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Maladie du greffon contre l’hôte (GVH)
La maladie du greffon contre l’hôte (GVH) est une réaction des cellules immunocompétentes du donneur contre les tissus de l’hôte. C’est la complication la plus fréquente après une greffe de cellules souches hématopoïétiques avec une fréquence de 35 à 50 % pour la GVH aigue. La GVH chronique est une complication peu fréquente en pédiatrie : elle représente 10% des greffes pour les maladies malignes (car on tolère des donneurs alternatifs et un arrêt de l’immunosuppression plus précoce) et moins de 5% pour les maladies bénignes. C’est la deuxième cause de mortalité après la rechute. Avant 2005, une GVH digestive était considérée comme chronique si les symptômes apparaissaient après J100. La conférence de consensus du NIH a décidé de changer cette classification entre les GVH aigües et chroniques afin qu’elle soit fondée sur les manifestations cliniques et des critères histologiques. La GVH est prévenue par une prophylaxie systématique en post greffe par Ciclosporine (un inhibiteur de la calcineurine, une protéine phosphatase impliquée dans l’activation des lymphocytes T), associée ou non à un autre immunosuppresseur en fonction du type de greffe. L’indication de la greffe conditionne la dose et la durée de la prophylaxie de la GVH.
GVH aigüe
La GVH aigüe est liée à l’activation et l’emballement des lymphocytes T allo-réactifs matures présents dans le greffon. Ce phénomène peut être schématisé selon 3 phases :
– Une première phase trigger, à l’origine d’un environnement inflammatoire propice à l’activation des lymphocytes T ( LT) du donneur. Cet environnement est lié principalement au conditionnement et aux infections bactériennes.
– Une deuxième phase d’activation des LT allo-réactifs du donneur suite à une présentation de l’antigène par les cellules présentatrices d’antigène du receveur.
– Tout ceci génère des lésions tissulaires principalement au niveau du foie, de la peau et des tissus digestifs.
Dans l’intestin, la dysrégulation immunitaire observée dans la GVH aigu conduit à une destruction des cellules souches intestinales(en particulierles cellules Paneth et les cellules calciformes). De nombreuses données scientifiques, à la fois sur les modèles animaux et humains, montrent qu’un déséquilibre du microbiote intestinal a un rôle important dans le développement de la GVH aigüe du tractus digestif. Les régimes de conditionnement, les antibiotiques à large spectre, les immunosuppresseursetl’introduction de lymphocytes modifient profondément la composition du microbiote.
Le traitement de première ligne de la GVH aigüe est la corticothérapie systémique. 50 % des GVH sont cortico-résistantes et s’accompagnent d’une morbidité et d’une mortalité très importante. Plusieurs traitements de seconde lignepeuvent être proposés. Actuellement, le traitement de deuxième ligne standard chez l’adulte et l’enfant > 12 ans est le Ruxolitinib (Jakavi), qui a montré une supériorité dans un essai randomisé de phase 3 versus le bras standard of care. Les données sont moins solides en pédiatrie, où il n’y a pas d’étude randomisée. Dans cette population le Ruxolitinib a une place croissante, mais d’autres traitements peuvent également être proposés, notamment la Photophorèse extra-corporelle, les anticorps monoclonaux anti TNFou anti IL2. Deux traitements plus récents sont apparus et représentent un espoir au traitement de la GVH aigüe : il s’agit des cellules souches mésenchymateuses Bader 2019v et de la transplantation fécale Malard 202.
Le conditionnement pré-greffe provoque des lésions tissulaires et le relaargage de signaux de danger etde cytokines inflammmatoiresresponsables de l’activation des CPA du receveur (1). Ces dernières peuvent alors activerr leslymphocytes T allogéniques du greffon (2) et déclencher une cascade d’effecteurs cellulaires etinflammatoires menant à l’altération des tissus cibles (3).
GVH chronique
La GVH chronique est caractérisée par une fibrose, elle peut atteindre un ou plusieurs organes: musculosquelettique, cardiovascculaire, pulmonaire, gastro-intestinale, cutanée… La GVH chronique se présente en 3 phases : la pre mière est une inflammation précoce causée par une lésion tissulaire, suivie d’une inflammation chronnique, qui entrainent des lésions thymiques et une dysrégulation de l’immunité des lymphocytes B et T et aboutissant à une réparation tissulairee avec fibrose Zeiser.
