Les symbioses mycorhiziennes
Les symbioses mycorhiziennes sont des associations entre les racines de végétaux et un champignon (Strullu, 1991). Le terme mycorhize est issu du grec « mukês » qui signifie champignon et de « rhiza » qui signifie racine. Ce type d’association a été proposé pour la première fois par le phytopathologiste allemand Albert Bernhard Frank en 1885. Observées chez la majorité des plantes terrestres, les symbioses sont des unions ubiquistes et durables où s’effectuent des échanges réciproques entre les deux partenaires (Smith et Read, 1997, 2008). Généralement la plante-hôte fournit au champignon des composés carbonés dérivés de la photosynthèse (Harley et Smith, 1983) tandis qu’elle reçoit de la part du champignon des éléments minéraux prélevés du sol (Smith et Read, 2008 ; Figure 1). Cette association est très fortement impliquée dans le prélèvement de nutriments nécessaires pour la croissance des plantes (Smith et Read, 2008). Environ 6000 espèces de champignons appartenant aux phylums des Gloméromycètes, des Ascomycètes et des Basidiomycètes sont mycorhiziens. Pour les espèces mycorhiziennes, le nombre décrit est en hausse avec l’avènement de la biologie moléculaire (Bonfante et Anca, 2009).
Les différents types de mycorhizes
Selon le fait que le champignon pénètre ou pas à l’intérieur des cellules racinaires, on peut distinguer d’une façon globale les différents types de mycorhizes suivants : les endomycorhizes, les ectomycorhizes et les ectendomycorhizes (Bonfante et Anca, 2009, Figure 2). Les endomycorhizes, se caractérisent par des structures fongiques qui se développent à l’intérieur des cellules végétales et ils comprennent les mycorhizes à arbuscules, les mycorhizes des Ericacées et celles des Orchidées. Les ectomycorhizes sont caractérisées par des hyphes extracellulaires et l’infection d’une racine par le champignon ectomycorhizien entraîne des modifications importantes de sa morphologie. Les ectendomycorhizes ont des formes intermédiaires entre les endomycorhizes et les ectomycorhizes.
Les ectomycorhizes
Les ectomycorhizes se caractérisent par un développement du champignon à l’extérieur des racines et par la colonisation des espaces intercellulaires dans les couches externes de la racine. Ce type de mycorhize est observé chez des espèces ligneuses d’Angiospermes ou de Gymnospermes en association avec les champignons de la famille des Ascomycètes ou des Basidiomycètes (Tableau 1). Notons que ces champignons ectomycohiziens (EM) (Ascomycètes ou Basidiomycètes) représentent plus de 5000 espèces. Particulièrement présente chez les plantes ligneuses, la symbiose ectomycorhizienne concerne 3 à 5% des plantes à graines (Fortin et al., 2008). Les essences forestières ectomycorhiziennes ont une large distribution et jouent un rôle écologique et économique considérable. La symbiose ectomycorhizienne est fréquente chez les essences des régions tempérées et boréales mais plus rare chez les arbres tropicaux (Newbery et al., 1988; Béreau et al., 1997 ; Smith et Read, 1997 ; Onguene et Kuyper, 2001). La spécificité de la relation champignon-plante est très large pour certaines espèces fongiques tandis que d’autres ont un spectre d’hôte très étroit (Thoen et Bâ, 1989). Du point de vue anatomique, une ectomycorhize se compose de trois tissus. D’abord à l’extérieur se trouve un réseau d’hyphes fongiques qui s’étend à plusieurs centimètres de la racine. Ensuite autour de la racine se trouve un réseau dense de mycélium appelé manteau, caractéristique des racines ectomycorhizées. Souvent bien coloré, la présence de ce manteau entraine l’absence de poils absorbants et permet de discerner facilement une racine ectomycorhizée à l’œil nu. Enfin à l’intérieur de la racine se trouve le réseau de Hartig, un tissu mixte où l’on observe à la fois des cellules végétales et des hyphes qui colonisent les espaces intercellulaires. Chez les Angiospermes, le réseau de Hartig est formé d’une seule couche de cellules, tandis que chez les Gymnospermes il est composé de deux couches (Figure 2). C’est surtout au niveau du réseau de Hartig que s’effectuent les échanges bidirectionnels entre les deux partenaires. Beaucoup de champignons ectomycorhiziens forment des carpophores comestibles (bolets, truffes, amanites et agarics ; Bâ et Thoen, 1990) .
