Les stocks de mercure dans les sols de Guyane Française ; impact de l’activité minière

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Objectifs et méthodologie

Questions spécifiques

L’intensité de la mobilisation du mercure vers les hydrosystèmes reste indéterminée, en conditions naturelles comme sous l’influence de l’orpaillage. Il est donc nécessaire, pour évaluer l’impact de cette activité, de quantifier les flux entre les compartiments terrestres et les écosystèmes aquatiques, avant et après le démarrage d’une exploitation aurifère et de préciser sous quelles formes le mercure du fond géochimique et le mercure ajouté par les orpailleurs sont mobiles et biodisponibles. Par ailleurs, dans les anciens sites orpaillés, la stabilité du mercure n’est pas connue. Ils sont aujourd’hui recouverts par la végétation, de sorte que l’érosion y est faible. Il convient néanmoins d’estimer leurs contributions réelles, et potentielles en cas d’exploitation, aux flux de mercure se dispersant dans les écosystèmes guyanais.
L’objectif de cette thèse est donc de répondre aux 7 questions suivantes :
1 – Sous quelle forme se trouve le mercure dans les sols, exploités ou non, et sous quelle forme est-il transporté vers les rivières ?
2 – Quel est l’impact de l’exploitation minière sur la méthylation du mercure, que l’activité soit récente ou ancienne ?
3- En conditions naturelles, quelle est l’importance, dans un petit bassin versant donné, des flux de mercure vers les rivières, liés aux processus d’érosion diffuse et d’hydromorphie propices à la mobilisation du mercure ?
4- Quels sont les flux de mercure issus de sites miniers anciens en condition d’érosion « naturelle » ?
5- Quelle est l’augmentation des flux de mercure vers les rivières, consécutive au remaniement des sols et sédiments par l’industrie minière dans ce même bassin versant ?
6- Peut-on réduire de manière significative la turbidité de l’eau en sortie des bassins de décantation par l’utilisation de floculants ?
7- Quels seront les devenirs des « tailings » miniers après le processus de floculation ; quels impacts ont les floculants sur la chimie d’oxydoréduction de ces « tailings » et sur les transformations chimiques du mercure ?

Stratégie de recherche

Ce travail de thèse a été mené sur un « site minier pilote » localisé à l’intérieur de la concession de la Compagnie Minière de Boulanger qui a accepté d’accueillir le projet. Ce site minier pilote comprend un bassin versant élémentaire (100 hectares) composé de 2 parties :
– l’une jamais orpaillé
– l’autre anciennement orpaillé et qui est promise à une seconde exploitation.
Le bassin versant fut suivi au cours de deux périodes :
¾ La première période, avant la mise en place de l’exploitation aurifère, a été consacrée à l’obtention des données pédologiques, hydrologiques, hydrochimiques et biogéochimiques sur le bassin versant et sur l’hydrosystème en aval, pour évaluer les stocks et les flux de mercure en conditions naturelles.
¾ Au cours d’une seconde période, une simulation d’exploitation a été mise en place par la Compagnie Minière de Boulanger, en respectant le cahier des charges imposé aux exploitants industriels. Dans ces conditions, les flux de mercure vers les cours d’eau seront liés au métal présent « naturellement » mais aussi à celui apporté par l’orpaillage ancien.
En parallèle à cette étude, des expériences ont été effectuées, in situ et en laboratoire, sur la coagulation/floculation des particules fines en suspension dans les bassins de décantation. Ces expériences visent à séparer la fraction solide-liquide sur des boues issues du traitement de graviers aurifères, afin de minimiser les rejets particulaires dans l’eau à l’exutoire de bassins de décantation. Des études complémentaires sont poursuivies sur le devenir de ces particules après sédimentation dans les bassins (conditions oxydo-réductrices, etc.), et plus particulièrement sur les risques de méthylation du mercure.

