Les symptômes négatifs dans la schizophrénie

LES SYMPTÔMES NÉGATIFS DANS LA SCHIZOPHRÉNIE

Définitions : les 5 dimensions des symptômes négatifs 

Aux vues de la forte prévalence des symptômes négatifs dès l’émergence de la maladie schizophrénie, de leur association à un fort retentissement fonctionnel dans le quotidien des patients mais aussi parce que jusqu’à maintenant aucun traitement n’est véritablement efficace pour les traiter, le National Institute of Mental Health-Measurement and Treatment Research Improve Cognition in Schizophrenia (NIMH-MATRICS) a promu en 2006 une conférence de consensus visant à améliorer la caractérisation et l’évaluation des symptômes négatifs dans la schizophrénie. La conférence de consensus a permis d’identifier cinq domaines principaux de symptômes négatifs : anhédonie, avolition, affect émoussé, alogie et asocialité (Galderisi et al., 2018; Marder & Galderisi, 2017; Blanchard & Cohen, 2006; Kirkpatrick et al., 2006) .

Avolition

L’avolition fait référence à la réduction de l’initiation ou de la poursuite d’une activité orientée vers un but (Kirkpatrick et al., 2006). Les termes « avolition », « amotivation» et « apathie » peuvent être considérés comme interchangeables. Il est important de noter que l’avolition est le symptôme négatif le plus fortement associé à la détresse subjective (Selten et al., 2000). Plusieurs hypothèses tentent d’expliquer le déficit motivationnel des sujets atteints de schizophrénie par l’incapacité à prédire la récompense, un déficit dans les processus d’apprentissage, des déficits dans la répartition de l’effort ou une altération des fonctions exécutives (Serper et al., 2017).

Anhédonie

L’anhédonie traduit l’incapacité à éprouver du plaisir procuré habituellement par des stimuli positifs. Il s’agit d’un symptôme fondamental de la schizophrénie, qui regroupe l’anhédonie physique et sociale (Blanchard et al., 2001). L’anhédonie a une expression transnosographique puisqu’elle est également une des caractéristiques essentielles de la dépression. Il existe donc deux types d’anhédonie :

❖ L’anhédonie consommatoire = l’expérience du plaisir est diminuée pendant le déroulement de l’activité. Les personnes atteintes de schizophrénie auraient une capacité préservée à éprouver du plaisir de consommation (Gard et al., 2007).
❖ L’anhédonie anticipatoire = l’expérience du plaisir est réduite pour les activités prévues dans le futur. L’anhédonie d’anticipation semble être particulièrement affectée chez les personnes présentant un risque de psychose, un premier épisode de psychose et une schizophrénie (Dollfus, 2018).

Asocialité (retrait social)

L’asocialité est définie comme la réduction des interactions sociales et leur initiation (Kirkpatrick et al., 2006) soit par indifférence ou faible motivation/désir au contact social . L’intérêt du temps passé avec les autres, y compris la famille et les amis, est amoindri.

Affect émoussé

L’affect émoussé est une diminution de l’intensité et de la gamme d’expression émotionnelle observée, qu’elles soient positives ou négatives, via les modes de communication verbaux ou non (Kirkpatrick et al., 2006). Sont inclus dans ces modes de communication, la prosodie, l’expression du visage, les gestes des mains ou les mouvements corporels. Son évaluation est fondée sur l’expression spontanée d’émotions observés lors de l’entretien clinique . Cet aspect clinique est typiquement décrit dans la schizophrénie, mais peut être également rapporté dans le trouble dépressif (Berenbaum & Oltmanns, 1992).

Alogie

L’alogie est définie comme une réduction du nombre de mots et de parole spontanée (Kirkpatrick et al., 2006). Le terme d’alogie renvoie à un discours appauvri à la fois dans sa forme et son contenu. La parole est réduite, les réponses sont brèves et peu fluides. La spontanéité est altérée avec une latence accrue dans les réponses. Une étude a montré que le champ lexical des patients atteints de schizophrénie était intact par rapport aux sujets témoins sains (Allen et al., 1993). Ainsi les patients avaient autant de mots disponibles dans leurs champ lexical mais ils ne parvenaient pas à les retrouver. De plus, cette capacité à générer des mots est d’autant plus diminuée chez les patients que leurs symptômes négatifs sont marqués. Certains auteurs proposent que l’alogie retrouvée chez les patients atteints de schizophrénie pourrait refléter une désorganisation de la mémoire sémantique chez ses patients (Sumiyoshi et al., 2005).

