Les stéréotypes de genre : qu’est-ce-que c’est ?
Définir le genre en sociologie
A sa naissance, dans les sociétés humaines contemporaines, chaque individu est associé à un genre (masculin ou féminin). Ce genre est attribué selon des critères sociaux, notamment selon des critères considérés comme biologiques (e.g. les organes sexuels), comme le confirme Priscille Touraille (Touraille, 2016) : En français, les mots « homme » et « femme » jouent sur une définition à double face : biologique et sociale. Sur le versant biologique, ils sont parfaitement synonymes des mots « mâle » et « femelle ». Dans les sociétés occidentales contemporaines, le travail social de différenciation (corporel, psychique) des individus en « hommes » et « femmes » (le genre) repose tout entier sur la division mâle/femelle.
Bien que le genre traite de différence non biologique, d’un sexe social, la différenciation binaire qui s’opère entre masculin et féminin se fait, elle, majoritairement sur des critères physiques. Pour autant, les critères de cette dichotomie sont eux-mêmes socialement construits et évolutifs en fonction de la période historique et le lieu considérés (HCE|fh, 2016) (Raz, 2016).
La sociologue Laure Bereni définit le genre comme la résultante (Husson, 2018) : [d’u]n système qui produit une bipartition hiérarchisée entre hommes et femmes et les représentations et critères de distinctions qui lui sont associés.
Cette bi-catégorisation des individus est un processus de catégorisation politique et social par lequel sont créées deux classes dissymétriques et mutuellement exclusives : genre masculin et genre féminin. Il est question de bipartition dans la mesure où la catégorisation genrée des individus se fait sur un dualisme homme/femme qui exclue toute variante à ce système dichotomique, notamment les personnes trans-identitaires et les personnes qui remplissent les critères de catégorisation des deux genres.
En attribuant un genre à l’enfant, on l’incorpore dans un système qui lui donne une position sociale et régule en même temps l’action des autres à son égard. Le genre est alors un système de classement qui soutient la structuration d’inégalités multiples entre deux pôles qui s’excluent mutuellement : masculin et féminin. En effet, les attentes, représentations, possibilités, etc. seront différentes pour une personne en fonction de son genre. Une illustration parlante de cette différence entre genre et identité biologique a été donnée par Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe « On ne nait pas femme, on le devient ».
Définir le stéréotype en sociologie
Le centre national de ressources textuelles et lexicales donne la définition suivante pour le stéréotype : Idée, opinion toute faite, acceptée sans réflexion et répétée sans avoir été soumise à un examen critique, par une personne ou un groupe, et qui détermine, à un degré plus ou moins élevé, ses manières de penser, de sentir et d’agir.
Un stéréotype touche un groupe ou un individu différencié grâce à l’utilisation de critères explicites et généralisant : genre, sexe, race sociale, couleur de peau, situation financière, etc. Le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes définit le stéréotype de genre comme (HCE|fh, 2014) :
Des représentations schématiques et globalisantes sur ce que sont et ne sont pas les filles et les garçons, les femmes et les hommes.
On parlera alors de stéréotype de genre lorsqu’un jugement est prononcé sur un individu du fait de son appartenance à un genre (masculin ou féminin). De manière générale ils vont définir les attendus sociaux (notamment en termes de comportements) pour chacun des genres, en sanctionner les déviances et nier voire combattre les alternatives.
L’impact des stéréotypes de genre sur les élèves
Les stéréotypes prennent place dans le système de croyance des individus et influent sur leurs comportements et leurs pensées conscientes et inconscientes. Plusieurs études ont notamment montré l’influence des stéréotypes de genre dans le comportement des individus. Le rapport relatif à la lutte contre les stéréotypes indique notamment que (HCE|fh, 2014) : [l]es stéréotypes de genre sont des agents de la hiérarchie entre les femmes et les hommes, qui outillent les discriminations et servent à légitimer, a posteriori, les inégalités. Les stéréotypes de genre légitiment les rôles de genre en les « naturalisant » : ils font paraître comme biologiques et naturels des rôles de genre différents et hiérarchisés, assignés aux femmes et aux hommes. Ainsi, les stéréotypes légitiment des injonctions, faites aux femmes ou aux hommes, à se comporter selon les normes établies de la féminité pour les unes, et selon les normes de la masculinité pour les autres. Ce système de normes hiérarchisées de masculinité/féminité définit le genre.
Les stéréotypes de genre font partie des structures sociales sexistes qui participent au maintien de rapports inégalitaires entre les personnes en fonction de leur genre. Ils sont donc une conséquence de cet état de fait et contribuent à son maintien. Ces représentations stéréotypées de la place des femmes et des hommes dans la société peuvent conduire à légitimer et à maintenir des inégalités entre les sexes, en particulier professionnelles (Burricand, et al., 2015). A l’école, on constate l’impact de ces stéréotypes dans le comportement des élèves, notamment dans certaines pratiques de l’EPS : « la danse c’est pour les filles », dans la place occupée dans le groupe classe (e.g. les filles généralement plus en retrait, moins à l’aise pour prendre la parole face au groupe) ou encore dans les jeux de cours où les garçons accaparent la balle pour jouer entre eux en excluant les filles du terrain (Pasquier, 2015).
