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Les symptômes digestifs des patientes présentant une endométriose sont-ils spécifiques de la localisation des lésions ?
La prise en charge thérapeutique de l’endométriose peut être lourde sur le plan chirurgical notamment pour les patientes présentant une endométriose rectale. L’objectif est de soulager au mieux les symptômes initiaux et d’éviter d’engendrer une nouvelle symptomatologie liée à la chirurgie. Il parait donc indispensable de comprendre parfaitement les mécanismes physiopathologiques responsables des douleurs pour adapter la prise en charge de l’endométriose. Les femmes présentant une endométriose pelvienne rapportent souvent des symptômes digestifs augmentant d’intensité pendant les règles (73). La suppression des règles pendant plusieurs mois entraine une diminution significative des symptômes digestifs, tels que le ténesme rectal et la dyschésie (74), ce qui nous pousse à penser que les plaintes digestives sont principalement liées à des micros hémorragies cycliques au sein des foyers d’endométriose. Bien que Fauconnier et al aient proposé que les douleurs de défécation soient associées aux différentes localisations de l’endométriose par un phénomène mécanique, il reste toujours à comprendre pourquoi les femmes ayant une endométriose profonde infiltrant le rectum (EPIR) présentent des plaintes digestives principalement pendant les règles. Nous pensons que des micros hémorragies cycliques et l’inflammation du rectum seraient des facteurs majeurs responsables des plaintes digestives, plus que l’infiltration du rectum par le nodule lui-même (75). Les implants d’endométriose sont généralement retrouvés sur le péritoine dans le pelvis postérieur tout près du colon sigmoïde. La sécrétion de prostaglandines locales et l’inflammation des lésions pourraient donc expliquer l’altération des fonctions digestives (76).
Pour étudier cette hypothèse, nous avons réalisé une analyse prospective sur les plaintes digestives rapportées par les femmes présentant trois localisations distinctes d’endométriose. Ceci permet premièrement d’évaluer la relation entre les symptômes digestifs et la localisation de l’endométriose ; et deuxièmement d’identifier les symptômes présentés par des patientes avec une EPIR qui sont liés à la sténose rectale.
Matériels et méthodes
Nous avons réalisé une étude prospective comparant 3 bras chez des patientes opérées d’endométriose entre janvier 2010 et octobre 2011 au CHU de Rouen. Le premier bras (groupe 1) inclut des femmes avec une endométriose superficielle uniquement, localisé sur le péritoine du cul de sac de Douglas et confirmée histologiquement. Le score AFSr est inférieur ou égal à 5. L’exploration per opératoire confirme l’absence de lésions profondes. Le second bras (groupe 2) inclut des femmes présentant un nodule profond d’endométriose localisé dans l’espace recto-vaginal postérieur et sur les ligaments utéro-sacrés, sans infiltration du tube digestif. Le troisième bras (groupe 3) inclut des femmes présentant une endométriose profonde infiltrant au moins la musculeuse du rectum et au moins 15cm au dessus de l’anus. Pour les groupes 2 et 3, le diagnostic a été affirmé par les examens d’imagerie et l’exploration per opératoire.
L’évaluation pré opératoire de toutes les femmes présentant une endométriose était basée sur l’examen clinique et l’IRM pelvienne. Les femmes présentant une endométriose profonde ont aussi bénéficié d’une échographie endorectale pour rechercher et évaluer une atteinte rectale. Un coloscanner (CTC) a été réalisé chez les patientes avec une EPIR pour mesurer la hauteur du nodule et détecter une éventuelle sténose rectale (38). La sténose a été définie grâce au diamètre rectal à un point précis, mesuré par CTC, inférieur au diamètre rectal en dessous et au dessus de ce point. La prise en charge chirurgicale a été réalisée selon les recommandations et en accord avec le choix éclairé de la patiente.
L’enregistrement des données concernant les antécédents, les symptômes cliniques, les résultats des examens cliniques et radiologiques, les procédures chirurgicales et les évaluations postopératoires ont été recueillies à l’aide de la base de donnée CIRENDO (the North-West Inter Regional Female Cohort for Patients with Endometriosis), une cohorte prospective financée par le groupe G4 (Les CHU de Rouen, Caen, Lille et Amiens) et coordonnée par le professeur Horace Roman.
Les informations ont été obtenues à partir des comptes-rendus chirurgicaux et histologiques et les auto-questionnaires complétés avant la chirurgie. Les patientes ont aussi complété le MOS 36-Item
Short-Form Health Survey, utilisé dans l’évaluation de la qualité de vie et de l’état de santé (Ware et
al, 1998). L’enregistrement des données, les appels téléphoniques et le suivi ont été effectués par un attaché de recherche clinique. Les femmes ont été incluses dans la base de données CIRENDO seulement lorsque l’endométriose avait été confirmée aisément par l’exploration chirurgicale et les biopsies. Les données des questionnaires ci-dessus complétés 1 à 3 ans après l’intervention ont permis de réaliser le suivi postopératroire.
