La multiplicitรฉ et la complexitรฉ des mรฉthodes et techniques nuclรฉaires gรฉnรจrent une instrumentation de plus en plus spรฉcialisรฉe dans laquelle lโรฉlectronique joue un trรจs important. En effet le dรฉveloppement des systรจmes รฉlectroniques intรฉgrรฉs permet de traiter de trรจs faibles signaux avec un appareillage de dimensions de plus en plus rรฉduites. Dans ce contexte, nous nous proposons de prรฉsenter ce mรฉmoire qui porte sur lโinstrumentation รฉlectronique en physique nuclรฉaire dans lโinteraction du rayonnement avec la matiรจre.
LES RAYONNEMENTS IONISANTS
Un rayonnement ionisant, est un rayonnement dont l’รฉnergie est suffisante pour arracher un ou plusieurs รฉlectrons ร la matiรจre (atomes, molรฉcules, ions) qu’il rencontre sur son passage. Les rayonnements ionisants sont classรฉs en deux types [1,2] :
โ les rayonnements รฉlectromagnรฉtiques et particules non chargรฉes appelรฉs rayonnements indirectement ionisants (R.I.I).Ce sont les rayonnements ฮณ, ะฅ de freinage, les neutrons et les neutrinos ;
โ les particules chargรฉes, appelรฉes aussi rayonnements directement ionisants (R.D.I). Ce sont les particules ฮฑ, ฮฒ+ , ฮฒ- , les protons et les fragments de fissions.
Lorsquโune particule pรฉnรจtre dans la matiรจre, elle y produit des interactions qui dรฉpendent principalement de son รฉnergie mais aussi dโautres grandeurs empiriques telles que :
โ son parcours : la distance effectivement parcourue dans la matiรจre (longueur de sa trajectoire) ;
โ sa portรฉe : la profondeur de pรฉnรฉtration P de la particule dans la matiรจre, elle peut รชtre calculรฉe par la relation empirique de Faether [2]: P = 0,54E โ 0,16 pour E > 0,8 MeV (1).
LES SOURCES DE RAYONNEMENTS IONISANTSย
Les sources de rayonnement ionisants sont classรฉes en fonction de leur mode de production et par le type de particules รฉmises: รฉlectrons, noyaux d’hรฉlium, rayons X, rayons ฮณ, etc. Les principales sources de rayonnements ionisants sont :
Le rayonnement cosmiqueย
On appelle rayons cosmiques, lโensemble des rayonnements primaires de trรจs haute รฉnergie provenant du soleil, ou de toute autre partie de l’univers, ainsi que les rayonnements secondaires crรฉรฉ par les rayonnements primaires lors de leur interaction avec l’atmosphรจre. Certaines composantes du rayonnement secondaire (neutrons, photons, muons) atteignent le sol. L’intensitรฉ du rayonnement cosmique varie entre autres avec la latitude et l’altitude. Les rayons cosmiques sont responsables de la production d’isotopes radioactifs dans la haute l’atmosphรจre. En particulier le carbone 14, utilisรฉ pour la datation de matรฉriaux d’origine organique, est produit ร partir de collisions entre des atomes dโazote de lโatmosphรจre et des neutrons (eux-mรชmes produits lors dโautres collisions dans lโatmosphรจre). Le rayonnement cosmique primaire est une source persistante de particules chargรฉes ร laquelle se trouve confrontรฉ tout รฉquipement susceptible de s’รฉlever au delร des couches denses de l’atmosphรจre terrestre.
Constituรฉ pour l’essentiel de protons de haute รฉnergie, le rayonnement cosmique primaire emporte รฉgalement des particules ฮฑ qui reprรฉsentent environ 12% des particules du rayonnement cosmique, ainsi que des noyaux d’atomes ร numรฉros atomiques plus รฉlevรฉs (moins de 2% des particules cosmiques) . La contribution des particules ฮฑ est donc loin d’รชtre nรฉgligeable. Pour mรฉmoire, le rayonnement cosmique primaire comporte aussi des รฉlectrons de haute รฉnergie (environ 1% des particules cosmiques). Telles quโobservรฉes ร bord d’un satellite รฉvoluant loin de l’effet du champ magnรฉtique terrestre, les particules du rayonnement cosmique primaire semblent provenir de toutes les directions, formant ainsi un flux isotrope [3].