La phase 1 est caractérisée par des lésions tissulaires. La translocation bactérienne et fungique conduisent à la libérationdemolécules associées aux pathogènes (PAPM).La lyse cellulaire (due à un conditionnement cytotoxique parla chimiothérapie ou la radiothérapie) entraîne la libération demolécules qui ne se trouventnormalement pas dans la matrice extra cellulaire [DAMPs] qui à leur tour entrainent l’activation des récepteurs purinergiques (P2X7, P2Y2), récepteur interleukine-33 TLR, NOD-R. Les lésions cellulaires et l’inflammation entrainent une perte de micro vaisseaux, une augmentation des taux plasmatiques de facteur Willebrand et la perte de lumière vasculaire des cellules endothéliales.
Au cours de la phase 2, les populations effectrices du système immunitaire, y compris les cellules B et T alloréactives sont amorcées par des cellules présentatrices d’antigènes, ce qui conduit àleur expansion et à une polarisation des lymphocytes T vers le type 1, le type 2,et 17 helper (Th1, Th2 et Th17). Les lymphocytes T CD4+ réactifs et alloréactifs produisent de l’interleukine-17A qui maintient l’inflammation. L’activation des cellules T auxiliaires folliculaires produit de l’interleukine 21, conduisant à la formation du centre germinalqui n’est pas contrebalancé par une régularisation folliculaire suffisante descellules T. Dans le même temps, les lymphocytes T alloréactifs provoquent des lésions thymiques et donc une perte de cellules épithéliales thymiques nécessaires à la génération de cellules T régulatrices et àla suppression de cellules T auto réactives. Le résultat est la perte de cellules régulatrices, y compris les cellules T réglementaires, les cellules B réglementaires, les cellules NK.
La 3eme phase est l’activation du fibroblaste par les macrophages. La sécrétion de TGF béta et PDGF alpha par des macrophages activés entrainant une activation et production excessive de matrice extra-cellulaire par les fibroblastes. La production d’immunoglobulines à commutation isotypique par différenciation des lymphocytes B (plasmocytes), alimentées par le facteur d’activation des lymphocytes B (FBA), se traduit par un dépôt d’immunoglobulines pathogènes. Il s’agit deformation de fibrose.
La GVHD chronique est rarement à l’origine d’une mortalité mais plutôt d’une morbidité et d’un handicap important. Le diagnostic de GVH se fait le plus souvent par la clinique et l’histologie. Néanmoins, dans l’étude Derlin 2015xi, l’entero-IRM serait un examen avec une sensibilité à 81,5% pour détecter les GVH digestives. Il permet de visualiser des épaississements des parois intestinales, des sténoses luminales, un rehaussement de la paroi murale et de l’ascite. Les segments digestifs le plus souvent atteints par la GVH sont le sigmoïde (63%), l’iléon (59,3%) et le jéjunum (51,9%).Il y aurait une corrélation entre le nombre de segment atteints et la gravité clinique. Cependant, la sensibilité est moindre pour les GVH de bas grade. Les GVH chroniques résistantes aux traitements de première ligne sont très fréquentes. En première intention, elles sont traitées habituellement avec des topiques (Entocort, corticoïde cutané, bain de bouche aux corticoïdes). Dans les formes extensives, les corticoïdesper os peuvent être proposés. Les inhibiteurs de la calcineurine sont les traitements principalement proposés dans les formes corticorésistantes. Les traitements de seconde ligne ont une efficacité faible (Cellcept, photophorèse extra corporelle, Anticorps anti TNF …).
Récemment, le Jakavi a montréé une supériorité par rapport aux standard of care, c’est-à-dire par rapport aux traitements habitueels.
Les sténooses digestives grèliques et coliques après transsplantation de cellules souches hématopoïétiques
Alors que les sténoses œsophagiennes survenant en post-T-CSH sont une maanifestation classique et pathognomonique de GVH chronique, les sténoses du grêle et du côlon sont peu décrites et semblent extrêmement rares apprès T-CSH. En dehors du contexte de la greffe de CSH, les sténoses digestives relèvent de différennts mécanismes : inflammatoires (maladie dee Crohn), infectieux (tuberculose notamment), néoplasiques (adénocarcinome du côlon, lymphome du grêle), post-radiothérapie (mécanisme princcipalement ischémique). Le mécanisme et la stratégie de prise en charge d’une sténose digestive basse après allogreffe de CSH restent à défiinir.Une revue de la littérature nous a permis d’ideentifier 5 publications rapportant 14 patientts, greffés pour des hémopathies malignes (10) ou non malignes (4), d’âge médian à la greffe de 177,5 ans (1,8-43). Tous les patients ont présenté une GVH digestive chronique. Le site de la sténose était majoritairement l’intestin grêle (14 patients) et plus particulièrement l’iléon (11 patients). Une majorité de patients avait une sténose multiétagéee. Les principaux symptômes étaient des doouleurs abdominales évocatrices de syndrome de Kooenig (14 patients) et des vomissements itérattifs (13 patients). En revanche, seuls 2 patients ont présenté un syndrome occlusif complet. Le diagnnostic a pu être posé par imagerie (Opacification digestive haute, TDM abdominale, IRM) chez 14 patiients, retrouvant une dilatation d’amont et une obsttruction du segment du grêle. L’étude anatomopathologique des biopsies ou pièces opératoires avait retrouvé un aspect de GVH chronique (présence de corps apoptotiques et fibrose de la muuqueuse et de la sous muqueuse) chez tous les paatients.
