Les sources X par diffusion Compton Inverse

Les sources X par diffusion Compton Inverse

La Diffusion Compton et la Diffusion Compton Inverse

La diffusion Compton est un phénomène observable lorsque des photons incidents entrent en collision avec des électrons des couches externes d’un atome ou avec des électrons libres. C’est une diffusion reposant sur la conservation de l’énergie totale du système étudié. Au cours d’un processus de collision, l’électron est éjecté de l’atome, qui est donc ionisé tandis que le photon est diffusé. Arthur Compton a, en 1922, observé la diminution de l’énergie des photons à l’issue de cette diffusion, effet auquel on a attribué son nom : l’effet Compton [2].

Dans le processus de diffusion Compton inverse , les électrons sont relativistes, c’està-dire qu’ils possèdent une vitesse v non négligeable par rapport à c la vitesse de la lumière. Ils sont dits ultra-relativistes dans le cas où v est proche de c. La mécanique classique ne suffit alors plus à décrire l’interaction qui doit être étudiée dans le cadre de la relativité restreinte, permettant de faire le lien entre le référentiel inertiel de l’électron et le référentiel du laboratoire. L’énergie des électrons dans le référentiel du laboratoire s’écrit Ee = γmc² où γ est le facteur de Lorentz. Lorsque γ >> 1 (cas d’électrons ultra-relativistes), l’énergie de l’électron est bien supérieure à l’énergie du photon incident. Dans le schéma de la diffusion Compton inverse c’est donc l’électron qui transfère une partie de son énergie aux photons diffusés. Il est alors possible, par l’intermédiaire de cette interaction, d’obtenir des photons très énergétiques (typiquement dans le domaine des X) à partir de photons du domaine optique.

Les spécificités de cette source la rendent particulièrement intéressante pour de nombreuses applications à très haute comme à basse énergie. Parmi les applications à basse énergie, on compte les applications dans le domaine médical, comme la radiographie ou la radiothérapie qui profite de la haute directivité du rayonnement émis [3]. Dans le domaine de la recherche, la cristallographie ainsi que la science des matériaux sont aussi des applications nécessitant un rayonnement monochromatique non destructif dans la gamme 10 à 100 keV [4]. Les applications dans le domaine d’énergie supérieure à 1 MeV sont notamment la fluorescence nucléaire utilisée pour l’étude de la sureté nucléaire et de la gestion des déchets nucléaires. Enfin, dans le domaine des très hautes énergies, supérieures à 100 MeV, ce rayonnement monochromatique polarisé peut être utilisé pour effectuer des mesures de polarimétrie sur le faisceau d’électrons [5], ou créer des faisceaux de positrons polarisés.

Parmi les sources de rayonnement X de forte brillance capable de présenter de telles caractéristiques, on compte les tubes à rayons X, les sources synchrotrons ou les lasers à électrons libres. Le choix de la source dépend notamment de son domaine d’énergie, de sa largeur spectrale mais aussi de son flux. Le paragraphe suivant a pour but de décrire brièvement ces différentes sources de rayonnement X afin de pouvoir situer les sources Compton en termes de performances et de domaines applicatifs.

Les tubes à rayons X utilisent le rayonnement de freinage, appelé aussi Bremsstrahlung. Un tube à rayons X est composé de deux électrodes disposées dans un tube à vide . Les électrons sont extraits par effet thermo-ionique en chauffant un filament de tungstène qui constitue l’anode. Une forte différence de potentiels entre les deux électrodes permet d’accélérer les électrons vers une cible qui constitue la cathode. Les électrons sont freinés dans la cible et émettent du rayonnement, en partie dans le domaine spectral X. L’énergie du rayonnement s’étend de quelques keV jusqu’à l’énergie des électrons incidents, pouvant atteindre plusieurs MeV. Il peut contenir des raies spectrales correspondant aux couches électroniques des atomes de la cible. En effet, si l’électron incident possède suffisamment d’énergie pour expulser un électron de la couche interne de l’atome, des transitions s’opèrent entre les différentes couches externes. Ces transitions se traduisent par l’émission de rayonnement aux énergies caractéristiques du matériau cible.

