Généralités sur les substances pharmaceutiques
Définition
Le terme «produits pharmaceutiques» couvre une classe complexe des composés largement utilisés. Actuellement des milliers de molécules actives sont utilisées pour traiter ou pour prévenir les maladies. Chaque année des centaines de nouvelles molécules synthétisées remplacent les composés obsolètes [Zuccato et al., 2005]. La notion de médicament est précisément définie en France par l’article L5111-1 du code de la santé publique :
On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. Sont notamment considérés comme des médicaments les produits diététiques qui renferment dans leur composition des substances chimiques ou biologiques ne constituant pas elles-mêmes des aliments, mais dont la présence confère à ces produits, soit des propriétés spéciales recherchées en thérapeutique diététique, soit des propriétés de repas d’épreuve. Les produits utilisés pour la désinfection des locaux et pour la prothèse dentaire ne sont pas considérés comme des médicaments. Lorsque, eu égard à l’ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament prévue au premier alinéa et à celle d’autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament.
Les produits pharmaceutiques, qui sont conçus pour être des substances biologiquement actives, peuvent aussi être source de préoccupation par leurs interactions possibles avec les organismes non ciblés dans l’environnement mais aussi pour les humains [Klavarioti et al., 2009; Isidori et al., 2009]. Ils sont généralement lipophiles et résistants à la biodégradation, ayant ainsi le potentiel d’accumulation et de persistance dans l’environnement [Klavarioti et al., 2009]. En outre, les produits pharmaceutiques peuvent être stables dans l’environnement ou soumis à des transformations biotiques et/ou abiotique, et parmi les transformations abiotiques, la photodégradation est le processus d’élimination le plus important, ce qui conduit parfois à la formation de produits beaucoup plus toxiques que les composés parentaux [Isidori et al., 2009].
Historique
Au début du XXe siècle, n’étaient considérés comme médicaments qu’une douzaine de molécules de synthèse, et une centaine de produits naturels. Le XXe siècle a vu l’essor des médicaments à base de molécules de synthèse produits par des laboratoires pharmaceutiques. Depuis peu, les protéines, sont de plus en plus utilisées comme médicament. Au XXIe siècle, nous utilisons des centaines de molécules de synthèse. Il ne reste que très peu de remèdes courants d’origine exclusivement naturelle.
Les substances pharmaceutiques dans l’environnement
Origine
Une fois administrés, après leur action pharmacologique, les produits pharmaceutiques sont excrétés avec les urines ou matières fécales dans l’eau sous une forme native inchangée (composé parent) et/ou sous forme de métabolites actifs qui entrent dans le système aquatique par différentes manières et à des degrés variables [Andreozzi et al., 2003 ; Fent et al., 2006 ; Zuccato et al., 2005]. Ils peuvent remonter la chaîne trophique aquatique dans les eaux de surface, souterraines et sont même trouvés dans l’eau du robinet [Isidori et al., 2009].
Les quantités atteignant les eaux de surface dépendent de plusieurs facteurs, dont certains théoriquement prévisibles, tels que le métabolisme et la dégradabilité, ainsi que d’autres imprévisibles, tels que l’élimination inadéquate [Zuccato et al., 2005]. Les eaux usées municipales sont la route principale qui amène les produits pharmaceutiques, après leur utilisation et l’élimination des médicaments non utilisés dans l’environnement [Fent et al., 2006]. Ces produits se retrouvent alors dans le réseau d’eaux usées et sont traités à des degrés diffèrents dans les stations d’épuration. Il existe une autre voie de contamination du milieu naturel : les médicaments jetés avec les déchets ménagers peuvent polluer les sols et les eaux souterraines en cas d’enfouissement en décharge.
