Gรฉnรฉralitรฉs
Les syndromes de chevauchementsย
Les connectivites (Connective Tissue Diseases, CTDs) sont des pathologies systรฉmiques auto-immunes caractรฉrisรฉes par un large spectre de manifestations cliniques impliquant une atteinte multisystรฉmique. Les CTDs incluent la polyarthrite rhumatoรฏde (PR), le lupus รฉrythรฉmateux systรฉmique (LES), le syndrome de Gougerot-Sjรถgren (SGS), la sclรฉrodermie systรฉmique (SSc), la dermatomyosite (DM) et la polymyosite (PM). Des classifications des connectivites ont รฉtรฉ รฉtablies et sont basรฉes sur lโassociation de critรจres cliniques et sur la prรฉsence de marqueurs sรฉrologiques quand ils sont disponibles [1โ3]. Les patients prรฉsentant des manifestations รฉvocatrices de connectivite ne rรฉpondent pas toujours aux systรจmes de classification รฉtablis ; ils sont alors classรฉs comme prรฉsentant une connectivite indiffรฉrenciรฉe. En revanche, un patient peut parfois prรฉsenter des manifestations rรฉpondant aux critรจres de classification de deux connectivites distinctes, voire plus ; on parle alors de syndrome de chevauchement. Ainsi, la PR peut รชtre associรฉe ร la SSc, au SGS, ou au LES. Lโidentification des syndromes de chevauchement est utile pour estimer le pronostic de la maladie, et รฉtablir une stratรฉgie thรฉrapeutique appropriรฉe. Deux catรฉgories de syndromes de chevauchement peuvent รชtre individualisรฉes :
1. Une premiรจre catรฉgorie oรน il existe une association dโun profil clinique avec un autoanticorps spรฉcifique. Par exemple, le syndrome des anti-synthรฉtases associe des manifestations cliniques de la polyarthrite rhumatoรฏde, de la dermatomyosite, et de la sclรฉrodermie systรฉmique ร la prรฉsence dโanticorps anti-tARN-synthรฉtases.
2. Une seconde catรฉgorie oรน lโassociation des manifestations cliniques de plusieurs connectivites distinctes nโest pas liรฉe ร un profil sรฉrologique spรฉcifique.
Dรฉfinition du Rhupus
La coexistence dโun LES et dโune PR chez certains patients a initialement รฉtรฉ rapportรฉe en 1969 par Kantor, puis le terme ยซ Rhupus ยป a รฉtรฉ introduit en 1971 par Peter Shur pour dรฉcrire cette association [5]. Le ยซ Rhupus ยป peut รชtre dรฉfini par la prรฉsence chez un mรชme patient dโune polyarthrite symรฉtrique, dรฉformante et รฉrosive, cโest-ร -dire comportant les caractรฉristiques de la PR, accompagnant des symptรดmes et des signes cliniques de LES avec prรฉsence dโauto-anticorps hautement spรฉcifiques de ce dernier (anti-ADBdb ou anti-Sm) [6]. Le rhupus peut รฉgalement รชtre dรฉfini comme lโassociation des manifestations de la polyarthrite rhumatoรฏde et du lupus รฉrythรฉmateux systรฉmique, rรฉpondant aux critรจres de classification respectifs de ces deux pathologies. Il nโexiste cependant pas de dรฉfinition consensuelle, et certains auteurs sโinterrogent sur la nature de ce tableau clinique : sโagit-il dโune rรฉelle association, dโune entitรฉ distincte ou dโune รฉvolution particuliรจre de lโarthropathie lupique ?
Lโhypothรจse selon laquelle le Rhupus serait lโassociation des deux pathologies distinctes semble confortรฉes par la prรฉsence concomitante de marqueurs sรฉrologiques spรฉcifiques de la PR (anti-CCP) et du LES (anticorps anti-ADNdb et anti-Sm) [8]. Ainsi, une majoritรฉ des auteurs considรจrent le Rhupus comme un syndrome de chevauchement PR/Lupus .
Polyarthrite Rhumatoรฏde
Gรฉnรฉralitรฉs sur la PR
La PR est le rhumatisme inflammatoire chronique le plus frรฉquent, dont la prรฉvalence est estimรฉe entre 0,3 et 0,8% avec un gradient de lโhรฉmisphรจre nord au sud [10]. En France, en 2001, la prรฉvalence รฉtait estimรฉe ร 0,3% avec une prรฉdominance fรฉminine (sex-ratio de 4/1) [11]. La PR est caractรฉrisรฉe par une inflammation et une hyperplasie du tissu synovial aboutissant ร une destruction ostรฉo-cartilagineuse avec dรฉformations, responsables dโun handicap fonctionnel, dโune altรฉration de la qualitรฉ de vie, avec des consรฉquences socioprofessionnelles importantes. Cโest รฉgalement un facteur de risque cardiovasculaire indรฉpendant et ร ce titre, la maladie est responsable dโune diminution de lโespรฉrance de vie .
