les soins palliatifs: le lien douleur et souffrance

Au début de l’hospitalisation, je rencontre les deux sœurs de Mr B. Lui est le plus jeune de la fratrie. Elles expriment au médecin et à l’équipe le besoin de rester au chevet de leur frère jours et nuits. Elles savent que son état est grave, que sa fin de vie se fait proche. Elles souhaitent profiter de chaque instant qu’il leur reste. Au fil des jours, un lien relationnel entres elles et l’équipe se tisse. L’une d’elles, un après midi, me relate leur enfance difficile. Elle m’explique la perte brutale de leurs parents à un jeune âge qui a eu pour conséquence, grâce à l’aide de leur oncle, leur arrivée en France. A travers son récit et l’émotion qu’il s’en dégage, je m’aperçois rapidement que leur lien est très fort. La sœur de Mr B m’explique ensuite que les addictions de son frère, s’installant progressivement, était pour elle le reflet de ces deuils qu’il n’a pu traverser. Mr B a eu un parcours marginal au travers de ses métiers, de ses lieux de vie, de ses relations avec ses proches. Il a adopté des conduites à risque tels que l’alcool, les drogues. Il a consommé de plus en plus de substances notamment l’héroïne à laquelle il est devenu très vite dépendant. C’est à cette période que les liens entre eux se sont altérés. Ce n’est qu’à l’âge de vingt-huit ans qu’il a accepté de tenter un sevrage. Il a donc été substitué quelques années. A ce jour, cela fait maintenant huit ans que Mr B est sevré.

Du fait des douleurs, de la fatigue et de sa nature plutôt réservée, Mr B échange peu avec moi et l’équipe en général. Il ne parle que très rarement de son passé, restant très évasif. Il est d’une nature vive, impatiente. Il faut que les choses aillent vite. Et quand ça n‘est pas le cas, il fait passer sa demande par l’intermédiaire d’une de ses sœurs. Ses sœurs nous aident à mieux le comprendre et sont d’une grande aide dans la prise en soins. Cet échange avec l’une d’elle m’a permis de mieux cerner Mr B, de mieux connaître sa personnalité et de savoir un peu plus comment l’aborder. J’avais le sentiment qu’il était un patient à « apprivoiser » pour que la prise en soin soit la plus adaptée.

Cela fait maintenant trois semaines que Mr B est dans l’unité. De jour en jour, son état s’aggrave tant sur le plan physique que psychologique. Il ne se mobilise que très peu, supporte mal la perte d’autonomie. Les douleurs essentiellement abdominales redeviennent très difficiles à contrôler. Mr B n’a que peu de moment de repos. Le traitement antalgique de fond instauré est du chlorhydrate de morphine en intraveineuse par seringue électrique ainsi qu’une seringue électrique intraveineuse de kétamine. Des interdoses de chlorhydrate de morphine associées à de la kétamine lui sont également administrées en intraveineuse directe plusieurs fois par jour. A ceci, apparaissent des nausées et vomissements. Les moments douloureux s’accompagnent d’une anxiété majeure. Il verbalise peu mais la présence de ses sœurs, ses proches ou des soignants semble le sécuriser dans ces moments d’inconforts.

Un dimanche, de poste d’après-midi, je prends la relève de mon collègue. Au décours des transmissions, il m’explique la difficulté de prise en charge de la douleur de Mr B depuis sa prise de poste. Il se montre agacé par ses appels incessants et par la présence d’une de ses sœurs qui vient le chercher à chaque fois que son frère est douloureux. Il me dit que Mr B en plus de cela est très désagréable, voir incorrect. A cet instant, je ne comprends pas la réaction de mon collègue à l’égard du patient et de sa sœur. Je reste donc silencieuse et attend qu’il poursuive ces transmissions. Mais brusquement, notre échange est interrompu par une des aides soignantes qui transmet à mon collègue que Mr B est de nouveau algique. Il se rend donc dans la chambre de Mr B pour lui administrer une interdose. Quelques minutes plus tard, je lui demande comment s’est déroulé le soin. Il me dit fermement qu’il lui a administré une interdose de sérum physiologique en me disant que « de toute façon c’est un toxico, tout ce qu’il veut c’est une injection ». Je ne m’attendais pas à cette réponse et suis restée muette face à lui. Pourquoi ce jour-là fit-il référence à l’antécédent de Mr B, alors que ce patient était hospitalisé depuis déjà trois semaines dans notre service? Je me suis sentie très gênée face au patient et à sa sœur. J’avais le sentiment de briser leur confiance, de leur mentir en sachant que mon collègue avait administré du sérum physiologique. Puis, je me suis interrogée sur qu’est-ce qui pourrait expliquer la réaction de mon collègue? Face à la douleur qui a persisté malgré le traitement prescrit, je pris contact avec le médecin du service. Mr B a nécessité d’une augmentation des doses d’antalgique associée à une anxiolyse. Il est décédé le surlendemain des suites d’une hémorragie massive.