On peut également remarquer que les animaux constituent une source de pollution de l’environnement par des produits vétérinaires (notamment les antiparasitaires et antibiotiques), soit par le biais de leurs excréments (épandage du purin, contamination des sols de prairies), soient par les produits qui leur ont été administrés en usage externe. Ces produits et leurs métabolites se retrouvent alors sur les sols, puis dans les eaux superficielles par ruissellement et les eaux souterraines par lixiviation. Dans le cas où les boues d’épuration sont répandues dans les champs agricoles, la contamination des sols peut se produire par le ruissellement dans les eaux de surface mais aussi par le drainage. En outre, les produits pharmaceutiques vétérinaires peuvent entrer dans le système aquatique via l’épandage du fumier dans les champs mais aussi via l’application directe dans l’aquaculture (élevage de poissons) où les produits administrés se retrouvent directement dans les eaux superficielles et peuvent être adsorbés dans les sédiments [Fent et al., 2006]. Les eaux usées des hôpitaux, les eaux usées des usines de production et les lixiviats de décharges peuvent contenir des concentrations importantes de produits pharmaceutiques qui ne sont pas facilement dégradés/éliminés dans les usine de traitement des eaux usées (STPs) et sont déversés dans les effluents traités, conduisant à la contamination des rivières, lacs, estuaires et, eaux souterraines et même l’eau potable dans certains cas [Fent et al., 2006].
Devenir des produits pharmaceutiques dans les stations d’épuration
Les stations d’épuration (STPs, sewage treatment plants) sont conçues pour nettoyer les eaux usées urbaines et industrielles. La qualité de l’eau sortant est généralement mesurée à l’aide de paramètres qui quantifient l’élimination de l’azote, du phosphate, des agents pathogènes, des matières particulaires et des ions métalliques. Cependant, ces usines d’exploitation ne sont pas conçues pour éliminer efficacement des polluants émergents tels que les produits pharmaceutiques [Zorita et al., 2009]. D’autre part, les résidus de produits pharmaceutiques présents dans les réseaux d’eaux usées domestiques sont traités dans les stations d’épurations. Ils y sont éliminés partiellement et les métabolites formés peuvent même être hydrolysés lors du traitement biologique pour donner à nouveau le composé parent. Le rendement d’élimination des molécules pharmaceutiques dans les stations d’épuration est fonction des caractéristiques des stations, mais également des propriétés physico chimiques des molécules en question et celles de leurs métabolites [Dagnac et al., 2005].
Le devenir des molécules selon leurs propriétés peut se résumer ainsi :
– Les composés biodégradables comme l’aspirine sont minéralisés en CO2 et en eau,
– Les composés comme le bézafibrate vont s’adsorber dans les boues,
– Les composés comme l’Ibuprofène et le paracétamol se retrouveront directement dans les effluents puis dans les eaux de surface.
Il ne faut pas oublier que la transformation des produits pharmaceutiques ne signifie pas leur destruction complète : ils peuvent être dégradés en produits également actifs et aussi il faut remarquer que les métabolites sont en général plus polaires que les composés parents et se trouvent donc préférentiellement dans l’environnement aquatique [Dagnac et al., 2005]. Les ressources d’eau douce constituent un facteur important à considérer. Une attention croissante a été accordée à la présence de ces micropolluants dans l’environnement et dans les effluents des usines de traitement des eaux usées. En particulier dans des zones densément peuplées où de grands volumes d’eau potable sont produits à partir des eaux de rivières, comme, par exemple, à Berlin, Allemagne ou à Paris, France [Joss et al., 2005].
Les stations d’épuration ne font pas disparaître la totalité des résidus de produits pharmaceutiques. L’application des procédés d’élimination centralisés, par exemple, les procédés d’oxydation avancée, peut devenir nécessaire. Actuellement, des technologies telles que la nanofiltration, l’adsorption sur charbon actif et l’ozonation présentent un potentiel pour l’élimination des produits pharmaceutiques. Mais ces procédés ne sont pas dégradatifs ; ils séparent les polluants, et les résultats obtenus nécessitent un traitement supplémentaire pour leur destruction finale.