Analyse factorielle de la symptomatologie négative

Des multiples travaux de recherche menés sur les analyses factorielles de la symptomatologie négative ont conduit la communauté scientifique à concevoir l’ensemble de la symptomatologie négative comme un modèle hiérarchique à deux dimensions principales et cinq facteurs distincts pour chacun des cinq dimensions de symptômes négatifs (Blanchard & Cohen, 2006; Galderisi et al., 2018). La première dimension comprend l’apathie/avolition et la seconde dimension regroupe les facteurs de l’expression diminuée .

La dimension apathie regroupe les facteurs suivants : asocialité, anhédonie et avolition, tandis que la dimension expression diminuée comprend les facteurs: affect émoussé et alogie. Des études récentes suggèrent qu’à l’instar de la phase chronique de la schizophrénie, dans les populations de sujets à Haut Risque, la structure latente des symptômes négatifs est conceptualisée par cinq domaines. Parmi ces études prometteuses, on retrouve l’équipe de Strauss qui modélise la symptomatologie négative en cinq domaines distincts en faisant passer l’échelle de la BNSS à 164 individus classés à Haut Risque (Strauss et al., 2012).

Chaque dimension de la symptomatologie négative étant probablement sous-tendue par un mécanisme psychopathologique distinct, améliorer la caractérisation de la structure latente des symptômes négatifs chez les sujets à Haut Risque, est incontournable pour envisager à terme de définir des cibles thérapeutiques (Marder & Galderisi, 2017).

Place des symptômes négatifs dans la nosographie

Au 20ème siècle, Kraepelin et Bleuler avaient déjà considéré l’émoussement affectif et le retrait émotionnel comme des traits essentiels de la schizophrénie. Dans son traité de 1906, l’ineffectivité apparaît pour Kraepelin comme le signe dominant de la maladie. Dans le même temps, en 1911, Bleuler avait intégré l’émoussement affectif et le retrait émotionnel dans une perspective dichotomique de la maladie, faisant de ces deux critères, des symptômes fondamentaux “présents en tout temps et dans tous les cas” et nécessaires au diagnostic. Les symptômes accessoires sont alors essentiellement les hallucinations et les idées délirantes.

Plus tard, en 1946, Delay décrit l’hébéphrénie, comme une démence précoce, caractéristique des sujets jeunes dont le trait fondamental est une hypothymie, les rendant “indifférents, apathiques, sans attachement sentimental ni affection pour leur parents, ont perdu leur élan, leur humeur est atone, froide, discordante, les sources de l’affectivité sont glacées, leur visage est sans expression et ils paraissent lointains, absents” (Les schizophrénies, s. d., p. 48) (Dollfus & Petit, 1993).

Enfin selon une approche dichotomique de la maladie, trois modèles ont émergé au cours des années 80. Le modèle de Crow en 1980 décrit deux types de schizophrénie appelés type I et type II. Le type I se définit cliniquement par une symptomatologie positive. Dans le type II, la symptomatologie négative est dominante avec :

émoussement affectif, avolition, pauvreté de la parole. Ces symptômes sont chroniques et irréversibles, et évoluent vers l’appauvrissement des capacités intellectuelles. Ils présentent également une mauvaise réponse aux neuroleptiques. Puis apparaît le modèle d’Andreason en 1982 considérant les symptômes positifs et négatifs comme les deux extrêmes d’un continuum (Les schizophrénies, s. d., p. 52). Andreason écrit les symptômes négatifs de la manière suivante: alogie, avolition/apathie, anhédonie / repli social, émoussement des affects (Andreasen, 1982). En 1988 le 3ème modèle, celui de Carpenter, distingue un sous-type de schizophrénie qu’il nomme “déficitaire” fondé exclusivement sur la présence de symptômes négatifs primaires et stables. Malgré l’importance marquée des symptômes négatifs dans les descriptions cliniques antérieures, les symptômes négatifs occupent une place restreinte dans les classifications diagnostiques actuelles (DSM-V et CIM-10) (Crocq & Guelfi, 2015) (cim_10.pdf, s. d.).

Depuis 1992 la CIM-10 définit le diagnostic de schizophrénie avec la présence soit d’un symptôme présent sur quatre (et il ne s’agit que de symptômes positifs), soit deux symptômes parmi quatre d’un autre registre symptomatique (dont certains symptômes négatifs) sans faire référence à une phase prodromique. La place des symptômes négatifs dans la CIM-10 est plus marquée que dans la DSM-5 avec la reconnaissance des formes hébéphrénique, résiduelle ou simple de la schizophrénie, toutes trois intégrant les symptômes négatifs au premier plan. De manière intéressante, les symptômes négatifs préférentiellement retenus sont les suivants : apathie importante, pauvreté du discours, émoussement affectif ou réponses affectives inadéquates (ces symptômes sont généralement responsables d’un retrait social et d’une altération des performances sociales).