Intérêt de l’industriel pour le thème de recherche

La recherche prévue s’inscrit dans la stratégie de la Compagnie Minière de Boulanger qui a la volonté de minimiser l’impact de son activité sur l’environnement, en limitant les rejets de particules contaminées dans les écosystèmes aquatiques en aval de sa concession. Il importait donc en premier lieu d’évaluer les flux de mercure sortant de bassins versants exploités, de mieux connaître les origines du mercure, sa distribution spatiale dans les sols et sédiments, et les conditions de sa mobilité. Cette étude contribue à répondre aux questions qui se posent encore pour le développement de nouvelles techniques d’exploitation et de traitement des matériaux aurifères. Il importait également d’étudier et de mettre en œuvre des méthodes efficaces de floculation des particules fines dans les bassins de décantation pour minimiser les flux de mercure, qu’elle qu’en soit l’origine, vers les cours d’eau. Des études complémentaires ont été menées sur le devenir des particules après sédimentation dans les bassins, plus particulièrement sur les risques de méthylation du mercure présent.

Plan

Les résultats de cette thèse sont présentés en trois parties afin de répondre aux 7 questions posées initialement. Après une présentation du contexte de l’étude et de la problématique du Hg en Guyane française (chapitre I), la première partie (chapitre II) sera consacrée à l’étude des sols et des stocks de Hg présents ainsi qu’à l’impact de l’activité minière sur ces stocks. La seconde partie (chapitre III) sera consacrée à la méthylation du mercure en milieu minier et plus spécialement dans les bassins de décantation. Les méthodes de remédiation seront discutées. Enfin, la troisième partie (chapitre IV) sera consacrée aux émissions de Hg issu de sites miniers et naturels.

