Les stratégies proposées par des travailleurs humanitaires
Difficultés d’ordre psychologique rencontrées
D’après nos recherches, l’expérience psychologique sur le terrain dans un contexte humanitaire est celle qui est le plus documentée (Dawson et al., Elliott & Jackson, 2017). Les expatriés peuvent vivre différents stress, notamment le stress de base lors de l’expatriation. Celui-ci s’explique à travers un sentiment de désorientation, de confusion ou d’anxiété dû au problème d’adaptation à un nouvel environnement, même si ces expériences sont souvent décrites comme passionnantes. Au fur et à mesure que la personne s’adapte à ce nouveau milieu, ce stress disparaît. Par la suite, un stress cumulatif peut survenir. Il est associé au travail humanitaire et causé par l’accumulation prolongée de plusieurs facteurs de stress : personnel, professionnel et un environnement causant des frustrations. Souvent, on observe également une fatigue compassionnelle reliée à un épuisement d’avoir trop vécu la souffrance. Si ce stress n’est pas identifié, il peut mener au surmenage et à l’épuisement professionnel. Finalement, arrive le stress traumatique, celui qui nous intéresse pour la réalisation de ce travail. Il est secondaire à un événement violent imprévisible qui touche l’intégrité physique et psychique de l’individu. Le risque du développement d’un syndrome stress post-traumatique est plus élevé dans les situations de guerre, d’insécurité ou de catastrophe naturelle. Afin que le diagnostic d’un syndrome de stress post-traumatique soit posé, il est nécessaire que les symptômes persistent plus d’un mois, puis qu’une prise en soin spécialisée soit mise en place (Aebischer Perone et al., 2008).
Concernant les soins aigus en médecine humanitaire, nous avons plusieurs thèmes qui nous intéressent tels que les difficultés qu’une infirmière en humanitaire peut rencontrer, son vécu sur le terrain, les conséquences que cette mission peut avoir sur son état psychologique ou son identité d’infirmière une fois de retour au pays. Nous savons qu’après une grande source de stress ou suite à un trauma, l’humain peut décider de prendre la fuite ou d’affronter la situation. Tout comme notre physique, notre système psychique détient lui aussi des mécanismes de défense. Il existe trois grands groupes de mécanismes qui nous aident à affronter une situation stressante ou traumatisante. Le premier regroupe plusieurs stratégies, comme l’humour, la sublimation, l’anticipation, etc.., qui utilisent la souffrance afin de la retourner en plaisir. La seconde catégorie enveloppe quinze mécanismes de défense qui sont désignés comme des pis-aller. Ceux-ci permettent d’éluder temporairement le problème sans pour autant lui trouver une solution. On y trouve les mécanismes tels que le refoulement, le déplacement, la rêverie ou encore l’isolation. La dernière se porte sur les stratégies limites, elles se manifestent avec, en exemple, le passage à l’acte impulsif à l’inverse de l’agression passive, le repli sur soi, etc. Celles-ci sont souvent pratiquées lors de situations extrêmes (Braconnier, 2010). Il est donc possible qu’un professionnel de la santé vive un stress par la suite d’un événement marquant. C’est pour cela que nous aimerions nous concentrer sur les professionnels qui vivent un stress post-traumatique.
Le syndrome du stress post-traumatique
Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) est : […] un trouble réactionnel qui peut apparaître à la suite d’un événement traumatique. Un événement est dit « traumatique » lorsqu’une personne est confrontée à la mort, à la peur de mourir ou lorsque son intégrité physique ou celle d’une autre personne a pu être menacée. Cet événement doit également provoquer une peur intense, un sentiment d’impuissance ou un sentiment d’horreur. (Brunet, 2013) Celui-ci est souvent associé et/ou accompagné d’un fort stress, d’une anxiété, d’une dépression ou encore d’un épuisement professionnel. Il se peut aussi que d’autres pathologies apparaissent en tant que précurseur du SSPT. En exemple, nous avons la fibromyalgie, des douleurs chroniques, des troubles sexuels ou encore une consommation de substances psychoactives à forte dose. La durée du SSPT varie selon les cas. Le syndrome peut durer plusieurs mois, voire des années et un événement déclencheur (ex. anniversaire de l’évènement) risque également de faire ressurgir les symptômes (Brunet, 2013). Le SSPT dure au minimum plus d’un mois, à la suite d’un état de stress aigu ou alors il évolue de lui-même, 6 mois après le traumatisme. Le SSPT chronique s’améliore souvent avec le temps, même sans traitement, mais ne s’éteint pas forcément entièrement. Cela n’empêche pas que certaines personnes en subissent les conséquences tout au long de leur vie (Greist, 2016).
Trois groupes de manifestations de cette maladie sont les plus fréquents. Les symptômes de reviviscence, qui amènent la personne souffrante à revivre continuellement une scène l’ayant traumatisée, que ce soit en pensées ou en cauchemars. Dans cette catégorie, se trouve aussi le symptôme d’évitement, qui est le fait de vouloir éviter, volontairement ou pas, quelconque rappel du traumatisme. La dernière réaction est l’état d’hyper vigilance. L’individu reste constamment aux aguets en dépit d’absence de menace immédiate (Brunet, 2013). Un pourcentage de 9% de la population est, à un moment de leur vie, touché par le SSPT, dont 4% sur une période de 12 mois. La plupart des personnes concernées a été témoin d’un événement les ayant traumatisés. Afin de traiter ces patients et pallier leurs symptômes, des traitements pharmacologiques et thérapeutiques sont utilisés. Au niveau des traitements médicamenteux, les antidépresseurs sont considérés comme efficaces. D’autres traitements, tel que la prarozine, sont administrés afin de diminuer les cauchemars. Mais il est mentionné que plusieurs traitements, dont les stabilisateurs d’humeur, ont été essayés mais qu’il demeurait encore impossible de se baser sur leur efficacité (Greist, 2016).