De nos jours, la douleur est un « événement indésirable évitable » dans l’organisation actuelle des soins. En vingt ans, la prise en charge de la douleur est devenue un engagement des pouvoirs publics qui s’est traduit par différents plans gouvernementaux (3 plans triennaux: 1998- 2000, 2002-2005, 2006-2010). De par sa définition, la douleur est une expérience rattachée au corps, expérience subjective dans laquelle le patient est l’expert. Cette expertise du patient demeure « en l’absence d’une altération de la conscience, de barrière linguistique ou de troubles cognitifs majeurs » .

Lorsqu’elle devient chronique, la douleur perd sa valeur de symptôme médicale, évolue pour son propre compte et remanie profondément l’individu. Elle devient alors un syndrome dont la prise en charge se révèle habituellement plus difficile. Cette prise en charge est également fonction des mécanismes de la douleur, qu’il s’agisse d’excès de nociception, de mécanisme neuropathique ou bien encore d’une participation psychologique prépondérante ou mécanisme psychogène. Malgré tous les progrès de la médecine moderne, le nombre de personne souffrant de douleur chronique est en constante augmentation. Cependant, la douleur semble sous estimée par les équipes médicales et paramédicales, du notamment à l’existence d’un manque de connaissance ou de formations qui altère sa prise en charge. Le soignant de par son rôle doit entendre la plainte douloureuse et en rechercher la cause. Ceci implique une évaluation précise permettant de prendre connaissance de la personnalité du patient autant que de sa douleur et adopter comme principe premier le fait qu’il ne faut jamais mettre en doute la réalité de sa souffrance. Un patient qui ne sent pas la prise en considération de sa douleur perd confiance dans l’équipe et dans l’institution.

La douleur surtout lorsqu’elle évolue vers un tableau clinique chronique peut donc générer la souffrance. La souffrance s’aborde plutôt par le biais du discours et du travail psychique, tandis que la douleur (physique ou morale) requiert très souvent une « action » (de type médicamenteux ou autres…). Les liens entre souffrance et douleurs sont à la fois complexes et ténus. C’est pour cela qu’il importe dans tous les cas de traiter simultanément la symptomatologie anxio-dépressive et la pathologie chronique, surtout dans un contexte de fin de vie. La douleur est au centre des soins palliatifs, d’une part car il est reconnu que son soulagement fait diminuer la demande de mourir que peuvent formuler les patients, et aussi parce qu’elle est le premier symptôme qui amène les malades vers les unités ou vers les équipes mobiles. Depuis de nombreuses années, le mouvement des soins palliatifs et les spécialistes de l’antalgie s’évertuent à souligner que la douleur n’est pas une fatalité. L’obligation de la soulager n’est pas seulement un critère de bonne pratique médicale mais tient aussi d’un principe éthique, si bien que le traitement inadéquat de la douleur peut être considéré comme une mauvaise pratique enfreignant l’éthique médicale. Il est essentiel de remarquer que la douleur dans les soins palliatifs a été l’objet d’un questionnement très précoce, dès le début des premières unités, par son instigatrice Cicely SAUNDERS . Dans les années soixante en Grande-Bretagne, Cicely SAUNDERS la définit sous le concept de « Total Pain » ou souffrance globale. Ce concept a été mis en place pour illustrer le passage du « guérir » (to cure) au « soigner » (to care).

Des études sur la douleur des patients cancéreux ont montré que la moitié des patients reçoivent un traitement inadéquat de leur douleur. La peur d’une accoutumance induite par le recours aux opiacés reste souvent ancrée dans l’imaginaire collectif, ce qui expliqueraient ce défaut de prise en charge de la douleur. Toutefois au cours des années, il s’est avéré que la consommation de morphine par habitants en France a évolué, passant du 39 ème rang en 1989 au 6 ème rang en 2003 . Mais, il persiste une ambiguïté autour de la morphine. Cette substance se trouve face à deux préoccupations contradictoires à son égard: d’une part l’amélioration de la prise en charge de la douleur passe en partie par une meilleure adéquation de la prescription des médicaments antalgiques et d’autres part par un combat permanent contre les toxicomanies. Comme tous les médicaments, la morphine présente des inconvénients et des risques parmi lesquels le premier qui vient à l’esprit des professionnels est la dépendance, la toxicomanie. Malgré des moyens mis en place pour lutter contre ses idées reçues concernant les morphiniques, des résistances persistent tant en milieux de soins généraux qu’en psychiatrie. Il existe encore beaucoup de malades mal soulagés tandis qu’il n’y a pratiquement pas de toxicomanie induite par une pratique maladroite ou inopportune. La peur de la toxicomanie fait une victime: les patients ayant un antécédent ou une pratique active de toxicomanie.

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Table des matières

Introduction
Récit de la situation
Analyse de la situation
I. La douleur
a) définition et généralités
b) les soins palliatifs: le lien douleur et souffrance
c) opÏophobie, dépendance: quel constat ?
d) prise en charge de la douleur du patient toxicomane
II. La toxicomanie
a) définition et généralités
b) y-a-t-il une personnalité du toxicomane ?
c) quand le toxicomane a mal
III. Représentations des soignants
a) définition
b) les représentations: nid de la stigmatisation
c) le stigmate
IV. Impact de la stigmatisation:
a) dans la relation soignant-soigné
b) dans le soin
c) dans la réponse au placebo
V. Synthèse
VI. Conclusion

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