Les tubes à rayons X sont encore régulièrement utilisées dans les laboratoires et les cabinets de radiologie médicale. Cependant leurs domaines d’application restent limités car ce sont des sources divergentes et incohérentes : leur brillance est donc faible.

Le rayonnement synchrotron est produit lors de la déviation d’électrons en mouvement. La puissance rayonnée dépend de l’énergie de l’électron et est inversement proportionnelle au carré du rayon de courbure de sa trajectoire. Les premières sources de rayonnement synchrotron se sont installées autour d’un anneau de stockage dans lequel circulent des électrons d’énergie élevée (>> MeV). Le rayonnement est émis dans les dipôles magnétiques ou dans les onduleurs, sur une large gamme allant de quelques eV jusqu’à la plusieurs dizaines de keV avec une très forte brillance (jusqu’à 10²⁰ ph/s/mm²/mrad²/0,1%BW pour la 3ème génération). L’utilisation de monochromateurs est requise pour exploiter ce rayonnement dans une gamme d’énergie spécifique avec une faible largeur spectrale. Enfin la polarisation du rayonnement dans le domaine VUV-X-mous peut être choisie et la durée des impulsions est de quelques dizaines de picosecondes [8]. Des lignes de lumières sont aménagées tout autour de l’anneau afin de mettre à disposition des équipes de recherche le rayonnement X ainsi créé. Les expériences sur les échantillons sont effectuées en bout de ligne, après une mise en forme spécifique du faisceau pour l’adapter au besoin des utilisateurs.

Les Laser à Electrons Libres (LEL ou FEL) sont également des sources de rayonnement exploitables dans le domaine des X (X-FEL). Initialement leur domaine spectral va de l’infrarouge à l’ultraviolet. Sur le principe de fonctionnement d’un laser classique, une onde électromagnétique est stockée dans le LEL à l’aide une cavité optique formée par deux miroirs. La spécificité du LEL est le fonctionnement de son milieu amplificateur. L’idée, qui a été proposée par J. M. J. Madey en 1971, est d’utiliser un onduleur magnétique, dont le principe sera décrit ultérieurement, dans lequel se propagent des électrons relativistes. Un rayonnement synchrotron, dit « émission spontanée », est émis par les électrons qui suivent une trajectoire sinusoïdale imposée par le champ magnétique périodique de l’onduleur. Un couplage entre ce rayonnement et les électrons est rendu possible de par la composante transverse de leur vitesse dans l’onduleur. Ce couplage modifie l’énergie des électrons, ce qui a plusieurs effets : (1) établissement d’une modulation longitudinale et périodique de densité électronique au sein du paquet d’électrons, et (2) transfert d’énergie entre le faisceau d’électrons et l’onde électromagnétique. Cette onde étant au départ constituée par le rayonnement d’émission spontanée ; celui-ci est alors amplifié pour atteindre une saturation et aboutir à une onde laser intracavité. L’accordabilité en longueur d’onde du laser s’effectue en modifiant le champ magnétique de l’onduleur (en modifiant l’entrefer de l’onduleur), ou en modifiant l’énergie du faisceau d’électrons. Dans le domaine X, il n’existe cependant pas de miroirs performants en incidence normale. L’émission spontanée générée en début de l’onduleur est amplifiée en un seul passage, au fur et à mesure de la progression du paquet. D’autre part, les électrons doivent posséder une énergie de l’ordre du GeV et sont donc généralement issus d’accélérateurs linéaires performants. Dans cette configuration, il est possible de créer une source X de forte brillance et de durée d’impulsion femtoseconde [9]. Le LCLS (Linac Coherent Light Source), source développée au SLAC en Californie a par exemple réussi à produire des rayons X à une énergie de 8 keV et la brillance atteint 10³³ ph/s/mm²/mrad²/0,1%BW [10].

Il est tout à fait possible de produire des photons par diffusion Compton sur un LEL, entre le faisceau d’électrons présent dans la cavité du LEL et le pulse laser intra-cavité généré par le LEL luimême. Parmi les premières expériences de production de rayonnement par diffusion Compton inverse sur une installation LEL, on peut citer l’expérience réalisée au Centre Laser Infrarouge d’Orsay (CLIO). Le rayonnement produit était accordable entre 7 et 12 keV, de durée picoseconde et offrait un flux de photons X allant jusqu’à 10⁵ ph/s soit une brillance de 10¹⁰ ph/s/mm²/mrad²/0,1%BW [11].