Les radioรฉlรฉments
Les radioรฉlรฉments les plus frรฉquents dans les roches terrestres sont l’isotope 238 de l’uranium (238U), l’isotope 232 du thorium (232Th) et surtout l’isotope 40 du potassium (40K). Outre ces radioisotopes naturels encore relativement abondants, il existe dans la nature des isotopes radioactifs en abondances beaucoup plus faibles. Il s’agit notamment des รฉlรฉments instables produits lors de la suite de dรฉsintรฉgrations des isotopes du radium et du radon.
Un des radioรฉlรฉments naturels parmi les plus utilisรฉs par l’homme est l’isotope 235 de l’uranium (235U) qui se trouve dans lโuranium naturel en faible concentration (0,72 %) associรฉ ร l’isotope 238U, mais dont on modifie la concentration par des techniques d’enrichissement pour qu’il puisse servir ร la production d’รฉnergie nuclรฉaire civile et militaire [4]. Un autre radio-isotope naturel est le radiocarbone, c’est-ร -dire l’isotope 14 du carbone (14C). Ce dernier est constamment produit dans la haute atmosphรจre par des rayons cosmiques interagissant avec l’azote, et se dรฉtruit par dรฉsintรฉgrations radioactives ร peu prรจs au mรชme taux qu’il est produit, de sorte qu’il sโรฉtablit un รฉquilibre dynamique qui fait que la concentration du 14C reste plus ou moins constante au cours du temps dans l’air et dans les organismes vivants qui respirent cet air. Cette datation au radiocarbone 14 est un outil de recherche trรจs prisรฉ en archรฉologie et permet de dater avec une bonne prรฉcision des matรฉriaux organiques dont l’รขge ne dรฉpasse pas cinquante ร cent mille ans (la pรฉriode de 14C est de 5568 ans). Dans le cas gรฉnรฉral, les radioรฉlรฉments produisent des rayonnements ionisants ร la suite de divers processus de dรฉsintรฉgrations radioactives [5, 6].
Les sources de photonsย
On distingue principalement deux types de photons ionisants : les rayons X et les rayons ฮณ : les photons ฮณ sont issus de transitions รฉlectroniques alors que les photons X sont le rรฉsultat de transitions รฉnergรฉtiques de noyaux atomiques. A titre dโexemple, la capture d’un รฉlectron (capture รฉlectronique) par son noyau conduit ร l’รฉmission d’un rayonnement X. En outre, la dรฉsexcitation d’un noyau de cobalt 60 en cobalt 60 ยซย fondamentalย ยป libรจre un rayonnement ฮณ de 59 keV [7].
INTERACTIONS DES RAYONNEMENTS IONISANTS AVEC LA MATIEREย
Interaction des rayonnements particulairesย
Les particules chargรฉes
Lorsquโune particule chargรฉe pรฉnรจtre dans la matiรจre, elle interagit essentiellement avec les รฉlectrons pรฉriphรฉriques des atomes. Les interactions faisant appel aux forces nuclรฉaires, pouvant conduire ร des modifications de la structure du noyau, sont peu probables; il faudrait pour cela que la particule incidente ait une รฉnergie suffisante pour passer au travers du cortรจge รฉlectronique et du champ รฉlectrique engendrรฉ par le noyau. Bien que l’รฉnergie transmise ร un รฉlectron pรฉriphรฉrique lors de l’interaction soit gรฉnรฉralement faible, elle suffit pour placer l’รฉlectron sur un niveau d’รฉnergie supรฉrieur: il y a excitation de l’atome, voire ionisation de celui-ci. La particule incidente peut รฉgalement perdre de l’รฉnergie par รฉmission d’un rayonnement รฉlectromagnรฉtique. A chaque interaction, l’รฉnergie de la particule diminue et celle-ci est peu ร peu ralentie.
โข L’ionisation et l’excitation
Les รฉlectrons du rayonnement cosmique interagissent de maniรจre prรฉpondรฉrante avec ceux des atomes constituant le milieu traversรฉ.
โ Si l’รฉnergie transfรฉrรฉe par l’รฉlectron incident est supรฉrieure ร l’รฉnergie de liaison d’un รฉlectron de l’atome cible, celui-ci est expulsรฉ du cortรจge et il y a ionisation de l’atome. Les รฉlectrons atomiques concernรฉs sont les รฉlectrons fortement liรฉs de la couche K.
