétiennes. Les femmes sont en général, en plus de toutes les autres taches, en charge de l’élevage avicole, de la cueillette et la culture des légumes et de la collecte du bois de chauffe. Les enfants bénéficient parfois de l’attribution par leur père de parcelles qu’ils peuvent gérer eux‐mêmes. La production sert alors à leurs propres besoins et envies. Si l’enfant exploite la même parcelle pendant de nombreuses années, qu’il se marie ensuite et s’installe à son compte, il a de fortes chance de devenir le « propriétaire » de la parcelle. Cependant le père conserve toujours, de son vivant, un droit sur les parcelles qu’il a cédées à ses enfants.

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Table des matières

Introduction
Méthodologie
Le diagnostic
L’analyse
Vocabulaire et concepts employés
Sigles et abréviations
1ere partie : Contexte de l’étude
Le Cameroun au coeur de l’Afrique Centrale
Géographie générale
Une ancienne colonie aujourd’hui stable politiquement
Evolution de la politique agricole nationale
1) La période de planification de 1960 à 1980
2) La libéralisation et le désengagement de l’Etat
Le développement agricole du Nord‐Cameroun
L’arachide commerciale intègre le Nord‐Cameroun dans les échanges mondiaux.
La filière cotonnière est au centre du développement rural au Nord‐Cameroun à partir de 1950
1) Implantation de la CFDT sous colonat français : le coton devient la seule production d’exportation au Nord‐Cameroun.
2) La création de la Sodécoton, et le désengagement progressif de l’Etat.
3) La Sodécoton organise la filière cotonnière de A à Z
4) Evolution et état des lieux en 2009 de la production de coton au Nord‐Cameroun.
Les multiples projets de développement au Nord‐Cameroun depuis 1960
1) Les projets de migration encadrée des populations à partir de 1967
2) La recherche agronomique
3) Les projets de la Sodécoton
Conclusion
III. La plaine de la Bénoué un milieu favorable à la culture cotonnière.
Géologie et pédologie du bassin de la Bénoué
Un climat soudanien imprévisible
La « brousse » est une savane arborée
Etude d’une zone agro‐pastorale conflictuelle où la baisse de fertilité des sols est un enjeu pour la durabilité de l’agriculture
Localisation
Contexte
Problématique
Définition de la zone d’étude
Caractérisation et zonage agro‐écologique de la zone d’étude (cf. carte 5)
2eme partie : Evolution des systèmes agraires dans la zone d’étude
Du front pionnier à un espace à forte densité de population
La prise de pouvoir par les Peul sur les plaines du Nord au XIXe siècle.
Une autorité traditionnelle encore présente aujourd’hui.
Une immigration continue à partir de 1980 et des phases de défriche successives
1) Les Laka, fondateurs du village de Sanguéré Ngal, défrichent pour cultiver le coton puis cèdent des terres aux nouveaux arrivants
2) Les Mafa des montagnes de l’Extrême‐Nord se déplacent vers les plaines de la Bénoué
3) La « course à la défriche » des agriculteurs Mafa
4) Les Peul Djafun, déjà semi sédentaires, s’installent dans la zone d’étude à cause de la pression sur les terres de parcours à Nakong (3km au nord de Garoua – cf. carte 4))
5) Les Peul Daneji et Adaranko’en, pasteurs dans la zone d’étude, se sédentarisent du fait de la pression exercée par les défricheurs sur les terres de parcours.
6) Situation actuelle de l’occupation de l’espace
Bilan sur le foncier
Evolution des systèmes agraires
1) De la polyculture associée sur de petites superficies à la culture extensive permise par défriche.
2) De la culture associée intensive sur de petites superficies dans les montagnes de l’Extrême‐Nord à la culture extensive des plaines permise par l’accès à des espaces à défricher et des sols propices à l’usage de la culture attelée.
3) L’introduction et l’adoption du maïs, substitut du sorgho blanc
4) La mise en culture des bas‐fonds pour des cultures de rente
5) L’abandon de la culture du cotonnier
6) Les agriculteurs augmentent la part de légumineuses dans l’assolement
7) La pratique de techniques culturales simplifiées permise par l’accès aux herbicides
VII. Conclusion
3eme partie : Le système agraire actuel
VIII. Le système agraire global
Les systèmes de culture(SC)
Les terres sableuses
Les terres de bas‐fonds ou de zones humides, argilo‐sableuses à argileuses
Comparaison de la rentabilité économique des différents SC.
Les systèmes d’élevage(SE)
Elevage bovin
Elevage ovin
Elevage caprin
Elevage équin
Elevage asin
Elevage avicole
Elevage de pintades
Elevage de canards
Elevage porcin
Tendances générales d’évolution des cheptels dans le département de la Bénoué
Comparaison des résultats économiques par SE
Les autres activités
Les activités des femmes
Les travaux agricoles à l’extérieur de l’unité de production familiale
Les autres activités rémunératrices pratiquées par les hommes
XII. Typologie des exploitations agricoles de la zone d’étude
Le TYPE 1 : les grands détenteurs fonciers possédant un troupeau bovin transhumant
Le TYPE 2 : les grands détenteurs fonciers ne possédant pas de troupeau bovin transhumant
Le TYPE 3 : les moyens et petits détenteurs fonciers possédant un troupeau bovin transhumant
Le TYPE 4 : les moyens et petits détenteurs fonciers ne possédant pas de troupeau bovin transhumant
Le TYPE 5 : les exploitants n’ayant pas un accès sécurisé au foncier Stratégies d’acteurs
XIII. Analyse des performances économiques des différents types.
4ème partie : Discussion, conclusion et prospective
XIV. Les limites de cette étude
Discussions
L’abandon du coton : momentané ou définitif ?
Le début d’un nouveau cycle de migrations?
La diversification de l’agriculture et de l’élevage en signe d’intensification
L’enclosure est‐elle une solution à long terme de protection du foncier et des ressources ?
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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