Propriétés chimiques et cycle global

Le mercure tient son symbole chimique Hg de son nom latin «hydrargyrum». Il est utilisé depuis 2700 ans pour amalgamer l’or, l’argent ou d’autres métaux. Il est unique par le fait qu’il est dense, liquide à température ambiante avec une pression de vapeur relativement élevée pour un métal (Andersson 1979; Stein et al. 1996). Les principales mines assurant la production de Hg sont situées dans les ceintures mercurifères, à la périphérie de l’Océan Pacifique (Pérou et Mexique par exemple) et entre les zones méditerranéennes et himalayennes (Espagne, Italie, Slovenie, Algérie, Chine….) où il est principalement exploité à partir de sa forme minéralisée, le cinabre (HgS).
Les produits à base de mercure (thermostats, batteries, manomètres, commutateurs, lampes fluorescentes) ainsi que leurs applications (chlor-alkali, sidérurgie, secteurs médical et catalytique) font partie de la vie moderne et sont à l’origine de la production de nombreux déchets (UNEP 2002; Fitzerald et al. 2003). Aujourd’hui les émissions de Hg issues de la combustion des carburants fossiles (en particulier du charbon), de l’extraction et du traitement des minerais et métaux, de l’incinération des déchets et de l’orpaillage artisanal représentent la source majeure des émissions atmosphériques de ce polluant à l’échelle du globe (UNEP 2002; Pacyna et al. 2006). Son temps de résidence moyen d’environ un an (cette valeur est encore discutée aujourd’hui) lui confère dans l’atmosphère une répartition homogène (Slemr et al. 1985; Fitzgerald et al. 1994; Fitzgerald 1995). Les émissions ne cessent d’augmenter depuis le milieu du 19ème siècle, et représentaient en 1995 plus de 2000 tonnes par an vers l’atmosphère (UNEP 2002). L’utilisation du Hg est aujourd’hui réglementée, voire interdite, selon les activités et les pays (UNEP 2002).
Bien qu’il fut utilisé pour soigner la syphilis et de nombreuses infections, le mercure est aujourd’hui reconnu comme un élément trace extrêmement toxique qui s’accumule le long des chaînes alimentaires aquatiques (Morel et al. 1998).
Le cycle géochimique du Hg est complexe et caractérisé par des échanges rapides entre les compartiments de l’écosphère : atmosphère, hydrosphère, géosphère et biosphère. Ce cycle est dominé par les échanges avec l’atmosphère (Fitzgerald et al. 1994). Plusieurs formes chimiques du mercure sont naturellement présentes au sein des différents milieux terrestres et aquatiques : Hg élémentaire (Hg°), Hg inorganique divalent (Hg(II)), les organo-mercuriels (R-HgX) dont le mono et di-méthylmercure. Etant classé dans les métaux de transition IIB, le mercure a un champ d’électrons large et facilement polarisable, sa couche « d » est insaturée; par conséquent il forme des complexes stables avec des ligands similaires tels que les thiols, HS-, et CN- (Pearson 1963; Hepler et al. 1974; Smith 1976; Pitzer 1979). Les constantes de stabilité des complexes de mercure avec certains ligands ont été déterminées expérimentalement (Smith 1976) ou calculées (Smith 1976; Kerndorff et al. 1980; Schnitzer et al. 1981; Dyrssen et al. 1991; Khwaja et al. 2006; Gasper et al.
2007). La stabilité des complexes de Hg avec les ligands suivants est :
RS- (thiols)> HS -> CN- >> I- > OH- > Br-> Cl-> NH3 >> F- > NO3 > SO42-
Cycle du Hg en milieu tropical humide
Le bassin de l’Amazone et le plateau des Guyane ne font pas partie des territoires particulièrement enrichis en Hg aux périodes tertiaires et quaternaires, par des phénomènes orogéniques et volcaniques (Nriagu 1979). Cependant, le fonds géochimique du Hg (II) dans les sols ferrallitiques amazoniens, défini comme la part du Hg qui s’est accumulé dans le sol sur de longues périodes à partir de deux sources : les roches dont l’altération est à l’origine des sols et les apports atmosphériques issus du dégazage de l’écorce terrestre et des océans (Fitzgerald, 1989), est naturellement élevé. Les concentrations peuvent être dix fois supérieures à celles mesurées dans les sols des régions tempérées et boréales (Roulet et al. 1995; Grimaldi et al. 2001). Ainsi, les sols sont assimilables à un puits de mercure (Mason et al. 1994), où il se trouve principalement complexé à la matière organique et aux surfaces minérales (argiles et oxy(hydr)oxides) (Roulet et al. 1995).
En plus de cette richesse naturelle des sols, la contamination environnementale du bassin amazonien a principalement été attribuée aux activités d’orpaillage qui utilisent le Hg élémentaire pour amalgamer les micro-particules d’or (Lacerda et al. 1991) (Picot et al. 1993). L’intensité de la pollution diffuse du Hg via l’atmosphère, diminue avec la distance aux sites d’orpaillage (Lacerda et al. 1991; Malm et al. 1991; Pfeiffer et al. 1993; Keeler et al. 1995). En effet, l’oxydation du Hg0 en Hg2+ dans l’atmosphère amazonienne est accentuée par la forte production de composés organiques volatiles émis par la végétation, ainsi que par les abondantes précipitations. En raison de sa bonne solubilité dans l’eau, de sa faible volatilité et de ses affinités pour les surfaces minérales et organiques, le temps de résidence de la forme ionique Hg2+ dans l’atmosphère est inférieur à deux semaines. Ainsi, lors de l’oxydation de Hg0 en Hg2+, la forme ionique peut rapidement réagir avec l’eau de pluie ou être adsorbée par des petites particules (aérosols), pour ensuite se déposer dans l’environnement sous forme de dépôt «humide» ou «sec».
Les températures et précipitations élevées, ainsi que l’abondante végétation contribuent fortement aux transferts de Hg entre le sol et l’atmosphère. D’une part, la canopée émet des quantités importantes de Hg0 (5.4 ± 1.6 ng m3) vers l’atmosphère (Amouroux et al. 1999), qui varient en fonction des types de substrat (sol) et de l’épaisseur du couvert forestier (Tessier et al. 2002). D’autre part les feuilles et les racines assimilent le Hg provenant des pluies en l’intégrant lors du processus de production de matière végétale, puis le redistribuent aux sols par la dégradation de la matière organique (Millhollen et al. 2006). Les émissions gazeuses de Hg0 sont également importantes en l’absence de couvert végétal et les plus importantes ont été mesurées à proximité de sites miniers (Amouroux et al. 1999; Muresan et al. 2007).
L’activité biologique est également fortement stimulée par les conditions climatiques et l’abondance de matière organique. Par conséquent la transformation microbiologique du Hg inorganique en formes organométalliques, telles que le monométhylmercure (MMHg), est favorisée. Cette forme du Hg est assimilable dans les organismes et plus particulièrement dans les poissons dont plus de 95% du Hg total retrouvé est sous forme méthylée (Jensen et al. 1969), alors qu’elle ne représente que 1% du métal présent dans l’eau.
Le milieu amazonien est un terrain de grande affinité géochimique pour le Hg, où les facteurs de risque de contamination du milieu par le Hg convergent. Il est favorable à la méthylation et par conséquent exposé à des risques sanitaires sérieux dont les premiers stigmates ont été mis en évidence chez les populations amérindiennes du Haut Maroni (Boudou et al. 2001; Landrigan et al. 2004).