Pourquoi faut-il déconstruire les stéréotypes de genre ?
L’influence des stéréotypes de genre sur les choix des personnes contribue à l’existence de processus d’autocensure et d’autodétermination en fonction du genre. Les élèves de différents âges se projettent dans l’avenir en fonction de leur genre. Les choix dans les métiers pratiqués, la place prise et supposée légitime dans l’espace public, le rapport à la famille, etc. sont statistiquement orientés en fonction du genre (HCE|fh, 2014). Dans l’optique d’une société qui ne souhaite pas créer ou favoriser une discrimination dans la détermination des personnes en fonction de leur genre, il est nécessaire de déconstruire ces stéréotypes afin d’émanciper les personnes de ces normes réductrices et liberticides et pour ne pas restreindre le champ des possibles de chacun·e. En classe, dès le Cycle 1, il est nécessaire de faire évoluer ces représentations pour ne pas réduire le champ des possibles chez les élèves, notamment à travers une pratique de l’EPS qui permet d’asseoir la légitimité de tou·te·s à participer de la manière que l’élève souhaite et non pas en fonction d’une norme préétablie en fonction du genre .
Le cas de l’EPS
On retrouve au niveau de la pratique sportive une division genrée des pratiques, reflet de cette dichotomie des tâches quotidiennes au travail comme dans la vie privée. Les dynamiques sociales à l’œuvre dans les milieux sportifs participent à la régulation des pratiques en fonction des normes contemporaines de la féminité/masculinité. L’investissement individuel dans une pratique sportive en fonction du genre est influencé par ce que les structures sociales considèrent comme convenable pour un genre donné. Anick Davisse indique que la transgression de femmes pratiquant des sports qui participent constitutivement de l’identité masculine est particulièrement mal vécu pour les hommes. Se mettent alors en place des mécanismes de défense et de rejet similaires à ceux constatés lors de la féminisation de milieux professionnels historiquement réservés aux hommes : L’accès des femmes à ce type de pratique [sportive] serait alors vécu comme une menace pour l’identité masculine, comme c’est le cas dans certains secteurs de la vie professionnelle ou de la vie politique, de nombreux pans de ces analyses étant transférables à l’étude de la féminisation de certaines professions, ou des difficultés de l’insertion des filles dans des filières traditionnellement masculines.
Plus qu’une reproduction des structures sociales dans le microcosme des milieux sportifs, il apparait que les pratiques sportives demeurent actuellement le lieu où les différences de genre sont les plus exacerbées (Davisse, et al., 1993). Le financement public des pratiques sportives n’est pas épargné par cette inégalité. Les subventions par personne pour la promotion de la pratique en club sont plus importantes pour les hommes (22,7 euros en moyenne) que pour les femmes (12,8 euros en moyenne) (HCE|fh, 2014). A l’école, la pratique des Activités Physiques, Sportives et Artistiques (APSA) n’est pas neutre et véhicule au contraire les attentes sociales en termes de modèles corporels et de rapport à l’activité en fonction du genre. L’éducation physique, à travers les pratiques de l’enseignant·e et des élèves, contribue à renforcer et à légitimer les inégalités de genre (Verscheure, et al., 2004).
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Table des matières
Introduction
1. Partie théorique
1.1. Les stéréotypes de genre : qu’est-ce-que c’est ?
1.1.1. Définir le genre en sociologie
1.1.2. Définir le stéréotype en sociologie
1.2. L’impact des stéréotypes de genre sur les élèves
1.3. Pourquoi faut-il déconstruire les stéréotypes de genre ?
1.4. Le cas de l’EPS
1.5. Et dans les programmes officiels ?
2. Observer et quantifier les stéréotypes de genre
2.1. Les constats comportementaux en classe
2.1.1. Les passes dans les sports collectifs
2.1.2. L’exclusion des zones de jeu et du matériel
2.2. Les représentations des élèves
2.2.1. Mesurer les représentations des élèves
2.2.2. Analyse des résultats
2.3. La réalité des performances sportives
3. Comment déconstruire ?
3.1. Faire adhérer les élèves à la démarche
3.1.1. Verbalisation du sentiment d’exclusion et ses conséquences
3.2. Déconstruire par le débat entre élèves
3.2.1. L’accès au sport en fonction du genre
3.2.2. La mixité dans le sport et les capacités sportives en fonction du genre
3.3. Déconstruire par la pratique de l’EPS
Conclusion
Bibliographie
Annexe 1 : Questionnaire sur les stéréotypes de genre en EPS
Résumé
Abstract
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