La polysémie
Qu’est-ce que la polysémie ?
Dans la partie précédente, nous avons abordé le problème de la polysémie, mais nous n’avons pas explicitement défini cette notion. Il pourrait être intéressant de le faire maintenant, afin de savoir clairement à quoi l’on a affaire lorsque l’on parle de polysémie. « On définit généralement la polysémie comme la propriété, pour une unité linguistique, de posséder plusieurs sens, différents mais apparentés. » . Un mot polysémique est donc un mot qui possède plusieurs sens, et ces sens, bien que différents, entretiennent un certain lien de parenté.
« La polysémie s’oppose donc d’un côté à la monosémie, de l’autre à l’homonymie. »
. En effet :
– on parle de « monosémie » lorsqu’un mot ne possède qu’un seul sens ; ainsi, la polysémie s’oppose à l’homonymie dans la mesure où un mot polysémique possède plusieurs sens alors qu’un mot monosémique n’en possède qu’un ;
– on parle d’ « homonymie » lorsque l’on a affaire à des mots différents, qui, bien qu’ils se prononcent de la même manière, ont des sens qui sont différents et qui n’entretiennent aucun lien de parenté ; la polysémie s’oppose donc à l’homonymie dans la mesure où la polysémie concerne un seul mot, qui possède plusieurs sens « différents mais apparentés », alors que l’homonymie est une relation entreplusieurs mots possédant chacun leur sens, sens n’entretenant aucun lien de parenté.
Les différents types de polysémie
Il est possible de distinguer différents « types » de polysémie selon les domaines desquels sont issus les différents sens du mot (domaine scientifique, vie courante, etc.) :
Elle [la polysémie] peut, pour un mot donné, désigner le fait :
– d’avoir plusieurs sens courants (ex : pour glace : eau gelée, miroir, dessert glacé) ;
– d’avoir un ou plusieurs sens courants et un ou plusieurs sens qu’on pourrait qualifier de plus techniques (ex, des mots utilisés en mathématiques : opération, solide, ranger, droite, sommet, volume…)
– d’avoir plusieurs sens techniques (ex : le mot nombre qui a un sens en mathématiques et un sens en grammaire).
Si l’on s’intéresse à la polysémie des mots utilisés en géométrie, nous nous situons donc dans le deuxième ou le troisième type de polysémie. Nous choisissons de nous intéresser plus particulièrement au deuxième type, c’est-à-dire aux mots ayant à la fois un sens courant et un sens géométrique.
La polysémie en géométrie
Bertrand Hauchecorne nous informe qu’en mathématiques, « les procédés de créations de mots sont divers » . Parmi ces procédés, « l’emprunt au langage courant est sans doute le plus ancien ». Et si les mathématiciens choisissent
d’emprunter tel mot au langage courant, c’est parce que ce mot a une certaine capacité à rendre compte du concept mathématique dont il est question :
Le choix d’une appellation n’est pas toujours aussi anodin qu’il y paraît. Les mots utilisés pour rendre compte d’un concept sont souvent lourdement connotés. […]. […] il n’y a pas d’un côté le langage et de l’autre la mathématique. L’un et l’autre vivent en interaction et s’influencent mutuellement. L’étud e du vocabulaire mathématique donne des indications sur l’intuition de celui qui nomme une notion.
La création de vocabulaire nouveau, le passage d’un mot de la langue courante dans le domaine des mathématiques laisse des indices sur les raisons qui, à chaque époque, ont régi les rapports entre la société et les mathématiciens.
C’est cet emprunt au langage courant qui explique la polysémie du vocabulaire utilisé en géométrie.
Les difficultés posées par la polysémie des mots de la géométrie
La notion de « représentation sémantique erronée »
A cause de la connaissance du sens courant d’un mot polysémique, les élèves risquent d’être dirigés vers une certaine conception, malheureusement erronée, de ce à quoi renvoie ce terme en géométrie. Ainsi, les élèves vont être comme « induits en erreur », le sens habituel les menant dans une fausse direction : « Les mots utilisés pour rendre compte d’un concept sont souvent lourdement connotés. Ceci amène parfois une inadéquation entre l’intuition du concept, induite par les mots, et le concept lui-même. ».
Mais, bien sûr, il est important de signaler que le mot n’est jamais introduit avant le concept ; cela n’aurait pas de sens que de poser un mot sur un objet que les élèves n’ont pas étudié au préalable : « la mise en place d’un vocabulaire précis […] ne remplace pas la construction du concept. Ce vocabulaire n’a de sens que lorsque le concept est en construction et a déjà été utilisé implicitement par les élèves.