Anthropisation et méthylation en milieu continental

Méthylation du mercure
La méthylation du Hg est un processus principalement biologique, bien que la production abiotique puisse se produire dans les eaux naturelles (Benoit et al. 2003). Les différents processus de méthylation et les facteurs environnementaux qui l’affect sont ici présentés.
De nombreux auteurs ont démontré que la méthylation in situ du mercure réactif ou biodisponible par les bactéries sulfato- ou ferri-réductrices (BSR et BFR) est à l’origine de l’acccumulation du MMHg dans les chaînes alimentaires des eaux douces (Gilmour et al. 1991; Watras et al. 1994; Watras et al. 1994; Barkay et al. 2003; Benoit et al. 2003; Fleming et al. 2006). Bien que la méthylation du Hg ait lieu dans les colonnes d’eau et puisse être importante en milieu marin (Monperrus et al. 2007), les sites principaux de production de MMHg dans les milieux dulcicoles sont associés aux environnements de dépôts particulaires tels que les sédiments lacustres et estuariens, les zones humides, les sols inondés et les marais (Mucci et al. 1995; Porvari et al. 1995; Roulet et al. 2001; Hall B.D. et al. 2004; Muresan 2006). Dans les eaux douces et les sédiments lacustres, les zones de transition à faibles teneurs en oxygène proches des conditions anoxiques ont été identifiées comme les principaux sites de production de MMHg (Gilmour et al. 1991; Watras et al. 1994; Muresan et al. 2007). Peu d’auteurs cependant, se sont intéressés à la méthylation dans les sols, seules certaines études ont mis en évidence la méthylation dans les sols temporairement inondés (Porvari et al. 1995; Roulet et al. 1995; Heyes et al. 1998).
Méthylation biotique
Les bactéries méthylantes nécessitent la méthylcobalamine (CH3CoB12), molécule naturellement présente dans l’environnement aquatique capable de transformer un groupement méthyl sous forme de carbanion: CH3CoB12 + H2O + Hg2+ → CH3Hg+ + H2OCoB12
Métaboliquement, la methylation a lieu soit au sein de la bactérie par transfert du groupement CH3 depuis une molécule donneuse de methylcorrinoide, soit par un processus extracellulaire qui est accentué par l’activité d’exoenzymes bactériennes. La production microbienne de MMHg est influencée par de nombreux facteurs environnementaux tels que le pH, la température, les conditions redox, la présence de sulfates et de matière organique dissoute qui ont une incidence sur la spéciation et la disponibilité des ions mercuriques ainsi que sur l’activité des populations microbiennes méthylantes (Benoit et al. 1999; Ullrich et al. 2001; Schaefer et al. 2002; Benoit et al. 2003). La matière organique (MO) est un paramètre majeur pour la méthylation bactérienne car, d’une part elle est la source de nutriments qui stimule les bactéries méthylantes (Porvari et al. 1995), et d’autre part, étant le ligand complexant le plus important en l’absence de sulfure, elle augmente l’accessibilité de Hg2+ à ces mêmes bactéries (Ullrich et al. 2001; Benoit et al. 2003). La MO est aussi un vecteur de diffusion du MMHg car sous forme dissoute, elle augmente la solubilité du MMHg (Miskimmin 1991; Barkay et al. 1997). La méthylation dépend également de la concentration en ion sulfates qui peut limiter le métabolisme des BSR. Le maximum de méthylation a lieu dans les zones où la MO et les sulfates sont suffisamment abondants pour stimuler le métabolisme des SRB, mais en quantité raisonnable pour ne pas causer l’accumulation de sulfures qui inhibent l’accessibilité du Hg pour la méthylation par la précipitation de HgS, le cinabre (Gilmour et al. 1991) et la formation de complexes dissous de sulfure mercurique incluant HgS°(aq), HgS22-, et HgHS2- (Benoit et al. 1999). Cependant, l’oxydation des sulfures, par les bactéries sulfato-oxydantes (BSO) ou de manière abiotique, minimise l’accumulation de sulfure et stimule l’action méthylante des BSR en conditions suboxiques (Fitzerald et al. 2003).
Méthylation abiotique
La méthylation purement chimique du Hg est possible si des donneurs appropriés de groupements méthyl sont présents. Ainsi des composés solubles de méthylsilicium (CH3Si3+) peuvent réagir avec Hg2+ pour former du méthylmercure. Les organosiloxanes et autres substances apparentées au silicium ont également été considérées comme agents méthylants (Ullrich et al. 2001). Akagi et collaborateurs ont également démontré que l’alkylation du chlorure de mercure était induite photo-chimiquement en présence de méthanol, d’éthanol, d’acide acétique et/ou d’acide propionique (Akagi et al. 1977). D’autres auteurs ont suggéré que la méthylation pouvait résulter de réactions de transméthylation entre le Hg et les alkyls de plomb, d’étain et d’arsenic (Ebinghaus et al. 1994), utilisés dans les additifs de carburants. De plus, le triméthyl-plomb a été décrit comme méthylateur efficace, puisque d’importantes concentrations de MMHg ont été mesurées dans les sédiments de la rivière St Clair et attribuées à des réactions de transméthylation due à des émissions d’alkyl de plomb (Beijer et al. 1979).