Dans l’article de Spencer and alxiii, les auteurs ont étudié les pièces opératoires ou biopsies de 13 patients décédés qui avaient eu des ulcérations digestives basses suite à une T-CSH. Sur ces patients, 5 avaient eu une sténose digestive basse avec des signes de GVH chronique retrouvés à l’histologie (corps apoptotiques). Nous avons étudié dans cette revue de la littérature, seulement les 5 patients de cette étude qui ont présenté des sténoses digestives (5/13).
Le traitement de ces sténoses n’est pas codifié. Parmi les patients rapportés dans la littérature, 5 ont eu un traitement médical en première ligne, principalement des immunosuppresseurs (corticoïdes, Infliximab, Ciclosporine, en monothérapie ou en association) sans amélioration clinique. Tous les patients ont finalement bénéficié d’une résection chirurgicale des segments sténosés. Cette approche a semblé bénéfique chez certains patients, permettant une disparition complète des signes digestifs chez 8 d’entre eux. Cependant sa morbidité semblait élevée: 7 patients ont présenté une complication post-opératoire (péritonite post opératoire, fistule entéro-cutanée, hémorragie digestive nécessitantune embolisation artérielle, autres non décrites)
Matériels et méthodes
Type d’étude et population
Nous avons contacté les 15 centres pédiatriques d’allogreffes Français par mail à partir d’une liste de diffusion du groupe pédiatrique de la SFGM TC qui inclue l’ensemble des cliniciens des hôpitaux compétents dans l’allogreffe de CSH en France. L’ensemble des centres nous a répondu dont 8 de manière positive : CHU de Rouen, hôpital Robert Debré à Paris, Nantes, Rennes, Grenoble, hôpital des enfants de Toulouse, centre Léon Bérard de Lyon et Hôpital Hautepierre de Strasbourg.
Il s’agit donc d’une étude multicentrique, rétrospective, observationnelle et descriptive dans les services d’hématologies pédiatriques Français. Nous avons recueilli les données en demandant les comptes rendus d’hospitalisations, de consultations, d’anatomopathologie des sténoses, des imageries au moment du diagnostic de sténose et de la dernière consultation disponible. Pour certains centres, il a été nécessaire de se déplacer afin d’avoir accès au dossier médical, lorsque tous les éléments du courrier n’étaient pas présents. Nous avons intégré dans ce recueil quatre patients qui ont déjà été étudiés dans une étude monocentrique de Robert Debré.
Critères d’inclusion
Les critères d’inclusion étaient :
– Patient prise en charge dans un centre Français d’allogreffe de la SFGM-TC
– Allogreffe de CSH avant 18 ans
– Sténose digestive basse après l’allogreffe de cellules souches (intestin grêle, colon, anus)
Recueil de données
Le recueil des données cliniques s’est effectué de façon rétrospective à partir des dossiers papier et sur logiciel informatique de chaque hôpital. Les données ont été recueillies dans un tableur Excel. Pour les caractéristiques des patients, la symptomatologie, l’imagerie et les autres informations recueillies, nous nous sommes basés sur les conclusions du dossier médical du patient, sans relecture centralisée des lames d’anatomopathologie et des examens radiologiques.