En résumé, les sources existantes dans la gamme 10-100 keV sont aujourd’hui capables d’atteindre des brillances très élevées. Les sources Compton inverse possèdent l’avantage d’offrir un rayonnement assez monochromatique et facilement accordable sur un large intervalle spectral. La dépendance de l’énergie du rayonnement Compton en fonction de l’angle de diffusion permet de réduire la largeur de bande spectrale avec une simple collimation. D’autre part, la finesse du spectre rayonné dépend des propriétés du faisceau d’électrons dont la source est issue. Cette propriété est essentielle dans la plupart des applications puisque l’énergie doit généralement être parfaitement adaptée à la nature de l’échantillon étudié. Similairement au rayonnement synchrotron, le rayonnement Compton peut être émis en régime pulsé, dans un domaine sub-picoseconde tout en conservant la polarisation du rayonnement incident.

Le principal atout des sources Compton réside dans leur compacité qui leur permet de s’implanter dans des espaces réduits tels que les laboratoires, les hôpitaux ou les musées. Il est aussi tout à fait envisageable de l’insérer, pour un coût raisonnable, dans une installation préexistante comme c’est le cas pour la source Compton inverse d’ELSA.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Les sources X par diffusion Compton Inverse
1.1 La Diffusion Compton et la Diffusion Compton Inverse
1.2 Les sources Compton dans le monde
1.2.1 Le rayonnement X et ses applications
1.2.2 Les sources Compton existantes
1.2.3 Les projets
1.2.4 Les moyens d’optimisation
1.3 La source Compton d’ELSA
Chapitre 2 : Aspects théoriques
2.1 La diffusion Compton inverse
2.1.1 Notion de base
2.1.2 Importance du référentiel
2.1.3 Vision particulaire
2.1.4 Vision ondulatoire
2.2 Physique des faisceaux d’électrons
2.2.1 Guidage du faisceau d’électrons
2.2.2 Emittance
2.3 Physique des faisceaux laser
2.3.1 Effet de l’inclinaison des deux faisceaux mis en jeu
2.3.2 Influence de la différence de taille des faisceaux mis en jeu
2.4 Propriétés du faisceau de photons résultant
2.4.1 Distribution angulaire du rayonnement X
2.4.2 Influence de la polarisation du laser d’interaction
2.4.3 Calcul du nombre de photons rétrodiffusés par un électron
2.4.4 Calcul du nombre de photons rétrodiffusés par un paquet d’électrons idéal
2.4.5 Conclusion sur les propriétés du faisceau de photons X émis
2.5 SMILE : description théorique
2.5.1 Motivations
2.5.2 Principe
2.5.3 Dimensionnement du Système
2.5.4 Définition des miroirs
2.5.5 Effets des interférences
2.5.6 Conclusion
Chapitre 3 : Description d’ELSA
3.1 Description d’ELSA 19 MeV
3.2 Montée en énergie des électrons d’ELSA à 30 MeV
Chapitre 4 : Description, caractérisation et mise en place des dispositifs pour l’expérience
4.1 Nouvelle configuration de la ligne d’expérience
4.1.1 La chambre d’interaction
4.1.2 Diagnostics de recouvrement des faisceaux
4.2 Le laser d’interaction
4.3 Les diagnostics X
4.3.1 Diagnostics de caractérisation de la source
4.3.2 Diagnostic de réglage de la source
Chapitre 5 : Expériences sans SMILE
5.1 La source Compton à 17,7 MeV
5.1.1 Comparaison des expériences de 2015 avec des électrons de 17,7 MeV avec les prédictions théoriques
5.1.2 Réduction du bruit de fond
5.2 Expériences Compton avec des électrons de 30 MeV
5.2.1 Paramètres de réglage des faisceaux
5.2.2 Caractérisation du spectre de la source X obtenue
5.2.3 Caractérisation de l’intensité de la source X obtenue
5.2.4 Effet de la polarisation sur la source Compton
5.2.5 Conclusion
Chapitre 6 : Expériences avec le SMILE
Conclusion

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