En milieu continental, la méthylation peut aussi se produire de manière abiotique en présence de méthylcobalamine, de matière organique et d’acide acétique. La méthylcobalamine est impliquée dans ce processus, où Hg2+ est méthylé par transfert d’un carbanion induit par les substances humiques ou fulviques en solution (Weber 1999). La matière organique est un bon agent méthylant puisqu’elle est souvent très abondante dans les eaux et les sédiments où la méthylation à lieu, et que la solubilité et la mobilité du Hg en dépendent. Plusieurs modèles ont effectivement montré que les matières humiques méthylaient le Hg (Weber 1999). L’acétate a été proposé comme un très bon agent méthylant abiotique (Gardfeldt et al. 2003). Dans des gammes de concentration d’acétate et de pH d’eaux naturelles, l’acétate est proposé comme précurseur du MMHg par Gardfeldt et collaborateurs :
3 CH3COO- + Hg2+ → [Hg(CH3COO) 3]- logK = 13.3
[Hg(CH3COO) 3]- → CH3Hg+ + CO2 + [(CH3COO)2]- logKapp = ~ 6
Cette réaction peut se produire dans l’atmosphère et expliquer une partie du MMHg présent dans les eaux de pluie (Gardfeldt et al. 2003).
La part de la contribution abiotique à la méthylation est encore aujourd’hui mal quantifiée. Ainsi la méthylation du Hg peut être biotique ou abiotique et peut impliquer les deux procédés tels que pour la méthylation bactérienne des espèces d’étain (IV) qui est suivie d’un transfert abiotique de groupement méthyl au Hg. Ebinghaus et collaborateur ont montré que les composés organiques de Pb, Sn, et As, étaient des composés plus efficaces pour la méthylation du Hg que les donneurs biogéniques de groupements méthyl tels que la méthylcobalamine, mais que ce n’était certainement pas pertinent dans les environnements naturels, parce que la méthylation du Hg in vivo est catalysée enzymatiquement et est plus rapide que la transméthylation de méthylcobalamine libre (Ebinghaus et al. 1994).
Déméthylation
La décomposition biotique ou abiotique (photolytique) des espèces méthylées est un processus important qui régule les concentrations de Hg organique dans les sédiments et les eaux. La dégradation du MMHg est induite majoritairement par le biais de l’activité microbiologique. Un très grand nombre de bactéries sont capables de déméthyler le Hg, dans la colonne d’eau de lacs et les eaux de surfaces, incluant des bactéries aérobies et anaérobies, mais la déméthylation a lieu principalement via les organismes (bactéries et algues) aérobies (Ullrich et al. 2001).
Le mécanisme commun de la décomposition microbienne du MMHg implique la segmentation du pont carbone-mercure par des enzymes (lyase organo-mercuriels), produisant du méthane et du Hg2+, suivi de la réduction enzymatique du Hg2+ en Hg0 (reductase mercurique) (Robinson et al. 1984; Summers 1986). La synthèse de ces enzymes est encodée par les gènes merB et merA dans les bactéries possédant un large spectre de résistance au Hg (Barkay et al. 2003). La déméthylation oxydative est également un processus majeur produisant du dioxyde de carbone et impliquant des bactéries aérobies comme anaérobies telles que les méthanogènes et sulfato-réductrices (Marvin-Dipasquale M. C. et al. 1998).
La décomposition photolytique est le mécanisme le plus significatif de décomposition abiotique du MMHg (Craig 1986). Le diméthylmercure (DMHg) est également rapidement décomposé photolytiquement dans l’atmosphère en Hg0. Les espèces de phénylmercure et de MMHg liées à des groupements sulfures (e.g., CH3HgS-) peuvent être rapidement décomposées photolytiquement, mais la photodégradation est insignifiante pour les ions MMHg et les hydroxydes de MMHg à cause de leur faible taux d’absorption des rayonnements solaires (Baughman 1973). En outre, bien que la décomposition photolytique contribue à la déméthylation du MMHg dans les eaux de surface, elle est insignifiante dans les eaux interstitielles des sédiments où la déméthylation bactérienne est plus importante (Ullrich et al. 2001; Benoit et al. 2003).
Pour conclure, l’accumulation de MMHg dans les systèmes aquatiques est un équilibre entre les processus biotiques ou abiotiques de méthylation, de bioaccumulation et de déméthylation.