Pour chaque patient, ont été recueillies les données suivantes :
En ce qui concerne les caractéristiques du patient :
– Age du patient
– Date de naissance
– Sexe
– Type de pathologie En ce qui concerne la greffe :
– Age au moment de la greffe
– Date de la greffe
– Type de donneur
– Compatibilité HLA
– Source de cellules souches
– Statut CMV du donneur et du receveur
– Irradiation corporelle totale
– Prophylaxie anti GVH
– Sérothérapie
– Décontamination digestive En ce qui concerne la GVH :
– Délai d’apparition de la GVH aiguë par rapport à la greffe
– GVH digestive aiguë : grade de 0 à 4
– GVH chronique (digestive, cutanée, hépatique, oculaire, pulmonaire)
– NIH
– Traitement curatif de première intention : corticothérapie
– Cortico-résistance
– Traitement de 2eme ligne GVH aigüe/chronique
– Délai d’apparition de la sténose par rapport à la greffe
– Traitement au moment du diagnostic de sténose
– Symptômes
– Imageries
– Nombre et site des sténoses
– Traitement médical
– Traitement chirurgical : description de l’intervention
– Histologie des sténoses
– Histologie iléo-colique
– Complication post chirurgicale
– Récidive de sténoses digestives basses
– Arrêt, reprise ou majoration du traitement immunosuppresseur
– Délai de suivi des patients et survie
Analyses statistiques
Les variables qualitatives étaient décrites par leur effectif (pourcentage). Les variables quantitatives étaient décrites par leur moyenne (écart-type) si elles suivaient une distribution normale et par leur médiane (quartil 1 – quartil 3) dans le cas contraire. Une courbe de survie a été réalisée à partir des dates de décès et du diagnostic de sténose digestive.
Traitements des sténoses
Traitements médicamenteux
6 patients n’ont pas été opérés ou dilatés d’emblée. Parmi eux, 3 recevaient déjà un traitement par anti-TNF Infliximab n=2 ou Etanercept n=1 qui a été poursuivi. Chez l’un des deux, du Budésonide (Entocort) a été associé. Un autre patient a été mis sous anti-TNF (Adalimumab) et antibiothérapie par Métronidazole et Ciprofloxacine. Un cinquième, déjà traité par Azathioprine, Ciclosporine et corticoides per os, a été mis sous anti-TNF (Infliximab), puis successivement sous Sirolimus et cellules souches mésenchymateuses. Le sixième patient, déjà sous corticothérapie, Ciclosporine et Photophérèse extra-corporelle n’a pas eu de modification de ce traitement immunosuppresseur, mais a été mis sous antibiothérapie. Parmi ces patients, aucune efficacité objective du traitement médical n’a été notée. Chez le cinquième patient ci-dessus, une amélioration de la symptomatologie clinique a été notée de façon transitoire mais a ensuite évolué vers un syndrome occlusif.
Parmi ces 6 patients, 4 ont ensuite bénéficié d’un traitement de seconde ligne : 1 dilatation endoscopique et 3 chirurgies de résection de sténose. Les 2 autres patients, en situation palliative ont été récusés devant des risques opératoires jugés excessifs.
Dilatation endoscopique
Un seul patient a bénéficié d’une dilatation endoscopique d’une sténose bifocale (canal anal et colon sigmoïde) 120 jours après la mise sous Adalimumab et antibiothérapie. Le patient a été laissé sous Adalimumab en post-intervention L’évolution post interventionnelle a été favorable avec une régression des signes cliniques. Une récidive de la sténose sigmoïdienne a nécessité une nouvelle dilatation endoscopique, sans nouvelle récidive, après laquelle l’Adalimumab a été interrompu.
Traitement chirurgical
Dix patients ont bénéficié d’une résection du grêle, dont sept en première intention. Le délai médian entre le diagnostic de sténose et la chirurgie était de 33 jours (7-300), et le délai entre le traitement médicamenteux et la chirurgie ou l’endoscopie était de 80 jours (32-300). Le compte rendu opératoire était disponible pour 9 patients. L’information concernant la longueur de grêle réséquée n’était disponible que chez 5 patients. Elle était comprise entre 10 et 20 cm. Un patient a eu une stricturoplastie en plus de la résection. Sept patients ont pu avoir un rétablissement de continuité par anastomose iléo-iléale ou iléo-colique en un temps. Un patient a bénéficié d’une résection de sténose avec une mise en iléostomie de décharge en canon de fusil puis remise en continuité dans un deuxième temps. Un autre patient a eu une résection de sténoses étagées du grêle avec anastomose gastro-jéjunales avec anses en oméga, jéjunostomie et colostomie. Ce patient n’a pas eu de remise en continuité par la suite.
La tolérance de la chirurgie a été globalement bonne sur le court et le long terme. 70% des patients opérés n’ont pas présenté de complication aigüe ou à long terme de la chirurgie. Les suites post-opératoires précoces ont été marquées par une péritonite à J5 compliquée de choc septique chez un patient. Aucune autre complication aigüe n’a été rapportée. Sur le long terme, un patient a présenté un syndrome de grêle court, mais nous n’avons pas eu accès à des données plus précises concernant son évolution. Un autre patient a présenté une occlusion sur bride 12 mois après la chirurgie.