Ainsi, le mot ne peut pas empêcher la bonne construction du concept, puisque le concept est normalement construit (ou en partie construit) avant que l’on pose un mot dessus. Le problème qu’il peut y avoir, c’est qu’au moment où l’on va introduire le mot, les élèves ne comprendront pas forcément ce mot comme il faut (c’est -à-dire dans son sens mathématique), et ce à cause du sens courant de ce mot. Les élèves risquent en effet d’associer à ce mot un autre concept que celui qui aura été construit, parce que le sens courant les dirigera vers cet autre concept. Les élèves auront ainsi une fausse idée de ce à quoi renvoie le mot, ils auront une conception erronée du sens que prend le mot en géométrie (mais, bien sûr, cela ne concerne pas nécessairement tous les élèves, il ne faut pas généraliser). Nous nous situons donc véritablement sur la question de la compréhension du mot (quel concept désigne-t-il).
Le mot ne vient donc pas forcément remettre en cause le concept qui a été construit. C’est simplement qu’il est possible que les élèves ne comprennent pas correctement le mot, c’est-à-dire qu’ils n’associent pas le bon concept au mot.
Ainsi, lorsque je parle ici (et ceci sera valable pour la suite) de « conception erronée », je ne veux pas dire que les élèves ont une conception erronée du concept lui-même, mais plutôt qu’ils ont une conception erronée du sens que prend le mot en géométrie. On peut alors plus précisément parler de « représentation sémantique erronée » : la représentation que l’élève se fait du sens du terme géométrique est erronée.
Cependant, rappelons tout de même que si le mot désignant un concept n’est pas maîtrisé, alors nous ne pouvons pas dire que le concept soit totalement maîtrisé.
En effet, dans la partie 1. Concept et mot, nous avions vu que pour maîtriser totalement un concept, il était notamment nécessaire de maîtriser le mot qui le désigne.
L’exemple du mot « sommet »
Quelles peuvent être les conceptions erronées du sommet ? Que disent les programmes concernant ce terme géométrique ? C’est ce que nous allons maintenant étudier. Mais précisons tout d’abord que nous nous plaçons dans le domaine de la géométrie plane. Ainsi, c’est aux sommets de figures planes que nous nous intéressons, et non aux sommets de solides (et oui, « sommet » possède plusieurs sens géométriques !). Nous nous plaçons plus précisément dans le cas du triangle.
Les conceptions erronées du sommet
Quelle conception du sommet du triangle le sens courant du mot « sommet » va-t-il alors pouvoir engendrer ? Dans la vie courante, un « sommet » désigne la « partie la plus élevée de quelque chose » . Et cette partie étant souvent résumée à un point, le sommet correspond alors souvent à la partie la plus pointue de l’objet : pensons au sommet d’une montagne, au sommet de la Tour Eiffel, … Attention, ce n’est cependant pas toujours le cas : nous pouvons par exemple parler du « sommet de la Tour Montparnasse », mais ce sommet n’est pas pour autant pointu (la Tour Montparnasse n’est en effet pas vraiment pointue… ; le sommet désigne ici la partie la plus haute de la tour, mais cette partie ne se résume pas à un seul point). Mais, d’une manière générale, lorsque l’on pense « sommet », on pense « pointu ». Ainsi, comme nous l’avions vu précédemment, le sommet évoque quelque chose qui est « à la fois « pointu » et « en haut » » . Les élèves risquent alors d’imaginer que le triangle n’a qu’un seul sommet : ce sommet serait la « pointe » située en haut du triangle. Cela serait leur conception du sommet d’un triangle.
Comme nous l’avions indiqué dans la partie 4.1. La notion de « représentation sémantique erronée », la difficulté se situe véritablement au niveau du mot et non au niveau du concept lui-même. En effet, les élèves perçoivent en général très bien les « pointes » du triangle. C’est-à-dire qu’ils ont généralement conscience des sommets, mais ils ne savent pas qu’on les appelle « sommets ». Pour eux, le mot « sommet » désigne autre chose, il désigne une de ces pointes en particulier (mais cela ne concerne pas forcément tous les élèves bien sûr).
En fait, nous pouvons dire que, d’un côté, il y a le concept de sommet, de « pointe », qui lui est généralement compris par les élèves ; mais de l’autre, il y a le mot « sommet », qui lui n’est pas toujours bien compris par les élèves : derrière lemot « sommet », ils ne mettent pas toujours le concept de sommet, mais un autre concept.