Le problème sanitaire

A l’échelle internationale, la première grande catastrophe connue liée au mercure est celle des rejets de Hg de l’usine de Minamata (Japon) (qui utilisait le mercure comme catalyseur pour la fabrication de l’acétaldéhyde) dans la baie du même nom qui causa environ 900 décès de 1949 à 1965. Près de 2 millions de personnes ont souffert, de près ou de loin, de cette pollution. En Guyane française, le suivi effectué pendant dix ans par la Direction Sanitaire et du Développement Social (DSDS) a mis en évidence une contamination mercurielle des écosystèmes aquatiques et des hommes via les chaînes alimentaires par la forme organométallique hautement neurotoxique du Hg : le méthylmercure. Cette enquête épidémiologique a révélé chez ces populations du Haut Maroni et du Haut Oyapock des concentrations moyennes de mercure dans les cheveux supérieures à 10 µg g-1 (Cordier et al. 1999). Cette valeur seuil définie par l’OMS, est considérée comme la limite au delà de laquel des risques d’atteintes neurologiques peuvent apparaître, notamment chez l’enfant (Clarkson 1992; Lebel et al. 1996; Grandjean et al. 1999; Dolbec et al. 2000).
La forte consommation de poissons par les populations amérindiennes, en particulier d’espèces carnivores en fin de chaîne trophique, est la principale voie de contamination (Frery et al. 2001). Les niveaux d’imprégnation observés lors des études menées entre 1998 et 2004 par la DSDS sont ceux qui conduisent à des effets infra-cliniques (non détectables à l’œil nu ou par examen clinique), et le niveau moyen d’imprégnation semble stable dans le temps. Si l’exposition est prolongée, le risque est une exposition chronique et durable menant à des séquelles irréversibles (Aschner et al. 1990). Bien que les stigmates de la maladie de Minamata ne soient pas déclarés au sein de la population guyanaise, la psychose du drame de Minamata demeure comme en témoigne la figure 5.
La prévention doit être ciblée essentiellement au niveau des femmes enceintes puisque c’est l’exposition au cours de la grossesse qui va constituer un facteur de risque majeur pour le développement neurologique de l’enfant à naître (Quénel 2005).

