Les stratégies des prédateurs et des proies

Les stratégies des prédateurs et des proies

La prédation, une force évolutive

La prédation est une force importante qui contraint l’abondance et la répartition des proies, tout en façonnant l’évolution des prédateurs et des proies (Dawkins and Krebs 1979; Abrams 2000). Prédateurs et proies montrent de nombreux traits qui contribuent à changer l’issue de leur interaction. Ainsi certains canidés comme les loups (Canis lupus), les dholes (Cuon alpinus) ou les lycaons (Lycaon pictus) disposent de fortes canines et incisives (Van Valkenburgh and Koepfli 1993) et sont capables de se coordonner pour chasser plus efficacement en groupe (MacNulty et al. 2014) : ils peuvent alors attaquer des proies jusqu’à dix fois plus grandes qu’eux (Mech and Boitani 2010; Je¸drzejewski et al. 2000; Hayward et al. 2006; Kamler et al. 2012). Pour échapper à la prédation, les jeunes cervidés restent à l’écart de leur mère pendant les premiers jours ou semaines de leur vie (Lent 1974). Ils disposent aussi de traits adaptatifs qui les rendent difficiles à détecter pendant ce laps de temps : ils sont camouflés grâce aux motifs de leur pelage (Stoner et al. 2003; Henderson et al. 2018) et en cas d’alerte ils diminuent leurs rythmes cardiaque et respiratoire pour rester le plus silencieux possible (bradycardie : Espmark and Langvatn 1979 ; apnée : Jacobsen 1979).

Ces deux exemples montrent que les traits des prédateurs et des proies apparaissent à des échelles de temps très diverses sur la durée de vie d’un animal. La dentition et le pelage sont des traits morphologiques qui se mettent en place au cours du développement d’un individu. Ils sont donc relativement permanents, même si les dents peuvent se casser (Van Valkenburgh 1988) ou la coloration du pelage changer au cours du cycle de vie d’un individu (Stoner et al. 2003). À plus courte échelle temporelle on observe les décisions comportementales : les prédateurs peuvent décider ou non de chasser en groupe ; les jeunes cervidés restent immobiles dans un refuge au début de leur vie seulement. Ces décisions comportementales révèlent une grande flexibilité, puisqu’elles sont facilement réversibles. Enfin, l’augmentation du rythme cardiaque d’un prédateur pour s’adapter à un effort physique ou la bradycardie d’un jeune cervidé pour éviter la détection constituent des changements physiologiques pouvant opérer très rapidement, par le biais de réactions nerveuses et hormonales.

Ces différents traits n’interviennent cependant pas de manière isolée, mais toujours en interaction. Pour attaquer des proies massives les canidés utilisent à la fois leurs traits morphologiques (dentition, ossature du crâne) et comportementaux (chasses coopératives). De la même manière, les jeunes cervidés sont plus difficiles à détecter s’ils combinent leur comportement (rester dans un refuge) avec leur morphologie (pelage cryptique) et leurs réactions physiologiques (bradycardie en cas d’alerte).

La séquence de prédation 

Si les traits mis en évidence jusqu’à présent contribuent tous à changer l’issue d’une interaction proie-prédateur, ils ne le font pas de la même manière. Le développement des canines et la chasse coopérative augmentent les chances de réussite d’une attaque sur les proies, mais si les proies sont actuellement plus difficiles à rencontrer qu’à attaquer, le bénéfice de ces traits pourrait s’avérer négligeable. Le camouflage, la bradycardie et l’utilisation de refuges par les jeunes leur permettent de diminuer leur probabilité de détection par les prédateurs mais ils ne changent en rien la probabilité qu’un prédateur ayant détecté un jeune réussisse une attaque. Les traits peuvent en effet intervenir de différentes manières dans l’interaction et pour en comprendre les effets, il faut pouvoir appréhender l’ensemble de l’interaction. En ce sens, Endler (1991) a proposé une suite d’étapes qui constituerait chaque événement de prédation. Pour chaque étape, il présente aussi des exemples de traits des proies – aussi appelés défenses – qui en altèrent l’issue. Ces étapes sont présentées plus bas, ainsi que sur la figure 1, et elles ont été complétées par des exemples de traits des prédateurs affectant les différentes étapes. Ce schéma présente le point de vue du prédateur sur l’interaction et il ne présume pas du moment où les différents traits deviennent actifs, mais uniquement du moment où ils montrent leurs bénéfices. Par exemple le stress physiologique des proies est déclenché au moment où la proie perçoit le prédateur – évènement qui n’est pas présent sur le schéma – alors que les bénéfices d’un métabolisme accéléré sont essentiels plus tard, lorsque le prédateur décide d’attaquer la proie.