โ Si l’รฉnergie transfรฉrรฉe par l’รฉlectron incident est exactement รฉgale ร la diffรฉrence entre les รฉnergies de liaison de 2 couches รฉlectroniques de l’atome cible, un รฉlectron de cet atome saute sur une couche supรฉrieure moins liรฉe et il y a excitation. Les รฉlectrons atomiques concernรฉs sont les รฉlectrons faiblement liรฉs des couches externes.
Les ionisations et les excitations sont ร l’origine des lรฉsions biologiques radio induites .
โข Le rayonnement de freinage (Bremsstrahlung)
Plus rarement les รฉlectrons interagissent avec les noyaux des atomes constituant le milieu traversรฉ. L’รฉlectron incident est dรฉviรฉ dans le champ coulombien de l’atome cible et ce changement de trajectoire s’accompagne de l’รฉmission d’un rayonnement X appelรฉ rayonnement de freinage. Ce phรฉnomรจne ne concerne que les รฉlectrons de trรจs fortes รฉnergies (plusieurs MeV) et qui de plus traversent un milieu constituรฉ d’atomes lourds, c’est-ร -dire un milieu dense.
Il faut prohiber des รฉcrans de plomb pour s’en protรฉger. En effet, le plomb Pb รฉtant extrรชmement dense, on augmente le rayonnement de freinage. Il faut au contraire utiliser un matรฉriau lรฉger comme le plexiglas ou altuglas (polymรฉtacrylate de mรฉthyle: ย [CH2-C(CH3CO2(CH3))]n).
โข Cas particulier des positons : lโannihilation
Quand un positon ฮฒ+ incident a perdu la totalitรฉ de son รฉnergie cinรฉtique initiale, il s’associe ร un nรฉgaton et ces 2 particules se dรฉmatรฉrialisent. C’est ce que l’on appelle l’annihilation. Les lois de la conservation de l’รฉnergie montrent qu’il en rรฉsulte la crรฉation de deux photons ฮณ รฉmis dans des directions opposรฉes, chacun transportant une รฉnergie รฉgale ร 511 keV.
Interaction des neutrons
On peut classer les interactions des neutrons avec la matiรจre en deux catรฉgories :
โ la diffusion : ralentissement des neutrons par transfert dโune partie de leur รฉnergie au milieu matรฉriel;
โย la capture : absorption du neutron par le milieu matรฉriel.
LES DETECTEURS DE RAYONNEMENTS IONISANTSย
On dรฉtecte les rayonnements ionisants en utilisant les deux types d’interactions avec la matiรจre : l’ionisation et l’excitation. Ces interactions des particules chargรฉes et des photons avec la matiรจre se traduisent par un รฉchange dโรฉnergie avec les รฉlectrons du milieu traversรฉ, รฉchange direct dans le cas des particules chargรฉes et par dรฉplacement des รฉlectrons dans le cas des photons.
La fonction de la plupart des dรฉtecteurs de rayonnements est de sรฉparer et de compter les ions (ou les รฉlectrons) produits par le passage dโun rayonnement au travers du dรฉtecteur et ceci au moyen dโun champ รฉlectrique imposรฉ ร ce dรฉtecteur. Gรฉnรฉralement le rayonnement va pรฉnรฉtrer dans le volume sensible du dรฉtecteur qui sera un matรฉriau gazeux, solide ou liquide selon le type de rayonnement que lโon veut mesurer. Lโinteraction va produire le long de la trajectoire un chapelet dโรฉvรจnements discrets (รฉlectrons dโionisation, photons, chaleur etc.). Ces รฉvรจnements vont donner un signal, le plus souvent รฉlectrique, qui va signer le rayonnement dรฉtectรฉ selon les trois paramรจtres suivants :
โข le nombre de signaux dรฉlivrรฉs par le dรฉtecteur fournira le nombre de rayonnements ayant donnรฉ une interaction ;
โข Cette mesure permet รฉgalement, lors de la collection de chaque รฉlรฉment individuel, dโen calculer lโรฉnergie ;
โข On peut รฉgalement disposer de lโรฉnergie totale dรฉposรฉe dans le dรฉtecteur.