La problématique mercure en Guyane

Généralités sur la Guyane

Géographie physique
La Guyane Française est un vaste territoire de 84 000 km² de superficie et de 100 mètres d’altitude moyenne, situé entre 2° et 6° de latitude Nord et 52° et 54° de longitude ouest sur le très vieux bouclier pénéplané du plateau des Guyanes qui englobe le Surinam et le Guyana (Lézy 2000; Barret 2004). N’ayant pas subi d’orogenèse, ce craton paléoprotérozoïque (2 à 2,2 milliard d’années) est constitué principalement de roches magmatiques (granitoïdes granites, gabbros, diorite), volcaniques, volcano-sédimentaires et sédimentaires (schistes, grès, siltites conglomérats, quartzites). Tous ces terrains anciens ont subi une érosion importante qui perdure sous le climat équatorial chaud et humide de la Guyane Française. La grande variété des formations géologiques de la Guyane est aussi caractérisée par des minéralisations nombreuses et diversifiées (or, molybdène, lithium, uranium, diamant, bauxite…), dont seules les minéralisations aurifères sont rentables et exploitées. L’exposition des roches aux conditions climatiques tropicales sur plusieurs dizaines de millions d’années, a contribué, en libérant l’or primaire de sa gangue originelle, à la formation des gisements secondaires dans les alluvions, les terrasses fluviales et les éluvions. L’or est présent sous forme de paillettes, de poudre ou de pépites. C’est donc la présence de ces gisements alluvionnaires qui rend cet or accessible et facilement exploitable.
L’élément déterminant du climat équatorial chaud et humide de la Guyane Française est la convergence des flux d’alizés générés principalement par les anticyclones des Açores et de Saint-Hélène nommé « Zone de convergence intertropicale» (ZIC). La ZIC oscille dans un mouvement nord-sud et ce durant des périodes variables dont il découle un cycle saisonnier caractérisé par (i) une petite saison des pluies (de mi-novembre à mi-février, (ii) le « petit été de mars », (iii) la grande saison des pluies (d’avril à juillet) et (iv) la saison sèche (de mi-août à mi- novembre). Les précipitations varient de 1700 mm par an dans la partie nord-ouest à 3800 mm par an dans la région de Régina et Cacao (Barret 2004).
Ce climat chaud et humide favorise un couvert forestier très riche en espèces, dense et permanent (sempervirens) qui couvre plus de 90% de la surface du territoire guyanais.
Contexte pédologique
La couverture pédologique guyanaise est dominée par les sols ferralitiques. Deux ensembles se distinguent par leur substrat géologique : les sols argileux des Terres hautes qui se développent dans l’intérieur « montagneux » (collines à pentes fortes) du territoire, composé de roches cristallines et métamorphiques associées à des laves d’âge précambrien, et des sols sableux ou argileux des Terres basses de la plaine côtière et plus particulièrement des zones marécageuses du sub-littoral composées d’alluvions marines.
De nombreux auteurs ont décrit la grande diversité pédologique des sols des Terres hautes sur des roches-mères variées (Boulet 1978; Boulet 1981; Guehl 1984; Fritsch et al. 1986; Grimaldi et al. 1990; Boulet et al. 1993). Cette diversité est interprétée comme résultant de la transformation de la couverture ferrallitique, en déséquilibre dans les conditions tectoniques et ou climatiques actuelles (Boulet et al, 1993). La séquence de transformation la plus commune des sols de Guyane Française met en jeu successivement deux grands processus : l’érosion (au sens large) et l’hydromorphie (Grimaldi et al. 1990), qui se traduisent par le passage, le long des versants, des ferralsols aux acrisols, puis aux gleysols. L’intensité variable de ces processus, selon les conditions géologiques et géomorphologiques locales, conduit à la coexistence de diverses associations de sols (« catenas » ou « pédoséquences »).
Entre parenthèses : nomenclature des sols selon la classification NSSC. (Soil Survey Staff National Soil Survey 2008)
Ces processus se traduisent par la redistribution locale des constituants des sols (minéraux argileux, oxy(hydr)oxides métalliques, composés organiques), et/ou par l’exportation de ces constituants vers le réseau hydrographique.
Le fonctionnement hydrodynamique du sol et le régime hydrologique des rivières découlent des transformations texturales et structurales au sein de la couverture pédologique. Les ferralsols caractérisés par un horizon argileux microagrégé épais, sont perméables jusqu’à une grande profondeur. Le drainage de l’eau est en conséquence vertical et profond. Dans les acrisols, l’apparition d’une altérite massive, et donc peu perméable, à moins d’un mètre de profondeur crée une discontinuité structurale forte qui engendre un drainage de l’eau dont la composante latérale et superficielle augmente avec l’amincissement du sol au-dessus de l’altérite, à l’origine de crues des cours d’eau au cours les fortes averses. En bas de versant ou sur les replats des collines, les faibles pentes et la présence de l’altérite proche de la surface favorisent la saturation en eau durable du sol à la suite des averses, qui alimente la nappe phréatique. A l’aval, la nappe s’écoule par les axes de drainage, tandis qu’elle a tendance à se maintenir sur les replats sommitaux, conduisant respectivement à des exportations de matières dans les cours d’eau ou à des transformations minérales locales (Grimaldi et al, 1994 (Figure 3).
Le long de ces séquences pédologiques, l’évolution minéralogique est fortement liée à l’érosion physique et chimique ainsi qu’aux conditions redox. Bien que le quartz et la kaolinite soient partout présents, le gradient minéralogique est bien marqué de l’amont vers l’aval d’une séquence ferralsol-acrisol-gleysol en passant d’un milieu oxydant, dominé par des oxy(hydr)oxides de fer plus ou moins bien cristallisés, à un milieu anoxique dominé par des minéraux argileux à dominante kaolinitique (Figure 3).