La rencontre 

Dans la séquence d’Endler (1991), chaque événement de prédation commence par une étape de rencontre (fig.1, étape 1). La rencontre est définie ici comme le moment où une proie se trouve dans le rayon de détection du prédateur. Dans ce contexte, la rencontre ne regarde pas la détection de la proie par le prédateur ou du prédateur par la proie. Il peut donc advenir un événement de rencontre sans que le prédateur ou la proie ne s’en rende compte. Du point de vue d’un prédateur, la probabilité de rencontre va dépendre de la disponibilité des proies dans l’environnement et de sa propre capacité à explorer l’environnement de manière efficace. À Hwange (Zimbabwe), les lions (Panthera leo) utilisent de manière plus intensive les zones plus proches des points d’eau (Valeix et al. 2010) lesquelles révèlent une densité de proies plus élevées (Valeix et al. 2009). C’est un exemple de recherche spatialement intensive (‘area restricted search’ ou ‘area concentrated search’, Tinbergen et al. 1967 ; Smith 1974) dans lequel le prédateur passe plus de temps dans les zones riches en proies que dans celles avec une densité de proies moins élevée, comme prédit par les théories d’approvisionnement optimal (‘optimal foraging’, Pyke 1978 ; Benhamou 1992). Formulé autrement, c’est l’exemple d’un prédateur qui sélectionne les zones avec une abondance de proies plus élevée donc une probabilité de rencontre fortuite plus forte.

Pour diminuer la probabilité de rencontre fortuite, les proies disposent souvent de stratégies d’évitement qui peuvent être temporelles ou spatiales. Temporellement les proies peuvent diminuer cette probabilité de rencontre en étant actives à des moments différents de ceux du prédateur. Par exemple, sur l’île de Bornéo, en présence de panthères nébuleuses de Bornéo (Neofelis diardi), les sangliers à barbe (Sus barbatus) deviennent plus actifs la journée et les chevrotains napu (Tragulus napu) plus actifs au crépuscule alors que les panthères sont actives la nuit et que dans les zones sans panthères ces deux espèces sont fortement nocturnes (Ross et al. 2013). C’est un exemple d’évitement temporel : en étant actives à des moments de la journée différents, les proies peuvent diminuer leur probabilité de rencontre avec leur prédateur. Spatialement, les proies peuvent diminuer leur probabilité de rencontre avec le prédateur en utilisant préférentiellement les zones avec une probabilité de présence du prédateur plus faible. Ainsi, dans l’écosystème de Hwange (Zimbabwe), les différents brouteurs présents, c’est à dire les girafes (Giraffa camelopardalis), les grands koudous (Tragelaphus strepsiceros), les céphalophes de Grimm (Sylvicapra grimmia) et les raphicères champêtres (Raphicerus campestris) sélectionnent les zones où la probabilité de présence d’un des prédateurs principal, le lion, est plus faible à long-terme (Valeix et al. 2009). C’est un exemple d’évitement spatial des prédateurs par les proies.

Bien entendu les prédateurs réagissent aux stratégies d’évitement des proies, puisqu’ils ont eux-mêmes avantage à augmenter leur probabilité de rencontre. Prédateurs et proies sont ainsi engagés dans une course comportementale (‘behavioral response race’, Sih 1984) qui peut être spatiale (Sih 1998, 2005) ou temporelle (Arias-Del Razo et al. 2011; Monterroso et al. 2013) et dans laquelle les proies cherchent à limiter le chevauchement spatial et temporel avec les prédateurs alors que les prédateurs essaient de le favoriser. Cet aspect sera cependant abordé plus tard.

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Table des matières

Introduction
I Déplacements en groupe et comportements anti-prédateurs
Chapitre 1: Space use and leadership modify dilution effects on optimal vigilance under food/safety trade-offs
L’utilisation de l’espace et les décisions de groupe changent les prévisions de l’effet de dilution sur la vigilance optimale dans le cadre d’un compromis entre risque et ressources
Analyses complementaires :
Group-size effect on predation-driven space-use in plain zebra
Effet de la taille de groupe sur l’ajustement spatial au risque de prédation chez le zèbre des plaines (Equus quagga)
II Cycle circadien et risque de prédation
Chapitre 2: Zebra diel migrations reduce encounter risk with lions at night
Les migrations quotidiennes permettent aux zèbres de réduire leur risque de rencontre avec les lions la nuit
Analyses complementaires :
La vigilance augmente-t-elle à l’approche du crépuscule ?
Chapitre annexe : Identifying stationary phases corresponding to different movement modes or home range settlements
Identification de segments stationnaires correspondant à différents modes comportementaux ou à des domaines vitaux
III Jeu spatial entre prédateurs et proies
Chapitre 3: Optimal use of past information by enemies in the predator-prey space race
Utilisation optimale de l ’information dans la course spatiale prédateurproie
Discussion
Conclusion
Références

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