Evolution
Parmi les patients opérrés en première ou en deuxième intention, auucune récidive de la sténose n’a été objectivée. Les douleurs abdominales et les vomissements se sont amendés chez tous ces patients. Tous les patie nts ont bénéficié d’un support nutritionnel entééral ou parentéral en post-opératoire. Sur le long couurs, quatre patients ont présenté des troubles peersistants de l’oralité, dont deux seulement ont bénéficié d’une prise en charge orthophonique. Un patient a nécessité le maintien d’un support nutritio nnel sur gastrostomie devant des vomissemennts persistants. Neuf patients ont pu arrêter leurs traitements immunosuppresseurs après chirurgie dee la sténose.
Survie
Tous les patients ont été suivis après la greffe mais un patient a été perdu de vue, 4 ans après le diagnostic de la sténose digesstive, il était en rémission de sa pathologie sanss récidive de sténose digestive. Le délai médian de suivi par rapport à la greffe est de 7 ans (2-12). Aux dernières nouvelles, 4 patients sont décédés dont 2 de complications infectieuses et respiratoires et 2 d’une rechute ou d’une progression de leur maladie maligne. Le délai médian de décès par rappport au diagnostic de sténose était de 1 an (0,5- 2). Lee délai médian de décès par rapport à la greffe était de 1,5 ans (1-4). Le taux de survie globale à 36 moois par rapport au diagnostic de sténose était de 0,73.
Discussion
La sténose digestive est un évènement peu décrit et probablement rare après allogreffe de CSH. La série que nous rapportons ici est à notre connaissance la plus large rapportée à ce jour. Les données recueillies indiquent un lien entre GVH digestive sévère, encore active ou en rémission, et sténose digestive. Elles montrent la difficulté potentielle du diagnostic de cette complication. Elles suggèrent enfin l’inefficacité des traitements immunosuppresseurs et la place prépondérante de la chirurgie dans la prise en charge de ces sténoses.
Comme indiqué plus haut, le nombre de publications rapportant spécifiquement des sténoses digestives chez les patients greffés est limité. Ceci est possiblement lié à une très faible incidence de cette complication, comme le suggèrent également nos résultats. En effet, en ayant contacté 15 centres de greffes pédiatriques, nous n’avons pu identifier que 13 patients, étalés sur une période de 12 ans. Cependant la véritable prévalence de cette complication est inconnue. Il n’y a pas à ce jour de publication rapportant la réalisation systématique d’imageries avec opacification digestive (entéro-TDM/entéro-IRM/transit du grêle) chez des patients allogreffés, quel que soit leur statut digestif. En revanche, Derlin et al, 2015xix ont réalisé des entéroIRM systématiques et des biopsies multi-étagées à 41 patients adultes adressés pour suspicion de GVH digestive, aigue ou chronique, de différents stades. Parmi ces patients, seuls 27 ont eu une confirmation histologique de GVH. Les autres présentaient finalement des entérites/colites d’autres origines (CMV ou toxicité du mycophénolate mofétil principalement). La prévalence de sténose digestive (définie comme un rétrécissement de plus de 50% du diamètre de la lumière intestinale) dans cette population était élevée : 81.4% parmi les patients atteints de GVH digestive, 64.4% dans le groupe sans GVH. En revanche une dilatation d’amont (signe du caractère serré de la sténose) était présente chez seulement 3 patients (6 patients sur 13 dans notre série). Ces données suggèrent que la sténose digestive est une complication probablement sous-diagnostiquée chez les patients atteints de GVH digestive. Ces résultats mériteraient d’être confirmés. Il est possible d’émettre l’hypothèse que la majorité des sténoses liées à une atteinte inflammatoire de l’intestin s’améliore voire régresse en cas de réponse au traitement médical de la GVH.
Dans notre étude, le délai d’apparition de sténose en post greffe est important et plus long que dans l’étude de Derfin 2015xx, où la médiane de diagnostic de sténose par rapport à la greffe est de 160 +/- 195 jours (14-990) chez ces patients auxantécédents de GVH aigüe stade IV et de GVH chronique extensive. L’absence de GVH active à distance de la sténose plaide pour le caractère peu inflammatoire et plutôt séquellaire de ces sténoses.
Le lien avec la GVH aigüe ou chronique est très probable dans ces sténoses digestives. Comme dans les précédentes publications, tous nos patients avaient présenté une GVH aigüe sévère et/ou chronique extensive. Dans notre série, il semble exister un lien entre la survenue d’une sténose et la sévérité de la GVH aigüe/chronique. La physiopathologie de ce phénomène sténosant n’a pas été spécifiquement étudiée dans la GVH chronique. Dans la maladie de Crohn, l’évolution vers la fibrose des sténoses inflammatoires est bien décrite. La GVH chronique est également un phénomène fibrosant, la fibrose étant une conséquence non spécifique de l’inflammation chronique mais également secondaire à une sécrétion de TGF béta et PDGF alpha par des macrophages activés entrainant une activation et production excessive de matrice extra-cellulaire par les fibroblastes (cf figure 3).