Les endomycorhizes à arbuscules
Généralités sur les mycorhizes à arbuscules
Les endomycorhizes à arbuscules (MA) se caractérisent par un développement du champignon à l’intérieur de la racine et ne sont généralement pas visibles à l’œil nu. Parmi ces associations endomycorhiziennes, on peut trouver :
* les mycorhizes à arbuscules qui concernent des plantes très variées (Angiospermes, Gymnospermes, Fougères, Lycopodes et Bryophytes). Le symbiote fongique qui s’associe à ces plantes appartient au phylum des Glomeromycota (Schüßler, 2002) ;
* les mycorhizes des Ericacées qui sont restreintes à l’ordre des Ericales, le champignon est généralement un Ascomycète. Les hyphes se développent dans les cellules épidermiques et forment des pelotons ;
* les mycorhizes des Orchidées résultent d’une association entre un champignon de la famille des Basidiomycètes avec les plantes de la famille des Orchidées. Les hyphes forment des amas dans les cellules corticales .
La plupart des plantes supérieures ont l’aptitude à former, avec des champignons du Phylum des Glomeromycota (Schüßler, 2002), une association symbiotique nommée mycorhize arbusculaire (MA). Les champignons MA sont des symbiotes obligatoires et ne peuvent produire de spores et compléter leur cycle de vie que suite à la colonisation des racines d’une plante-hôte. Ces champignons MA représentent approximativement 200 espèces qui sont ubiquitaires des écosystèmes terrestres (Morton et al., 1995; Smith et Read, 1997). Quelques familles de plantes présentant peu ou pas d’associations mycorhiziennes sont connues. Il s’agit des Brassicaceae, des Amanranthaceae et des Juncaceae. Généralement, ces plantes aposymbiotiques sont pourvues de nombreux poils racinaires pouvant remplacer les symbiotes fongiques.
Phylogénie des champignons MA et évolution des plantes
Auparavant les champignons MA étaient classés dans l’ordre des Glomerales appartenant au phylum des Zygomycètes. Cependant cette classification a été bouleversée en 2001 par une étude basée sur la séquence de la sous-unité 18S de l’ADNr qui a montré que l’ancien Phylum des Zygomycètes était paraphylétique (Schüßler et al., 2001). A la suite de cette étude un nouveau phylum fongique regroupant tous les champignons MA a été proposé, c’est le phylum des Glomeromycota (Schüßler et al., 2001) .
Actuellement, la phylogénie des Glomeromycota est basée sur la séquence de l’ARN 18S ; d’autres gènes sont en cours de séquençage (Helgason et al., 2003; Corradi et al., 2004), mais il n’existe pas encore de phylogénie basée sur un séquençage multi-locus. Le phylum des Glomeromycota se compose d’une seule classe, celle des Glomeromycètes, divisée en quatre ordres : les Paraglomerales, les Archaeosporales, les Diversisporales et les Glomerales .