Depuis 2005 le DSM-5 définit le diagnostic de schizophrénie selon plusieurs critères dont le critère A qui comprend au moins deux symptômes parmi les cinq suivants : délire, hallucinations, discours désorganisé, comportement désorganisé, symptômes négatifs depuis au moins 6 mois. Mais la place des symptômes positifs reste prépondérante puisqu’au moins un des trois critères suivants doit être retrouvé : délire, hallucinations, discours désorganisé.

Malgré cette prépondérance des symptômes positifs pour faire le diagnostic de schizophrénie dans le DSM-5, les symptômes négatifs sont maintenant reconnus comme une dimension à part entière de la maladie, notamment lors des périodes prodromiques de la maladie. En effet, le critère C du DSM-5 qui stipule une durée des signes de plus de 6 mois suggère que les symptômes négatifs puissent être l’unique manifestation des phases prodromiques ou résiduelles (Les schizophrénies, s. d., p. 17). Du point de vue symptomatique, le DSM-5 stipule que deux symptômes négatifs sont particulièrement prééminents dans la schizophrénie: la diminution de l’expression émotionnelle (émoussement affectif) et l’aboulie (avolition).

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Table des matières

INTRODUCTION
1. LES SYMPTÔMES NÉGATIFS DANS LA SCHIZOPHRÉNIE
1.1 Définitions : les 5 dimensions des symptômes négatifs
1.1.1 Avolition
1.1.2 Anhédonie
1.1.3 Asocialité (retrait social)
1.1.4 Affect émoussé
1.1.5 Alogie
1.2 Analyse factorielle de la symptomatologie négative
1.3 Place des symptômes négatifs dans la nosographie
1.4 Physiopathologie de la symptomatologie négative
1.4.1 La voie dopaminergique mésocorticale
1.4.2 Corrélats neuronaux de l’avolition
1.4.3 Corrélats neuronaux de l’anhédonie
1.4.4 Corrélats neuronaux de l’asocialité
1.4.5 Corrélats neuronaux de l’affect émoussé
1.4.6 Corrélats neuronaux de l’alogie
1.5 Diagnostics différentiels: symptômes négatifs primaires vs secondaires
1.5.1 Les symptômes positifs
1.5.2 La dépression
1.5.3 Les antipsychotiques
1.5.4 Les facteurs environnementaux
1.5.5 L’abus/dépendance aux toxiques
1.6 Échelles d’évaluation des symptômes négatifs les plus utilisées
1.6.1 La PANSS (Positive and Negative Syndrome Scale)
1.6.2 La SANS (Scale for the Assessment of Negative Symptoms)
1.6.3 La BNSS (Brief negative symptoms scale)
1.6.4 Le CAINS (Clinical Assessment Interview for Negative Symptoms)
1.6.5 La MAP-SR (Motivation and Pleasure Scale-Self-Report)
1.6.6 La SNS (Self-assessment of negative symptoms)
2. MODE DE REPÉRAGE DE LA TRANSITION PSYCHOTIQUE
2.1 Selon une approche rétrospective
2.1.1 La phase prémorbide
2.1.2 La phase prodromique
2.2 Selon une approche prospective probabiliste
2.2.1 La durée de psychose non traitée
2.2.2 Les “Symptômes de Base”
2.2.2.1 Modalité d’évaluation des symptômes de base: La BSABS et La SPI-A
2.2.3 Les critères cliniques des sujets “Ultra Haut Risque”
2.2.3.1 Modalités d’évaluation des UHR: la CAARMS et le SIPS/SOPS
2.2.3.2 Vers un diagnostic de sujets UHR dans le DSM 5?
2.3 Le premier épisode psychotique
3. LA SYMPTOMATOLOGIE NÉGATIVE CHEZ LES SUJETS UHR
3.1 Rôle central des symptômes négatifs chez les UHR
3.1.1 La cinétique d’apparition
3.1.2 La prévalence
3.1.3 La valence prédictive de la transition psychotique
3.1.4 L’absence de traitements médicamenteux
3.1.5 L’impact fonctionnel
3.2 Modalités d’évaluation de la symptomatologie négative
3.2.1 Limites des échelles d’évaluation de première génération des symptômes négatifs chez les sujets UHR
3.2.1.1 Limites conceptuelles
3.2.1.2 Limites méthodologiques
3.2.1 Limites des échelles d’évaluation de deuxième génération des symptômes négatifs chez les sujets UHR
3.2.2 Vers la prochaine génération d’évaluation des symptômes négatifs chez les jeunes UHR : le PINS et le NSI-PR
3.2.2.1 Le PINS (Prodromal Inventory of Negative Symptoms)
3.2.2.2 Le NSI-PR (Inventaire des Symptômes Négatifs Psychose-Risque)
MATERIELS ET METHODES
RÉSULTATS
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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