Ainsi, comme nous l’avions vu, certains élèves peuvent avoir une conception erronée du sens que prend le mot « sommet » en géométrie : ils peuvent avoir une « représentation sémantique erronée » du terme géométrique « sommet ». Nous sommes bien sur la question de la compréhension du mot.
Méthodologie
Pour tester cette hypothèse, j’ai réalisé une expérimentation, que je vais décrire ci-dessous.
Population
Contexte
J’ai mené cette expérimentation dans une classe de CM1, dans une école située en Education Prioritaire (ceci ne relève pas particulièrement d’un choix, mais plutôt du hasard). Le fait que la classe soit de niveau CM1 ne relève pas non plus particulièrement d’un choix. L’important était que je puisse assister à une séquence portant sur les triangles, afin que l’on soit amené à parler de sommet et que je puisse ainsi travailler sur les conceptions des élèves concernant le sommet (dans le cas du triangle). Pour que je puisse recueillir leurs conceptions, il était également nécessaire que les élèves aient déjà étudié le concept de sommet, ce qui était le cas avec des élèves de CM1 puisque le sommet est abordé au CE2, si ce n’est avant.
L’enseignante qui m’a accueillie a en l’occurrence mené une séquence portant sur les triangles particuliers. Cette enseignante a accepté qu’en début de séquence, je réalise une évaluation diagnostique concernant le sommet (tout cela sera développé par la suite). Voyant que ce n’était pas maîtrisé par tous et qu’il y avait notamment des « problèmes » de polysémie chez certains élèves, elle est revenue sur la notion de sommet avec ses élèves, notamment en menant des activités sur les différents sens du mot, conformément à mon hypothèse (le déroulement de la séquence sera lui aussi développé plus loin). C’est donc l’enseignante qui a gardé la gestion de sa classe et du contenu des séances. Mais nous avons pu discuter ensemble du contenu lorsque cela concernait la notion de sommet, de façon à ce que ce contenu soit conforme à mon hypothèse.
Nombre de participants
Cette classe de CM1 comportait dix-neuf élèves. Je me suis plus particulièrement penchée sur le cas des élèves chez qui, après évaluation diagnostique, j’avais « décelé » une conception erronée du sommet due à la polysémie. Ces élèves étaient au nombre de cinq. Le mot n’était pour autant pas forcément maîtrisé par tous les autres élèves, mais leurs erreurs ne relevaient pas d’un problème de polysémie, je n’ai donc pas particulièrement étudié leur cas.
Age des participants
Au moment de l’expérimentation, la moyenne d’âge de la classe était d’environ 9 ans et 8 mois. Les élèves étaient tous « à l’heure » dans leur scolarité (pas de redoublement).
Temporalité
J’ai suivi une séquence de six séances, réparties sur six semaines. Pour cela, je me suis rendue dans la classe six jeudis matin (le temps de la séance de géométrie) : les jeudis 12/01, 19/01, 26/01, 02/02, 09/02 et 23/02/12 (exceptionnellement, ce dernier jour, je m’y suis également rendue l’après -midi, de sorte à pouvoir réaliser une évaluation sommative).
Déroulement de l’expérimentation et recueil de données
Mon expérimentation s’est déroulée en plusieurs étapes, au cours desquelles j’ai recueilli différents types de données. Voici le détail de cette expérimentation :
Etape 1 : évaluation diagnostique et entretiens
J’ai commencé par réaliser une évaluation diagnostique, afin de « repérer » les élèves ayant une conception erronée du sommet due à la polysémie. J’ai réalisé cette évaluation au moyen d’exercices écrits distribués aux élèves (ceci sera détaillé plus loin).
Suite à cela, j’ai mené de petits entretiens avec ces élèves, afin d’essayer de mieux comprendre les réponses qu’ils avaient données et leur conception du sommet (je remercie d’ailleurs l’enseignante de m’avoir suggéré de faire ces entretiens, car je n’avais pas eu cette idée). Je les ai questionnés et ai pris des notes sur ce qu’ils me disaient, en essayant de retranscrire le plus fidèlement possible leurs paroles (ne pouvant pas effectuer d’enregistrement de ces entretiens). Ces entretiens étaient individuels (mais au sein de la classe).
Résultats, interprétation, discussion
Dans cette partie :
– je présenterai et analyserai les résultats de l’évaluation diagnostique et des entretiens qui l’ont suivie ;
– je reviendrai dans le détail sur la séquence menée par l’enseignante (ce qui s’est fait durant cette séquence, ce qui s’est dit, etc.) ;
– je présenterai et analyserai les résultats de l’évaluation finale et des entretiens qui l’ont suivie ;
– je terminerai par une discussion dans laquelle je reviendrai sur ces résultats, mon hypothèse et ma problématique.