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Table des matières
1° INTRODUCTION GENERALE
1) Contexte de l’étude
2) Plan de la thèse
2° Chapitre 1 : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
Avant Propos
I) LES SYMBIOSES MYCORHIZIENNES
1) Les différents types de mycorhizes
1 1) Les ectomycorhizes (EM)
1 2) Les endomycorhizes à arbuscules (MA)
1 2 1) Généralités sur les mycorhizes à arbuscules
1 2 2) Phylogénie des champignons MA et évolution des plantes
1 2 3) Mise en place de la symbiose endomycorhizienne
1 2 4) Fonctionnement de la symbiose endomycorhizienne
1 2 5) Rôles écologiques des champignons mycorhiziens
1 3) Les ectendomycorhizes
2) Interaction champignons endomycorhiziens et champignons ectomycorhiziens
3) Interactions entre les champignons mycorhiziens et la communauté bactérienne du sol
4) Histoire évolutive des symbioses mycorhiziennes
II) LES SYMBIOSES RACINAIRES FIXATRICES D’AZOTE
II 1) La symbiose rhizobienne
1) La plante hôte : la famille des Légumineuses
2) Le partenaire bactérien : les bactéries du genre rhizobia
2 1) Etablissement et fonctionnement de la symbiose rhizobienne
2 1 1) Processus d’infection et d’organogenèse nodulaire
2 2 2) La fixation d’azote chez la symbiose rhizobienne
II 2) La symbiose actinorhizienne
1) Les plantes actinorhiziennes
2) Le partenaire bactérien : Frankia
3) Etablissement et fonctionnement de la symbiose actinorhizienne
II 3) Histoire évolutive des symbioses fixatrices d’azote
II 4) Interaction champignons mycorhiziens et bactéries fixatrice d’azote
III) TECHNIQUES PERMETTANT D’ETUDIER LA FONCTIONNALITE DE LA SYMBIOSE ENDOMYCORHIZIENNE ET ACTINORHIZIENNE
1) Etude de la fonctionnalité de la symbiose endomycorhizienne
1 1) Evaluation de l’impact du champignon MA sur la plante hôte
1 2) Etude de la fonctionnalité de la symbiose endomycorhizienne en visualisant les structures formées
1 3) Etude de la fonctionnalité de la symbiose endomycorhizienne à l’aide de marqueurs histochimiques
1 4) Etude de la fonctionnalité de la symbiose endomycorhizienne et actinorhizienne à l’aide de marqueurs moléculaires
IV) LES CASUARINACEA : EXEMPLE CASUARINA EQUISETIFOLIA
1) Taxonomie des Casuarinaceae
2) Caractéristiques botaniques
3) Distribution géographique des Casuarinaceae
4) Importances écologiques des Casuarinaceae
5) Importances économiques des Casuarinaceae
6) Résistance aux maladies
V) OBJECTIFS DE LA THESE
1) Etudier la diversité des champignons endomycorhiziens et leur influence sur la communauté bactérienne associée aux Casuarina equisetifolia dans leur zone d’origine et dans leur zone d’introduction
2) Explorer l’impact du complexe symbiotique d’origine sénégalaise ou australienne sur la croissance de Casuarina equisetifolia et sur la diversité fonctionnelle des communautés microbiennes telluriques
3) Caractériser la fonctionnalité de la symbiose mycorhizienne et actinorhizienne chez C. equisetifolia inoculé avec un complexe de souches symbiotiques d’origine australienne ou sénégalaise
3° Chapitre 2 : ETUDE DE LA DIVERSITE DES CHAMPIGNONS MYCORHIZIENS A ARBUSCULES ET DE LA COMMUNAUTE BACTERIENNE ASSOCIEE AUX CASUARINA EQUISETIFOLIA DANS LEUR ZONE D’ORIGINE ET DANS LEUR ZONE D’INTRODUCTION
Avant Propos
I) INTRODUCTION
II) MATERIEL ET METHODES
1) Préparation du substrat de culture
2) Germination des graines de C. equisetifolia
3) Les souches fongiques : Prélèvement, multiplication, caractérisation morphologique, génétique et inoculation des plants
4) Dispositif expérimental
5) Impact de l’inoculation sur la diversité structurale des communautés bactériennes du sol
6) Analyses statistiques
III) RESULTATS
1) Diversité des champignons MA associés à Casuarina equisetifolia dans leur zone d’origine et dans leur zone d’introduction
1 1) Caractérisation morphologique des souches fongiques
1 2) Caractérisation génétique des souches fongiques
2) Détermination de la diversité génétique de la communauté bactérienne dans le sol
2 1) Détermination de la diversité génétique de la communauté bactérienne par ARISA
2 2) Détermination de la diversité génétique de la communauté bactérienne par DGGE
IV) DISCUSSION
1) Diversité structurale des champignons MA associés à Casuarina equisetifolia dans leur zone d’origine et dans leur zone d’introduction
1 1) Caractérisation morphologique des souches fongiques
1 2) Caractérisation génétique des souches fongiques
2) Détermination de la diversité génétique de la communauté bactérienne du sol
4° CONCLUSION