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Table des matières

CHAPITRE I : Le mercure et la problématique de l’orpaillage en Guyane : état des connaissances
1. Le mercure : présentation générale
a)Propriétés chimiques et cycle global
b)Anthropisation et méthylation en milieu continental
c) Le problème sanitaire
2. La problématique mercure en Guyane
a)Généralités sur la Guyane
b) Problématique du Hg en milieu minier
CHAPITRE II : Les stocks de mercure dans les sols de Guyane Française ; impact de l’activité minière
Article I: Weathering versus atmospheric contributions to mercury concentrations in French Guiana soils
Article II: Hg speciation in tropical soil associations; Consequence of gold mining on Hg burden in French Guiana.
CHAPITRE III : Mobilité du mercure à l’échelle du bassin versant et méthylation du mercure dans les sols
Article III : Former gold mined soils as a source of methylmercury
CHAPITRE IV : Méthylation du mercure en milieu minier et impact de la mise en place d’une exploitation aurifère sur les émissions de Hg. Solutions envisageables pour réduire cet impact.
1. Article IV: Methylmercury in tailing ponds of small scale industrial gold mining in French Guiana: field study and experimental remediation test.
2. Article V : Pratique minière et réduction de la contamination au mercure en Guyane française.
Chapitre V : Conclusion générale
1. Rappel des objectifs
2. Rappel des principaux résultats
3. Synthèse
4. Perspectives
Annexes
Annexe 1 : Propriétés chimiques du mercure
Annexe 2 : Constantes d’équilibre et de solubilité
Annexe 3 : Alternatives à l’amalgamation
Annexe 4 : Figures complémentaires article III
Annexe 5: Mercury distribution in tropical soil profiles related to origin of mercury and soil processes Mercury distribution in tropical soil profiles related to origin of mercury and soil processes
Annexe 6 : Méthodes analytiques
Annexe 7 : Mercury sediment mapping in French Guyana ; anthropogenic vs.

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