La médiane de diagnostic de la sténose par rapport à la greffe est de 420 jours (154-2645). Ce délai important par rapport à la greffe est cohérent avec le caractère fibreux retrouvé chez la plupart des patients. Il est peut être également lié à un retard du diagnostic dû au caractère peu spécifique des symptômes digestifs.
Les symptômes faisant découvrir la sténose sont principalement des douleurs abdominales isolées ou associées à d’autres symptômes digestifs (vomissements, intolérance alimentaire), survenant chez des patients traités pour une GVH digestive, dont ils peuvent également être une manifestation. Le caractère rétrospectif des données rend difficile une analyse sémiologique précise des douleurs abdominales et notamment l’identification de syndromes de Koenig caractérisés. En revanche un syndrome occlusif vrai est rare du fait de l’absence du caractère complet des sténoses. Ceci peut expliquer en partie le délai long entre l’apparition des symptômes et le diagnostic chez certains patients. Quatre patients (31%) ont également présenté un sepsis secondaire à une translocation bactérienne à point de départ intestinal. La sténose est un élément favorisant cette complication car elle prédispose à une pullulation microbienne du fait des troubles de la motricité intestinale qu’elle engendre Seddik 2020xxi et Potruch 2022xxii.
Le diagnostic de sténose digestive peut être difficile. Pour les sténoses coliques, la coloscopie est l’examen de référence. Pour les sténoses du grêle, il n’y a pas de recommandation spécifique concernant la stratégie diagnostique après greffe de CSH. En revanche, hors allogreffe, et notamment dans la maladie de Crohn, l’entéro-TDM et l’entéro-IRM, non irradiantes, ont d’excellentes sensibilités (85% vs 92%) et spécificités (100% vs 90%) pour le diagnostic des sténoses du grêle Rieder 2016xxiii.De plus, l’IRM a l’avantage de permettre une visualisation plus précise de l’intestin (œdème, épaississement pariétal, ulcérations muqueuses…). Cet examen est donc recommandé en première intention pour le diagnostic de sténose du grêle. En revanche il impose l’ingestion d’un volume élevé de produit de contraste, et peut donc être de réalisation difficile chez certains patients. Dans notre série, six patients ont bénéficié d’une entéro-IRM/TDM, permettant systématiquement d’identifier la sténose.La TDM abdominale injectée a permis d’identifier un obstacle digestif par l’existence d’une dilatation d’amont chez 5 patients. En revanche, elle n’a pas permis de visualiser spécifiquement la sténose et surtout, elle était faussement négative chez 2 patients. L’échographie abdominale et le TOGD n’avaient pas diagnostiqué de sténose dans notre série. Il est possible que l’échographie n’ait pas diagnostiqué les sténoses du fait de l’absence de dilatation intestinale ou de son caractère intermittent. Nos données soutiennent donc la réalisation, dès que ceci est possible, d’une entéroIRM ou d’une entéroTDM lorsqu’une sténose du grêle est suspectée chez un patient allogreffé. En l’absence de faisabilité de ces explorations, un scanner injecté peut être utile mais il peut être faussement négatif. Les performances de l’échographie abdominale semblent insuffisantes.