Physiopathologie
La PR est une maladie auto-immune complexe, dโorigine multifactorielle faisant intervenir des facteurs gรฉnรฉtiques, environnementaux, endocriniens, psychologiques et immunologiques [13,14]. La composante dysimmunitaire de la maladie a รฉtรฉ รฉtablie initialement par la dรฉcouverte dโanticorps anti-IgG, le facteur rhumatoรฏde (FR), par Erik Waaler puis par H.M Rose dans les annรฉes 1940 [14]. Depuis 50 ans, la connaissance des mรฉcanismes physiopathologiques de la maladie a nettement progressรฉ. Ainsi, il a รฉtรฉ montrรฉ que plusieurs acteurs sont impliquรฉs dans la genรจse et la progression de la maladie [14] :
1. Lโimmunitรฉ innรฉe, via une rรฉponse des macrophages et des cellules dendritiques
2. La rรฉponse de lโimmunitรฉ adaptative dirigรฉe principalement contre des protรฉines du soi modifiรฉes (processus de citrullination, de carbamylation)
3. Une dรฉrรฉgulation de la rรฉponse cytokinique
4. Une activation des ostรฉoclastes et des chondrocytes .
Le concept actuel repose sur lโidentification de marqueurs immunologiques, comme la positivitรฉ des ACPA (anti-citrullinated protein antibodies), baptisรฉs รฉgalement anti-CCP (test commercial), anticorps dirigรฉs contre des protรฉines du soi modifiรฉes par citrullination, pouvant prรฉcรฉder de plusieurs annรฉes lโapparition de la symptomatologie clinique ; il sโagit alors de la prรฉ-PR. La PR se dรฉveloppe chez des patients prรฉsentant un fond gรฉnรฉtique ร haut risque associรฉ ร un รฉtat รฉpigรฉnรฉtique particulier, qui contribuent ร lโhรฉritabilitรฉ de la maladie. Des facteurs environnementaux ร lโorigine de la crรฉation de nรฉo-รฉpitopes vont induire chez ces patients une cascade dโรฉvรจnements immunologiques, pour aboutir ร lโinflammation synoviale et finalement ร lโatteinte articulaire destructrice caractรฉristique de la PR (Figure 1). Devant la diversitรฉ des rรฉponses cliniques aux thรฉrapies ciblรฉes utilisรฉes, certains auteurs postulent dรฉsormais que la PR ne constitue pas une seule pathologie homogรจne, mais plutรดt un syndrome dont le phรฉnotype pourrait รชtre lโaboutissement de diffรฉrents mรฉcanismes physiopathologiques possibles, pouvant eux-mรชmes se chevaucher chez un mรชme patient .
|
Table des matiรจres
1. Introduction
1.1 Gรฉnรฉralitรฉs
1.1.1 Les syndromes de chevauchements
1.1.2 Dรฉfinition du Rhupus
1.2 Polyarthrite Rhumatoรฏde
1.2.1 Gรฉnรฉralitรฉs sur la PR
1.2.2 Physiopathologie
1.2.3 Facteurs de risque
1.2.4 Auto-immunitรฉ de la polyarthrite rhumatoรฏde
1.2.5 Clinique
1.3 Lupus รฉrythรฉmateux systรฉmique
1.3.1 Gรฉnรฉralitรฉs
1.3.2 Physiopathologie
1.3.3 Terrain gรฉnรฉtique
1.3.4 Auto-Anticorps
1.3.5 Clinique
1.3.6 Critรจres de classification
1.4 PR et Lupus
1.4.1 Un fond gรฉnรฉtique commun
1.4.2 Physiopathologie partagรฉe
1.4.3 Caractรฉristiques cliniques et biologiques des rhupus
1.4.4 Profil clinique des patients Rhupus
1.4.5 Profil immunologique des Rhupus
1.4.6 Traitement du Rhupus
1.5 Problรฉmatique/ Objectif de lโEtude
2. Matรฉriel et mรฉthodes
2.1 Identification des patients
2.1.1 Codage informatique
2.1.2 Recherche via la base de donnรฉes biologiques
2.2 Inclusion des patients
2.3 Donnรฉes relevรฉes
2.4 Tests statistiques
3. Rรฉsultats
3.1 Patients inclus
3.1.1 Codage informatique
3.1.2 Extraction des donnรฉes biologiques
3.2 Donnรฉes dรฉmographiques
3.3 Prรฉsentation clinique
3.3.1 Phase diagnostique
3.3.2 Phase dโรฉtat
3.4 Profil immunologique
3.5 Traitement
3.5.1 Traitements de fond conventionnels
3.5.2 Traitement de fond biologique (dDMARDs)
4. Discussion
4.1 Principaux rรฉsultats
4.2 Forces et limites de lโรฉtude
4.3 Identification des patients
4.4 Classification et diagnostic du rhupus
4.5 Manifestations cliniques
4.6 Manifestations immunologiques
4.7 Prise en charge thรฉrapeutique
5. Conclusion
6. Bibliographie