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS, 2013) fournit une aide psychologique de première urgence, son intention étant d’aider la population atteinte de SSPT à trouver des stratégies d’adaptations positives et du soutien au niveau social. Différentes thérapies sont aussi proposées par l’OMS dans le but de diminuer les souvenirs traumatiques. Par ailleurs, cette organisation met en garde contre l’utilisation de certains traitements comme les benzodiazépines/ anxiolytiques, car aucune recherche ne démontre leur efficacité contre les symptômes du SSPT. Il s’avère même qu’un risque de prolongement du délai de recouvrement, en relation avec leur utilisation, ne pourrait pas être exclu. Comme cité dans le chapitre précédent, nous allons centrer notre réflexion sur la situation des infirmières qui partent en mission humanitaire ou qui en reviennent. En effet, ces professionnels débarquent sur le terrain, dans un environnement présentant un risque élevé d’affronter des événements traumatisants. Quelles stratégies pourrait-on alors construire, mettre en place et qui contribueraient à diminuer un tel risque, voire remédier au développement du SSPT ?
Niveau de preuve Afin d’évaluer la « capacité de l’étude à répondre à la question posée » (Haute Autorité de Santé, 2013) et ainsi pouvoir connaître le niveau de preuve des différents articles considérés, nous utilisons le système de la Haute autorité de Santé (HAS, 2013). La classification de ces articles est faite en trois niveaux. Le premier est un fort niveau de preuve, c’est-à-dire si l’article détient un protocole adapté de manière à répondre au mieux à la question posée. Nous parlons là d’essais contrôlés randomisés bien effectués et bien dirigés. Il doit être réalisé sur une population similaire à celle de la recommandation de bonne pratique. Le deuxième niveau, qualifié d’intermédiaire, englobe les articles contenant un protocole adapté afin de répondre au mieux à la question posée, mais avec une puissance clairement insuffisante (ex. effectif insuffisant) ou présentant de faibles anomalies. Ce sont des études observationnelles, à l’instar des études de cohortes ou de cas-témoins. Enfin, le troisième niveau s’accorde aux études de cas uniques comme des raisonnements venant de principes physiopathologiques ou des avis. En s’appuyant sur l’échelle de la gradation des recommandations HAS, nous pouvons dire que les articles sélectionnés sont tous de niveau intermédiaire (Ren et al., 2017 ; Connorton et al., 2012 ; Lopes Cardozo et al., 2012 ; Chatzea et al., 2018 ; Sifaki-Pistolla et al., 2017 ; Thormar et al., 2013).
Population La population des six articles se composent, d’une part, de travailleurs humanitaires qui sont des professionnels de la santé, notamment des infirmières. Et dans ce sens, ils ciblent directement le type de population concernée par notre question de recherche. D’autre part, nous y trouvons également des études incluant des bénévoles avec ou sans expérience dans le domaine de la santé (Sifaki-Pistolla et al., 2017 ; Chatzea et al., 2018 ; Thormar et al., 2012). Les échantillons fluctuent entre 20 et 1842 participants sur les six études, majoritairement des hommes si l’on se rapporte aux deux études ayant précisé le sexe (Thormar et al., 2013 ; Sifaki-Pistolla et al., 2017). La tranche d’âge est diversifiée. Les participants d’une étude se trouvent entre 22 et 65 ans (Lopes Cardozo et al., 2012). Une deuxième étude touche une tranche d’âge moyenne située 30 entre 35 et 45 ans (Sifaki-Pistolla et al., 2017). Enfin, une dernière étude précise que 75% des participants ont moins de 30 ans (Thormar et al., 2013).
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Table des matières
Résumé
Liste des figures
Remerciements
Introduction
Contexte
Problématique
Difficultés d’adaptation rencontrées
Difficultés d’ordre psychologique rencontrées
Le syndrome du stress post-traumatique
Objectifs et question de recherche
Cadre théorique
Théorie
Concept
Méthode
Critères d’inclusion et d’exclusion
Résultats de la stratégie de recherche
Résultats
Présentation et caractéristiques des articles sélectionnés
Niveau de preuve
Population
Contexte
Instruments de mesure
Éthique
Limites
Qualité méthodologique des articles
Présentation des résultats
Les facteurs favorisants le développement du syndrome de stress posttraumatique
Les facteurs sociodémographiques
Les expériences en mission
Les prévalences
Le vécu durant la mission
L’adaptation à un nouveau milieu de vie
Les stratégies proposées par des travailleurs humanitaires
Les différents traumatismes éprouvés
Préparation et suivi de mission du travailleur humanitaire
La préparation au départ d’une mission humanitaire
Le suivi pendant la mission humanitaire
Le suivi direct après la mission humanitaire
Le suivi quelques mois après la mission humanitaire Discussion
Les résultats principaux et leur lien avec la théorie de Callista Roy et le concept du coping
Les facteurs favorisants le développement du syndrome de stress posttraumatique
Le vécu durant la mission
Préparation et suivi de mission du travailleur humanitaire
Les recommandations pour la recherche et la pratique
Pour la recherche
Pour la pratique
Forces et limites de la revue de littérature
Conclusion
Références
Appendices A
Appendice B
Appendice C
Appendice D
Appendice E
Appendice F
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