Le plus simple de ces dรฉtecteurs est la chambre ร ionisation qui peut รชtre considรฉrรฉe comme un condensateur plan et dans lequel lโespace entre les plaques est rempli dโun gaz, le plus souvent de lโair.
Les principaux types de dรฉtecteurs sont :
โย les dรฉtecteurs mettant en jeu lโionisation des gaz ;
โย les dรฉtecteurs ร scintillations ;
โย les dรฉtecteurs utilisant le noircissement des films photographiques ;
โย les dรฉtecteurs thermoluminescents ;
โย les dรฉtecteurs ร semi โ conducteurs ;
โย les dosimรจtres par rรฉsonance paramagnรฉtique รฉlectronique ;
โย les dosimรจtres chimiques ;
โย les appareils mettant en jeu les mรฉthodes calorimรฉtriques.
Il faut faire la distinction entre dรฉtecter la prรฉsence de radiations et mesurer une grandeur caractรฉristique telle que le dรฉnombrement des rayonnements, leur รฉnergie, la dose absorbรฉe, le dรฉbit de dose absorbรฉe…Quel que soit le mode de fonctionnement d’un dรฉtecteur et donc le principe sur lequel s’appuie la dรฉtection des rayonnements, il est toujours constituรฉ des mรชmes รฉlรฉments:
1) un capteur au niveau duquel le rayonnement interagit avec la matiรจre ;
2) un systรจme d’amplification qui met en forme et amplifie le signal produit par la sonde ;
3) รฉventuellement un systรจme de traitement du signal ;
4) un systรจme d’affichage qui indique le flux de particules (le compteur), l’รฉnergie des particules (le spectromรจtre) et la dose absorbรฉe ou le dรฉbit de dose absorbรฉe (le dosimรจtre ou le dรฉbitmรจtre).
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
CHAPITRE I : LES RAYONNEMENTS IONISANTS
I.1. Introduction
I.2. Les sources de rayonnements ionisants
I.2.1. Le rayonnement cosmique
I.2.2. Les radioรฉlรฉments
I.2.3. Les sources de photons
I.3. Interactions des rayonnements ionisants avec la matiรจre
I.3.1. Interaction des rayonnements particulaires
I.3.2. Interactions des photons
CHAPITRE II : LES DETECTEURS DE RAYONNEMENTS IONISANTS
II.1. Introduction
II.2. Caractรฉristiques gรฉnรฉrales des dรฉtecteurs
II.2.1. La rรฉsolution en รฉnergie
II.2.2. Lโefficacitรฉ de la dรฉtection
II.2.3. Le temps mort
II.3. Les dรฉtecteurs ร gaz
II.3.1. Principe et fonctionnement
II.3.2. Mรฉcanisme de lโamplification
II.3.3. La chambre dโionisation
II.3.4. Le compteur proportionnel
II.3.5. Le compteur Geiger โ Mรผller
II.3.6. Inconvรฉnients et avantages des compteurs ร gaz
II.3.7. Caractรฉristiques des dรฉtecteurs ร gaz
II.4. Les dรฉtecteurs solides et liquides
II.4.1. Les dรฉtecteurs ร scintillations
II.4.2. Les dรฉtecteurs ร semi-conducteurs
II.4.3. Caractรฉristiques essentielles des dรฉtecteurs ร semi – conducteurs
CHAPITRE III : ELECTRONIQUE ASSOCIEE AUX DETECTEURS DE RAYONNEMENTS IONISANTS
III.1. Introduction
III.2. Le prรฉamplificateur
III.2.1. Prรฉamplificateur de tension
III.2.2. Prรฉamplificateur de charge
III.2.3. Montage prรฉamplificateur simple
III.3. Lโamplificateur linรฉaire
III.4. Lโanalyseur monocanal
III.5. Lโunitรฉ de coรฏncidence
III.6. La ligne ร retard
III.6.1. Principe
III.6.2. Structure
III.6.3. Temps de retard
III.6.4. Impรฉdance caractรฉristique
III.6.5. Attรฉnuation
III.7. La porte linรฉaire
III.8. Lโamplificateur opรฉrationnel
III.8.1 Description
III.8.2. Fonctionnement
III.8.3. les diffรฉrentes technologies
III.9. Lโanalyseur multicanaux
CONCLUSION
ANNEXE : Les unitรฉs dโactivitรฉ et de dose
BIBLIOGRAPHIE