Présence des produits pharmaceutiques dans l’environnement
La présence de produits pharmaceutiques dans l’environnement aquatique a été signalée à partir du début des années 1980 [Richardson et Bowron, 1985 ; Andreozzi et al., 2003; Sebastine et Wakeman, 2003]. Par la suite, plusieurs travaux scientifiques ont confirmé la présence de produits pharmaceutiques dans le milieu aqueux. Ainsi, Reddersen et al. [2002], ont détecté trois produits pharmaceutiques type phénazone dans des échantillons d’eau souterraine des zones sélectionnées dans les districts du nord-ouest de Berlin, en Allemagne. Andreozzi et al. [2003] ont identifié la présence de plus de 20 produits pharmaceutiques dans les effluentes de sept usines de traitement des eaux usées de quatre pays européens, la France, la Grèce, l’Italie et la Suède. Al-Rifai et al. [2007] ont analysé la présence de onze produits pharmaceutiques et de deux composés ostrogéniques non-stéroïdiens, entre eux la présence de l’ibuprofène dans trois usines de recyclage des eaux usées en Australie). Kuster et al. [2008] et Ginebreda et al. [2010] ont mis en évidence la présence de médicaments et de produits de soins personnels dans le bassin du fleuve Llobregat au nord-est de l’Espagne. Gros et al. [2010] ont constaté la présence d’une quarantaine de produits pharmaceutiques au long du bassin fluvial Ebro au nord-est de l’Espagne (Figure 1.2). Siemens et al. [2008] ont vérifié la présence de onze produits pharmaceutiques sélectionnés dans l’écoulement des eaux usées de la zone métropolitaine de Mexique. Certains produits pharmaceutiques tels que le diazépam, le méthaqualone et des antibiotiques du groupe pénicilline ont été même détectés dans l’eau potable et dans les eaux souterraines. Très récemment, un rapport de l’organisation de santé Mondial (World Health Organization) a publié un rapport montrant la présence des pharmaceutiques dans l’eau potable (Pharmacuticals in Drinking Water) dans plusieurs régions du monde [WHO 2012].
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Table des matières
Introduction
Contexte
1. Etude Bibliographique
1.1. Généralités sur les substances pharmaceutiques
1.1.1. Définition
1.1.2. Historique
1.1.3. Les substances pharmaceutiques dans l’environnement
1.2. Ibuprofène
1.2.1. Définition
1.2.2. Propriétés physico-chimiques
1.2.3. Présence dans l’environnement
1.2.4. Habitudes de consommation
1.2.5. Toxicité pour les organismes vivants
1.3. Procédés d’oxydation avancée
1.3.1. Définition, principe et classification
1.3.2. Procédés Photochimiques d’Oxydation Avancée
1.3.3. Procédés Electrochimiques d’Oxydation Avancée
1.3.4. Travaux scientifiques précédents
2. Partie Expérimentale
2.1. Produits chimiques et solutions
2.2. Les dispositifs expérimentaux
2.2.1. Cellule Electrochimique
2.2.2. Réacteur Photochimique
2.3. Les techniques analytiques
2.3.1. Analyse du Carbone Organique Totale (COT)
2.3.2. Analyse par Chromatographie Liquide à Haute Performance (CLHP)
2.3.3. Analyse de la toxicité (Méthode Microtox)
3. Résultats et discussion
3.1. Dégradation de l’Ibuprofène par le procédé d’oxydation anodique
3.1.1. Influence du pH de la solution sur la cinétique de dégradation
3.1.2. Influence du matériau de l’anode sur la dégradation de l’ibuprofène
3.1.3. Effet du courant appliqué et de l’électrolyte de support sur la cinétique d’oxydation
3.1.4. Influence de la concentration initiale d’ibuprofène
3.1.5. Influence de la surface de l’anode sur la cinétique de dégradation
3.1.6. Comparaison des cinétiques de dégradation des solutions contenant de l’ibuprofène pure et de l’ibuprofène commercial (comprimé)
3.1.7. Détermination de la constante absolue de vitesse pour l’oxydation de l’ibuprofène
3.1.8. Identification d’intermédiaires
3.1.9. Suivie de la toxicité lors du traitement
3.2. Procédé électro-Fenton
3.2.1. Effet de la concentration de Fe+3 et du type d’électrolyte
3.2.2. Effet du courant appliqué en fonction du type d’électrolyte et du type d’anode
3.3. Procédés photo-chimiques
3.3.1. Effet de la concentration de H2O2 dans le système UV/ H2O2
3.3.2. Procédé photo-Fenton (système UV/H2O2/Fe+3)
3.3.3. Comparaison entre les systèmes UV seul, UV/H2O2 et UV/H2O2/Fe3+
Conclusions
Références Bibliographiques