La stratégie de traitement des sténoses digestives en contexte de GVH n’est pas codifiée. Hors allogreffe de moelle, et notamment dans la maladie de Crohn sténosante, dont la physiopathologie n’est probablement pas superposable à celle de la GVH, des recommandations ont été établies et mises à jour en 2021. L’étude de cohorte CREOLExxiv menée par le GTAID, apermis de mettre en place un score simple entre 0-7 points à partir de facteurs prédictifs pour le traitement des sténoses par anti TNF. Si le score est inférieur à 3, la probabilité d’un bénéfice des anti TNF est très faible, si il est>à 3, la probabilité est bonne et si égal 3 elle est plutôt moyenne. Les facteurs prédictifs comprenaient : les traitements immunosuppresseurs, des symptômes digestifs présents depuis moins de 5 semaines, un CDOS > 4, un rehaussement tardif en T1, une absence de fistule, un diamètre maximal du grêle en amont de la sténose entre 18 et 29 mm, une longueur de la sténose < 12 cm. Chaque item représentait un point. D’autres critères de choix devaient être pris en compte : en cas de score > 3 ou de sténoses longues et multifocales, le traitement médical devait être tenté en première intention. En revanche, une sténose unique < 40 cm ou un score < 3 étaient des arguments pour effectuer un traitement chirurgical. Dans la maladie de Crohn, le traitement est choisi en fonction du type de sténose et de sa taille. Si la sténose est asymptomatique, il est inutile de la traiter. Si elle est symptomatique, on évalue son caractère inflammatoire avec une imagerie digestive. Si à l’imagerie il y a des signes d’inflammation active, il faudra commencer par du Budésonide pour agir localement sur la sténose digestive ou par des corticoïdes intraveineux en casd’échec de celui-ci. En cas d’inefficacité de ces traitements, on ajoutera des anti-TNF ou un traitement chirurgical pourra être proposé. S’il n’y a pas de signe d’inflammation à l’imagerie, le traitement dépendra de la taille de la sténose : une sténose supérieure à 5 cm nécessitera une résection chirurgicale tandis qu’une sténose est inférieure à 5 cm sera traitée en première intention par une dilatation endoscopique avec ballonnet. Ce dernier semble être le traitement de choix pour la sténose du côlon Amiot 2021xxv.
Parmi les 13 patients étudiés, aucun des 6 patients ayant reçu un traitement médicamenteux (corticoïdes, anti TNF, immunosuppresseurs, antibiotiques) n’a été amélioré par ce traitement.En revanche chez tous les patients opérés, les symptômes digestifs se sont amendés (de façon retardée chez l’un des patients), sans récidive aux dernières nouvelles. Un patient a bénéficié d’une dilatation efficace d’une sténose anale et sigmoïde mais a eu une récidive de la sténose sigmoïde, qui a été dilatée une seconde fois avec succès.
L’échec du traitement médical est possiblement lié au caractère tardif et peu inflammatoire de la majorité des patients. Par ailleurs, le délai entre l’instauration du traitement médicamenteux et la chirurgie a été relativement court chez la plupart des patients. Ceci était probablement motivé par une symptomatologie marquée, mais ce délai est habituellement trop court pour évaluer l’efficacité d’une intervention thérapeutique face à une GVH chronique.Classiquement pour la GVH chronique, l’évaluation de l’efficacité thérapeutique doit se faire au bout de 2-3 mois de traitement. L’évaluation de la réponse aux traitements médicaux est difficile devant le mode rétrospectif de recueil de données. Néanmoins, parmi les deux patients qui n’ont pas été opérés, l’évaluation à 1 mois et 3 mois du début du traitement médical montre chez une patiente la persistance de douleurs abdominales et chez une deuxième patiente, une amélioration temporaire des douleurs abdominales à 1 mois mais une récidive des vomissements et douleurs abdominales à 3 mois. On ne peut donc rigoureusement affirmer qu’une partie au moins de ces patients ne se seraient améliorés après une durée plus importante de traitement médicamenteux. Par ailleurs, aucun des patients de notre série n’a reçu de Ruxolitinib, qui est actuellement le traitement de référence des GVH chroniques corticorésistantes. Cependant, malgré de nombreux traitements disponibles, la GVH chronique est fréquemment réfractaire à la corticothérapie systémique et aux traitements immunosuppresseurs. Une autre stratégie pourrait être de réserver le traitement immunosuppresseur aux sténoses « inflammatoires ». L’examen histologique des pièces opératoires a montré que certaines sténoses comportaient uniquement du tissu cicatriciel, tandis que d’autres étaient le siège d’une GVH encore active. La majorité des sténoses ayant une histologie mixte, active et cicatricielle. Probablement s’agit-il d’une évolution de l’inflammation vers la fibrose. Il est hautement probable que le traitement immunosuppresseur soit inefficace sur le tissu cicatriciel. La distinction ne pourrait être faite que pour les sites accessibles à une biopsie Amiot 2021xxvi. En conclusion, bien que le traitement par immunosuppresseurs semble peu efficace dans cette situation, il ne nous est pas possible d’affirmer qu’un traitement plus prolongé et associant éventuellement du Ruxolitinib pourrait être efficace. D’autre part, le délai post-greffe du diagnostic de la sténose chez nos patients était important. Il est possible qu’un diagnostic plus précoce ait permis d’augmenter les chances de succès du traitement immunosuppresseur.