Les évaluations pré et postopératoires des symptômes digestifs ont été effectuées à l’aide de questionnaires standardisés gastro-intestinaux. Le questionnaire Knowles-Eccersley-Scott-Symptom (KESS) (77) a été utilisé pour le diagnostic de constipation. Le Gastrointestinal Quality of Life Index (GIQLI) (78) interroge sur les symptômes digestifs, l’état de santé, l’état psychologique, les retentissements sociaux de la maladie et les effets des traitements médicaux. Le GIQLI mesure
également le bien-être physique et psychique, la digestion et la défécation (79). La gestion des données a été approuvée par l’autorité française de CCTIRS et le CNIL (Comité Consultatif pour le Traitement de l’Information en matière de Recherche dans le domaine de la Santé, et Conseil National d’Informatique et Libertés).
Les symptômes digestifs, les douleurs pelviennes et les résultats des questionnaires ont été comparés selon les 3 localisations distinctes d’endométriose. Les données du CTC préopératoire ont permis la comparaison des groupes avec et sans sténose rectale. Sur la base des résultats d’une analyse univariée, les variables montrant une relation statistiquement significative avec la localisation de l’endométriose ont été sélectionnées pour une analyse multi variée ultérieure. Les variables à 4 et 5 classes ont été transformées en variables à 2 classes, et un modèle de régression logistique multimodal (MRLM) a été utilisé pour estimer l’OR ajusté, qui correspond à la présence probable d’un nodule rectal profond. Le modèle de régression logistique multimodal est fréquemment utilisé pour étudier la relation entre des variables de plus de 2 catégories (dans ce cas, plusieurs localisations distinctes d’endométriose) et des covariables ou des facteurs de risque (caractéristiques des patientes et réponses aux questionnaires) (80). Les ORs ajustés étaient ainsi comparés en utilisant le test de Wald.
L’analyse statistique a été faite en utilisant Stata 9.0 Software (Stata Corporation, 4905 Lakeway Drive, Tx, USA). Les valeurs médianes, les percentiles, les valeurs moyennes et SD ont été calculés pour des variables quantitatives, et les pourcentages pour des variables qualitatives. Les distributions variables selon les groupes ont été comparées par l’analyse univariée (test exact de Fischer pour les paramètres qualitatifs et les tests d’ANOVA, Kruskall-Wallis et Mann et Whitney pour les variables quantitatives). P<0.05 a été considéré comme statistiquement significatif.
Résultats
Caractéristiques de la population
De janvier 2010 à octobre 2011, 212 femmes ont été opérées d’endométriose dans notre département et incluses dans la base de données CIRENDO. Parmi elles, 21, 42 et 53 ont remplies les critères d’inclusion dans 1 des 3 groupes. La table 1 présente les principales caractéristiques des patientes. Celles-ci étaient comparables à l’exception de l’âge et des antécédents notamment les fausses couches, les grossesses extra-utérines et l’infertilité.
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Table des matières
1. Introduction
1.1 Définitions
1.2 Physiopathologie
1.3 Epidémiologie
1.4 Diagnostic
1.4.1 Diagnostic clinique
1.4.2 Diagnostic biologique
1.4.3 Diagnostic radiologique
1.4.4 Diagnostic chirurgical
1.4.5 Diagnostic anatomopathologique
1.4.6 Diagnostic différentiel
1.5 Evaluation de la fonction digestive
1.6 Localisations
1.7 Classifications
1.8 Prise en charge thérapeutique
1.8.1 Traitement médical
1.8.2 Stratégies thérapeutiques
1.8.3 Traitement chirurgical
2. Les symptômes digestifs des patientes présentant une endométriose sont-ils spécifiques de la localisation des lésions ?
2.1 Matériels et méthodes
2.2 Résultats
2.2.1 Caractéristiques de la population
2.2.2 Localisations de l’endométriose et type et fréquence des symptômes digestifs53
2.2.3 Sténose rectale et symptômes digestifs
2.3 Discussion
3. Efficacité du DECAPEPTYL sur les symptômes digestifs de l’endométriose selon la localisation des lésions
3.1 Matériels et méthodes
3.2 Résultats
3.2.1 Caractéristiques de la population
3.2.2 Type et fréquence des symptômes digestifs
3.2.3 Dépenses liées à la prise en charge de l’endométriose
3.2.4 Efficacité du Décapeptyl sur les symptômes digestifs
3.3 Discussion
3.3.1 Les symptômes digestifs selon la localisation de la maladie
3.3.2 L’endométriose est un enjeu de santé publique
3.3.3 Efficacité du Décapeptyl sur les symptômes digestifs
4. Conclusion
5. Bibliographie
6. Annexes
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