Evaluation diagnostique et entretiens
Je vais me pencher sur l’analyse des évaluations diagnostiques des cinq élèves témoignant d’une conception erronée du sommet due à la polysémie. Afin de respecter leur anonymat, je nommerai ces élèves par des lettres : J., K., N., S. et T.
Exercice 1
Productions de J., S., et T
Ces trois élèves ayant indiqué les mêmes sommets, je vais traiter leurs cas simultanément (note : ces trois élèves n’étant pas côte à côte, il n’a pas pu y avoir de phénomène de copie). Voici pour exemple la production de J. :
Entretien avec T
Pour le triangle 1, voici ce que m’a expliqué T. : « il y a deux grands traits ici [T. me montre à ce moment les deux côtés obliques du triangle] et j’ai mis la pointe la plus haute ». L’idée qui guide T. est donc plutôt celle de la hauteur. Mais pourquoi me parle-t-il de ces « deux grands traits » ? Certainement parce que c’est l’intersection de ces « deux grands traits » qui forme la pointe la plus haute. On comprend alors un peu mieux les choses lorsque l’on examine sa réponse pour le triangle 3, où il évoque une nouvelle fois cet argument des « traits » : il a choisi le sommet du bas parce que « c’est là qu’il y a les traits penchés ». Je pense donc que lorsqu’il y a présence, dans le triangle, d’un côté horizontal (c’est le cas dans le triangle 1 comme dans le triangle 3), T. choisit le sommet opposé à ce côté, le sommet qui est formé par les côtés qui sont obliques, « penchés » (par opposition au côté horizontal). T. fait donc très certainement une analogie avec la montagne : pour une montagne, le sommet est l’endroit où se rejoignent les pentes ; pour le triangle, il choisirait donc l’endroit où se rejoignent les deux côtés « penchés ». Le triangle 3 serait donc vu comme une montagne retournée. Mais que fait-il lorsqu’il n’y a pas de côté horizontal ? C’est le cas du triangle 2. Voici comment il a expliqué son choix : « parce que c’est le même que celui-là [il veut dire que triangle 2 = triangle 1] mais qu’il est tourné ; c’est plus pointu ici [il me montre le sommet choisi] ». Apparemment, T. a donc choisi ici le sommet le plus pointu. Il a pris en référence le triangle 1, pour lequel il avait indiqué le sommet le plus haut, qui était aussi le plus pointu.
De plus, dans le cas du triangle 3, T. a semblé hésiter entre le sommet le plus pointu et le sommet le plus bas. En effet, lors de l’entretien, il m’a expliqué qu’au départ il voulait indiquer celui de droite (le plus pointu donc, mais T. n’a pas prononcé le mot « pointu ») mais qu’il avait finalement choisi celui-là (celui du bas) parce que « c’est là qu’il y a les traits penchés ».
Bilan : dans la conception de T., le sommet a donc l’air de correspondre à l’intersection des « traits penchés ». Indirectement, c’est donc sûrement la notion de hauteur qui le guide. En effet, les deux côtés « penchés » mènent au point le plus haut (ou plutôt devrait-on dire au point le plus éloigné du côté horizontal, puisque lorsque le triangle est « retourné », il s’agit en fait du point le plus bas). L’horizontale constitue apparemment pour T. la référence à prendre pour déterminer le sommet.
Lorsqu’il n’y a pas de côté horizontal, T. semble retenir le critère du « plus pointu ».
Entretien avec S
S., quant à elle, m’a donné une réponse surprenante pour chacun des triangles : « ça peut être les trois, mais j’en ai choisi un seul ». Un peu surprise par sa réponse (et également pressée par le temps), j’en ai oublié de lui demander sur quels critères elle avait fait son choix. Car bien qu’elle dise que ça aurait pu être les trois, je pense que celui qu’elle a indiqué n’a pas été choisi au hasard. D’ailleurs, cela ne se voit pas sur la reproduction de son évaluation (cf. annexe 4, p. 67), mais sur l’original nous pouvons constater que pour le triangle 2, elle avait d’abord indiqué celui d’en haut, mais a finalement gommé pour indiquer celui qui est en bas à droite.
Comme quoi, il y a bien une réflexion derrière tout cela, elle ne choisit pas le sommet au hasard. Je pense donc qu’elle a utilisé les mêmes critères que ses deux camarades, J. et T. : parfois c’est le plus pointu, parfois c’est le plus haut (ou le plus bas si le triangle est « retourné » (triangle 3)).