La chirurgie en revanche a été particulièrement efficace chez nos patients et ce avec une faible morbidité malgré les nombreuses comorbidités présentes chez eux. La chirurgie des sténoses post GVH est très peu rapportée. Spencer et alxxvii, ont décrit en 1986 un taux de mortalité post-opératoire de 35.7% (5 patients décédés de complications post-opératoire sur 14 patients opérés pour une sténose digestive). Cependant l’allogreffe a connu de nombreux progrès depuis cette époque. La faible morbidité observée chez nos patients est possiblement liée en partie à l’important délai post-greffe et à l’absence chez la plupart d’une GVH active au moment de la chirurgie. Nos données démontrent la faisabilité d’un traitement chirurgical des sténoses dans cette population. Un patient a présenté un syndrome de grêle court post-opératoire. Cette complication impose, comme dans les autres pathologies sténosantes, d’évaluer l’impact d’une exérèse étendue, et de discuter si possible d’une stricturoplastie ou d’une dilatation endoscopique si celle-ci est réalisable. Sur le plan nutritionnel, en post opératoire, la plupart de nos patients nécessitent un support nutritionnel prolongé, probablement dû à une dénutrition chronique, une inadéquation des dépenses et des besoins et des troubles de l’oralité et doivent avoir une prise en charge multidisciplinaire. L’orthophonie et la rééducation digestive sont primordiales, le suivi par des spécialistes au long cours est fortement recommandé.
Sur le plan médicamenteux, dans notre étude, après le traitement chirurgical ou endoscopique d’une ou des sténoses digestives basses, 75% des patients ont pu arrêter totalement les immunosuppresseurs ou n’ont pas eu de nécessité de reprise de ces traitements. Il est possible qu’on puisse arrêter les traitements immunosuppresseurs en post opératoire car les douleurs abdominales et autres symptômes digestifs étaient probablement liés à une distension abdominale due à la sténose. Une fois l’obstacle retiré, le péristaltisme du grêle a pu fonctionner normalement et les douleurs abdominales ont disparu. Par conséquent, le traitement immunosuppresseur devient caduc.
Limites de l’étude
Nous avons effectué une étude multicentrique, rétrospective et descriptive pour décrire à l’échelle nationale, les circonstances de découverte, les moyens diagnostiques, la prise en charge et le devenir des sténoses digestives diagnostiquées dans les suites d’une allogreffe de CSH chez des patients suivis dans 8 centres pédiatriques Français.
Données manquantes
Un seul dossier de patient n’a pas été retrouvé et par conséquent il manque quelques données sur l’évolution du patient après le traitement de la sténose
Biais de classement
Le grade de la GVH digestive était le plus souvent spécifié dans chaque dossier. Cependant, la différenciation entre la GVH digestive aigüe prolongée et la GVH digestive chronique était difficile et pas toujours écrite dans les dossiers. Nous avons considéré que les GVH digestives qui duraient plus de 3 mois ou qui apparaissaient à 3 mois de la greffe étaient des GVH chroniques.
Biais de sélection
Nous avons recueilli les patients allogreffés, qui avaient moins de 18 ans au moment de leur greffe et qui ont présenté une sténose digestive basse au décours. Le recueil s’est fait sur place au CHU de Rouen, au CHU de Lyon, et hôpital Robert Debré à Paris. Pour les autres centres, les informations ont été envoyées par mail par le médecin référent du patient et traitées ensuite sur un tableau Excel. Malheureusement, Il est possible que certaines sténoses n’aient pas été diagnostiquées.
Puissance
Le faible nombre de patient de notre recueil entraine un manque de puissance de l’étude, dû au recrutement de patients qui est faible. Les sténoses digestives basses après les allogreffes sont très rares. Nous n’avons pas pu effectuer d’analyse multivariée et nous n’avons pas pu éliminer de probables facteurs confondants au sein de nos analyses.
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Table des matières
I. Introduction
A. Généralités sur la greffe de cellules souches hématopoïétiques
B. Maladie du greffon contre l’hôte (GVH)
1. GVH aigüe
2. GVH chronique
C. Les sténoses digestives grèliques et coliques après transplantation de cellules souches hématopoïétiques
II. Matériels et méthodes
A. Type d’étude et population
B. Critères d’inclusion
C. Recueil de données
D. Analyses statistiques
III. Résultats
A. Caractéristiques des patients
B. Manifestations cliniques des sténoses digestives.
C. Diagnostic de sténose
D. Traitements des sténoses
1. Traitements médicamenteux
2. Dilatation endoscopique
3. Traitement chirurgical
E. Evolution
F. Survie
IV. Discussion
A. Limites de l’étude
1. Données manquantes
2. Biais de classement
3. Biais de sélection
4. Puissance
B. Forces de l’étude
V. Conclusion et perspectives
VI. Bibliographie
VII. Liste des abréviations
VIII. Annexes
IX. Résumé
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