Mais comment expliquer qu’elle n’en ait indiqué qu’un, alors que « ça peut êtreles trois » ? Deux hypothèses sont possibles :
– elle sait qu’un triangle a trois sommets (connaissance théorique) mais face à des triangles un peu « piégeux » (notamment le triangle 1, pour lequel on est fortement tenté de n’indiquer que celui du haut), elle n’en indique qu’un car le sens courant refait surface ;
– pour elle, les trois peuvent être des sommets, mais il y en a quand-même un qui l’est plus que les autres ; en fait, elle ne sait pas trop s’il y a un ou trois sommets, ses connaissances sont incertaines et ses réponses peuvent donc varier.
Bilan
Ces cinq élèves sont donc très clairement influencés par le sens courant du mot « sommet » : dans leur conception, un triangle n’a qu’un sommet (du moins dans la pratique) ; le mot « sommet » n’est pas correctement compris. Chacun a ensuite ses propres critères pour déterminer le sommet : l’endroit le plus pointu, le point situé le plus en haut (ou le plus en bas si le triangle est retourné) ou encore le point où se rejoignent les « traits penchés » (penchés par rapport au troisième « trait », lui horizontal). Pour un même élève, le critère peut même varier selon la configuration du triangle. Ces critères leur viennent bien sûr du sens courant : le sommet de la vie courante, c’est l’endroit le plus haut, il est souvent pointu, et dans le cas de la montagne, on l’atteint en suivant les pentes…
Ils ont donc tous une conception erronée du sommet, mais nous pouvons voir que certaines conceptions se rapprochent plus de la « bonne » conception que d’autres, les conceptions des élèves sont plus ou moins « évoluées » (sans aucun jugement de valeur). En effet, nous voyons par exemple que pour K., le sommet n’est pas forcément une des pointes du triangle. Sa conception est donc un peu moins avancée. Au contraire, pour tous les autres, le sommet désigne bien une des pointes. Comme quoi, ils ont bien conscience de ces pointes, c’est-à-dire des sommets. En effet, s’ils sont capables d’en choisir une parmi les trois, c’est bien qu’ils ont conscience des trois. D’ailleurs, ils me comprennent tout à fait quand je leur demande « Le sommet, pourquoi c’est celui-là et pas un autre ? ». Ainsi, ces élèves possèdent le concept de sommet (du moins en partie) ; c’est le mot qui pose véritablement problème, pas le concept lui-même. Le problème, c’est que ce n’est pas ce concept qu’ils associent au mot « sommet » ; pour eux, le mot « sommet » ne désigne pas n’importe quelle pointe. Cependant, je dois apporter une nuance : certes, ces élèves ont conscience des pointes et savent qu’un sommet est une pointe (sauf K.), mais il n’est pas certain que tous ces élèves voient bien le sommet comme un point (point d’intersection des côtés). En effet, le sommet n’est pas toujours indiqué de manière très précise. S. a entouré le sommet, ce qui peut laisser penser que ce dernier est plutôt vu comme une zone.
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Table des matières
Introduction
I. Cadre théorique
1. Concept et mot
1.1. Qu’est-ce qu’un concept ?
1.2. Le rôle du langage dans la construction des concepts
2. Les spécificités du langage géométrique et ses difficultés d’apprentissage
3. La polysémie
3.1. Qu’est-ce que la polysémie ?
3.2. Les différents types de polysémie
3.3. La polysémie en géométrie
4. Les difficultés posées par la polysémie des mots de la géométrie
4.1. La notion de « représentation sémantique erronée »
4.2. Les difficultés de compréhension des énoncés et des consignes
5. L’exemple du mot « sommet »
5.1. Les conceptions erronées du sommet
5.2. L’histoire du mot « sommet »
5.3. Le mot « sommet » dans les programmes
6. Problématique et hypothèse
II. Méthodologie
1. Population
1.1. Contexte
1.2. Nombre de participants
1.3. Age des participants
2. Temporalité
3. Déroulement de l’expérimentation et recueil de données
4. Justification de la construction des évaluations diagnostique et sommative
III. Résultats, interprétation, discussion
1. Evaluation diagnostique et entretiens
1.1. Exercice 1
1.2. Exercice 2
1.3. Bilan
2. Séquence menée par l’enseignante
2.1. Séance 4
2.2. Séance 5
2.3. Séance 6
3. Evaluation sommative et entretiens
4. Discussion
Conclusion
Bibliographie
Table des annexes